L’égalité des droits devant les CRCI

L’égalité entre les victimes

Avant cette loi, le règlement amiable des conflits d’ordre médical était très peu développé et ne fonctionnait pas, les assureurs refusant souvent de coopérer. Les parties au litige n’avaient, alors, comme solution, que celle de se rendre devant le juge. Les procédures juridictionnelles étaient longues , coûteuses et démotivaient plus d’une victime qui ne voulaient pas se lancer dans un procès. Il s’agissait d’une réelle double peine pour elles, qui subissaient déjà un préjudice qui n’aurait pas dû avoir lieu. Pour faciliter l’accès à l’indemnisation de tous et pour effacer ces inconvénients, le législateur a mis en place un nouveau procédé plus égalitaire.
La loi, codifiée à article L1142-5 du Code de santé publique, dispose que « dans chaque région une commission régionale de conciliation et d’indemnisation est chargée de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, ainsi que les autres litiges entre usagers et professionnels de santé, établissement de santé, service de santé ou organismes ou producteurs de produits de santés mentionnés aux articles L1142-1 et L1142-2 du même code. »
De plus selon l’article L 1142-7 du Code de la Santé publique, la commission peut être saisie par toute personne s’estimant victime d’un acte de prévention, de soin ou de diagnostic ou tout ayant droit d’une telle victime. La loi ne fait donc aucune différence entre les actes médicaux . Ils peuvent ainsi avoir comme origine une infection, un acte de soin, de diagnostic, de prévention, un traitement Peu importe également l’endroit où cet acte a été effectué: cabinet libéral, clinique, hôpitaux publics…La procédure est unifiée et ce jusque dans les délais de prescription qui sont de dix ans. De plus, les ayants-droits, subissant également des préjudices liés à cet acte seront aussi habilités à agir.
Par ailleurs cette loi présente une réelle innovation en tant qu’elle met en place un système d’indemnisation des accidents médicaux non fautifs et ce, alors même que la faute est la condition à cette réparation. Ceci répond à un objectif social d’aide aux personnes qui subissent un grave préjudices en raison d’un acte médical ayant échoué .

L’égalité entre les parties

Alors qu’au sein de la relation établie entre le médecin ou le corps médical et le patient, ces parties ne sont pas au même niveau, notamment vis à vis des connaissances , devant la commission régionale de conciliation et d’indemnisation, la loi fait en sorte que ces disparités disparaissent. Ainsi, selon l’article L1142-9 du code de santé publique, le principe du contradictoire est applicable devant les commissions. Elles peuvent demander tout document, même médical, concernant une partie. Les personnes concernées par la procédure doivent obtenir une copie du document adressé à la commission de conciliation. Ceci est primordial afin que le droit de la défense soit respecté grâce à une égalité des armes. C’est le défendeur, dans ce type de conflit, qui détient l’information. Par ce procédé, il sera obligé de communiquer toutes les pièces détenues à l’autre partie et à la commission. Avec la loi du 4 mars 2002 les patients ont un droit d’accès direct à leur dossier médical .
Dans le cadre d’un recours amiable mis en œuvre par les ayants-droit d’une victime ce contradictoire a une réelle importance. En effet, les ayants droits ne peuvent obtenir que les informations qui ont trait aux causes de la mort de leur proche. Ils ne bénéficient pas de tous les documents médicaux. Ce n’est qu’au moment de l’expertise qu’ils vont avoir accès à l’entier dossier médical versé aux débats. Tous les documents versés à l’expert leur seront immédiatement remis. C’est donc à l’expert ou au collège d’expert de s’assurer du caractère contradictoire des opérations. Les CRCI peuvent tirer toute conséquence du défaut de communication des documents.

Les différences de traitements dans la mise en œuvre de la procédure

Les différences entre les parties existantes sont le fait des articles instaurant le recours  mais également le corolaire de la complexité de la relation entre patient et médecin qui se ressent inévitablement dans la pratique .

Des différences de traitement induites par les textes

Les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation sont instituées au sein de l’ONIAM. L’office gère le fonds de solidarité indemnisant les victimes . Il ne peut pas prendre en charge toutes les victimes d’accident médical et, à ce titre, des critères de sélection ont été mis en place. Le législateur a souhaité, par la mise en œuvre de ce fonds, permettre aux victimes subissant des préjudices importants liés à un accident médical d’obtenir une réparation que l’acte à l’origine soit fautif ou non. L’indemnisation est donc réservée aux préjudices les plus graves. Ceci crée inévitablement une rupture d’égalité entre les victimes. Cependant, elle est justifiée, notamment, parce que le législateur souhaitait que cette procédure soit rapide. Dès lors, il ne fallait pas que tous les dossiers soient recevables devant les CRCI.
De plus, le dispositif, supportant tous les coûts liés à la procédure, ne pouvait pas se permettre d’accepter toutes les victimes. Le fonds doit garder son équilibre financier. Il a donc fallu mettre des critères en place pour distinguer ce qui relève de la commission siégeant en formation de règlement et ce qui relève du tribunal. Ces critères sont posés par l’article D 1142-1 du code de la santé publique (CSP).
Sont ainsi recevables les dossiers dans lesquels le préjudice s’élève à 24% d’incapacité permanente partielle. Mais aussi si la victime a subi un arrêt de travail de six mois consécutifs ou de six mois sur douze mois dû à l’accident médical ou encore si elle connait des troubles graves dans les conditions d’existence. Depuis la loi de 2009 est recevable la victime qui a dû faire face à un déficit fonctionnel temporaire de 50% sur une période de six mois consécutifs ou six mois sur douze mois consécutifs. Pour comprendre ces seuils, il est possible de se référer à la nomenclature Dintilhac qui donne les interprétations de ces intitulés.

Des différences de traitement dues à la pratique

La relation entre le médecin et le patient répond à la théorie de l’agence. Le médecin détient les connaissances et le patient doit le contraindre à partager ses connaissances avec lui. Sans obtention des données médicale le concernant, le patient ne peut pas comprendre ce qui s’est passé ni porter un jugement sur la prise en charge médicale qui a été mise en place. Il ne pourra nullement agir en justice sans preuve et celles-ci résident principalement dans son dossier médical. C’est pourquoi il est très important qu’il l’obtienne. Depuis la loi du 4 mars 2002, c’est possible, et ce directement, alors qu’auparavant le patient devait passer par un médecin. En effet, selon le décret de 1992 relatif au dossier médical du patient qui énonçait « La communication du dossier médical intervient, sur la demande de la personne qui est ou a été hospitalisée ou de son représentant légal, ou de ses ayants droit en cas de décès, par l’intermédiaire d’un praticien qu’ils désignent à cet effet… ».
Depuis le décret du 29 avril 2002, le code de santé public dispose « A son choix, le demandeur obtient du professionnel de santé, de l’établissement de santé ou de l’hébergeur communication des informations demandées, soit par consultation sur place, avec, le cas échéant, remise de copies de documents, soit par l’envoi de copies des documents. Les frais de délivrance de ces copies sont laissés à la charge du demandeur dans les conditions fixées par l’article L. 1111-7 du code de la santé publique. » . Ce texte signifie que le patient a accès à tous les éléments qui le concerne et ce directement sans que la présence d’un tiers médecin soit obligatoire.

Les différences de traitement dans la mise en œuvre de l’indemnisation

L’indemnisation dépend de l’expertise de l’expert or, lors de cette phase, les parties ne disposent pas des mêmes atouts, il en est de même lors de l’évaluation du montant de l’indemnisation allouée.

L’expertise génératrice de disparités dans l’appréciation des dommages

En droit médical l’expertise est fondamentale. Elle permet d’éclaircir le litige, de comprendre ce qui s’est réellement passé et d’en déduire l’imputabilité de la responsabilité. Elle est la clé de voûte de l’indemnisation. Une fois que le dossier, déposé devant la CRC est jugé recevable, une expertise est diligentée. Les experts sont désignés par la CRCI. L’expertise peut être réalisée par un expert seul ou bien par un collège d’experts .
La mission qui lui sera confiée est fixée par la CNAMED et elle est la même pour tous les litiges que peut connaître la CRCI. Elle est inclue à l’avis de recevabilité de la CRCI et elle sera notifiée à chaque partie. Devant la commission cette mission ne peut pas être discutée. Elle est donc discrétionnaire à l’inverse de la mission donnée par le juge au tribunal. La CNAMED a également réalisé un note qui porte pour nom « le livret de l’expert » . Elle est destinée à reprendre tous les principes qui doivent régir l’expertise et ainsi, guider l’expert dans son évaluation. L’expert doit toujours et en toute situation garder son indépendance, il doit faire respecter le principe du contradictoire et s’assurer ,donc, que chaque partie a pris connaissance de chaque information qu’il a en sa possession et qu’elle ait pu s’exprimer. La CNAMED a édité un grand nombre de recommandations cependant dans la pratique elles sont peu respectées. Enormément de critères pour évaluer le préjudice, en droit médical, sont subjectifs. Ils ne se basent que sur les évaluations
de l’expert. C’est en effet le cas du déficit fonctionnel temporaire ou permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique. Or, devant la CRCI, ces taux et échelles sont très importants car ils déterminent la recevabilité du dossier a posteriori, ainsi que la possibilité d’obtenir une indemnisation. Des recommandations existent pour l’évaluation de ces dommages cependant, au final, c’est toujours l’expert, qui, avec sa personnalité, ses connaissances mais aussi son ressenti va la fixer.

L’absence de barème d’indemnisation unifié

L’indemnisation répond à deux principes : celui de la réparation intégrale et celui de la libre évolution. Selon Maître Bénédicte Papin, avocate au barreau de Paris, si les barèmes d’indemnisation étaient unifiés cela bafouerait ces deux principes. En effet, aucune part de subjectivité ne pourrait alors être prise en compte. Or, la souffrance par exemple, n’est pas vécue de la même manière par toutes les personnes. Chaque personne a des ressentis bien différents par rapport à chaque préjudice et ce, notamment, vis à vis des situations dans lesquelles elle se trouve à cause de ce dommage. Certaines victimes ont les moyens de payer une tierce personne pour les aider et leur préjudice sera donc ressenti d’une autre manière que la personne qui n’a pas pu en payer une ou qui doit économiser pour le faire. Si un barème d’indemnisation unifié voit le jour, ceci ne pourra plus être pris en compte dans l’évaluation, selon l’avocate . Il en va de même pour la libre évolution de la réparation. L’indemnisation allouée à une victime à une date précise n’aurait pas été la même il y a dix ans et ne sera pas la même dans quarante ans par exemple. En mettant en place un barème, cela ne serait plus pris en compte. On retirerait alors sa singularité à l’indemnisation pour la banaliser.

L’inefficacité de l’actuelle procédure en conciliation

Une réelle procédure en conciliation a été instituée par la loi du 4 mars 2002 et la compétence a été donnée à la commission régionale de conciliation et d’indemnisation. Les CRCI, en 2002, ont ainsi hérité des anciennes compétences en matière de conciliation des anciennes commissions présentent dans les établissements de santé et dont l’efficacité était très contestée. En effet, elles manquaient cruellement d’indépendance pour mener à bien leurs missions. Des rapports avaient établi la nécessité de séparer les fonctions d’information des patients et de reconnaissance des droits, dans les établissements, des fonctions pré-contentieuses. La loi Kouchner a opéré cette scission. Elle a donné les premières aux CRUQPC (Commission des Relations avec les Usagers et de la Qualité de la Prise en Charge) et les secondes aux CRCI.
Cependant, le décret du 3 mai 2002 5a donné la possibilité aux CRCI de déléguer la conciliation aux CRUQ. Ceci paraît peu logique. In fine, c’est l’établissement qui se retrouve juge et partie et ne peut pas être totalement impartial. Des garanties auraient dû être apportées par le gouvernement afin que cette délégation se passe dans de meilleures conditions. Cependant celles-ci n’ont pas été apportées et ne sont pas présentes dans le décret du 2 mars 2005 6. Dans la pratique la CRUQPC et les établissement font très rarement appel à des personnes extérieures pour concilier les parties. Ceci est un réel problème pour la reconnaissance des droits.
Le faible taux de demande de procédures en conciliation devant les CCI en comparaison aux demandes en indemnisation est surprenant. D’autant que pour les conciliations aucun seuil de gravité des dommages n’est exigé. Cependant, lorsque l’on observe les résultats des procédures en conciliation ayant été diligentées, seulement un très faible nombre d’entre elles ont pu aboutir sur un accord total ou partiel.

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Table des matières

Chapitre 1: un recours innovant en matière d’égalité de droits
Section 1: L’égalité entre les victimes
Section 2: L’égalité entre les parties
Chapitre 2: Les inconvénients de ce recours
Section 1: les différences de traitements dans la mise en œuvre de la procédure
I. Des différences de traitement induites par les textes
II. Des différences de traitement dues à la pratique
Section 2: les différences de traitement dans la mise en œuvre de l’indemnisation
I. l’expertise génératrice de disparités dans l’appréciation des dommages
II. l’absence de barème d’indemnisation unifié
Chapitre 3: Un recours à améliorer
Section 1: La mise en place d’une réelle phase de conciliation précontentieuse
I. l’inefficacité de l’actuelle procédure en conciliation
II. La valorisation de la conciliation
Section 2: L’uniformisation des règles d’indemnisation
I. la réforme de la procédure pour un meilleur accès à l’indemnisation
II. l’égalité des victimes face à l’indemnisation
Section 3: les atouts d’une meilleure prévention des risques
I. la prévention dépendante de l’information préalable de la victime
II. la prévention une prérogative de santé publique

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