Le trouble d’anxiété généralisée: le modèle de l’intolérance à l’incertitude

Le trouble d’anxiété généralisée: le modèle de l’intolérance à l’incertitude

Le nombre de personnes atteintes du cancer devrait s’accroitre de manière significative au cours des prochaines décennies, sous l’ effet de l’expansion démographique et du vieillissement de la population. Au Canada, cette année seulement, environ 75000 décès seront attribuables au cancer, ce qui fait de ce dernier la principale cause de mortalité au pays (Société canadienne du cancer, 2013). Si les taux d’ incidence se maintiennent à leur niveau actuel, environ un Canadien sur deux devrait recevoir un diagnostic de cancer au cours de sa vie (Ellison & Wilkins, 2009; Société canadienne du cancer, 2013).

Depuis plusieurs années, les cancers les plus prévalents sont le cancer de la prostate, le cancer du sein, le cancer du poumon et le cancer colorectal. À eux seuls, ils représenteront 52 % des 188 000 nouveaux cas de cancer diagnostiqués en 2013 (Société canadienne du cancer, 2013).

Bien que préoccupantes, ces statistiques ne devraient toutefois pas nous faire oublier que les progrès thérapeutiques réalisés au cours des dernières années ont entrainé une amélioration notable de l’espérance et de la qualité de vie des personnes atteintes d’un cancer. En effet, bien que la maladie demeure difficile à guérir complètement, les patients peuvent désormais espérer y survivre plus longtemps. Ainsi, près des deux tiers de tous les patients atteints d’un type ou d’un autre de cancer peuvent maintenant espérer survivre plus de cinq ans après l’ émission du diagnostic (Howlander et al., 2011).

La peur de la récidive du cancer (PRC) 

L’une des principales conséquences de l’augmentation de la longévité des patients traités pour un cancer, c’est qu’un nombre croissant d’entre eux devront composer avec la possibilité d’une progression ou d’une réapparition de la maladie. Or, pour la majorité d’entre eux, il s’agit là d’une importante source d’anxiété.

La PRC : Définition du concept et prévalence 

Il n’existe pas de définition consensuelle de la PRC. Toutefois, de plus en plus de chercheurs tendent à la définir comme « la peur ou l’inquiétude que le cancer puisse revenir ou progresser dans le même organe ou dans une autre partie du corps» (Simard et al., 2013; Vickberg, 2003).

La PRC serait, selon de nombreuses études, l’une des principales sources de préoccupation pour les survivants du cancer (Baker et al., 2005; Dunkel-Schetter, Feinstein, Taylor, & Falke, 1992; Herschbach et al., 2004; Lebel, Rosberger, Edgar, & Devins, 2007). Par exemple, Baker et al. (2005) ont mené une vaste étude sur la qualité de vie de 752 patients atteints de l’un des cancers les plus prévalents (sein, colorectal, rein, vessie, poumon, prostate, utérus, ovaire, mélanome cutané et lymphome non hodgkinien). Ces derniers devaient identifier, parmi une liste de difficultés et de symptômes divers, ceux qui représentaient un « problème» dans leur vie quotidienne .

Selon les résultats obtenus, 68,1 % d’entre eux considéraient la PRC comme un problème passablement ou très important, ce qui en faisait le problème ou le symptôme le plus prévalent.

Une recension des écrits parue récemment et faisant une synthèse des résultats de 130 études révèle qu’entre 39 % et 97 % des patients atteints d’un cancer seraient, à des degrés divers, touchés par la PRC (Simard et al., 2013). Selon les auteurs, de 22 % à 87% des patients rapporteraient un niveau modéré à sévère de PRC et de 0 % à 15 % d’entre eux rapporteraient un niveau sévère de PRC. Malheureusement, en raison de l’absence de critères fixes et consensuels sur la sévérité de la PRC, il est encore difficile d’estimer précisément le nombre de patients présentant des niveaux cliniquement significatifs de PRC (Simard, 2008; Simard et al., 2013; Thewes et al, 2012).

Variables sociodémographiques et médicales reliées à la PRC

Nous avons effectué une recension des écrits afin de vérifier l’existence de relations éventuelles entre la PRC et certaines variables sociodémographiques et médicales. L’objectif recherché était, d’une part, de mieux cerner le phénomène que constitue la PRC et, d’autre part, de déterminer si certains facteurs rendaient les patients plus susceptibles de craindre une récidive. Qui plus est, nous souhaitions identifier les variables potentiellement confondantes dont l’effet devrait être contrôlé dans la présente étude.

Âge. La très grande majorité des études consultées font état d’une relation négative entre l’âge et la PRC (Baker et al., 2005; Curran et al., 1998; Hartl et al., 2003; Mehnert, Berg, Henrich, & Herschbach, 2009; Simard & Savard, 2009; Simard et al. 2013; Vickberg, 2001). Ainsi, plus les patients sont jeunes, plus ils ont tendance à craindre une réapparition ou une progression de leur cancer, ce qui pourrait s’expliquer de deux façons. La première est que le cancer est, pour diverses raisons de nature médicale, souvent plus agressif chez les jeunes patients, qui sont donc particulièrement à risque de voir leur cancer réapparaitre ou progresser (Simard, 2008; Vickberg, 2003). La seconde tient au fait que, pour les individus plus jeunes, recevoir un diagnostic de cancer constituerait un événement plus « inattendu », et donc plus traumatique (on ne s’attend généralement pas à recevoir un tel diagnostic lorsqu’on est, par exemple, dans la trentaine) (Cordova et al., 2007; Vickberg, 2003).

Sexe. Bien que certaines études suggèrent que les femmes seraient plus enclines à craindre la récidive que les hommes (Baker et al., 2005; Ferrell, Dow, Leigh, Ly, & Gulasekaram, 1995), la plupart d’entre elles ne font état d’aucune différence entre les sexes (Deimling, Bowman, Stems, Wagner, & Kahana, 2006; Mellon, Kershaw, Northouse, & Freeman-Gibb, 2007; Simard et al., 2013). Pour leur part, Simard et Savard (2009) ont remarqué qu’ au sein de leur échantillon composé de patients atteints d’un cancer de la prostate, du sein, colorectal ou du poumon, les femmes rapportaient globalement une PRC plus élevée que les hommes. Cependant, ils ont aussi observé qu’il n’y avait aucune différence en fonction du sexe lorsque la comparaison était faite uniquement pour les cancers touchant les hommes et les femmes (c.-à-d. le cancer colorectal et le cancer du poumon).

Type de cancer. Plusieurs études réalisées auprès d’échantillons composés de patients atteints de différents cancers arrivent à la conclusion qu’il n’y aurait pas de lien significatif ou direct entre la PRe et le type de cancer (Avis et al., 2005; Deimling et al., 2006; Llewellyn, Weinman, McGurk, & Humphris, 2008; Mellon et al., 2007). D’autres études rapportent que les individus souffrant du cancer de la prostate présenteraient un niveau moins élevé de PRe que ceux chez qui l’on a diagnostiqué un cancer colorectal, un cancer du poumon ou un cancer du sein, qui rapporteraient quant à eux des niveaux similaires (Simard & Savard, 2009; Simard, Savard, & Ivers, 2010).

De prime abord, il apparaitrait logique de supposer que les cancers pour lesquels le pronostic est généralement plus négatif (p. ex., le cancer du poumon) entrainent un degré plus élevé de PRe. Toutefois, il semble que ce ne soit pas forcément le cas puisque les études divergent à ce sujet. li se pourrait donc, comme l’ont proposé Simard et al. (2013), que la PRe soit moins influencée par la sévérité réelle de la maladie que par la perception de la sévérité de la maladie, ou encore par d’autres variables comme le type de traitement ou les effets secondaires propres à chacun des types de cancer.

Type de traitement. Les patients ayant subi une chimiothérapie rapporteraient davantage de PRe (Liu et al., 2010; Mehnert et al., 2009; Simard & Savard, 2009; Vickberg, 2003). Simard et Savard (2009) et Vickberg (2003) ont établi une corrélation modérée (r = 0,25) entre l’ intensité de la PRe et le fait d’avoir reçu des traitements de chimiothérapie. Toutefois, cette relation tend à disparaitre lorsque les effets d’autres variables sociodémographiques et médicales sont pris en considération (Simard et al., 2013).

Hartl et al. (2003) ont observé que les patientes traitées par mastectomie rapportaient un degré plus élevé de PRC que celles traitées au moyen de chirurgies mammaires conservatrices. D’autres auteurs, au contraire, ne font état d’aucun relation entre le type de chirurgie et la PRC (Curran et al., 1998; de Haes, Curran, Aaronson, & Fentiman, 2003; Vickberg, 2003; Yeo et al., 2004). Enfm, les résultats d’ une métaanalyse indiquent que la mastectomie serait plus fortement associée à la PRC que les chirurgies mammaires conservatrices, mais seulement à long terme, soit après plus d’un an suivant l’intervention (Moyer, 1997). Poulakis, Witzsch, de Vries, Moeckel et Becht (2003) en sont arrivés à une conclusion similaire avec des participants opérés pour un cancer du rein. L’association entre le caractère invasif de la chirurgie et la PRC, si elle existe réellement, pourrait donc ne se révéler qu’au bout d’un certain temps.

Temps écoulé depuis le diagnostic. Deimling et al. (2006) ont rapporté une corrélation négative entre le nombre d’années écoulées depuis le diagnostic et l’intensité de la PRC. Toutefois, l’ étude longitudinale de Lebel et al. (2007) suggère plutôt que l’intensité de la PRC diminuerait légèrement dans les mois suivant le diagnostic du cancer, pour se stabiliser par la suite. Par contre, plusieurs études (Humphris et al., 2003; Liu et al., 2010; Llewelyn et al., 2008; Simard & Savard, 2009; Vickberg, 2003), ainsi que trois recensions des écrits publiées récemment (Crist & Grunfeld, 2013; Koch,Jansen, Brenner, & Arndt, 2013; Simard et al., 2013) concluent plutôt que la PRC serait stable dans le temps.

Qualité de vie et détresse émotionnelle. Plusieurs études ont démontré la relation négative entretenue par la PRC avec la qualité de vie et le bien-être psychologique (Simard et al., 2013). En effet, l’intensité de la PRC est fortement corrélée à la détresse émotionnelle (Hodges & Humphris, 2009; Lebel, Rosberger, Edgar, & Devins, 2009; Mast, 1998; Vickberg, 2003), en plus d’être associée à une diminution généralisée de la qualité de vie et du fonctionnement dans plusieurs domaines (Bloom, Stewart, Chang, & Banks, 2004; Diefenbach, Mohamed, Horwitz, & Pollack, 2008; Hart, Latini, Cowan, & Carroll, 2008; Mirabeau-Beale et al., 2009; Noorda et al., 2007; Waters, Arora, Klein, & Han, 2010). L’intensité de la PRC se révèle même être un prédicteur indépendant du bien-être physique et psychologique lorsqu’on contrôle l’effet de l’âge et du niveau de risque de récidive tel qu’évalué par le médecin traitant (Hart et al., 2008).

Il existerait également un lien entre la tendance à l’optimisme et la PRC, les individus moins optimistes craignant davantage la récidive (Deimling et al., 2006). Enfm, d’autres études suggèrent que plusieurs symptômes fréquemment observés dans les états post traumatiques (p. ex., pensées intrusives, évitement) seraient plus fréquents chez les individus présentant des niveaux élevés de PRC (Lebel et al., 2009; Mehnert et al., 2009; Vickberg, 2003).

Interventions ciblant la PRC

Il existe encore peu d’ études portant sur les modalités d’ intervention pour la PRC. Quelques protocoles de thérapie ont toutefois été proposés. Il est à noter que la quasitotalité d’entre eux ont été conçus pour être utilisés auprès de groupes de patients, et non auprès d’ individus (Cameron, Booth, Schlatter, Ziginskas, & Harman, 2007; Chambers, Foley, Galt, Ferguson, & Clutton, 2012; Heinrichs et al., 2012; Herschbach et al., 2010; Lengacher et al., 2009, 2011).

La peur de la récidive du cancer et le trouble d’anxiété généralisée 

Nous nous sommes jusqu’ici intéressés à circonscrire le phénomène de la PRC, d’abord en le définissant, puis en présentant quelques-unes des principales variables qui lui sont liées. Aux termes de cette démarche, il apparait clair que la PRC touche, à des degrés divers, une majorité des patients atteints de cancer et qu’ elle est en outre associée à une dégradation du bien-être et de la qualité de vie. Par contre, nous pouvons également constater que les processus ou mécanismes cognitifs spécifiquement impliqués dans la PRC sont encore méconnus. Or, en s’ inspirant de l’imposante littérature sur les troubles anxieux, il est réaliste de croire que l’ identification de ces processus pourrait nous aider à cibler des stratégies thérapeutiques plus spécifiques afin d’aider les patients qui souhaiteraient mieux gérer la PRC. À cet égard, une avenue intéressante consisterait à examiner les liens entre la PRC et d’autres troubles anxieux pour lesquels il existe déjà des traitements dont l’efficacité a été validée empiriquement.

Deux études récentes ont proposé un rapprochement conceptuel entre la PRC et d’autres troubles anxieux, tel le trouble d’ anxiété généralisée (TAO) (Simard, 2008; Simard et al., 2010). La première de ces études (Simard, 2008) avait pour but d’explorer la comorbidité psychiatrique des patients présentant une PRC cliniquement significative (c.-à-d. ayant des répercussions sur le plan fonctionnel). Pour ce faire, 60 participants, répartis en deux groupes (score clinique de PRC vs score non clinique de PRC) ont été évalués à l’aide d’une entrevue diagnostique semi-structurée. Les résultats ont montré que la prévalence des troubles mentaux était significativement plus élevée chez les patients rapportant un degré clinique de PRC, comparativement aux patients qui rapportaient un degré sous clinique de PRC (60 % vs 28,6 %). Plus précisément, ces résultats ont indiqué que les troubles anxieux, particulièrement le TAO, étaient plus prévalents chez les patients présentant une PRC clinique.

Conclusion 

Cet essai a participé à l’avancement des connaissances sur les processus cognitifs impliqués dans la peur de la récidive du cancer, un domaine jusqu’ici méconnu. Il va sans dire que le fait d’établir des liens entre le TAG et la PRC ne revient pas à assimiler celle-ci à un trouble mental. Autrement dit, notre objectif n’était pas de pathologiser les patients qui craignent une récidive de leur cancer, puisqu’une telle crainte est, à la base, relativement normale. Si nous avons cherché à déterminer quels processus du TAG pourraient être impliqués dans la PRC, c’est plutôt afin d’orienter le développement ultérieur d’interventions thérapeutiques qui permettront de venir en aide aux patients qui craignent à ce point la récidive que cela nuit à leur bien-être et à leur qualité de vie. Ainsi, il s’agit moins de savoir en quoi la PRC est « anormale» que de savoir comment aider les survivants du cancer à mieux gérer leur anxiété face à la maladie.

 

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Table des matières

Introduction 
Contexte théorique 
La peur de la récidive du cancer (PRC)
La PRC : Définition du concept et prévalence
Variables sociodémographiques et médicales reliées à la PRC
Âge
Sexe
Type de cancer
Type de traitement
Temps écoulé depuis le diagnostic
Qualité de vie et détresse émotionnelle
Interventions ciblant la PRC
La peur de la récidive du cancer et le trouble d’anxiété généralisée
Le trouble d’anxiété généralisée: le modèle de l’intolérance à l’incertitude
L’intolérance à l’incertitude
L’évitement cognitif
Les croyances à propos de l’inquiétude
L’attitude négative face aux problèmes
Validité empirique du modèle
Applications cliniques du modèle
Objectif et hypothèses
Méthode
Participants
Instruments de mesure
Inventaire de la peur de la récidive du cancer (IPRC; Simard & Savard,
2009)
Échelle d’intolérance à l’incertitude (ÉlI; Freeston et al., 1994)
Échelle d’impact de l’événement (ÉIÉ; Horowitz, Wilner, & Alvarez,
1979)
Questionnaire Pourquoi s’inquiéter?, version 2 (PSI-II; Gosselin et al.,
2003)
Life Orientation Test, version française (FLOT; Allison, Guichard, &
Gilain, 2000)
Résultats 
Analyses
Présentation des résultats
Discussion
Conclusion

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