Le travail cognitif, l’autonomie et le numérique

Le travail cognitif, l’autonomie et le numérique

« Pour les enseignants, l’objectif central du travail hors la classe consiste à fixer les apprentissages, à stimuler l’appropriation des différents savoirs via un travail régulier de mémorisation » (Rayou, p35). Ainsi, le temps de contact avec la langue que nous cherchons à augmenter ne doit pas se résumer à une exposition passive mais active. Cependant, dans le même temps, Glasman (2004) souligne la confusion qui se crée dans l’esprit des lycéens quant à ce qu’on attend d’eux. Le passage du collège au lycée marque une manière différente de travailler et d’apprendre qui reste floue pour les jeunes lycéens. Ainsi, l’investissement personnel fort d’un élève peut être en inadéquation avec sa réussite scolaire. Certains vont passer un temps considérable à faire des fiches ou des exercices supplémentaires sans bénéfice quant à leurs résultats. Selon Meirieu (2004), le travail à la maison doit commencer en classe à la fois parce que le projet fait sens mais aussi parce que le sens est véhiculé par l’exemple et l’entraînement. L’élève comprend ce qu’on attend de lui et poursuit des objectifs atteignables. L’aménagement du temps de travail hors la classe commence donc avec l’enseignant qui aménage en classe des temps consacrés à la réalisation du travail en dehors. « L’école doit être à elle-même son propre recours » (2004, p.140). Car c’est bien de cela qu’il s’agit, éviter toute incompréhension qui constituerait un obstacle aux devoirs à la maison et donc un frein au travail cognitif nécessaire à la réussite. Une certaine autonomie est donc requise pour réaliser ce travail personnel.
Développer l’autonomie des élèves constitue en effet un objectif majeur que les enseignants cherchent à atteindre grâce au travail personnel hors la classe. Savoir mobiliser connaissances, compétences et savoir-faire seul et dans d’autres contextes est somme toute le but de l’éducation et va au-delà de la réussite scolaire. L’autonomie est la condition sine qua non pour une réussite sociale. Cooper (propos rapportés, Glasman, 2004) identifie quatre types de devoirs : les devoirs de préparation, de pratique, de prolongement et enfin les devoirs créatifs. S’ils respectent certains impératifs – sens, respect du rythme de l’élève, préparation, contenu différencié et consignes claires, correction immédiate – des effets positifs sont démontrés sur l’acquisition, la compréhension, la mémorisation mais aussi sur les habitudes de travail, la discipline, la curiosité donc sur l’autonomie. C’est donc bien que l’exposition active se construit en amont.
Faisons maintenant le parallèle avec le formidable potentiel qu’offre l  numérique pour ces travaux cognitifs dans l’apprentissage de l’anglais. On peut imaginer nombre d’activités non seulement grâce à la quantité inépuisable de ressources authentiques disponibles mais aussi grâce à l’aspect social qu’offrent les outils numériques en termes de communication. Le prolongement de la classe grâce au numérique semble a priori facile, tellement il permet de se rapprocher des pratiques de classe, notamment parce qu’il s’agit de l’enseignement d’une langue vivante. En effet, le contact avec la langue prend plusieurs formes : textes, images, audio, vidéo en continue ou en interaction, de manière synchrone ou asynchrone. Aujourd’hui, toutes ces formes peuvent être appréhendées à distance, à n’importe quel moment. On peut donc supposer que les interactions qui se déroulent en classe peuvent être facilement transposées en dehors, ce qui constituerait un avantage certain pour l’externalisation du travail personnel. Mais est-ce aussi simple à mettre en place ?
Effectivement, si l’on veut mettre à profit les prouesses de la technologie, cela doit s’inscrire dans un parcours d’apprentissage cohérent, comme nous l’avons vu jusqu’ici. On parle donc d’un usage pédagogique du numérique pensé et réfléchi. Ainsi, sans perdre de son formidable potentiel, le numérique pose question car l’usage ici mentionné diffère en partie, comme le montrent les recherches de Cottier et Burban (2015), de celui qu’en font les élèves, si ce n’est pas complètement. Est-ce là un frein ? Si nos élèves sont autonomes pour commenter sur les réseaux sociaux une vidéo visionnée sur youtube, le seront-ils si la vidéo est en anglais, pour le cours d’anglais ?
Qualifiées de digital natives, les jeunes générations qui ont grandi avec le numérique sont efficaces dans l’utilisation de ces outils (Amadieu, 2014). Par conséquent on leur confère une certaine autonomie qu’on a peut-être pu croire instantanément transférable au milieu scolaire. Rayou rappelle que « l’autonomie est à la fois la condition d’une posture plus active face au travail et à l’apprentissage » (2009, p. 37) quand Amadieu souligne que l’efficacité dans l’utilisation des outils numériques s’avère réelle que si l’on s’intéresse « à l’utilisation passive […] L’utilisation plus active de ces outils (comprendre en profondeur, produire, créer, partager) est beaucoup plus limitée.» (2014, p.80). Ce paradoxe met en exergue le fait que les élèves ne sont pas systématiquement compétents quant à un usage pédagogique du numérique et donc qu’ils ne seront pas forcément plus autonomes avec les nouvelles technologies dans leur apprentissage. Pour reprendre l’exemple de youtube, l’exposition à la langue sera pertinente par ce biais si elle est associée à un travail de compréhension et d’expression.
Toutes les stratégies d’élucidation et de production se travaillent d’abord en classe. Si le numérique grâce à internet constitue ici une ressource essentielle, il n’aura aucune pertinence si l’on n’enseigne pas comment appréhender cette ressource. Ainsi, l’atteinte des objectifs quant au travail cognitif avec le numérique répond aux même contraintes : si l’on utilise le numérique hors l’école, il faut habituer et entraîner les élèves en contexte scolaire à développer des usages numériques en langue cible.
Cette dernière conclusion qui revient un peu comme une maxime – préparer en classe ce qui se fait en dehors – souligne l’enjeu de l’espace géographique. On parle souvent de «devoirs à la maison », mais s’il est coutume de penser qu’après l’école l’élève rentre chez lui, ce n’est le cas pour tous. Allant de la salle d’étude, à l’institut privé en passant par la bibliothèque municipale, nombreux sont les lieux où les élèves effectuent leur travail personnel. Cette diversité de lieux induit aussi une grande diversité quant au mode de réalisation de ce travail, notamment en termes d’aide, de ressources ou de motivation.

L’aide au travail personnel et les lieux de réalisation

Selon Glasman (2004), nombre d’élèves estiment qu’il est plus difficile de faire ses devoirs seuls qu’en présence d’une tierce personne. Les parents « appliqués » ou « mobilisés » (2004, p. 41) peuvent éventuellement aider leurs enfants mais il est important de rappeler que ce n’est pas tant l’aide fournie qui favorise la réussite scolaire mais davantage la présence et l’attention accordée au travail des élèves, notamment au lycée. D’ailleurs, de nombreux lycéens « témoignent de l’incapacité de leurs parents à les aider scolairement » (Barrère, 1997, propos rapportés par Glasman, 2004, p. 39). Ainsi, la notion de lieu prend une dimension symbolique. Le travail scolaire s’immisce dans la sphère privée, un espace où les enjeux affectifs et liés à l’autorité sont différents. L’implication des parents modifient le comportement des enfants et crée des inégalités. L’attitude favorable de parents « attentifs » poussera les enfants à passer davantage de temps à leurs devoirs à la maison, contrairement à des parents « absents » ou « effacés » (2004, p. 41).
Par ailleurs, en cas de difficulté dans une discipline, Glasman (2004) indique que certains parents appliqués, mobilisés ou attentifs, auront recours aux cours particuliers pour effectuer le travail personnel. Les langues vivantes apparaissent parmi les disciplines les plus prisées (2004, p. 73). Cependant, les résultats de plusieurs études (2004, p. 95-96) montrent qu’il faut rester très prudent quant à l’affirmation de l’efficacité de cette pratique. Il semblerait que l’attitude et les habitudes de travail créées y soient pour davantage que le travail disciplinaire réalisé. De plus, les devoirs effectués grâce ces établissements privés prennent plus de temps et ne vont pas toujours dans la direction souhaitée par l’enseignant.
D’ailleurs, une autre étude montre que le temps effectivement passé aux devoirs est supérieur au temps prévu par les enseignants et même préconisé par l’institution (2004, p. 26).
Enfin, Meirieu rappelle qu’à l’étude ou à la bibliothèque les devoirs peuvent être effectués avec les pairs. « Les psychologues ont montré depuis longtemps la fécondité de l’interaction entre pairs » (2004, p. 46) mais pour que cela soit efficace il semble nécessaire que l’enseignant propose une méthodologie.
Par conséquent, en fonction des lieux, différentes formes et degrés d’aide ou de présence sont apportés et modifient d’une manière ou d’une autre le comportement des élèves face au travail personnel hors la classe. Cela participent à créer des inégalités. Par ailleurs, force est de constater qu’il existe un décalage entre les attentes des enseignants et la réponse fournie par les élèves, ce qui nous amène à conclure que si une aide doit être apportée, elle doit venir principalement de l’institution. La consultation sur les lycées de 1998 montre que les élèves eux-mêmes estiment devoir trouver les réponses à leur question quant aux devoirs à la maison dans et grâce à l’institution : « Nous voulons pouvoir y [au lycée] être accueillis par des adultes compétents [comprendre les professeurs] prêts à s’asseoir à côté de nous et à nous aider à travailler » (Meirieu, 2004, p. 140).

Numérique et profils d’élèves

Ainsi, le numérique peut favoriser la création d’un cadre nouveau pour effectuer son travail personnel hors la classe. Il met à disposition des ressources infinies, permet de réduire les inégalités émanant parfois du cadre familial, facilite la communication avec les enseignants hors les murs de l’école et favorise l’interaction entre pairs. Cependant, une question persiste, celle du temps et par conséquent de l’alourdissement du travail scolaire. Le cadre ici créé ne sera bénéfique qu’aux élèves qui font effectivement leurs devoirs. Plusieurs typologies d’élèves existent quant à leurs attitudes face au travail personnel hors la classe.
Nous ne nous attarderons pas sur les typologies fondées sur les catégories sociales, notre intérêt n’est pas de dresser et d’expliquer sociologiquement le profil du travailleur ou du dilettante même si comme nous l’avons vu le cadre familial influe sur l’enjeu scolaire. Notre objectif est davantage d’identifier les élèves en fonction de leur manière d’étudier et d’établir un lien avec l’usage qui est fait du numérique pour et en dehors des activités scolaires. Le travail de Cottier et Burban (2015) en ce sens est extrêmement précieux. Ils identifient quatre profils de lycéens :
• les oisifs (26,3%) qui travaillent moins que la moyenne des élèves et ont des résultats inférieurs à la moyenne.
• les laborieux (23,5%) qui travaillent plus que la moyenne des élèves et ont des résultats inférieurs à la moyenne.
• les dilettantes (29,5%) qui travaillent moins que la moyenne des élèves et ont des résultats supérieurs à la moyenne.
• les productifs (20,7%) qui travaillent plus que la moyenne des élèves et ont des résultats supérieurs à la moyenne.
Leurs analyses montrent les oisifs passent une grande partie de leur temps libre à des « activités numériques récréatives (jeux, vidéos, musique, réseaux sociaux) ». En ce qui les concerne, le numérique pour le travail scolaire est soit perçu comme une contrainte, notamment quand il s’agit de logiciels bureautiques, soit utilisé pour « ses fonctionnalités pratiques et immédiates favorisant la production scolaire ». Google traduction par exemple pour ce qui nous concerne directement, ou parfois plagiat de sites internet pour les comportements les plus déviants. Le « groupe classe » éventuellement créé sur Facebook ne sert pas à l’entraide mais plutôt à échanger sur les loisirs. C’est tout le contraire des productifs qui estiment que le numérique est un sérieux atout pour le travail personnel hors la classe : ils utilisent les logiciels de bureautique, les réseaux sociaux pour s’entraider et consomment peu de « numérique ludique ». La caractéristique principale des laborieux réside dans le fait qu’ils mélangent à la fois le scolaire « pour suivre les préconisations et les prescriptions des enseignants, et le ludique, et ceci de manière simultanée : travailler en écoutant de la musique ou regardant des vidéos, en étant connectés (réseaux sociaux, SMS). Les dilettantes, enfin, « posent un regard critique sur les outils numériques ». Ils vont en évaluer les avantages et les inconvénients et les utiliser s’ils facilitent leur travail ou en rendent la réalisation plus rapide.
Ils ciblent les outils en fonction de leur aspect pratique.
Plusieurs conclusions émanent de ces analyses. D’abord, l’utilisation du numérique ne va pas de soi pour la réalisation du travail scolaire hors la classe pour la majorité des élèves.
Ensuite, les plus autonomes optimisent le temps consacré aux devoirs grâce au numérique quand les plus en difficultés s’orientent davantage vers le numérique ludique ou le « prêt-àrendre » quand il s’agit de travail scolaire, ce qui crée d’importantes inégalités. Enfin, les ressources numériques sont nombreuses et les usages qui en sont faits sont très diverses. La génération digital natives existe bien mais comporte de multiples facettes qui ne permettent pas d’associer à cette génération un usage du numérique qui lui est propre (Cottier & Burban, 2015, p. 40) et qui, le cas échéant, aurait facilité la mise en place d’un modèle pédagogique plus ou moins unique pour la réalisation des devoirs à la maison et ainsi effacer certaines inégalités. Au contraire, les nouvelles technologies auraient tendance à creuser les inégalités mais les causes ne sont pas celles auxquelles on aurait pu penser a priori. Si l’on se fie aux chiffres mentionnés par Cottier et Burban et aux conclusions publiées sur le site d’Éduscol, « La fracture numérique en termes d’équipements et d’accès à Internet semble donc résolue ».
Mais une autre apparaît, d’une forme différente, et peut-être plus problématique car elles concernent les usages.
Nous avons donc vu que le numérique offre des possibilités rendant favorable les conditions de réalisation du travail personnel hors la classe. Sa présence dans le quotidien des élèves est avérée, cependant l’utilisation des outils numériques pour la réalisation du travail personnel scolaire ne va pas de soi. Quels sont donc pour nos élèves les enjeux du numérique ? La forme scolaire constitue-t-elle un frein ? Faudrait-il s’orienter vers les usages des jeunes ? Des groupes de chercheurs proposent des pistes de réponses.

La forme scolaire

Soubrié et Muller, ont catégorisé quatre types d’attitude dans les usages faits du numérique par les enseignants (UGA, LIDILEM, 2016) : refus, acceptation sans aménagements, aménagements mesurés et propositions audacieuses.
L’étude permet de comprendre à travers ces différents degrés d’acceptation que ce qui est en jeu, c’est davantage la posture que prend l’enseignant. Ils justifient le refus par le fait que le numérique va dévier l’attention des élèves, ou qu’il ne permet pas de répondre à leurs exigences en évoquant des problèmes orthographiques par exemple. Ceux qui acceptent l’utilisation du numérique sans aménagements – prolongement du cours grâce à des document pdf ou des vidéos – semble finalement rester « dans une posture assez traditionnelle d’enseignement frontal et descendant » (Cottier et Burban, 2015, p. 86). C’est quand on analyse les degrés supérieurs d’aménagements que l’on constate un changement de posture chez l’enseignant qui prend conscience qu’il est moins un expert de sa discipline qu’un pédagogue. En effet, c’est dans ces niveaux d’aménagements qu’on commence à parler de projet, d’interaction, d’autonomie, d’ouverture d’esprit. Des propos qui font écho à ceux de Glasman ou de Meirieu qui insistent eux aussi sur le travail de groupe, l’interaction entre pairs, le projet et le sens donné au travail scolaire, le développement de l’autonomie comme conditions et objectifs pour la réalisation du travail personnel hors la classe.
Le numérique soulève donc des problèmes liés aux savoirs institutionnalisés dont les enseignants ont difficulté à faire abstraction, et au dilemme entre le besoin de contrôle qu’éprouve l’enseignant, et la nécessité de développer l’autonomie de ses élèves. Il aurait « peur qu’ils fassent autre chose sans que je puisse le contrôler, peur que la comparaison de leurs téléphones engendre des conflits, peur que mon propre savoir soit confronté en direct à d’autres sources, peur aussi de la panne » (Soubrié et Muller, 2016).
Il ne s’agit donc pas d’incompatibilité entre forme scolaire et numérique, mais davantage des rapports « que les enseignants entretiennent à la technique, au numérique et à l’éducation » (Soubrié et Muller, 2016) qui tendent à modifier le statut de l’enseignant qui par conséquent doit revoir sa posture et le modèle pédagogique qu’il adopte. Cette réflexion va dans le même sens que les thèses de Poyet, Glasman ou Meirieu qui soutiennent que l’enseignement doit se diriger vers une approche plus pragmatique et sociale visant à former des acteurs sociaux plutôt que suivre un schéma purement transmissif. « Les technologies numériques favorisent l’activité de l’élève, l’individualisation et le travail collaboratif » (Poyet 2011, rapporté par Soubrié, 2016). N’est-ce pas là le moyen d’entrevoir des solutions ? Si c’est le rapport entretenu vis-à-vis du numérique et donc l’usage qui en fait tend à modifier les pratiques pédagogiques, n’est-il pas légitime de tenter de rapprocher les usages des enseignants et ceux des élèves ?

Usages et pratiques sociales

Les travaux de Buckingham montrent que « le contexte non institutionnel est le principal contexte – en termes de fréquence d’accès et de diversité d’usages – dans lequel ils [les apprenants] développent des usages numériques » (Buckingham, 2007 ; OCDE, 2010 sur adjectif.net). Par ailleurs, on a vu que ces usages au sein et en dehors de la sphère scolaire sont fonctions des différents profils des élèves mais on note la régularité suivante : pour l’ensemble des profils, et pour tous pris indépendamment, les usages s’associent à un besoin d’interaction. Le temps passé à envoyer des SMS ajouté à celui passé sur les réseaux sociaux dépasse pour tous les élèves la moitié du temps passé à l’usage du numérique, tous contextes confondus. La musique et les vidéos arrivent en deuxième position (Cottier et Burban, 2015, p. 33). Or, interagir, écouter de la musique ou regarder des vidéos sont des activités qui permettent de développer des compétences de compréhension et de production très intéressantes pour notre discipline.
Donc « les usages numériques développés en contexte non institutionnel par les enseignants et les apprenants peuvent avoir une influence sur leur disposition à tirer profit du numérique pour enseigner, apprendre et se former » (Furlong et Davies, 2012 sur adjectif.net).
La spécificité de la discipline rentre aussi en compte puisque pratiquer une langue vivante peut s’inscrire dans le quotidien des élèves. Communiquer, c’est agir en tant que citoyen sociable, et cela est facilité par le numérique, dont nos élèves consomment en abondance dans cette perspective.
C’est donc finalement l’articulation des sphères privée et scolaire qui doit être pensée pour que puisse s’opérer un transfert d’usages et de compétences d’un contexte à l’autre. Renaud Hétier et Philippe Cottier parlent « d’espace numérique intermédiaire » créé par des enseignants afin de faire le joint entre les deux contextes – institutionnel et non institutionnel – et dans lequel élèves et enseignants transportent « des éléments de l’un dans l’autre » (2015, p. 115). Ces initiatives, dont les auteurs regrettent l’isolement, s’accompagnent une nouvelle fois « d’un véritable déplacement pédagogique (dans le rapport au savoir, dédramatisé, dans la communication en dehors du temps de classe, etc.) » (2015, p. 114).
En fait, le numérique nous met à nouveau face à la nécessité, déjà existante et commentée, d’adopter de nouvelles pratiques pédagogiques et nous presse d’abandonner, si ce n’est pas le cas, une forme scolaire basée sur la pédagogie transmissive frontale et descendante. Par conséquent, si le questionnement peut aussi émaner des usages du numérique, ce dernier n’est pas une solution en lui-même mais il est justifié d’exiger d’en faire usage si l’on considère les pratiques sociales de nos élèves et le monde dans lequel ils vivent.

Matériel et Procédure

Rappelons que notre objectif n’est pas de montrer l’efficacité des devoirs hors la classe pour la réussite scolaire, cela a déjà été traité, nous l’avons vu dans l’état de l’art. Ce qui nous importe, c’est de mesurer la fréquence d’exposition à la langue à travers le travail hors la classe et en fonction de différents critères.

Questionnaire préliminaire

Plusieurs cas de figure ont été envisagés, dont celui de mesurer l’évolution de la fréquence. Par conséquent, il faut qu’il y ait un avant et un après expérimentation. Un questionnaire (Annexe 1) a donc été établi pour récolter des données permettant d’établir la situation de départ mais aussi de préciser le profil des élèves afin d’observer les liens entre élève, comportement face au travail personnel hors la classe et utilisation du numérique. Le questionnaire devait avant tout permettre de dire : quels outils numériques sont utilisés – à quelle fréquence l’élève fait ses devoirs – et s’il est en réussite scolaire ou non.
Même si l’état de l’art a prouvé que la fracture numérique ne relève plus de l’équipement des élèves, il est tout de même nécessaire de s’informer sur les possibilités qu’ont les élèves pour participer à l’expérimentation. C’est pourquoi une partie sur l’équipement a été envisagée.
Pour mesurer l’évolution, nous avons intégré une question sur la fréquence de réalisation des devoirs pour le cours d’anglais. Ces données sont déclaratives, certes, mais elles seront plus fiables que d’éventuelles données récoltées au cours de l’année qui ne refléteraient qu’un comportement ponctuel. En effet, si l’on se fie à des notes obtenues pour des devoirs à la maison, il est impossible de juger le temps passé sur ces devoirs. Par ailleurs, prendre en compte des commentaires notés lorsqu’on aura remarqué que les élèves ont fait ou n’ont pas fait leurs devoirs peut s’avérer peu fiable et ne refléter qu’un incident plutôt qu’une habitude de travail. Les données déclaratives éviteront ainsi de porter des jugements erronés.
Pour faire obstacle à la subjectivité des réponses, les questions sont courtes, simples et font majoritairement appel à des faits, ce qui rend ensuite l’analyse plus facile et objective.
Enfin, pour tendre vers l’authenticité des réponses, le contexte de réalisation du questionnaire était important. Il semblait ne pas falloir, à ce stade, expliquer en détails pourquoi nous demandions aux élèves de répondre à ces questions car nous aurions couru le risque de biaiser les réponses. Par exemple, si nous avions évoqué le fait que l’étude vise à faciliter la réalisation du travail hors la classe, un oisif très récalcitrant aux devoirs à la maison aurait pu déclarer faire toujours ses devoirs. Cependant, ne rien expliquer ne donnait aucun sens à cette tâche, ce qui aurait conduit à un manque d’investissement et se traduire par des réponses faites au hasard. Ainsi, il paraissait judicieux d’expliquer brièvement qu’il s’agissait d’une étude universitaire et de préciser que pour obtenir des résultats fiables, les réponses devaient correspondre le plus possible à la réalité. De plus, le questionnaire a été scindé en deux parties afin que les participants n’anticipent pas leurs réponses. Enfin, pour créer un climat de confiance afin que les élèves ne se sentent ni jugés, ni exposé à quelque risque, leur anonymat était préservé. Un des objectifs du questionnaire étant toutefois de mesurer une évolution, il fallait pouvoir identifier les situations de départ et de fin de l’expérimentation. Nous avons donc remplacé le nom par un numéro qui a été conservé par chaque élève tout au long de l’expérimentation et mentionné à chaque sondage.

Discussion

Commentaires

Rappelons que l’objectif de l’étude est de montrer s’il est possible d’augmenter le temps d’exposition à la langue en rendant plus systématique la réalisation des devoirs faits hors la classe grâce au numérique. Ainsi, à partir d’un échantillon d’élèves de seconde auquel nous avons soumis un questionnaire préliminaire afin de faire l’état de la situation de départ, nous avons mesuré les taux de participation aux activités données à faire hors la classe, et par conséquent la fréquence de réalisation du travail, dans des situations présentant des caractéristiques variées mais toutes comportant une partie de numérique, qu’elle soit nécessaire ou non à la réalisation du travail.
Notons d’emblée, que les résultats ne valident pas l’hypothèse de départ : le numérique ne permet pas d’augmenter significativement l’exposition des élèves à la langue.
Cependant, les nuances constatées quant aux comportements des différents participants peuvent se révéler très pertinentes pour adapter les pratiques pédagogiques aux profils des élèves. Si l’état de l’art a permis de constater qu’il existe des usages numériques, notre étude affine ces  observations et révèle des différences d’usage en fonction des activités langagières notamment. Les faibles pourcentages en expression écrite mettent en lumière deux faits :
• les élèves sont peu enclins à produire à l’écrit avec le numérique.
• une opposition entre oisifs plus et dilettantes plus apparaît; les oisifs plus ont le meilleur taux de participation pour l’expression écrite avec le numérique, les dilettantes plus le moins bon. Il est difficile d’expliquer pourquoi mais approfondir cette question grâce à de nouvelles recherches pourrait dévoiler des faits intéressants (la recherche d’efficacité par exemple ? un élève peut avoir commencé le travail en classe sur son cahier et choisir de poursuivre ainsi hors la classe, ou se connecter sur l’ENT pour voir les devoirs à faire et poursuivre avec le numérique).
Les résultats présentés dans la figure 6 abondent dans ce sens. En effet, les activités comportant un aspect collaboratif grâce au numérique concernaient exclusivement l’écrit,préhension et expression. On s’aperçoit que le taux de participation à ces travaux (entre
29,70% et 43,75%) se révèle nettement inférieur au taux de participation global de l’étude, et davantage encore par rapport à celui des activités orales avec numérique. On note toutefois que les oisifs plus sont davantage enclins à tirer bénéfice du travail avec leurs camarades que les dilettantes plus qui, en meilleure réussite scolaire, se soucient moins de collaborer.

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Table des matières
Introduction 
Partie 1 
1. État de l’art 
1.1. L’exposition
1.2. Le sens et le numérique
1.3. Le facteur temps
1.4. Le travail cognitif, l’autonomie et le numérique
1.5. L’aide au travail personnel et les lieux de réalisation
1.6. Numérique et profils d’élèves
1.7. La forme scolaire
1.8. Usages et pratiques sociales
Problématique 
Partie 2 
2. Méthode 
2.1. Participants
2.2. Matériel et Procédure
2.2.1. Questionnaire préliminaire
2.2.2. Procédure
2.3. Analyse des résultats
Partie 3 
3. Discussion 
3.1. Commentaires
3.2. Limites
3.3. Perspectives
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Résumé 

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