L’écosystème corallien

L’écosystème corallien

Le terme « récif corallien » traduit non seulement une structure tridimensionnelle océanique définissant un espace architectural bioconstruit mais aussi un environnement dans lequel les organismes associés interagissent et produisent une communauté complexe (Goldberg 2013). Ces écosystèmes marins abritent une biodiversité remarquable, notamment due à la complexité de l’habitat généré par des organismes hermatypiques, i.e. architectes des récifs, les coraux (Roberts et al. 2002, Holbrook et al. 2015). Les récifs coralliens sont présents dans une centaine de pays des zones tropicales et subtropicales et permettent de faire vivre de manière directe ou indirecte plusieurs centaines de millions de personnes à travers le monde (Figure 1 ; Moberg & Folke 1999, Wilkinson 2008, Kittinger et al. 2012, Harris et al. 2018). Les services écosystémiques qu’ils fournissent comprennent notamment les ressources halieutiques, la protection des côtes face à l’assaut des vagues ou encore un environnement favorable aux activités touristiques.

Les coraux scléractiniaires

Le terme « coraux » est généralement utilisé pour faire référence aux organismes benthiques de l’embranchement des Cnidaires qui sécrètent un squelette calcaire (Goldberg 2013). Cela inclut certains Hydrozoaires calcifiés, ainsi qu’un grand nombre d’Anthozoaires, en particulier les coraux durs dits « vrais » de l’ordre Scleractinia (autrement appelés scléractiniaires). Sur les 1605 espèces recensées appartenant à cet ordre, près de 50 % sont zooxanthellées, i.e. hébergent des algues unicellulaires symbiotiques du genre Symbiodinium, et érigent les récifs (= hermatypiques) dans les eaux chaudes peu profondes (Hoeksema & Cairns 2019). Les scléractiniaires vivent généralement en colonies coralliennes composées chacune d’un ensemble d’individus génétiquement identiques appelés polypes, capables d’utiliser du carbonate de calcium (CaCO3 2-) dissous dans les océans pour synthétiser un squelette calcaire (Figure 2). Les polypes sont zoophages et capturent le plancton à l’aide de cnidocystes. Bénéficiant de déchets métaboliques et d’une protection par leur hôte corallien, les symbiotes algaux apportent en retour des sucres, du glycérol et des acides aminés essentiels pour survivre et croitre dans des eaux tropicales oligotrophes où la prédation sur le plancton n’est pas suffisante (Muscatine & Porter 1977, Hallock 2001, Yellowlees et al. 2008).

La formation des récifs coralliens et le maintien des communautés récifales sont étroitement liés au cycle de vie bentho-pélagique des scléractiniaires (Figure 3 ; Harrison & Wallace 1990). Par reproduction sexuée, les colonies adultes, gonochoriques ou hermaphrodites, émettent dans la colonne d’eau des gamètes pour une fécondation externe (espèces dites spawners) ou des larves pélagiques après fécondation interne (espèces dites brooders). Après dispersion, la larve se fixe sur le substrat pour se métamorphoser en polype. La phase benthique qui s’en suit comprend (i) le stade recrue, i.e. l’organisme récemment fixé non visible à l’œil nu, puis (ii) le stade juvénile lorsque la colonie devient clairement visible à l’œil nu et enfin (iii) le stade adulte capable de reproduction sexuée. Les critères de définition des jeunes stades étant subjectifs, ils peuvent sensiblement varier selon les auteurs mais l’on considère généralement comme recrues les coraux de moins de 1 cm de dimension maximale et comme juvéniles les colonies ne dépassant pas 5 cm de diamètre (Miller et al. 2000, Penin et al. 2010, Adjeroud et al. 2013, Fabricius et al. 2017).

Parmi les processus influençant la phase benthique, le recrutement joue un rôle essentiel dans la structure et la dynamique des populations, ainsi que pour la colonisation des habitats.

Recrutement corallien

En écologie, le recrutement au sens large désigne l’ajout d’une nouvelle cohorte de jeunes individus à une population donnée (Sale 1990). Chez les scléractiniaires, le recrutement désigne principalementles processus post-fixation précoces liés aux recrues, juste après la fixation et la métamorphose des larves (Gleason 1996, Harrington et al. 2004, Nozawa et al. 2011, Martinez & Abelson 2013, Davies et al. 2013, Doropoulos et al. 2016), mais également ceux relatifs aux juvéniles (Edmunds 2000, Glassom & Chadwick 2006, Adjeroud et al. 2010, Penin & Adjeroud 2013, Doropoulos et al. 2015, Shlesinger & Loya 2016).

Les processus du recrutement corallien sont soumis à une grande variété de facteurs agissant à différentes échelles spatiales :
● L’émission des gamètes ou des larves peut être influencée par l’augmentation de la température de l’eau (Nozawa et al. 2006), la phase lunaire (Guest et al. 2008) ou encore le régime des vents (van Woesik 2010) ;
● la dispersion pélagique des larves dépend majoritairement de leur période de compétence et des conditions hydrologiques (Harii et al. 2002, Harii & Kayanne 2003, Vermeij et al. 2006) ;
● la fixation des larves est particulièrement conditionnée par la présence d’inducteurs biologiques (e.g. algues calcaires encroûtantes ; Vermeij 2005, Vermeij et al. 2011), la sédimentation (Salinas-de-León et al. 2013), l’intensité lumineuse (Babcock & Mundy 1996), la nature des peuplements installés (Gleason 1996) ou encore la prédation par broutage (Penin et al. 2011) ;
● la survie post-fixation des recrues et juvéniles est influencée par la compétition avec les autres organismes benthiques, par la prédation ainsi que par la sédimentation (Wittenberg & Hunte 1992, Box & Mumby 2007, Penin et al. 2010, Venera-Ponton et al. 2011, Gouezo et al. 2015).

Par conséquent, la notion d’échelle spatiale est cruciale dans l’étude du maintien des communautés car elle conditionne le degré d’influence de certains facteurs, notamment sur le recrutement (Adjeroud et al. 2007, O’Leary & Potts 2011, Penin & Adjeroud 2013). La pérennité des récifs coralliens, et par extension leur résilience, viennent en partie de la capacité des coraux à maintenir des niveaux de recrutement suffisants afin de pallier la mortalité des adultes et permettre le renouvellement des populations (Harrison & Wallace 1990, Hughes & Tanner 2000, Hughes et al. 2000).

Résilience des récifs 

Concept général

La résilience écologique a été définie par Holling (1973) comme la mesure de la persistance des systèmes et de leur capacité à absorber le changement et les perturbations tout en maintenant les mêmes relations entre les populations ou les variables d’état. Depuis, ce concept a évolué pour définir la capacité de l’écosystème à se maintenir ou revenir à son état initial après perturbation, via deux composantes : la résistance et la récupération. La première caractérise la faculté de l’écosystème à endurer les perturbations sans changer d’état fonctionnel, et la seconde la capacité de l’écosystème à revenir vers cet état initial après avoir été modifié (Figure 4 ; Nyström et al. 2008, McClanahan et al. 2012). Dans le cas d’un récif corallien, la perte de résilience peut se caractériser par une diminution du recouvrement corallien, de la biodiversité, de la connectivité avec d’autres écosystèmes complexes ainsi que de l’hétérogénéité de l’habitat (Hughes et al. 2007, Nyström et al. 2008, Goldberg 2013). La perte de la fonction d’herbivorie et l’enrichissement du milieu sont les principaux facteurs qui favorisent le développement des communautés algales au détriment des coraux, entrainant de ce fait une perte de résilience des récifs (Burkepile & Hay 2006, Hughes et al. 2007).

Comme nombre d’écosystèmes terrestres, les récifs coralliens font face à une accentuation significative de la fréquence et de l’intensité des perturbations (IPCC 2013, Hughes, Anderson, et al. 2018). Ces dernières, associées aux effets des changements climatiques qui modifient les conditions de vie des organismes récifaux, mènent à une accélération du déclin des communautés coralliennes et à une dégradation des habitats, ainsi qu’à une diminution de la résilience des récifs (Hughes 2003, Bellwood et al. 2004, Bruno & Selig 2007, Hoegh-Guldberg et al. 2007, Bozec et al. 2015, Hughes, Kerry, et al. 2018). Des perturbations naturelles affectent les communautés coralliennes à différentes échelles spatiales (de l’ordre de quelques mètres à plusieurs centaines de kilomètres) ; on distingue principalement les cyclones, les épisodes de blanchissement corallien de masse, les épidémies coralliennes ou les pullulations de prédateurs comme l’étoile de mer corallivore Acanthaster spp. (Hughes 1994, Hughes & Connell 1999, Lourey et al. 2000, Aronson & Precht 2001, Aronson et al. 2002, De’ath et al. 2012, Kayal et al. 2012). En parallèle, l’augmentation des températures de l’eau, l’acidification des océans, les pollutions terrigènes, les techniques de pêche destructrices ou encore la surpêche engendrent des effets délétères pour les populations coralliennes (Burke et al. 2011). Ces perturbations d’origine anthropique sont également susceptibles d’interagir avec les perturbations naturelles, amplifiant leurs conséquences néfastes pour les récifs (Hughes 1994, Aronson & Precht 2001, Knutson et al. 2010, Fabricius et al. 2010). Au cours du cycle de vie corallien, l’approvisionnement en nouveaux individus et leur survie sur les récifs (en d’autres termes le recrutement) sont également influencés par ces perturbations, qu’elles soient d’origine anthropique comme la pollution, l’eutrophisation, la sédimentation ou la surpêche (Harrison & Wallace 1990, Hughes & Connell 1999, Birrell et al. 2005, Abelson et al. 2005, Vermeij & Sandin 2008, Chui & Ang 2017) ou naturelle comme les cyclones, les explosions démographiques de prédateurs tels qu’Acanthaster planci et les épisodes de blanchissement corallien agissant à grande échelle spatiale (Edwards et al. 2001, De’ath et al. 2012, Kayal et al. 2012). Lorsque l’écosystème n’est plus capable d’absorber les perturbations, on peut assister à un changement d’état, c’est à dire à des modifications radicales et pérennes de la structure de l’écosystème (phase shift en anglais). En milieu récifal, ce changement d’état se traduit souvent par un basculement d’un système dominé par les coraux scléractiniaires vers un système dominé par d’autres organismes, le plus souvent les macroalgues (Hughes 1994, McManus & Polsenberg 2004, Arias González et al. 2017).

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Table des matières

CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1. Contexte scientifique
1.1.1. L’écosystème corallien
1.1.2. Les coraux scléractiniaires
1.1.3. Recrutement corallien
1.1.4. Résilience des récifs
1.1.5. Successions écologiques
1.2. Objectifs, structure et enjeux
CHAPITRE 2. SITES D’ÉTUDE ET ÉCHANTILLONNAGE
2.1. La zone sud-ouest de l’océan Indien
2.2. Îles et sites d’étude
2.2.1. L’archipel des Mascareignes
2.2.2. Le Canal du Mozambique
2.2.3. Choix et codification des sites d’étude
2.3. Échantillonnage et acquisition des données
CHAPITRE 3. STRUCTURE DES COMMUNAUTÉS CORALLIENNES ET SUCCESSIONS ÉCOLOGIQUES : CAS DES RÉCIFS ET DES COULÉES DE LAVE À LA RÉUNION
3.1. Synthèse
3.2. Article – Diversité, structure et démographie des communautés coralliennes à travers les successions écologiques à La Réunion
3.2.1. Introduction
3.2.2. Material and methods
3.2.3. Results
3.2.4. Discussion
3.2.5. Conclusions
3.2.6. Appendix
CHAPITRE 4. ÉVALUATION MULTI-ÉCHELLES DU RECRUTEMENT CORALLIEN ET EFFET « RÉSERVE » DANS L’ARCHIPEL DES MASCAREIGNES
4.1. Synthèse
4.2. Article – Variabilité multi-échelles du recrutement corallien dans les Mascareignes
4.2.1. Introduction
4.2.2. Material and methods
4.2.3. Results
4.2.4. Discussion
4.2.5. Conclusions
CHAPITRE 5. ÉVALUATION DU POTENTIEL DE RÉCUPERATION DES RÉCIFS CORALLIENS DANS LE SUD-OUEST DE L’OCÉAN INDIEN
5.1. Synthèse
5.2. Reef recovery potential assessment using the TOPSIS method in the South-Western Indian Ocean
5.2.1. Introduction
5.2.2. Material and Methods
5.2.3. Results
5.2.4. Discussion
5.2.5. Conclusion
5.2.6. Appendix
CHAPITRE 6. CONCLUSION GÉNÉRALE

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