Le système karstique et ses enjeux vis-à-vis de la géophysique

Présentation générale du karst

Cette partie est inspirée de la très bonne description du karst dans la thèse de Chalikakis (2006). De nombreuses définitions ont été proposées pour désigner convenablement le processus qui résulte de l’action dissolvante de l’eau sur certains types de roches. Dans ce manuscrit, la définition proposée par Bakalowicz (1999) a été retenue : le karst est l’ensemble de formes superficielles et souterraines résultant de la dissolution de roches carbonatées (calcaires, dolomies) par l’eau rendue acide par le dioxyde de carbone ; par extension, l’ensemble de formes comparables se développant dans les roches salines (gypse, anhydrite, halite).

L’origine du mot karst est allemande et provient de la dénomination géographique d’une région s’étendant de Trieste en Italie, jusqu’au mont Snežnik à l’Est en Slovénie ; cette région était souvent étendue à une région située plus au Nord, le karst de la Carniole jusqu’à Ljubljana, avec la célèbre grotte de Postojna, Adelsberg (Cvijic, 1960). Le mot « karst » s’est répandu dans l’Europe centrale et occidentale.  On désigne sous le nom de « phénomènes karstiques » les formes du relief, les caractères morphologiques et les processus hydrographiques particuliers aux terrains calcaires ou salins sur toute la surface de la Terre. En effet, le paysage karstique résulte des écoulements souterrains particuliers qui se mettent en place progressivement dans les roches carbonatées et salines et constitue également un aquifère puisque l’eau souterraine est totalement impliquée dans sa formation et dans son fonctionnement (Mangin, 1975 ; Bakalowicz, 1999).

Dans un premier temps, une description des morphologies typiques du paysage karstique est présentée, avant de voir les aspects hydrodynamiques du karst. Enfin, les processus de karstification et les différentes formes d’altérations sont détaillés à la fin de cette partie. Bien qu’il existe d’autres manières de voir et d’étudier le karst comme les approches génétique, spéléologique, chimique, climatique et archéologique, ce manuscrit est plus centré sur les visions morphologiques et hydrodynamiques, dans le cadre de l’approche fonctionnelle telle que décrite par Mangin (1975). Dans celle-ci, la définition et la compréhension du karst découlent de l’analyse du fonctionnement de l’aquifère, d’où son nom d’approche fonctionnelle. Cette démarche a débouché sur la définition du système karstique : “ensemble de formes de surface et souterraines organisées les unes par rapport aux autres pour constituer une unité de drainage”.

Morphologies karstiques caractéristiques

Une grande diversité morphologique et hydrographique est constatée dans les différentes régions karstiques (Figure 0.1). La composition chimique de la roche et le climat, sa couverture sédimentaire, la tectonique de la région, la présence et l’épaisseur de couches imperméables intercalées, sont des facteurs qui peuvent contrôler l’évolution de la karstification et provoquer des différences morphologiques considérables entre les régions karstiques.

On peut tout d’abord distinguer les formes karstiques de surface (exokarst) des formes souterraines (endokarst). Les dolines sont, avec les lapiaz, les premières expressions du karst en surface, même si on peut parfois retrouver ces morphologies plus en profondeur, notamment sous une couverture de sol (Figure 0.1). Les poljés, gouffres, avens et ouvalas sont également des formes superficielles remarquables par leurs dimensions car si les poljés et les ouvalas peuvent s’étaler sur de larges surfaces, les gouffres et les avens peuvent parfois atteindre des profondeurs de plusieurs centaines de mètres comme dans le système de Mammoth Cave aux Etats-Unis (Palmer, 1989). En profondeur justement, on peut trouver des cavités de plus ou moins grande dimension, ainsi que des réseaux de conduits se développant parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres linéaires et plusieurs centaines de mètres verticalement. Toutes ces morphologies sont très bien décrites dans les ouvrages de Nicod (1972) et Salomon (2006).

L’eau de pluie infiltrée se charge en gaz carbonique d’origine pédologique lors de son passage à travers le sol et, sous l’effet d’un gradient hydraulique, circule dans les fractures de la roche. La karstification autour de ces fractures accroit les vides et le transport des particules solubles et insolubles provoque la création de vides plus importants. Des conduits organisés en réseau se forment ainsi et drainent les eaux depuis la surface jusqu’à une source généralement unique tandis que des zones de stockage connectées au réseau de conduits prennent place dans la zone saturée (Mangin, 1975, Bakalowicz et Dörfliger, 2005). Le résultat final se traduit par une hétérogénéité considérable du milieu avec une organisation des vides déterminée par les écoulements souterrains (Mangin, 1975).

Caractère hydrodynamique du karst

Dans l’approche fonctionnelle, le fonctionnement des aquifères karstiques est étudié globalement, c’est à dire à l’échelle du bassin hydrogéologique en analysant les eaux à l’exutoire du système. Cela peut être d’un point de vue hydrochimique en étudiant les ions de l’eau et les isotopes (Bakalowicz, 1979 ; Plagnes, 1997 ; Emblanch, 1997), d’un point de vue hydrodynamique en étudiant les variations de débits par rapport aux entrées de pluie efficace (Mangin, 1975 ; Marsaud, 1996 ; Labat, 2000) ou encore à l’aide de modèles pluie-débit (Fleury et al., 2007 ; Moussu et al., 2011). La plupart du temps, plusieurs de ces approches sont combinées. Au travers de nombreux travaux similaires et des observations in-situ, l’aquifère karstique proprement dit est divisé en trois zones principales : l’épikarst, la zone d’infiltration (zone non saturée) et la zone noyée (zone saturée) (Mangin, 1975, Bakalowicz, 1979).

Dans la zone noyée (Figure 0.2), les conduits assurent le rôle transmissif de l’aquifère, tandis que le coté capacitif est plutôt localisé dans les cavités moins bien connectées aux drains et aussi dans les fractures et la porosité inter-granulaire de la matrice rocheuse. Des études de décharge de conduits avec des traceurs ont montré des zones plus ou moins transmissives dans le réseau de drains (Morales et al., 2010). Les échanges entre conduits et matrice ont aussi fait l’objet de publications (Faulkner et al., 2009 ; Bailly-Comte et al., 2010).

La zone d’infiltration fait elle aussi l’objet d’études hydrodynamiques avec notamment des pluviomètres installés sous des stalactites pour corréler ce signal à celui de la pluie (Genty et Deflandre, 1998 ; Baker et Brunsdon, 2003 ; Arbel et al., 2010). Les auteurs ont montré un effet piston (transfert de pression entre la pluie nouvelle et les eaux plus profondes) et un mélange entre eaux d’infiltration rapide et eaux ayant un certain temps de séjour dans le système karstique. Ces phénomènes ont déjà été décrits dans la littérature à partir de l’analyse chimique à l’exutoire (Plagnes, 1997).

La zone d’alimentation est la partie la plus proche de la surface. Cette partie est caractérisée par un fort degré de fracturation et d’altération. Les eaux d’infiltration peuvent être momentanément retenues en formant un petit réservoir temporaire perché : l’épikarst (Figure 0.3). Cette zone saturée temporaire et discontinue, constitue l’aquifère épikarstique, elle assure l’interface entre le karst sous-jacent et les phénomènes externes et une alimentation permanente via l’infiltration lente vers la zone noyée (Bakalowicz, 1995 ; Kiraly, 2002 ; Perrin et al., 2003). Les eaux y sont soumises à l’évapotranspiration. Le rôle de l’épikarst et son lien avec les dolines est très bien décrit par Williams (1983) et Klimchouk (2004) en propose une définition et une classification. L’épikarst est donc la frange plus altérée du massif carbonaté où la porosité et la perméabilité sont plus fortes et plus homogènes. Ce sous-système a une fonction régulatrice car il stocke l’eau et distribue la recharge à la zone d’infiltration de manière rapide ou lente (Figure 0.3).

Il faut noter également que même si la majorité de la porosité de l’épikarst est souvent représentée par des fractures, on peut aussi y trouver des conduits ainsi qu’une porosité matricielle (plus forte pour les dolomies par ailleurs).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. CHAPITRE I : LE SYSTEME KARSTIQUE ET SES ENJEUX VIS-A-VIS DE LA GEOPHYSIQUE
I.A. PRESENTATION GENERALE DU KARST
I.A.1. Morphologies karstiques caractéristiques
I.A.2. Caractère hydrodynamique du karst
I.A.3. Karstification et type d’altérations
I.B. APPORTS DE LA GEOPHYSIQUE AUX SYSTEMES KARSTIQUES
I.C. METHODES GEOPHYSIQUES UTILISEES
I.C.1. Tomographie de résistivité électrique
I.C.2. Tomographie de sismique réfraction
I.C.3. Prospection par ondes de surface
I.D. OBJECTIFS DE LA THESE
II. CHAPITRE II : CARACTERISATION GEOPHYSIQUE DE MORPHOLOGIES KARSTIQUES SUPERFICIELLES
II.A. LES DOLINES
II.A.1. Dolines d’Orniac (Causse de Gramat, Lot)
II.A.2. Doline de l’Hospitalet (Causse du Larzac, Aveyron)
II.A.2.a. Présentation de la doline et contexte géologique
II.A.2.b. Tomographies de sismique réfraction
II.A.2.c. Etude de la réverbération des ondes sismiques
II.A.2.d. Tomographie de résistivité électrique
II.A.2.e. Conclusions
II.A.3. Dolines de Grand (Plateau des Hauts-Pays, Vosges)
II.A.3.a. Contexte géologique et géomorphologique
II.A.3.b. Résultats de la tomographie de résistivité
II.A.3.c. Digression sur les tertres émissifs
II.A.4. Conclusions sur la caractérisation des dolines
II.B. EPIKARST DOLOMITIQUE
II.B.1. Présentation des deux sites étudiés sur le Causse du Larzac
II.B.1.a. Particularités des dolomies
II.B.1.b. Contexte géologique et hydrogéologique
II.B.2. Épikarst des Menudes
II.B.2.a. Contexte géomorphologique
II.B.2.b. Tomographies de résistivité
II.B.2.c. Tomographie sismique
II.B.2.d. Comparaison entre les tomographies
II.B.2.e. Estimation des vitesses des ondes de cisaillement et du coefficient de Poisson
II.B.2.f. Interprétations géologiques
II.B.3. Épikarst de l’Hospitalet
II.B.3.a. Contexte géomorphologique et fracturation
II.B.3.b. Tomographies électrique et sismique
II.B.3.c. Présentation des dispositifs d’acquisition sismique 3D et en T
II.B.3.d. Etude de l’anisotropie de vitesse
II.B.3.e. Modèle 3D de vitesses sismiques
II.B.3.f. Interprétations
II.B.4. Conclusions sur l’épikarst
III. CHAPITRE III : SUIVI TEMPOREL DES VARIATIONS DE SATURATION
III.A. METHODOLOGIE TIME-LAPSE
III.A.1.Variations temporelles de la résistivité
III.A.1.a. Loi d’Archie et variation de saturation
III.A.1.b. Correction de l’influence de la température
III.A.1.c. Stratégie de mesure Time-Lapse ERT
III.A.1.d. Stratégie d’inversion Time-Lapse ERT
III.A.2. Variations temporelles des vitesses de compression
III.A.2.a. Influence de la saturation
III.A.2.b. Stratégie de mesure Time-Lapse SRT
III.A.2.c. Stratégie d’inversion Time-Lapse SRT
III.B. SUIVI DE L’AQUIFERE DU BLAGOUR DE CHASTEAUX
III.B.1. Contexte hydrogéologique
III.B.2. Caractérisation hydrodynamique
III.B.3. Campagnes d’acquisition et cycle hydrologique
III.B.4. Résultats géophysiques structuraux
III.B.5. Suivi temporel de résistivité
III.B.6. Suivi temporel des vitesses de compression
III.B.6.a. Comparaison ja11 – av10
III.B.6.b. Comparaisons ja11 – av10 – oct09
III.B.6.c. Comparaisons av09 – ja11 – av10 – oct09
III.B.7. Conclusions sur le Blagour de Chasteaux
III.C. SUIVI TEMPOREL DE L’EPIKARST DOLOMITIQUE DU LARZAC
III.C.1. Caractérisation hydrodynamique
III.C.2. Suivi sur les Menudes
III.C.1.a. Campagnes d’acquisition et conditions hydrodynamiques
III.C.1.b. Suivi ERT entre av09 et av10
III.C.1.c. Suivi ERT entre les quatre périodes d’acquisition
III.C.1.d. Suivi SRT entre trois périodes d’acquisition
III.C.2. Suivi sur l’Hospitalet
III.C.2.a. Campagnes d’acquisition et conditions hydrodynamiques
III.C.2.b. Suivi ERT
III.C.2.c. Suivi SRT
III.C.3. Conclusions sur le suivi de l’epikarst
III.D. SYNTHESE SUR LE SUIVI TEMPOREL
III.D.1. Synthèse du suivi ERT
III.D.2. Synthèse du suivi SRT
CONCLUSIONS

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