Le tutorat en moyenne section de maternelle

Lorsque nous avons rencontré nos élèves de Moyenne Section de maternelle, nous avons été étonnés par les différents niveaux de développement et de compétence entre les élèves. En effet, outre la différence d’âge qui explique une vraie différence de développement à cet âge, nous constatons qu’alors que certains on de grandes facultés langagières d’autres ne disent que des mots. Nous voyons le même type de différences en numération ou en compréhension. Par ailleurs, certains élèves les plus performants rencontrent des problèmes de comportement en classe mais, lorsqu’ils sont en situation de responsabilité leur comportement s’améliore. C’est donc assez naturellement que nous nous sommes interrogés sur la possibilité de faire travailler les élèves les plus performants avec des élèves ayant plus de difficultés dans les apprentissages. Cela nous permettrait de créer un moyen de différenciation qui peut être bénéfique pour les élèves concernés. Notre réflexion sur le sujet nous a amenées à en faire l’objet de notre recherche dans le cadre de notre mémoire.

Alors que le tutorat est un moyen d’enseignement répandu dans les études supérieures ou en milieu professionnel, il se développe de plus en plus au collège et au lycée mais il est peu utilisé chez les jeunes enfants. Notre objectif est donc de démontrer les bénéfices du tutorat en termes d’apprentissage que ce soit pour les tuteurs ou pour les élèves tutorés. Selon L. BENSALAH et C. BERZIN (2009), « le tutorat peut ainsi être considéré comme une expérience qui peut être bénéfique aussi bien sur le plan de la maîtrise cognitive du savoir et du savoir-faire qu’implique la tâche à réaliser ou à transmettre, que sur le plan de l’intégration scolaire. » Par conséquent, cela pourrait répondre à notre volonté d’allier apprentissages et prise en charge des difficultés de comportements de certains élèves. Si les interactions entre élèves sont reconnues comme étant constitutives du développement et des apprentissages, il ne faut pas y voir un systématisme (C. BERZIN, 2005). En effet, dans ses ouvrages, A. BAUDRIT (2003) émet des doutes sur la capacité de jeunes tuteurs à aider l’élève tutoré à cause de du langage en cours de développement à cejeune âge et leurs difficultés à se décentrer. Mais d’après d’Allen et Fellman (1976), « l’enfant possède une meilleure sensibilité aux signaux de non compréhension de ses pairs que l’adulte » . Les jeunes enfants peuvent donc utiliser d’autres compétences que le langage pour aider un pair dans une relation tutoral.

Il est important de noter l’importance de l’asymétrie des connaissances entre tuteur et tutoré. Le jeune enfant tuteur « n’exerce pas nécessairement spontanément les fonctions de tuteur (Winnykamen, 1996) a fortiori dans le cas d’une asymétrie relative » . Nous devons être attentives à cette asymétrie pour que chaque élève de la dyade puisse bénéficier du tutorat. L’asymétrie des connaissances est au cœur de la relation tutoral tel que défini par L. BENSALAH (2009) : « Chez le tuteur, l’objectif consiste à réduire l’asymétrie de savoirs spécifiques à la tâche en adaptant ses conduites aux besoins explicites et implicites du novice. Chez le novice, il est d’apprendre à réaliser la tâche grâce à l’aide que pourra lui fournir le tuteur. » ou par Bruner (1983) qui définit l’interaction de tutelle comme « l’ensemble des moyens mis en œuvre par un adulte ou un « spécialiste » pour venir en aide à quelqu’un de moins adulte ou spécialiste que lui. » (BERZIN, 2005) .

A l’école maternelle, les activités mises en œuvre pour l’acquisition de connaissances et de compétences nécessiteront dans le cadre du tutorat de la mise en place d’activités de collaboration ; ainsi l’élève tuteur pourra aider le tutoré tout en participant à l’activité pour qu’il puisse profiter de la motivation suscitée par celle-ci et non en être frustré. D’ailleurs, L. BENSALAH et C. BERZIN (2009) soulignent, dans la conclusion de leur article sur les bénéfices du tutorat entre enfants, le « lien étroit entre la nature de la participation des élèves et son efficacité ». De même, elles y font remarquer « l’impact de la formation préalable sur la qualité des échanges ». La formation des tuteurs et leurs prises de consciences de leur rôle les aideront à être efficace dans leur tâche. L. BENSALAH (2009) établie que lorsque les membres de la dyade sont conscients de leurs rôles cela permet au tuteur de mettre en place différentes conduites tutorales et de « régler leur tutorat en fonction du degré de difficulté de la tâche ».

Nos élèves de moyenne section ont entre 4 et 5 ans. Il est intéressant de voir à quel stade de développement ils se trouvent à cet âge. Cela nous permettra d’en tenir compte dans notre protocole expérimental et également dans nos résultats. Aujourd’hui plusieurs théories décrivent le développement psychologique de l’enfant. Ces théories, nous l’avons dit, apportent des informations sur le niveau de développement des enfants, notamment en maternelle.

Sigmund Freud (1856-1936), le fondateur de la psychanalyse, a établi cinq stades du développement affectif de l’enfant : oral, anal, phallique, de latence, génital. L’enfance est une période de construction psychique intense, qui détermine le devenir adulte de chacun. A la fin du stade anal (entre 1 et 3 ans) durant lequel s’effectuent la découverte notamment du plaisir de satisfaire leurs parents et une première période d’opposition, les enfants de maternelle s’inscrivent dans le stade appelé phallique par Freud. Ils découvrent alors leur corps. Ils prennent conscience des différences anatomiques des sexes. Les premières affirmations de Soi apparaissent à ce stade, ainsi que la mise en place de l’identité sexuée.

Jean Piaget (1896-1980), suivant une orientation cognitivo-constructiviste, décrit quatre stades du développement de l’intelligence chez l’enfant : sensori-moteur, préopératoire, opératoire concret, formel. Selon lui, de 2 à 7 ans, c’est-à-dire durant toute la durée de l’école maternelle, les enfants s’inscrivent dans le stade préopératoire. A cette période, les acquisitions de l’enfant au niveau de la fonction symbolique sont nombreuses (ne serait-ce que le développement du langage). La pensée de l’enfant est d’abord égocentrique. Puis progressivement, l’enfant va se décentrer pour aller à la découverte du monde qui l’entoure. Il va acquérir la maîtrise de la représentation symbolique, mais est encore victime de son champ perceptif et ne réussit pas à s’en détacher. Sa pensée est dite intuitive.

Henri Wallon (1879-1962) considère que la personnalité de l’enfant se développe au travers de deux fonctions principales : l’intelligence et l’affectivité. Il décrit alors sept stades du développement de l’enfant : impulsif pur, émotionnel, sensorimoteur, projectif, du personnalisme, de la personnalité polyvalente, l’adolescence. D’après lui, de la petite section au cours préparatoire, l’enfant est au stade du personnalisme. Il s’affirme alors en tant que personne distincte d’autrui. Ce stade comprend trois périodes d’aspects inverses, mais ayant toutes pour objectif l’indépendance et l’enrichissement du Moi. Une première crise d’opposition, dite du « non » apparaît généralement à l’âge de trois ans. A 4 ans, le comportement devient plus accommodant. C’est la période, nommée de « grâce » par Hamburger, durant laquelle il cherche à plaire et séduire son entourage. Enfin, vers cinq ans, s’instaure une période d’imitation de l’adulte. L’ensemble de ce stade est à dominante centripète, à savoir tourner vers l’élaboration intime de l’individu.

A partir de ces trois grandes théories du développement, nous savons que les enfants de moyenne section appartiennent à trois stades de développement : le stade phallique de Freud, le stade préopératoire de Piaget et le stade du personnalisme de Wallon. Ces stades correspondent à une période de leur enfance au cours de laquelle les enfants découvrent leur corps et s’affirment en tant que personne distincte d’autrui. A quatre et cinq ans, les élèves d’abord très égocentriques deviennent plus ouverts et cherche à séduire leur entourage. Dans le cadre de cette recherche sur le tutorat, on peut se demander si l’égocentrisme n’est pas un facteur limitant de la mise en place de la pratique tutorale en classe. Mais selon l’une thèse du socio-constructivisme développé par Lev Vygotski (1896-1934), le développement de l’enfant ne va pas de l’individuel vers le social mais du social vers l’individuel. Ainsi, pour se construire l’enfant à besoin des autres. Il utilise les compétences des autres pour développer ses propres compétences. Par conséquent, le tutorat est un dispositif permettant d’intégrer la dimension sociale de l’enfant pour acquérir des connaissances.

Dans la préface d’Apprentissages numériques et résolutions de problèmes de l’INRP (Institut National de Recherche Pédagogique publié aux éditions Hatier Ermel, J. FARGEAS se place au carrefour des réflexions cognitivistes et didactiques. Elle explique que le processus d’apprentissage des nombres passe par l’imprégnation, l’observation et l’imitation. Cependant celui-ci ne s’intègre chez l’enfant que par la recherche de procédures lorsqu’il est confronté à des problèmes. Il est donc important dans le cadre d’interaction entre pairs d’être attentif qu’au-delà de l’observation, l’élève tutoré soit bien dans l’action et dans la recherche de procédure. Une bonne maitrise du langage par le tuteur est nécessaire pour guider son partenaire.  Dans ce cadre, il faut noter que l’apprentissage des nombres passe par la comparaison de quantités. R. BRISSIAUD recommande le comptage d’objets à partir de la Moyenne Section. Mais dans le cas d’un dénombrement d’objet trop important par rapport aux connaissances établies de l’élèves, l’usage du terme à terme peut être efficace. Il faut confronter les élèves à différents types de problèmes de comparaison pour intégrer l’efficacité de la procédure. Toutefois R. BRISSIAUD propose de faire entrer les élèves dans le comptage pour comparer par l’exemple de l’enseignant. En effet, dans son exemple, l’enseignant compte pour les élèves et leur demande d’anticiper le résultat de la correspondance terme à terme. Cela permet de faire le lien.

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Table des matières

Introduction
Première partie : Le tutorat entre élèves pour apprendre
I. L’apprentissage chez l’enfant en maternelle
A. Les stades de développement de l’enfant
B. Didactique des mathématiques
II. Intérêt pédagogique du tutorat
A. Le tutorat dans le programme de maternelle
B. Insertion scolaire
C. Mécanismes sociocognitifs favorables à l’apprentissage
III. Les limites du tutorat en maternelle
A. Rôle et formation du tuteur
B. Tuteurs et tutorés
Seconde partie : Expérimentation du tutorat en classe
I. Mise en place du dispositif
A. Présentation du dispositif
B. Choix des dyades
C. Construction de la séquence (Annexe 1)
II. Déroulement de l’expérimentation
A. Evaluation diagnostique (Annexe 2 et 3)
B. Activités de découverte
C. Activités de manipulation
D. Activités sur fiche
E. Evaluation sommative
III. Résultats et interprétation
A. Résultats de l’évaluation sommative
B. Comparaison avec le groupe témoin
C. Interprétation des résultats
Conclusion

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