Le suivi gynécologique dans une zone déficitaire, étude en Centre Corse

Le médecin généraliste a une place centrale dans les soins mais également en ce qui concerne la prévention : « il contribue ainsi à réduire les risques de maladies ou de complications ultérieures par des informations, des questions et des conseils adaptés » (1). Cette notion est rappelée par la WONCA (Organisation Mondiale des Médecins Généralistes) qui insiste aussi sur une « responsabilité spécifique de santé publique dans la communauté » (2). Cela peut notamment s’expliquer par le lien particulier que le médecin de famille entretient avec ses patients mais également par le fait qu’il a davantage l’occasion de les voir. Ainsi, les conseils peuvent être répétés et le rattrapage de certains dépistages ou actes médicaux facilités. Sa proximité avec les patients lui permet aussi d’avoir une approche plus globale et davantage centrée sur ces derniers, ayant souvent un meilleur impact.

La gynécologie est la science de la femme. On la définit comme une « spécialité médicochirurgicale qui s’occupe des problèmes de santé spécifiquement féminins » (3). Il s’agit d’une discipline variée qui intéresse différentes pathologies : « de la contraception à la procréation médicalement assistée, de la prise en charge des cancers féminins au traitement substitutif de la ménopause, cette spécialité s’adresse aujourd’hui à l’adolescente puis à la femme tout au long de sa vie » (4). Elle se décompose en trois entités :

– La gynécologie médicale ;
– La gynécologie-obstétrique ;
– La chirurgie gynécologique.

Parmi les pathologies ciblées par cette spécialité, on peut citer le cancer du sein et le cancer du col de l’utérus dont la prévention est un enjeu important de santé publique. Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent de la femme et le second au niveau de la population générale avec une incidence en augmentation. Il est aussi la première cause de décès par cancer chez la femme bien que sa mortalité soit en baisse (5). C’est en partie pour ces raisons qu’il fait partie des dépistages organisés avec une invitation à la réalisation d’une mammographie tous les deux ans chez les femmes de 50 à 74 ans n’ayant pas d’antécédent particulier (6).

Le cancer du col de l’utérus représente une problématique sanitaire majeure au niveau mondial : maladie évitable et guérissable, il s’agit du quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes. Le premier facteur de risque est l’infection à papillomavirus et, bien qu’un vaccin efficace soit disponible, la couverture vaccinale est, en France, très insuffisante (7). La vaccination par Gardasil 9® est recommandée chez toutes les filles de 11 à 14 ans révolus (deux doses) avec un rattrapage possible de 15 à 19 ans révolus (trois doses) et depuis janvier 2021 elle a été étendue aux garçons selon les mêmes modalités (8). Le médecin généraliste devient alors un acteur essentiel de la prévention du cancer du col de l’utérus puisque disposant d’une place privilégiée, notamment pour informer les patients et leurs parents sur l’intérêt de la vaccination. C’est parce qu’il est un enjeu de santé publique que, depuis 2018, le dépistage du cancer du col de l’utérus a été généralisé en France et fait partie des dépistages organisés, au même titre que le cancer du sein et le cancer colorectal. Il s’adresse à toutes les femmes entre 25 et 65 ans. Il repose, chez les patientes asymptomatiques, sur la réalisation d’un examen cytologique tous les trois ans après deux premiers tests normaux, à un an d’intervalle, puis sur la réalisation d’un test HPV-HR à partir de 30 ans et à refaire tous les cinq ans en cas de normalité (9).

Par ailleurs le suivi gynécologique, bien que non obligatoire, est recommandé en France et constitue lui aussi un enjeu de santé publique (4) : il permet d’avoir une action de dépistage et de prévention. De plus, le cancer étant une cause importante de morbi-mortalité, une poursuite de la prise en charge des patientes avec un antécédent personnel de néoplasie gynécologique est nécessaire sur le (très) long terme. Ce suivi peut être réalisé par les gynécologues médicaux, les gynécologues obstétriciens, les médecins généralistes mais aussi par les sages-femmes. Il n’existe pas de recommandations spécifiques sur le suivi gynécologique mais la majorité des professionnels de santé s’accorde sur un rythme annuel.

La démographie médicale est inquiétante en France avec l’apparition de nombreux « déserts médicaux ». Aucune spécialité n’est épargnée par le phénomène qui affecte de manière plus aiguë encore la gynécologie médicale. En effet, spécificité française instituée en 1963, elle a été supprimée en 1984 avec la réforme de l’internat avant d’être réhabilitée en 2003 (10). Or pendant cette période de 20 ans, aucun gynécologue médical n’a été formé générant une déperdition de compétences qui n’a pas été compensée proportionnellement par une augmentation du nombre de gynécologues-obstétriciens et rendant ainsi l’accès des patientes à cette spécialité plus difficile encore (11). En effet, il y a en 2020 un gynécologue (médical ou obstétricien) pour 4.376 à 5.304 femmes selon les chiffres de l’INSEE et de l’annuaire ou de l’atlas démographique du Conseil National de l’Ordre des Médecins (12–14). Ainsi, en France, 15 à 22% des femmes ne bénéficieraient pas de suivi gynécologique (10,15). Le Centre Corse fait partie d’une zone définie par l’ARS comme étant « d’action prioritaire » (16) avec un nombre d’actes de médecine générale accessibles par an et par habitant inférieur à 2,5 (contre 3,8 pour la moyenne nationale).

Par ailleurs les motifs gynécologiques sont fréquents en médecine générale, environ 4% selon l’étude ECOGEN (17). Cela concorde avec les données de l’Observatoire de la Médecine Générale : la prévention systématique et la contraception font partie des 25 résultats de consultation les plus fréquents, les deux sexes confondus, et on retrouve dans les 50 plus fréquents, chez la femme, la grossesse et les vulvites/vaginites également (18). Une publication du CNGOF indique aussi qu’une femme consulte son médecin généraliste environ 3,6 fois par an pour un motif gynécologique (4). Le dépistage et la prévention sont des éléments essentiels de l’exercice du médecin généraliste. Ces actes incluent la gynécologie au sens large. En ce sens, 64 à 96% des médecins généralistes ont une activité gynécologique selon la revue de la littérature du Dr Guyomard (19), ce qui peut devenir de plus en plus indispensable compte tenu de la démographie médicale générale. Il est vrai que dans certains pays européens, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, le suivi gynécologique est assuré par les médecins de famille en priorité qui sont un intermédiaire obligatoire pour la coordination avec le spécialiste. Cependant de nombreuses patientes semblent réticentes, pour diverses raisons, à ce que leur médecin traitant endosse également ce rôle : certaines ne savent pas que les médecins généralistes peuvent faire des consultations de gynécologie quand d’autres supposent une incompétence ou encore se sentent mal à l’aise (19).

Matériel et méthode

Type d’étude

Il s’agissait d’une étude descriptive, transversale et quantitative par auto questionnaire menée auprès des femmes de 18 ans et plus au sein de la région Centre Corse.

Modalités de réalisation de l’étude

Population cible
Ce travail s’intéressait aux femmes chez qui un suivi gynécologique (régulier) est conseillé et qui habitent le Centre Corse, classé zone d’action prioritaire par l’ARS (16). Nous nous sommes intéressés aux femmes de 18 ans et plus. Il n’a pas été fixé de limite supérieure d’âge car les pathologies gynécologiques restent importantes et fréquentes à tout âge de la vie, notamment concernant les cancers ou encore les troubles de la statique pelvienne (incontinence urinaire, prolapsus, …).

Le Centre Corse a été défini selon la composition de la communauté de communes (21,22). Les 10 villes et villages le composant sont donc Casanova, Corte, Muracciole, Noceta, Poggio-de-Venaco, Riventosa, Rospigliani, Saint-Pierre-de Venaco, Venaco et Vivario.

Les critères d’inclusion et d’exclusion sont les suivants :
– Critères d’inclusion : femmes majeures sachant lire et écrire le français et ne présentant pas de troubles cognitifs ;
– Critères d’exclusion : lieu de vie en dehors de la zone définie pour le Centre Corse et questionnaires incomplets, c’est-à-dire avec plus de deux items sans réponse.

Recrutement
Un objectif d’au moins 100 réponses a été fixé de façon à avoir un collectif intéressant et des résultats exploitables. Il a été décidé d’inclure les patientes de deux façons différentes :
– Via les quatre pharmacies de la région, c’est-à-dire trois à Corte et une à Venaco ;
– En proposant le questionnaire à des femmes de façon aléatoire au niveau de l’artère principale de Corte, chef-lieu de la zone définie. Cette phase d’inclusion a duré trois mois, de novembre 2020 à janvier 2021.

Recueil de données

Questionnaire proposé aux patientes

Pour étudier le suivi gynécologique des patientes de ce désert médical, nous avons opté pour un auto-questionnaire (cf Annexe). Ce dernier a été relu par deux gynécologues et un médecin généraliste. Un test préalable a par la suite été effectué auprès de trois femmes de niveaux socio-culturels et d’âges différents avant d’être distribué, ce qui a permis d’y apporter des modifications pour en faciliter la cohérence et la compréhension. Le questionnaire est court avec quinze items et principalement des questions fermées (au nombre de onze) pour favoriser l’adhésion des patientes se prêtant à l’exercice. Il se remplit en moins de cinq minutes.

Dans un premier temps j’ai contacté par téléphone les responsables des quatre pharmacies faisant partie de la zone géographique délimitée, c’est-à-dire les Docteurs Alfonsi, Imperio, Manzi et Spazzola. Nous avons ensuite convenu d’un rendez-vous pour préciser mon travail de thèse ainsi que pour leur présenter et leur remettre les questionnaires à proposer accompagnés de boîtes pour que les femmes puissent les y déposer de façon à préserver leur anonymat.

Les questionnaires ont été distribués à la convenance des professionnels de santé dans les pharmacies et au hasard dans la rue, au niveau de l’artère la plus passante de Corte. Une information claire et loyale a été donnée aux différentes participantes concernant les objectifs de cette étude et l’utilisation des données recueillies. Il leur était également précisé que les réponses resteraient anonymes. Les femmes remplissaient donc seules leur questionnaire avant de le déposer dans la boite dédiée. Si elles rencontraient des problèmes, elles pouvaient s’adresser aux personnels des différentes pharmacies et je restais bien évidemment disponible. Les questionnaires ont été détruits à la fin de l’étude.

Étude de l’offre de soins gynécologiques dans le Centre Corse

En parallèle, je me suis également renseignée sur l’offre de soins gynécologiques dans le Centre Corse. Il n’y a pas de gynécologue installé à Corte ou dans ses proches alentours. En revanche une sage-femme et des gynécologues obstétriciens extérieurs à la microrégion viennent consulter au Centre Hospitalier de Corte. J’ai alors pris contact avec leur secrétariat pour avoir des informations sur le nombre de professionnels proposant un suivi gynécologique, la fréquence de leurs consultations et leurs délais de rendez-vous.

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Table des matières

I. Introduction
II. Matériel et méthode
A. Type d’étude
B. Modalités de réalisation de l’étude
1. Population cible
2. Recrutement
C. Objectifs
1. Objectif principal
2. Objectifs secondaires
D. Recueil de données
1. Questionnaire proposé aux patientes
2. Étude de l’offre de soins gynécologiques dans le Centre Corse
E. Analyse statistique
III. Résultats
A. Offre de soins gynécologiques en Centre Corse
B. Résultats de l’étude
1. Recueil des questionnaires
2. Caractéristiques de la population étudiée
3. Objectif principal
• Maintien d’un suivi gynécologique
• Professionnel de santé assurant le suivi gynécologique
4. Objectifs secondaires
• Accès aux soins gynécologiques
• Place du dépistage au sein des soins gynécologiques
• Connaissances sur les professionnels de santé pouvant assurer un suivi gynécologique
• Consultations gynécologiques en urgence
• Suivi gynécologique par le médecin généraliste
• Commentaires libres
IV. Discussion
A. Forces et limites de l’étude
B. Résultats de l’étude
1. Population étudiée
2. Objectif principal : le suivi gynécologique des femmes du Centre Corse
3. Objectifs secondaires
• Accès aux soins gynécologiques
• Le dépistage et la prévention en gynécologie
• Place du médecin généraliste dans les soins gynécologiques
V. Conclusion
Références bibliographiques
Annexe – Questionnaire de thèse
Abréviations
Serment d’Hippocrate

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