L’empowerment des patients : de l’empowerment individuel a l’empowerment collectif

« L’empowerment sera certainement l’un des thèmes importants dans l’histoire de l’économie au cours du prochain siècle » annonçait Malone en 1997. Sa prédiction s’est vérifiée. De janvier 2000 à janvier 2019, plus de 150 000 publications sur l’empowerment ont été indexées sur Ebsco et Wiley contre seulement 23 000 entre 1960 et 1999 . En quelques années, l’empowerment est devenu un concept universel repris dans nombre de disciplines et sous toutes les latitudes. Tout a commencé avec les sciences de l’éducation. Le pédagogue brésilien, Paulo Freire (1921-1977), a désigné l’empowerment comme une méthode d’éducation active libérant la conscience des opprimés. L’attrait pour ce concept d’émancipation individuel et collectif a séduit les tenants de la psychologie communautaire (Rappaport, 1981). Cette démarche visant à reprendre en main son destin a par la suite inspiré les travailleurs sociaux notamment ceux qui interviennent auprès des minorités afro-américaines (Solomon, 1987). Il a guidé le contenu des programmes de développement mondiaux, dédiés aux femmes (UNIFEM, 2000) , et ceux des ONG installées dans les pays émergents (Sen, 1988). Ce concept a été décliné dans l’écotourisme. Ses soutiens ont plaidé pour que tout projet, depuis le stade de la faisabilité jusqu’à sa mise en œuvre, soit guidé par les voix et préoccupations de la population locale (Scheyvens, 1999). En politique de la ville, l’empowerment a posé la question du pouvoir à travers la capacité des groupes dominés à s’organiser, à s’autodéterminer et à peser sur les décisions qui concernent le quartier, le pouvoir politique et administratif (Bacqué et al., 2006). Dans le monde de l’entreprise, l’empowerment est associé aux stratégies d’implication des employés dans les décisions qui affectent leur travail (Kular, 2008). De la même manière, dans les relations clients, il désigne la possibilité qui leur est faite d’affirmer leurs propres choix et de prendre des décisions à partir de leurs besoins (Wright et al., 2006). Il est donc intéressant de noter que ce terme initialement synonyme de pouvoir conquis par ceux qui en ont le moins, a perdu sa dimension libératrice en pénétrant dans les sciences de gestion pour s’apparenter à une forme de délégation encadrée (Pires, 2006) accordée par l’entreprise à des individus et non plus à des groupes, à des consommateurs et non pas à des citoyens.

Les enjeux de la recherche doctorale

Encouragé par les instances internationales (OMS UN Women) et nationales (Ministère de la santé ), l’empowerment est devenu un enjeu pour le développement des pays et pour la performance des systèmes de santé notamment dans les démocraties sanitaires avancées. Mais de quel empowerment parle-t-on ? La littérature distingue l’empowerment individuel et collectif.

Si l’efficacité de l’empowerment individuel est désormais attestée, il n’en va pas de même pour l’empowerment collectif. En 1986, dans sa Charte d’Ottawa, l’OMS présente l’empowerment du patient comme une condition du succès de la promotion de la santé, insistant sur la nécessité de « renforcer la capacité que les individus et les collectivités ont d’agir sur les déterminants de leur santé, pour améliorer celle-ci». Une vingtaine d’années plus tard, l’OMS démontre la corrélation entre l’accroissement de l’empowerment individuel et le gain en santé. Mandatée par l’OMS, Wallerstein (2006) a recherché les preuves de l’efficacité de l’empowerment sur l’amélioration de la santé. A partir d’une revue de littérature de plus de deux cent cinquante publications internationales, elle a pu confirmer que le patient empowéré améliore son état de santé et accède à une meilleure qualité de vie. Un patient qui comprend ce qui se passe dans son corps et les soins qu’il va recevoir, rend le traitement et le travail des médecins plus efficaces et se porte mieux. Le bénéfice individuel se traduit principalement par une « amélioration de l’efficacité des prises de décision individuelles et de la gestion des complications de la maladie et de l’adoption de comportements plus favorables à la santé ». L’empowerment augmente le niveau de satisfaction du patient. Grâce à l’empowerment, celuici rompt avec la spirale négative créée par la maladie et faite d’aliénation, de sentiment d’incapacité, de dépendance et de solitude (Aujoulat et al., 2008). Comprenant mieux les symptômes et leurs traitements, il arrive à reprendre le contrôle de sa vie. Ces gains psychologiques s’accompagnent d’une montée en connaissance, en compétence et en autonomie (Bodenheimer et al., 2002. Burlingame et al., 2003, Winicki, 2007, Aujoulat et al. 2008, Rains et al., 2009, Wicks, 2010, Chiu YC et al., 2013, Bibault et al., 2016, Smailhodzic, 2016).

D’autres avantages individuels ont été révélés par des études telles que la diminution des risques et des événements indésirables (Bodenheimer et al., 2002). Ainsi il est démontré que le patient « empowéré » crée un niveau de sécurité supplémentaire en prévenant, détectant et corrigeant certains oublis ou erreurs des soignants (Bibault et al., 2016). De ce fait, il évite des aggravations pouvant entraîner des hospitalisations et un surcoût pour le système de santé. La gestion éclairée de la maladie réduit le taux de non-respect des ordonnances qui s’élève à 30% chez les patients chroniques (Winicki, 2007), de complications et de surconsommation médicale . Au-delà des enjeux sanitaires, l’empowerment du patient a aussi un impact économique positif puisqu’il tend à limiter les recours aux services hospitaliers et aux consultations. Cette appropriation du traitement qui relève à la fois du savoir et des pratiques montre tout l’intérêt du rôle actif du patient (Coutelle-Brillet et al., 2016) et donc de son empowerment.

Les lacunes des recherches actuelles, l’empowerment collectif une voie à explorer

La plupart des publications s’attachent à démontrer l’intérêt d’une participation active du patient dans son traitement et ses soins. Les bénéfices s’apprécient en termes de qualité de vie, d’amélioration de l’état de santé (Burlingame et al., 2003, Rains et al., 2009, Wicks, 2010, Chiu YC et al. 2013, Smailhodzic, 2016), d’apport psychologique (Uden-Kraan et al., 2016), d’estime et de confiance en soi et en gain de connaissances (Boudier et al., 2012).

Pour préciser les bienfaits de l’empowerment individuel du patient, de nombreuses échelles de mesure ont été construites . Dans leur revue de littérature, Cyril et al. (2016) en ont étudié une vingtaine. La plupart des items concernent le développement personnel du patient. Son empowerment est évalué en fonction de sa perception et de son contrôle sur sa maladie (auto-conscience), de ses connaissances et de ses compétences (auto-efficacité), de sa capacité à prendre des décisions ou à les négocier avec les soignants (auto-détermination) (Ben Ayed et al., 2016), de sa volonté d’affirmer son identité, sa singularité, en toute indépendance (agency) (Botti et al. 2011), de sa capacité à grandir à travers l’épreuve (résilience)19 (Michallet et al., 2014).

Le patient est principalement considéré comme une personne isolée, dépendante et centrée sur elle-même, plus ou moins habile dans la gestion de sa maladie et la compréhension des indications thérapeutiques. Dans ces échelles, priment l’acquisition de compétences et le sentiment de contrôle. Tandis que l’empowerment collectif est ciblé à la marge à travers le sentiment d’activisme communautaire, le groupe de défense, l’efficacité politique et le leadership. Dans d’autres publications, il est aussi question d’entraide (Bartlett, 2011), de partage d’expérience dans l’augmentation des connaissances individuelles et collectives et de leur impact sur le rééquilibrage des relations avec les professionnels de santé (Oh et al., 2012).

Or l’expansion des réseaux sociaux et des forums (Tanis, 2008) oblige à reconsidérer les dimensions de l’empowerment collectif. Sur ces plateformes, la cohésion du groupe, la création et le partage des savoirs jouent un rôle décisif (Rabeharisoa et al., 2002). Des chercheurs ont même démontré les vertus thérapeutiques des forums. McCorkle et al. (2008) soulignent le rôle important du soutien émotionnel dans la prévention des conséquences du stress, dans un ressenti plus positif des patients concernant leur situation (Qiu, 2011), dans l’amélioration de leur état de santé (Yan, 2010, Qiu et al., 2011), et de leur équilibre de vie grâce à la constitution d’une communauté virtuelle de substitution (Loane, 2013). Le forum dote le groupe de capacités nouvelles dans la maîtrise ou la création d’applications innovantes d’auto-suivi des paramètres de santé (m-santé, e-santé). Cette montée en compétence et en autonomie inspire une approche plus participative et impliquante de l’éducation thérapeutique (Tourette-Turgis, 1996 ; Goulinet-Fite, 2014). En effet, la combinaison de composantes affectives et cognitives débouche sur une pédagogie particulière qui intègre la conversation et le débat collectif .

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Table des matières

Remerciements
Résumé
Sommaire
Introduction générale : Présentation de la recherche doctorale et de ses enjeux
Chapitre 1 – L’empowerment : revue de littérature multidisciplinaire
Chapitre 2 – Epistémologie et choix méthodologiques
Chapitre 3 : Les résultats des deux études qualitatives exploratoires
Chapitre 4 – Discussion, apports, limites et voies de recherche
Conclusion générale

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