L’élevage larvaire intensif du doré

L’élevage larvaire intensif du doré

ÉTUDE PRÉLIMINAIRE (2014):

La majeure partie des écloseries nord-américaines où l’on pratique l’élevage larvaire du doré jaune (Sander vitreus) est en circuit ouvert, c’est-à-dire qu’il n’y a aucune récupération de l’eau du système (Summerfelt 1996 et Summerfelt 2013a). Comme il est généralement accepté que l’avenir de l’aquaculture durable passera par l’utilisation de systèmes où l’eau est filtrée et réutilisée, il devient primordial de valider que les techniques d’élevage intensif s’appliquent à de tels systèmes. En plus des raisons environnementales, les systèmes en REFB ont le potentiel de minimiser les problèmes liés aux vecteurs de maladies et de maintenir l’eau aux températures optimales tout en minimisant les coûts énergétiques. La filtration de l’eau requiert différents types d’équipements comme des filtres à sables, des biofiltres à lit fixe, à lit fluidisé ou encore des filtres à tambours. L’efficacité de ces équipements, ou leur bon fonctionnement, est susceptible d’être altéré par la présence d’argile dans l’eau que requiert l’élevage intensif des larves de doré afin de pallier le problème de l’amoncèlement des larves sur les parois des bassins (Rieger et Summerfelt 1997). De plus, la moulée commerciale actuellement utilisée pour l’élevage larvaire du doré est (i) supplémentée de krills, une ressource précaire, est (ii) disponible que chez de rares fournisseurs, n’est (iii) autorisé au Canada que pour des fins scientifiques et non commerciales et est (iv) particulièrement dispendieuse. Conséquemment, d’autres moulées doivent être évaluées. Par ailleurs, la littérature rapporte que l’utilisation d’artémies favorise le passage de l’alimentation endogène vers une alimentation exogène (Czesny et al. 1999). Or, produire des artémies requiert des installations et possiblement de la main-d’œuvre supplémentaire. Ainsi, il est important d’évaluer la pertinence et la nécessité de motiver les larves à passer vers une alimentation exogène inerte à l’aide de proies animées. En parallèle, il a été démontré que les méthodes volumétriques de décompte des larves sont très variables et imprécises, et qu’elles requièrent une importante main-d’œuvre. Une méthode par spectrophotométrie a fait ses preuves dans le décompte d’algues et de zooplancton (Masson et al. 2013) et représente une avenue prometteuse qui sera testée pour des décomptes rapides et précis de prolarves de dorés.

MÉTHODE:

FÉCONDATION
La fécondation s’est effectuée le 5 mai 2014 par Marco Blanchet et ses collègues à la Station Piscicole Trois Lacs (Wotton, Québec, Canada) avec la semence de leurs mâles domestiques et des œufs de femelles sauvages du Lac du Cerf (Région des Laurentides, Québec). Les œufs fécondés ont ensuite été immergés dans une solution diluée d’argile. L’eau induit le durcissement de l’œuf alors que l’argile élimine, par abrasion, la membrane adhésive entourant les œufs. Sans cette intervention, des agglomérations d’œufs se formeraient, ce qui augmenterait le risque d’infection fongique ou bactérienne (Balon 1975). De plus, les œufs deviennent libres de mouvement et leur surface de contact avec l’environnement externe augmente. Ces caractéristiques permettent une plus grande densité d’incubation (Summerfelt 1996). Bien que cette méthode expose les œufs à des conditions extrêmes (abrasion de la membrane externe, haute densité, mouvement constant), aucune méthode alternative n’a encore été établie pour résoudre ce problème de longue date qu’est l’incubation à haute densité d’œufs adhésifs et naturellement benthiques (Balon 1975).

TRANSPORT
Le transport des 374 000 œufs dédiés à l’expérience s’est déroulé au 7e JPF à 63 Degré Celsius Jour (DCJ), dans une glacière de 20L. Le trajet à partir du pisciculteur à Wotton jusqu’au Laboratoire de Recherche en Sciences Aquatiques (LARSA) à Québec a duré 150 minutes. Entre-temps, la température de l’eau à l’intérieur de la glacière a augmenté légèrement passant de 9,0 °C à 10,5 °C. Les œufs ont été transférés dans leur incubateur d’origine, préalablement installé au-dessus du B6 de l’Unité #24 (Annexe A : Plan de l’unité 24 du LARSA lors de l’étude préliminaire de 2014) au Laboratoire de Recherche en Sciences Aquatiques (LARSA), sur le système en recirculation. À l’arrivée, la température de l’eau du système était de 10,5 °C, sa concentration d’oxygène de 10,0 mg/L et son pH de 7,5. Les œufs n’ont donc subi aucun choc thermique.

ÉCHANTILLONNAGE DES ŒUFS
Dès le lendemain, au 8e JPF, à 73,5 DCJ, l’échantillonnage des œufs a commencé selon une procédure d’échantillonnage normalisée (Annexe B : Procédure normalisée de suivi du développement d’œufs de dorés). Les œufs étaient récoltés à l’aide d’une pipette insérée délicatement jusqu’au centre de l’incubateur afin de prendre un échantillon représentatif. Les informations recueillies étaient (i) la densité volumétrique des œufs, (ii) la mortalité journalière, (iii) le diamètre moyen d’un œuf, (iv) la variabilité du diamètre et (v) les différents paramètres physicochimiques de l’eau. Chaque jour jusqu’à l’éclosion, environ 1000 œufs ont été prélevés pour un total de 16 000 œufs. 20 de ces œufs étaient mesurés à l’aide de l’échelle métrique intégrée à la lentille du binoculaire (LEICA Wild M8Z) et 3 d’entre eux étaient pris en photo (Nikon CoolPix 995) correspondant au plus gros, au plus petit et au plus représentatif du lot. Ces photos visent à établir un suivi visuel du développement des œufs et de déceler des infections fongiques ou bactériennes éventuelles.

MORTALITÉ DES ŒUFS
Outre les évaluations quotidiennes, la mortalité totale a été estimée au 15e JPF (146,9 DCJ), tout juste avant le début de l’éclosion, car la majorité des embryons avaient atteint le stade œillé. Grâce à la différence de densité entre les œufs morts et les œufs œillés vivants, une ségrégation s’observe dans la colonne d’eau de l’incubateur (Figure 7). Ce phénomène a permis une estimation définitive de la mortalité totale en récoltant seulement la partie superficielle et en déterminant le volume d’œufs morts et leur densité volumique.

ÉTUDE SUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA VESSIE NATATOIRE (2015):

L’étude préliminaire menée en 2014 a permis d’orienter l’élément critique sur lequel se pencher afin d’améliorer les performances de l’élevage intensif des larves de dorés dans les systèmes en REFB : le DVN. Le développement de la vessie natatoire chez les larves n’avait pas été assuré par des jets d’eau de 0,4 L/min disposés à 90° par rapport à la surface. En effet, seulement 10% des larves avaient développé une VN au 24e JPE dans le système en REFB. Les larves physoclistes, tels les percidés, qui n’ont pas développé leur vessie natatoire sont plus sujettes à subir des déformations de leur squelette (Summerfelt et al. 2013b, Kitajima et al. 1981, Kitajima et al. 1994). En effet, puisque les larves ont continuellement besoin de se mouvoir et que l’ossification de leur squelette n’est pas achevée, l’absence d’un organe aussi structurant que la vessie natatoire engendre des déformations lordotiques (Kitajima et al. 1994). Ces larves seront donc de moins bonnes nageuses et contribueront à augmenter le phénomène de cannibalisme. Aussi, pour des raisons bioénergétiques, ces larves auront une croissance moindre, car elles dépenseront davantage d’énergie pour assurer leurs déplacements quotidiens (Summerfelt et al. 2013b). Ultimement, une larve qui n’aura pas développé une vessie natatoire sera, un jour ou l’autre, destinée à mourir (Summerfelt et al. 2013b, Clayton et Summerfelt 2010). Favoriser le développement de la vessie natatoire des larves de dorés élevés intensivement dans des systèmes en REFB est donc l’élément central de cette expérience. Considérant que de tels systèmes réutilisent jusqu’à 95% de la même eau, il est raisonnable de croire que les huiles tendent à s’y accumuler. Ainsi, des éléments complémentaires au jet d’eau de surface doivent être élaborés afin d’augmenter la rentabilité des élevages de dorés en REFB.

OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES:

Suite aux conclusions de l’étude préliminaire menée en 2014, l’objectif est de développer des techniques d’élevage favorisant le DVN chez les larves de dorés élevées de façon intensive dans des systèmes en REFB. Ainsi, de nouvelles hypothèses ont été élaborées :
– Un jet d’eau de surface supérieur à 0,4L/min pourrait émulsifier le film d’huile de surface dans les systèmes en REFB et favorisant donc le DVN.
– Les larves peuvent obtenir des bulles d’air à partir d’un microbulleur disposé au fond des bassins et favoriseraient le DVN.
– Un rondin de cellulose, qui absorbe l’huile en surface, favoriserait le DVN.

TRAITEMENTS
Prévenir l’arrivée d’huile dans les bassins de culture et extirper le film d’huile de surface montre indéniablement des effets positifs sur le gonflement de la vessie natatoire (Summerfelt 2013b, Clayton et Summerfelt 2010). Plusieurs stratégies ont été élaborées afin de maintenir une surface d’eau propre et exempte d’huile : des jets d’eau de surface permettant d’émulsifier le film d’huile, des microbulles d’air permettant un mouvement d’eau favorable au retrait de l’huile et un absorbant d’huile déposé à la surface de l’eau.

Faible jet d’eau de surface (FAI)
Les bassins du traitement FAI possèdent une buse de surface à microjet de 90° ayant un débit faible de 0,66 ± 0,06 L/min (Figure 37). Ces débits correspondent à ceux généralement utilisés dans la littérature scientifique récente, mais pour des systèmes en circuit ouvert traditionnels, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a aucune réutilisation de l’eau (Summerfelt 1996, Clayton et Summerfelt 2010, Summerfelt 2013b).

Fort jet d’eau de surface (FOR)
Les bassins du traitement FOR possèdent une buse de surface à microjet de 90° ayant un débit fort de 1,2 ± 0,1 L/min (Figure 37). L’hypothèse est qu’un jet d’eau de surface plus puissant assure l’émulsification du film d’huile de surface dans les systèmes en REFB, où l’huile tend à l’accumuler.

Microbulles d’air (AIR)
Les bassins du traitement AIR possèdent un tuyau à micropores fins (Figure 38), alimenté d’air comprimé (30 psi), déposé autour de la crépine, au fond du bassin. Ces bassins ont aussi une buse de surface à microjet de 90° ayant un débit faible de 0,68 ± 0,05 L/min. Ils visaient à fournir des microbulles d’air aux larves afin de développer leur vessie natatoire. De plus, ces bulles d’air en provenance du centre du bassin sont susceptibles d’engendrer une remontée d’eau favorable à l’extirpation des huiles dans les bassins.

Rondin d’absorption d’huile (ABS)
Les bassins du traitement ABS possèdent un rondin, disponible sur le marché, composé de cellulose hydrophobe et autres ingrédients conçus pour absorber les matières huileuses (Annexe I : Informations détaillées sur le rondin absorbeur d’huile). Le rondin est disposé à la surface de l’eau, sur le rebord des bassins, opposé au nourrisseur et séparé par le jet d’eau de surface. Cette position assure de ne pas nuire à l’alimentation des larves en accumulant la moulée sur ses parois .

LUMINOSITÉ ET PHOTOPÉRIODE
La luminosité était assurée par 4 ampoules incandescentes de 150w à une intensité de 40%, exposant ainsi les bassins à une luminosité moyenne de 0,38 ±0,09 µmol photons m-2 sec-1 ou 18,9 ± 4,5 lux, mesurée à l’aide d’un QSL-100 (Biospherical Instruments Inc.). La photopériode était de 24h de luminosité jusqu’au 19e JPE où elle a été réglée afin d’imiter les conditions naturelles à nos latitudes, c’est-à-dire de 16h d’ensoleillement et de 8h d’obscurité. Cet ajustement a été établi dû à l’inversion de la phototaxie des larves qui, à ce moment, devient négative (Harder et al. 2012).

DÉBITS
Les débits des arrivées d’eau et des buses à jet d’eau de surface étaient vérifiés 3 à 4 fois par semaine. Jusqu’au 10e JPE, les débits totaux des bassins étaient de 2,1 ± 0,2 L/min ou 0,9 ± 0,1 changement d’eau à l’heure. Entre le 11e et le 15e JPE les débits totaux étaient de 3,67 ± 0,35 L/min ou 1,5 ± 0,1 changement d’eau à l’heure. Du 15e JPE à la fin de l’expérience le débit total a été fixé à 5,1 ± 0,4 L/min ou 2,0 ± 0,2 changement d’eau à l’heure. Le renouvellement d’eau du système en recirculation était généralement inférieur à 200 L par jour. Ainsi, plus de 95% de l’eau était continuellement recirculée dans les bassins.

MORTALITÉ
La mortalité journalière ne présente pas de pic de mortalité aux alentours du 10e JPE tel que rapporté dans la littérature et observé lors de l’étude préliminaire de 2014 (Figure 54 (Summerfelt et al. 2013a, Summerfelt et al. 1996). Les densités d’élevage étaient différentes d’une année à l’autre et pourraient expliquer l’absence de ce pic de mortalité anticipé.

CONCLUSION:

Tous les intervenants du secteur aquacole s’entendent pour dire que le développement durable de l’aquaculture en eau douce devra se faire en utilisant les technologies de recirculation et de traitement de l’eau afin de la réutiliser et de capter les déchets des poissons. La rentabilité des investissements nécessaire à l’établissement de ce type de technologies est tributaire des performances de l’élevage et de la valeur marchande du produit. Les percidés, comme le doré jaune (Sander vitreus), sont des candidats exemplaires pour pratiquer l’élevage en recirculation au Québec, compte tenu de leurs préférences thermales, de leur croissance élevée, de leur tolérance à différentes fenêtres de paramètres physico-chimiques, mais surtout de leur prix de vente qui peut atteindre jusqu’à 60$CAN le kilogramme pour des filets sauvages. De plus, depuis quelques années, il y a un engouement vis-à-vis les approches multitrophiques, telle l’aquaponie, pour valoriser les déchets aquacoles et d’augmenter les revenus d’une pisciculture. Les percidés sont des candidats de choix en aquaponie, car ils sont parmi les seules espèces de poissons, dont on peut faire la vente au Québec, qui ont une haute valeur marchande, mais surtout qui tolèrent les températures d’eau élevées que nécessitent la plupart des plantes maraichères pour leur croissance (20°C et plus). Assurément, le savoir-faire et les techniques qui ont été développées au cours de ce projet seront transférables à d’autres espèces apparentées telle la perchaude. De plus, le doré est une espèce priorisée par plusieurs instances publiques et parapubliques et correspond donc aux attentes de développement de l’industrie aquacole.

 

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction 
Situation aquacole mondiale
Situation aquacole au Québec
Potentiel aquacole du doré jaune
L’élevage du doré jaune
Chapitre I : Revue de littérature 
Ontogénie du doré
L’élevage larvaire intensif du doré
Chapitre II : Étude préliminaire (2014) 
Introduction
Méthode
Résultats
Discussion
Conclusion
Chapitre III : Étude sur le développement de la vessie natatoire (2015) 
Introduction
Méthode
Résultats
Discussion
Conclusion

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *