Le syndrome de la maladie euthyroïdienne – analyse des donnees epidemiologiques

Discussion

Au stade embryonnaire, il existe une relation étroite entre la glande thyroïde et les reins. Les hormones thyroïdiennes jouent un rôle important dans le développement, la structure et l’hémodynamique du rein. Ce dernier est, à son tour, nécessaire pour la sécrétion, le métabolisme et l’excrétion des hormones thyroïdiennes [5,12].
Tout dysfonctionnement thyroïdien risque d’engendrer des perturbations vasculaires sur le glomérule, la fonction tubulaire et l’homéostasie de l’eau et du sel [3,5,11]. D’autre part, l’altération de la fonction rénale dans différentes pathologies rénales, particulièrement l’insuffisance rénale chronique, retentit aussi bien sur l’axe hypothalamo-hypophysaire que sur le métabolisme périphérique des hormones thyroïdiennes [5,6,13].La pathogénie des troubles thyroïdiens associés à l’insuffisance rénale chronique n’est pas bien élucidée.Plusieurs mécanismes ont été proposés.

La précision des dosages utilisés

Certains auteurs proposent l’hypothèse d’une origine artéfactuelle de l’ensemble des anomalies hormonales. Cela serait dû à la présence d’un inhibiteur de liaison des hormones thyroïdiennes à leurs protéines vectrices, empêchant de cette manière de refléter le vrai niveau d’hormones libres [1,2,14].

Atteinte de l’axe thyréotrope

La concentration plasmatique de la TSH est habituellement normale au cours l’insuffisance rénale chronique [15,16,17,40]. D’une part, la réduction de la clairance rénale peut contribuer à un retard de récupération d’autant que la TSH et la TRH sont éliminées par le rein. D’autre part, en comparaison aux sujets normaux, les patients avec une insuffisance rénale chronique ont une difficulté d’élever leur TSH [3,20,37], une altération de la réponse de la TSH à la TRH [3,18,19] et la
sécrétion pulsatile de TSH est limitée en amplitude [3,21].
Cette dysfonction de l’axe hypothalamo-hypophysaire peut être expliquée, selon certains auteurs, par une action directe des cytokines pro-inflammatoires au niveau hypophysaire ; pour d’autres, il existerait une augmentation de l’activité de la désiodase de type 2 dans les cellules gliales (tanicytes) de l’hypothalamus médio basal entraînant une augmentation de la production de T3 locale. La T3 exercerait un rétrocontrôle négatif sur la production de TRH dans les neurones du noyau para ventriculaire [1,22,23,32].

Modification de l’activité des désiodases

L’hypothèse largement acceptée est que la 5’désiodase type 1, une des enzymes responsables de la conversion extra-thyroïdienne de la T4 en T3, est réduite durant l’insuffisance rénale chronique [1,5,15,24,29,57].
La diminution de la désiodation périphérique est liée à l’action des cytokines proinflammatoire, d’une part. De l’autre part, la carence relative en sélénium retrouvée dans l’insuffisance rénale chronique est incriminée du fait que la désiodase est une sélénoproteine [1,32,58].
La diminution des protéines de liaison et de transport des hormones thyroïdiennes : Les hormones thyroïdiennes circulantes, dans les circonstances normales, sont fixées à la thyronine binding globuline (TBG) et, à un moindre degré, à l’albumine et la préalbumine. Ainsi, leurs concentrations dans le plasma sont dépendantes de celle des protéines de liaison [1,5,40].
Au cours de l’insuffisance rénale chronique, Les toxines urémiques anormalement augmentées type l’urée, la créatinine, les indols et phénols ; l’acidose métabolique et certains médicaments utilisés, notamment la furosémide et L’anticoagulation per-dialytique à base d’héparine, peuvent interférer et inhiber les protéines de liaison et de transport, provoquant par conséquence la diminution de la concentration des hormones thyroidiennes [5,24,25,26,38,61].

Le rôle de l’inflammation et de la malnutrition

Le complexe malnutrition – inflammation constitue un problème majeur chez les insuffisants rénaux chronique.
Des études intensifiées ont prouvées une association entre les marqueurs de l’inflammation et le dysfonctionnement thyroïdien. Les cytokines, en particulier l’interleukine 1(IL-1), l’interleukine 6(IL-6), et le facteur de nécrose tumorale (TNF), affectaient profondément la fonction thyroidienne doublement : au niveau central sur l’axe hypothalamo-hypophysaire, et périphérique, via leur action sur la conversion de T4 en T3 et sur les récepteurs hormonaux nucléaires [27,28,29].
En outre, la malnutrition agit elle aussi sur la fonction thyroïdienne, par des mécanismes diverses, dont la diminution de la synthèse protéique semble être la voie commune.

Le syndrome de la maladie euthyroïdienne – analyse des donnees epidemiologiques

Le trouble thyroïdien le plus fréquent chez les patients hémodialysés chroniques est le « syndrome de la maladie euthyroïdienne » ou l’ « hypothyroïdie primaire » [5,30]. Il regroupe une baisse de la concentration plasmatique de T3 associée ou non à une baisse de celle de la T4, sans élévation du taux de la TSH [32,56], ou une élévation plus que 5mUI/l sans dépasser 20mUI/l [5].
La réduction de T3 seule ou « le syndrome de baisse de la T3 » est le plus fréquemment observé chez les hémodialysés avec une euthyroïdie clinique [6,11,30,31,45].
La prévalence du syndrome de la maladie euthyroïdienne varie entre 9% à 25%. Dans notre population marocaine d’hémodialysés chroniques, la prévalence du syndrome de la maladie euthyroïdienne est mal connue vue le faible nombre des études réalisées. L’étude réalisée à Rabat en Mars 2007, estime la prévalence de cette affection à 28%, dont le syndrome de baisse de T3 constitue presque la moitié (13%).
Dans notre série, la fréquence était de 20,3% (13 cas), soit 81,2% des dysthyroïdies ; et dont 14,1% (soit 9 cas) ont une basse T3 isolée. D’autres séries ont objectivé des résultats similaires. (Tableau XII).
Il est utile de noter que les populations étudiées diffèrent à la fois par le nombre de patients, leurs sexes et leurs origines ethniques. Certaines études ont des critères d’inclusion plus extensifs concernant l’âge [8,33,35], ou les antécédents endocriniens [35], d’autres sont prospectives [8,34], ou rétrospectives [33,35]. Elles ont été réalisées durant des périodes différentes [8,11,34].
L’héparinothérapie peut fausser les taux des hormones thyroïdiennes. Nous avons réalisé tous les prélèvements avant le branchement des malades pour la dialyse.
L e syndrome de la maladie euthyroïdienne, en particulier la baisse de la T3, est étroitement lié à une durée longue en dialyse, une acidose, à des marqueurs d’inflammation et à des marqueurs d’altération endothéliale [5,36].
Les résultats de notre travail avoisinent ceux de la littérature, notamment des études récentes (l’étude de Zoccali et ses collaborateurs [34] et l’étude de ElOuzzani et al [35]) ; avec comme facteurs de risque communs le sexe féminin et le syndrome inflammatoire.
Cette étroite relation entre La chronicité de l’atteinte rénale, l’inflammation et le degré de l’atteinte endothéliale avec la survenue et la profondeur de la baisse de T3 expose à une morbimortalité cardiovasculaire, d’autant plus que ce système est sensible aux hormones thyroïdiennes [59,60,62].
Plusieurs études prospectives [8,27,34,44,59] dans ce sens ont démontré qu’il existe une différence significative entre les insuffisants rénaux chroniques avec et sans syndrome de la maladie euthyroïdienne, et concluant ainsi, que ce dernier constitue un facteur de mauvais pronostic indépendant [9,39,40,41,42,43].
La prise en charge thérapeutique de cette affection est largement discutée. D’une part fautil traiter ou non cette entité ? Et de l’autre part, par quelle arme thérapeutique ? [46,57]. Certains auteurs défendent la substitution hormonale par la Triiodothyronine T3 et/ou la tétraiodothyronine T4, tandis que d’autres trouvent que le syndrome de la maladie euthyroïdienne est une adaptation de l’organisme aux différentes modifications subies au cours de l’insuffisance rénale chronique [5,45,46,47,48,61], et insiste sur le traitement de l’acidose et des états inflammatoires qui l’accompagnent [47,49]. Des études ont démontré que le meilleur traitement demeure la transplantation rénale [6]. Elle s’accompagne d’une amélioration de la fonction thyroïdienne [32]. Un taux bas de T3 en pré greffe serait associé à un risque de perte de greffon. Le traitement hormonal ne semble pas améliorer la qualité du greffon ou prolonger sa survie [50].
Dans notre série, la décision thérapeutique était multidisciplinaire, incluant les néphrologues, endocrinologues et cardiologues, la substitution hormonale était indiquée chez 5 patients. Elle était à base de la triodothyronine T3 à dose adaptée à chaque patient.

Le goitre et les nodules thyroïdiens

Le volume de la glande thyroïde est également modifié chez les insuffisants rénaux chroniques.
L’excès des iodines au niveau sérique et au niveau de la glande thyroïdienne due à la réduction de son excrétion rénale en étant incriminé [5,32,53].
Le goitre, simple ou nodulaire, est fréquemment retrouvé dans cette population avec une prédominance féminine et une durée longue en hémodialyse [5,32,52]. Sa fréquence est variable, 0% au niveau de l’Angleterre et la France, 58% au niveau des Etats unis, 54,3% au niveau de la Chine [6,32,54,55].
Dans notre série, le bilan radiologique, échographique avec complément scintigraphique a mis en évidence une anomalie morphologique chez 46,9% des malades.
La différence notée peut être due aux variations géographiques et aux performances des méthodes de détection utilisées [55].
La prise en charge thérapeutique était chirurgicale dans 2 cas, pour une image radiologique suspecte.
Dans la littérature, en plus du traitement chirurgical, l’irathérapie est largement discutée vu la nécessité, par conséquence, d’isolement du malade au cours des séances d’hémodialyse, ou lui proposer une dialyse péritonéale [52,53,55].

CONCLUSION

L’approche épidémiologique des troubles thyroïdiens demeure insuffisamment illustrée dans notre population des hémodialysés chroniques.
Nous avons constaté qu’ils étaient souvent méconnus principalement du fait de leurs caractères asymptomatiques.
Le syndrome de la maladie euthyroïdienne, comme décrit dans la littérature, était le trouble thyroïdien le plus fréquent.
Notre étude démontre que le sexe féminin, le syndrome inflammatoire et l’état nutritionnel défaillant des malades hémodialysés chroniques constituent les facteurs de risque liés à cette dysthyroïdie, s’y ajoute, selon les données de la littérature, l’âge avancé et la longue durée en hémodialyse.
La substitution hormonale est défendue puisque ce dysfonctionnement endocrinien représente un puissant facteur de risque de morbimortalité cardiovasculaire, mais il n’existe pas encore de consensus thérapeutique codifié.
Ceci devrait nous conduire à s’interroger sur des moyens de prise en charge thérapeutiques et préventives, et surtout à insister sur le dépistage systématique des troubles thyroïdiens chez cette entité de malades et notamment par un bilan comportant aussi bien la T3 et la T4 que la TSH.

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Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES 
I- TYPE D’ETUDE
II- CRITERES D’EXCLUSION ET D’INCLUSION
III- LES VARIABLES ETUDIEES
1- Les données démographiques
2- Les données cliniques
3- Les données biologiques
4- Le profil thyroïdien
5- Les modalités de prise en charge
6- Les complications dialytiques au long court
IV- LES DEFINITIONS UTILISEES
V- L’ANALYSE STATISTIQUE
RESULTATS
I- RESULTATS GLOBAUX
1- Les données épidémiologiques
1.1 Age
1.2 Sex-ratio
1.3 Répartition des patients selon la classe d’âge et le sexe
1.4 Origine géographique des patients
2- Les données cliniques
2.1 Les antécédents pathologiques
2.2 La néphropathie causale
3- L’évaluation de l’hémodialyse
3.1 La durée de l’hémodialyse
3.2 La dose de l’hémodialyse
3.3 La qualité de l’hémodialyse
3.4 Le déroulement des séances
3.5 Les modalités de l’hémodialyse
4- Les données clinico-biologiques
4.1 L’état nutritionnel
4.2 Le bilan inflammatoire – Le bilan hématologique
4.3 Le bilan phosphocalcique
5- Le profil parathyroïdien
II- LE PROFIL THYROÏDIEN
1- Circonstances de découverte
2- Les manifestations cliniques et biologiques
3- Les données de l’imagerie cervicale
III- LES MODALITES DE PRISE EN CHARGE
IV- LES COMPLICATIONS AU LONG COURT DE L’HEMODIALYSE
V- LE PROFIL DES DYSTHYROÏDIES DANS CETTE POPULATION D’HEMODIALYSES
1- Circonstances de découverte
2- L’hypothyroïdie
2.1 Fréquence
2.2 Répartition du syndrome de la maladie euthyroïdienne selon l’âge et le sexe
2.3 Evaluation de l’hémodialyse
2.4 Profil biologique
2.5 Profil parathyroïdien
2.6 Profil des complications au long court de l’hémodialyse
2.7 Prise en charge thérapeutique
3- L’hyperthyroïdie
4- L’anomalie morphologique
DISCUSSION 
I- LA PHYSIOPATHOLOGIE DES DYSTHYROÏDIES AU COURS DE L’INSUFFISANCE
RENALE CHRONIQUE TERMINALE
II- LE SYNDROME DE LA MALADIE EUTHYROÏDIENNE (ANALYSE DES DONNEES
EPIDEMIOLOGIQUES)
III- LES AUTRES TROUBLES THYROÏDIENS CHEZ L’INSUFFISANT RENAL CHRONIQUE
1- L’hyperthyroïdie
2- Le goitre et les nodules thyroïdiens
CONCLUSION 
RESUMES
ANNEXE 
BIBLIOGRAPHIE

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