Le système MMR et les conséquences de sa déficience

Le système MMR et les conséquences de sa déficience 

Le phénotype tumoral MSI

La découverte d’un nouveau mécanisme de tumorigenèse

En 1993, M. Perucho et ses collègues publient dans la revue Nature une étude dans laquelle 12% des tumeurs du côlon présentent des délétions somatiques au niveau de diverses séquences répétées simples . Au cours de la même année, deux autres équipes rapportent le même type d’instabilité au niveau de séquences répétées de l’ADN, appelées microsatellites, dans des cancers colorectaux (CCR) sporadiques, ainsi que dans la majorité des CCR héréditaires, dits HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer) 4,5 . Ces trois études princeps ont ainsi décrit l’apparition d’un nouveau mécanisme de carcinogénèse colique, différent du modèle proposé par Fearon et Volgestein, caractérisé par une atteinte séquentielle d’oncogènes et de gènes suppresseurs de tumeurs 6 . Ce nouveau mécanisme de carcinogénèse d’abord appelé RER (Replication Error) ou MIN (Microsatellite Instability), a par la suite été renommé MSI (Microsatellite Instability) lors d’un consensus international qui a eu lieu à Bethesda en décembre 1997  .

Définition du phénotype tumoral MSI

Contrairement aux tumeurs MSS (Microsatellite Stable), caractérisées par une instabilité génomique liée à des remaniements chromosomiques, les tumeurs MSI sont caractérisées par un caryotype normal dans la majorité des cas (75%) et par une accumulation d’altérations (insertions ou délétions) nucléotidiques au niveau de séquences microsatellitaires suite à l’inactivation d’un des systèmes de réparation de l’ADN, le système MMR (MisMatch Repair), responsable de la reconnaissance et de la réparation des mésappariements de bases au niveau de l’ADN. Les microsatellites constituent environ 3% du génome 8 . Il s’agit de répétitions en tandem d’un motif (de 1 à 5 nucléotides), réparties dans tout le génome avec une prépondérance au niveau des régions non codantes. En raison de leur nature, ces séquences sont des points chauds de mutation dues à des erreurs de réplication via le glissement de l’ADN polymérase sur la séquence d’ADN. Ainsi, l’instabilité au niveau de ces séquences se traduit par des insertions ou des délétions d’un ou de plusieurs bases. Chez la bactérie Escherichia Coli, l’inactivation du système MMR a pour conséquence une augmentation du taux de mutations spontanées en raison de l’incapacité à réparer les erreurs de réplication 9–11. Au vu de ces données, il a été suggéré qu’un défaut de ce système de réparation pourrait provoquer une instabilité observée au niveau des microsatellites dans certains cancers humains.

Les conséquences de l’inactivation du système MMR

La déficience du système MMR est responsable du phénotype hypermutateur des tumeurs MMR-déficientes (dMMR) ou MSI. Cette inactivation induit l’accumulation de mutations au niveau de séquences répétées microsatellitaires et non répétées de l’ADN 13,14. Il convient de préciser que l’inactivation du système MMR n’est pas en soi un évènement transformant pour la cellule dMMR, mais est responsable d’un processus général d’instabilité génomique favorisant le développement tumoral.

Les microsatellites codants

Environ 20% des gènes humains contiennent au niveau de leur région codante une répétition microsatellitaire supérieure ou égale à 7 nucléotides 15, ce qui rend très élevé le nombre potentiel de gènes cibles de l’instabilité microsatellitaire, aussi appelés gènes cibles MSI. Les altérations au niveau de ces répétitions entraînent majoritairement un décalage du cadre de lecture et l’apparition d’un codon stop prématuré au niveau du transcrit messager. Dans la majorité des cas, une inactivation fonctionnelle de la protéine correspondante est observée, conférant un avantage sélectif à la cellule tumorale MMR-déficiente . Divers travaux ont rapporté l’existence de nombreuses mutations au niveau de microsatellites codants dans des cancers MSI (côlon, estomac, endomètre). Ces mutations affectent des gènes impliqués dans de nombreux processus incluant la régulation du cycle et/ou de la prolifération cellulaire (TGFBR2, IGF2R, TCF4, AXIN2, PTEN, RIZ…), la régulation de l’apoptose (BAX, CASP5, BCL10, APAF1, FAS…), ou encore la réparation ou la signalisation des dommages de l’ADN (RAD50, BLM, MSH3, MSH6, MBD4, MLH3, CHK1, ATR…) (Figure 2) 17,18. Au cours des dernières années, de nouveaux gènes cibles MSI ont été mis en évidence incluant des gènes impliquées dans la maturation et l’export nucléaire des micro-ARN (miRNA) ainsi que dans la régulation de l’état de la chromatine . Outre l’identification de gènes cibles MSI, la véritable problématique, aujourd’hui, est de mettre en évidence les gènes impliqués dans le développement tumoral MSI, parmi la multitude de gènes mutés ne contribuant pas à la tumorigenèse dans ce contexte (bruit de fond MSI).

De manière attendue, l’immense majorité des gènes contenant un microsatellite codant sont des points chauds de mutations du fait de l’instabilité microsatellitaire dans ces tumeurs. Cependant, les fréquences de mutations semblent varier en fonction de la contribution de ces gènes à l’oncogenèse. Par exemple, le gène TGFBR2 (Transforming Growth Factor β Receptor 2), codant pour une sérine/thréonine kinase, est muté dans environ 90% des tumeurs coliques MSI alors que 40% de ces tumeurs présentent une mutation sur le gène BAX (Bcl-2-Associated X protein), codant pour une protéine pro-apoptotique 18. En 2002, un modèle a été suggéré afin d’associer la fréquence mutationnelle au rôle du gène cible dans la cellule tumorale. Ainsi, l’existence de classe de gènes cibles MSI a été proposé incluant (i) les gènes dits « transformateurs », dont les mutations sont soumises à une pression de sélection positive et qui donc présentent un taux de mutation élevé ; (ii) les gènes dits « survivors », soumis à une pression de sélection négative et qui donc seraient mutés à très basse fréquence dans les cellules tumorales MSI 18. En accord avec ces données, le concept de mutations sélectionnées et contre sélectionnées au niveau de microsatellites mononucléotidiques exoniques et introniques a été proposé (Figure 3). Un modèle de prédiction Seltarbase, se basant sur la corrélation entre la taille du microsatellite et le taux de mutation du gène, a été constitué à partir de données de la littérature afin d’identifier les gènes cibles MSI participant au développement tumoral 20. De manière intéressante, ce modèle a aussi permis d’identifier certains gènes dont les mutations sont contre-sélectionnées dans le processus tumoral MSI (RFC3 et CDH2).

De nos jours, de nouvelles technologies comme le séquençage à haut débit (NGS pour Next-Generation Sequencing) nous permettent d’identifier de nouvelles mutations présentes, dans l’ensemble du génome (Whole-Genome Sequencing) ou au niveau de régions codantes (Exome Sequecing), pouvant impacter le processus tumoral 22. En 2013, Kim et ses collaborateurs ont réalisé un séquençage génomique (Exome et Whole-Genome) à haut débit sur 27 tumeurs coliques et 30 tumeurs de l’endomètre MSI, afin de mettre en évidence un profil génomique des tumeurs MSI. De manière intéressante, une surreprésentation de l’instabilité microsatellitaire a été identifiée dans les régions euchromatiques et introniques en comparaison des régions hétérochromatiques et intergéniques, représentatives des mutations somatiques non répétées . De manière étonnante, ce travail n’a tenu compte que de l’influence de la fréquence mutationnelle des microsatellites, en étudiant que les cibles les plus fréquemment touchées. Cependant, le taux de mutations ne dépend pas seulement de ce paramètre mais aussi de la taille et de la nature du microsatellite . Dans ce contexte, une récente analyse exomique, prenant en compte ces deux critères, a permis d’identifier les gènes positivement sélectionnés dans les tumeurs MSI. Ainsi, 53 gènes cibles MSI ont été identifiés dans une cohorte de 24 CCR sporadique MSI 25 . Il est à noter que l’étude de Kim a permis l’identification de gènes cibles MSI (JAK1 et TFAM1) spécifiques du cancer de l’endomètre MSI, suggérant une tissu-spécificité dépendante du contexte tumoral. Ce résultat est en accord avec une précédente étude comparative des cancers du côlon-rectum, de l’estomac et de l’endomètre, se basant sur une approche gènes candidats. Ce travail a montré qu’il existe un profil de mutations similaire entre les tumeurs gastriques et coliques MSI alors que les tumeurs de l’endomètre présentent un profil de mutations différent .

Les microsatellites non codants 

Outre les microsatellites codants, la majorité des séquences répétées microsatellitaires est localisée au niveau de régions non codantes incluant les régions inter-géniques ou intra-géniques (introns, régions 5’ et 3’ UTR et promoteurs de gènes) .

Les mutations introniques sont sans conséquence dans la majorité des cas et peu d’études se sont intéressées à la fonction de telles répétitions . Cependant, l’oncogène MYB a été décrit comme cible de cette instabilité microsatellitaire particulière en 2006. Ce gène contient une séquence répétée, composée de 19 thymidines (T19), au niveau de l’intron 1, jouant un rôle dans la régulation de la transcription de cet oncogène. Ainsi, des mutations au niveau de ce microsatellite ont été observées dans les cancers colorectaux MSI, entrainant une augmentation de l’expression de MYB 29. De manière intéressante, une forte expression de ce gène a été suggérée comme marqueur pronostique de survie chez les patients atteints de CCR , indiquant un rôle oncogénique de cette mutation. Dans d’autres cas, les mutations peuvent affecter des microsatellites non codants ayant un rôle fonctionnel dans l’homéostasie des gènes. En 2004, le gène MRE11 a été décrit comme cible de l’instabilité microsatellitaire dans les cancers gastriques et colorectaux MSI 31,32 . Une délétion du microsatellite T11, localisé dans une région intronique au niveau du site accepteur d’épissage de l’intron 4, entraîne un épissage aberrant (saut de l’exon 5) et la production d’un transcrit mutant. Cela se traduit par une perturbation de l’hétérotrimère composé des protéines MRE11/NBS1/RAD50, jouant un rôle dans la réparation de cassures doubles brins via le processus de réparation par jonction d’extrémités non homologues (NHEJ pour Non-Homologous End Joining) et par recombinaison homologue 31. De manière similaire, une instabilité microsatellitaire au niveau de sites accepteurs d’épissage du gène ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated), une sérine-thréonine kinase impliquée dans la signalisation des cassures double brin et dans les systèmes de surveillance de l’intégrité du génome, aboutie à un épissage aberrant dans les cancers gastriques (saut de l’exon 6) et dans des lignées de cancers colorectaux (saut de l’exon 8 et 12) MSI. Ces mutations ont été associées à une perte d’expression de la protéine sauvage et à la production d’une protéine tronquée perte de fonction 33,34. A l’instar des mutations observées dans les gènes MRE11 et ATM, mon laboratoire d’accueil a identifié dans les cancers colorectaux MSI, une mutation sur un microsatellite intronique localisée en amont d’une borne d’épissage du gène codant pour la protéine chaperonne HSP110 (Heat Shock Protein 110)  . Une description plus détaillée de cette découverte sera présentée dans le chapitre III, dédié à HSP110.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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