L’écriture autobiographique chez Nafissatou Niang DIALLO et chez Ken Bugul

Le ressassement des souvenirs

   Les souvenirs nous permettent de faire un retour en arrière sur la vie, pour la raconter. Dans cet analepse, l’auteur va au point de départ de sa vie qui est souvent marquée par l’enfance. Dés l’enfance, la personne commence à noter les aléas de la vie. C’est pour cette raison que Nafissatou N. Diallo se contente de son enfance pour raconter sa biographie dansDe Tilène au Plateau (1975). Dans cette œuvre l’auteur, en racontant sa vie, fait aussi l’éloge de sa grand-mère et de son père. Elle a d’ailleurs dédié son ouvrage à ces deux personnes. Le récit de N N. D suit le paradigme suivant : « l’enfance « mame » l’adolescence « mame » encore, et puis père, père, dominant tout cela, sa silhouette incrustée dans le paysage marin » (Niang, Diallo, 1975 :132). Ce qui explique que le récit tourne autour de ces personnages : Safi, sa grand-mère et son père. Affectée par la mort de son père, N N. D a voulu faire revivre le disparu afin de ne pas le voir sombrer dans « l’oubli » :« Ainsi avait disparu père notre lumière. Mais le soleil allait renaître, qui ferait revivre notre disparu à nous sombré (sic) dans la nuit, bientôt dans l’oubli » (Niang, Diallo, 1975 : 132). L’auteur pense que l’écriture de cette œuvre va immortaliser la mémoire de son père et celle de sa grand-mère. Pour son père, elle dira : « J’aimais mon père de toutes les fibres de mon cœur ; je l’associais à ma vie , à moi, à ma personne .Avec lui disparaissait une partie de moi- même. Je ne le reverrais plus, je ne reverrais plus mon ami, celui qui, pour moi, incarnait l’idéal humain. » (Niang, Diallo, 1975 : 128. ) N. N.D écrit sur elle -même, elle en profite pour parler de sa grand-mère et de son père qu’elle aime d’un amour incommensurable d’où son projet de rédiger une autobiographie . Elle choisit, à travers de T P, d’écrire un livre sur elle et sur ses deux êtres qui sont les plus chers, pour elle. D’ ailleurs, elle se pose des questions : « Ecrire ? Moi ? J’entends les ricanements : « Ecrire un livre pour dire qu’on a aimé père et grand-mère ? La belle nouvelle « j’espère avoir fait un peu plus : avoir été au-delà des tabous, de (sic) silence qui règnent sur nos émotions. » (Niang, Diallo, 1975 : 5). Le livre de N N D est une sorte d’album de famille. Sous les yeux du lecteur, elle déroule le film de sa jeunesse. Il s’agit d’événements passés principalement, ceux qui ont marqué l’existence de l’auteur. Ainsi, le titre nous convie au déplacement du lieu où habitait N.N. D, d’un quartier à un autre, de Tilène au Plateau. C’est pour atténuer sa douleur d’avoir perdu son père et sa grand-mère que Nafissatou N. Diallo s’est tournée vers l’écriture autobiographique. Contrairement à N. N.D la cause déterminante de l’adoption du genre autobiographique chez Ken Bugul est qu’elle est à la quête d’une identité culturelle .Etant en situation d’hybridité, rejetée par deux cultures (africaine et occidentale), elle s’ est ressaisie et trouve dans l’écriture l’arme de la persévérance et de la confiance. Dans cette quête identitaire, l’écrivain cherche la cause de cette hybridité. La recherche de l’identité et la réconciliation apparait comme un moyen d’investigation sur soi, une tentative de réconciliation et de clarification avec la société. Le récit de N N D progresse à la manière d’un conte. Il va de la naissance à l’ adolescence en insistant sur ses souvenirs d’enfance , mais aussi recomposé par le souvenir et le langage .Affirmant que ce récit est un hommage à la mémoire de son père et sa grand-mère , elle présente sa grand-mère « mame » à la page 15 et son père à la page 46, le pèlerinage de ce dernier à la page 59, le mariage de sa cousine Ami page 69 , son entrée au collège page 80 , au lycée page 105 , à l’école des Sages –Femmes à la page 113, son mariage à la page 117 , la mort de son père à la page 128. Ces étapes de la vie de Safi correspondent à autant de moment de progression et d’évolution de celui-ci qui faisait dire à Babacar Thioune que le récit De Tilène au Plateau est un récit de croissance. Thioune B : « l’exploration de l’écriture féminine au Sénégal. » La tentation autobiographique .Thèse de doctorat de 3 cycles (1986-1987 :43). Elle évoque les situations qui mettent en exergue les autres membres de sa famille, en intercalant ses souvenirs individuels .C ‘est ainsi que Thioune voit dans ce procédé outre le fait de restituer le flux de la parole, la volonté de fusion entre le destin de l’auteur et celui de ses parents (page 48). Plusieurs raisons peuvent expliquer le recours à l’autobiographie. Tout dépend de la perspective de celui qui décide de faire le récit de sa vie. Par exemple le fait de céder à la vanité, à l’ambition, de passer de l’obscurité à la célébrité, etc., peut mener à une écriture autobiographique. Quand Nafissatou N. Diallo, dans De Tilène au Plateau, une enfance dakaroise (1975) se complaît dans le ressassement de ses souvenirs d’enfance, Ken Bugul, par le malaise général qui a caractérisé son enfance et sa jeunesse, affiche sa volonté de trouver son identité et de se réconcilier avec la société traditionnelle africaine dans Riwan ou le chemin de sable (1999).

Les avantages de l’éducation traditionnelle

   L’éducation est l’action d’élever, de former un enfant, un jeune homme, une jeune fille, de développer ses facultés intellectuelles et morales. L’éducation cherche à faire de l’enfant un individu à part entière, intégré dans la société dans laquelle il vit. Elle est basée sur des disciplines collectives .Elle est aussi définie comme celle qui est fondée sur les traditions proprement dites et qui est transmise de génération en génération, dans nos sociétés, depuis l’Afrique précoloniale jusqu’à nos jours. Elle coexiste aujourd’hui avec l’éducation dite « moderne », introduite par la colonisation européenne. L’éducation moderne, par le biais de l’école, favorise l’individualisme, pousse l’enfant à l’affirmation du moi par la réussite personnelle. Contrairement à cette éducation dite moderne, l’éducation traditionnelle en Afrique est essentiellement collective, fonctionnelle, pragmatique, orale, continue, mystique, homogène, polyvalente et intégrationniste dans ses enseignements. La narratrice dans De Tilène au Plateau l’a expliqué dans ce passage : «Je tiens à insister sur l’atmosphère qui régnait alors dans nos familles. L’union, la solidarité, c’est peu ; on les retrouve encore. Ce qui est devenu plus rare, c’est la droiture, l’honnêteté, le respect mutuel et la piété fervente qui nous étaient enseignés autant par les préceptes que par exemple (…); je leur suis reconnaissante de l’éducation qu’ils m’ont donnée(…) » (N, N D : 10). L’éducation traditionnelle permettait à l’enfant d’être polyvalent et multifonctionnel ; initié dans plusieurs domaines à la fois, il sera en mesure de faire n’importe quel travail ou s’habituer à n’importe quelle situation.
-Le Tatouage et l’initiation à la chaleur, au feu étaient des exemples précis d’initiation pour les filles et la circoncision un autre exemple pour les garçons. Dans les séances de tatouage, les filles font preuve de bravoure et de dignité, en supportant la douleur. Elles restent raides, sans geste, on se demanderait si elles respirent. Le moindre geste déplacé est considéré comme un acte de défaillance qui pourrait pousser toute une famille à s’exiler à cause de la honte, car, les séances se faisaient en plein air. Les habitants du village et ceux des villages environnants assistaient à cette cérémonie. En plus du courage, de l’honneur et de la bravoure, le tatouage était un moyen d’identification physique de la personne. Certaines ethnies se reconnaissaient par leurs tatouages par exemple les Bambaras se tatouaient sur la tempe, les Peulhs sur le menton, les Bantous sur la langue et les oreilles d’après Sembene Ousmane, dans Voltaïque (1962 : 76 ).
-L’initiation à la chaleur aussi se faisait dès le bas âge. Rama par exemple, la jeune mariée dans Riwan, une fois chez le Serigne, parvenait à tenir le verre chaud en se rappelant instinctivement de son initiation faite par sa mère à Mbos. Dans la tradition, une fille qui avait peur de la chaleur, était considérée comme une mauvaise cuisinière. C’est pour cette raison que Rama a été initiée dès le bas âge à supporter la chaleur : « l’initiation à la chaleur, au feu, par laquelle toute petite fille devait passer : attraper un morceau de braise ardente et le reposer. » (Ken Bugul, 1999 : 82). Pour bien éduquer les enfants, d’habitude, on les envoyait chez l’oncle paternel ou chez la grand- mère. Ce fut le cas dans De L’autre côté du regard de Ken Bugul où lanarratrice disait que : « Les enfants de ma mère étaient envoyés chez ma grand-mère, aussitôt sevrés » (N.N.D, 2003, p, 184) afin que cette dernière leur inculque une bonne éducation. L’auteur poursuit : « Dés que l’enfant bien nourrit grandissait, elle commençait à le faire travailler.
Le tri des graines pour les semences.
Le balayage de la maison.
Le sarclage des petits champs.
La conduite de son troupeau au pâturage.
Ma grand-mère ne faisait pas de différence entre un garçon et une fille. Sauf pour aller à l’école. » (Ken Bugul, 2003 : 185). Cette citation montre que l’école européenne est vue d’un mauvais œil par les anciens. La grand-mère qui ne fait jamais de distinction lorsqu’il s’agissait de faire travailler les enfants, se rebiffe dés qu’il s’agit de les envoyer à l’école des Blancs, qu’elle considère comme ennemie de la tradition. Signalons aussi que l’oncle représente une figure très importante dans l’éducation traditionnelle car c’est lui le gardien de l’héritage matrilinéaire. Les neveux étaient les héritiers légitimes de l’oncle surtout dans la société wolof. C’est ce qu’on appel la relation avunculaire. Pour ne pas créer des problèmes de jalousie entre les fils de l’oncle et ceux de la tante, la tradition a mis en place le cousinage (parenté à plaisanterie entre cousins). Dans ce système, les cousins se permettent de se taquiner en s’amusant. Les cousins dont tous les biens de la mère sont stockés et sauvegardés chez l’oncle, essaient de les récupérer petit à petit, à l’amiable , grâce à l’usage du cousinage à plaisanterie : ils peuvent venir à tout moment demander une partie de ces biens. De ce fait , ils l’auront même s’il ne restait que, ce qui est dans la marmite.

Les inconvénients de la tradition sur l’éducation des enfants

   Niang Diallo fait partie des pionnières de la littérature féminine francophone qui, pour la plupart, ont critiqué le poids de la tradition sur la femme et l’éducation des enfants. Elle déplore cette tradition qu’elle considère comme trop sévère. A travers ses écrits, réapparaît souvent l’éducation traditionnelle. Dans Awa la petite marchande par exemple Nafissatou Niang Diallo explique les difficultés que rencontre Awa l’héroïne. Elle raconte qu’elle devait de bonne heure acheter le poisson à la plage, préparer le repas, préparer ses sœurs et frères pour la journée avant d’aller à l’école. Dans De Tilène au Plateau aussi Niang Diallo déplore cette éducation des enfants qui n’ont pas de temps libre pour s’épanouir. Safi, la narratrice se plaint de ce manque de liberté, de loisir… en ces termes : « Intriguée, je quêtais des explications partout. Personne ne voulait me répondre. On me traita de tous les noms : « sop nga lool ; xale du dan kumpa ; waanenga… », Etc. Partout on m’adressa des qualificatifs désobligeants. » (Nafissatou Niang Diallo, 1975 : 112). Niang Diallo critique cette tradition qu’elle juge trop stricte, car ayant beaucoup de normes et dogmes à respecter. Les traditionnalistes accordent moins d’importance à l’enfance et sa liberté d’expression, alors qu’ils devaient lui expliquer ce qui se passe pour lui empêcher d’être curieuse. La curiosité de vouloir découvrir ce qu’on lui cache pourrait lui conduire à l’erreur. L’éducation trop stricte est considérée comme une oppression par les enfants qui ont besoin d’épanouissement, d’explication, de compréhension et de tolérance. Dans la société traditionnelle, l’enfant n’a pas droit à la parole. Il était exigé à se soumettre aux parents. C’est pour cette raison que, lorsque le père de Rama avait décidé de la donner en mariage au Serigne, elle a accepté cette décision, malgré elle. Rama dans Riwan rejoint le foyer conjugal sans manifester sa désapprobation de ce mariage en tenant cette réflexion intérieure : « Dans une société régie par des dogmes, des règles, des rites institutionnalisés, la réaction n’était pas prévue. Et puis, encore une fois, réagir à quoi ? Que pouvait dire une petite fille d’un peu plus de seize ans pour se faire entendre ? Une petite fille de Mbos dont le sens critique n’était pas encore forgée, ne pouvait pas affronter son père et toute une société. » (Ken Bugul, 1999 : 43).Ayant peur de son père mais aussi en pensant aux dires des autres de la société, elle a accepté d’être donnée en mariage au Serigne. Contrairement à Rama, dans De Tilène au Plateau, Safi, fille très instruite, qui est à mi- chemin entre l’éducation traditionnelle et celle de la modernité, avait plus de liberté d’expression. Elle avait tenu tête à son père lorsque celui-ci l’avait battue, quand il l’avait surprise entrain d’embrasser son petit-ami. Elle faisait semblant de ne pas le voir ou l’évitait lorsque leurs regards se croisaient. Elle évitait aussi leur rencontre dans la cour de la maison. Elle avait aussi osé s’opposer à la décision de son père du choix de son fiancé avec l’aide de sa grande sœur Fatou. Envers et contre tout, elle choisira de se marier avec l’amour de sa vie. Cette liberté d’esprit n’était pas à la porté de Rama et des autres filles de son époque qui n’avaient pas eu la chance d’aller à l’école française .Elles devaient se soumettre non seulement à leurs parents mais aussi à la société. Safi prenait ses propres décisions, osait mentir sans gène pour avoir l’occasion d’aller se divertir ou pour se sortir d’une situation embarrassante. Bien qu’elle ait grandi dans une famille traditionnelle, Safi a choisi le camp de la modernité. C’est pour cette raison qu’en son for intérieur, elle critiquait silencieusement cette tradition en ces propos : « En général, l’affection restait enfouie dans nos cœurs ; on n’osait la dévoiler sous peine de passer pour mal élevé, occidentalisé. Je maudissais dans mon for intérieur notre éducation, sa sévérité, ses componctions, ses tabous. » (N, N, D, 1975 : 101) De ce fait, on peut dire que le récit de Nafissatou Niang Diallo est à mi-chemin entre la tradition et la modernité. Contrairement à l’œuvre de Ken Bugul qui traite que des éléments de la tradition. Dans ce récit, Rama se soumet à la décision de ses parents qui avaient décidé qu’elle épouserait le Serigne malgré elle. Ken Bugul a l’habitude de la critique de la tradition. Elle essaie de démasquer cette éducation dit bonne dans presque toutes ses œuvres. Dans L’autre coté du regard par exemple, elle met en exergue les filles de son père qui étaient mises enceintes presque toutes par ses propres talibés ou des étrangers de passage à la maison. La pudeur, l’honneur, la sainteté et la dignité qu’incarne le père n’a pas d’impact sur la moralité des filles : « Comment donc un homme de passage avait trompé ma sœur Assy ? …C’était dans cette maison qu’il se passait les choses les plus inattendues. Les choses les plus répréhensibles, les plus réprimées par la religion…Ma sœur Ngoné aussi c’était la même chose .Elle avait eu un enfant avec un autre employé des chemins de fer de passage… » (2004 :93-94). Même dans la maison du Serigne de Daroulère aussi, la narratrice a essayé d’éclaircir le manque de pudeur indirectement en parlant des femmes du marabout qui faisaient des danses érotiques, qui parlaient de sexe comme si elles n’étaient pas des « Sokhna ». Les inconvénients de la tradition sont nombreux et variés dans les deux ouvrages. Pour une parfaite illustration, en plus de l’éducation, nous pouvons faire allusion au mariage.Parlant du mariage, la tradition a fait trop souffrir les femmes et les enfants avec des conséquences désastreuses. Dans ce sous titre nous allons voir les impacts de la tradition dans le mariage.

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Table des matières

Introduction
Première partie / L’autobiographie comme genre thérapeutique
Chapitre I / La fonction cathartique
1) Le ressassement des souvenirs
2) La quête identitaire
Chapitre II / Le partage d’expérience avec ses semblables
1) La récurrence du « je » collectif
2) L’intertextualité et la mise en abîme
Deuxième partie / L’impact de la tradition sur l’écriture l’autobiographique
Chapitre I/ Les avantages de la tradition sur l’écriture autobiographique en fait Afrique
1) Les avantages de l’éducation traditionnelle
2) Les avantages du mariage traditionnel
Chapitre II/Les inconvénients de la tradition sur l’écriture autobiographique en Afrique
1) Les inconvénients de la tradition sur l’éducation des enfants
2) Les conséquences du mariage traditionnel
Troisième partie /La critique sociale dans les deux œuvres
Chapitre I / Les thèmes majeurs développés dans les deux œuvres
1) Dans De Tilène au Plateau de Nafissatou Niang Diallo
1-1 Les pratiques socioculturelles
1-2 Les événements religieux
1-3 L’influence de l’école française dans la vie de l’auteur
2) Dans Riwan ou le chemin de sable de Ken Bugul
2-1 La sexualité
2-2 L’école française
2-3 La folie
Chapitre / II Le féminisme chez Ken Bugul et chez Nafissatou Niang Diallo
1) Le féminisme chez Ken Bugul
2) Le féminisme chez Nafissatou Niang Diallo
Conclusion
Bibliographie générale

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