Le soutien aux échanges littéraires en Europe

Le rôle joué par le Cnl dans le paysage des institutions de soutien au développement des échanges littéraires internationaux

Le soutien aux échanges littéraires en France

Le soutien aux échanges littéraires en France prend plusieurs formes. Un soutien promotionnel tout d’abord est majoritairement assuré par le Bief (Bureau international de l’édition française) . Un soutien financier est par ailleurs assuré à la fois par le Cnl dans le cadre des aides à la traduction, et le Programme d’aide à la publication de l’Institut français.
Ce programme d’aide, dépendant du ministère des Affaires étrangères, a pour objectif le rayonnement des savoirs et des écrits français. Depuis 25 ans, le programme a permis à plus de 25 000 titres d’auteurs français de s’exporter dans plus de 80 pays, comme l’indique lesite de l’Institut français.
Cette aide repose sur la prise en charge totale ou partielle des cessions de droits étrangers. Enfin, un soutien à la distribution est assuré par le Centre d’exportation du livre français (CELF), qui a pour mission le traitement direct des commandes de livres français vers l’étranger. Il satisfait à ce titre à toutes les commandes des opérateurs, même si celles-ci ne sont pas rentables.

Le soutien aux échanges littéraires en Europe

Le secteur du livre en Europe représente actuellement un chiffre d’affaire de 40 milliards € , chiffre d’affaire qui fait de l’édition la première industrie culturelle européenne, et qui fait du secteur une véritable aubaine en termes de développement économique de l’Union mais également en tant que facteur de cohésion sociale. A ce titre, en 2006 à Berlin, l’ancien Président de la Commission José Manuel Barroso, a tenu à rappeler que la culture était au cœur du renforcement de l’identité européenne : « L’Europe a besoin de culture car la culture contribue à son bien-être, à sa plus grande prospérité et à sa cohésion sociale. Mais l’Europe a aussi besoin de culture pour proclamer, en ces temps d’instabilité, que nos valeurs ne sont pas négociables ».
L’Europe a donc un rôle crucial à jouer dans le soutien aux échanges, dans un double objectif de soutien à la croissance, à l’emploi et à l’innovation, mais aussi de renforcement des valeurs européennes et de cohésion sociale européenne. C’est en effet le but affiché du programme d’aide à la traduction littéraire d’Europe Créative 2014-2020 proposé par la Commission européenne : dans le but d’élargir les publics et de soutenir le développement économique, de favoriser la promotion et la sauvegarde de la diversité culturelle et linguistique en Europe, et de renforcer la compétitivité des industries culturelles, 3,57 millions d’euros sur 2014, soit 7% du budget du programme Culture de l’UE sont proposés aux maisons d’édition, sur présentation d’un projet de traduction. Dans le détail, deux types d’appel à projet sont faits chaque année par la Commission : de petits projets portant sur la traduction et la promotion de trois à dix œuvres de fiction, sur une durée de deux ans maximum pour un financement maximal de 100 000 euros en tout) et de grands projets portant sur la traduction et la promotion de cinq à dix œuvres par an d’une durée maximum de quatre ans (montant maximum de 100 000 euros par an).
En parallèle de cette politique issue de l’Union Européenne, la Fédération Européenne des Editeurs (FEE) joue un rôle important de formation et de conseil auprès des éditeurs souhaitant connaître plus en détail les politiques de l’Union (en termes d’aides mais aussi de réformes concernant le secteur, comme par exemple les réformes actuelles sur le droit d’auteur). Fondée en 1967, la fédération regroupe 27 associations nationales d’éditeurs de l’Union Européenne et se propose d’être la voix des éditeurs européens auprès de la Commission tout autant que le centre de ressources et de veilles des actions de la Commission.

L’organisme d’accueil

Statut juridique et missions du Cnl

Le Centre national du livre est un Etablissement public à caractère administratif (EPA). Il agit sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la communication et plus spécifiquement sous celle du Service du Livre et de la Lecture de la Direction générale des Médias et des Industries culturelles. Il a pour vocation le soutien à l’ensemble de la chaîne du livre et la promotion de la langue et de l’écrit français en France et à l’international, notamment en ce qui concerne les œuvres françaises d’excellence. Le Cnl attribue des prêts, des bourses et des subventions sur avis de la commission spécialisée.
Le Centre national du livre est l’héritier de la Caisse des lettres créée en tant qu’établissement public autonome par la loi du 11 octobre 1946, qui a pour seule mission l’aide à l’édition et à la réédition. A partir de 1973, le Centre national du livre est créé et passe de la tutelle de l’Education nationale à celle du ministère de la culture et ses activités s’élargissent puisqu’il aide à partir de cette date tous les auteurs francophones (et non plus seulement français). En 1976, à la suite de la création de la Direction du livre, le Cnl est doté d’un conseil d’administration présidé par le directeur du livre et de la lecture. De nouvelles compétences lui sont aussi confiées à cette occasion : l’aide aux bibliothèques dans l’achat de livres et l’aide à la traduction en langue étrangère. En 1993, ses activités se diversifient encore et il est chargé d’aider les librairies dans leur rôle de diffusion (prêts à taux zéro pour la diversification des fonds, subventions sur projet…). Depuis 2012, le Cnl accueille par ailleurs l’Ecole de traduction littéraire, sous son autorité et dans ses locaux. L’action du Centre national du livre se reposent sur deux-cents avis d’expertise de la part de spécialistes issus du monde du livre (enseignants -chercheurs, éditeurs, auteurs, libraires, traducteurs, agents…), répartis dans 18 commissions qui se réunissent chacune trois fois par an.
Depuis 2010, le Cnl était présidé par le Directeur du livre et de la lecture (puis le directeur général des médias et des industries culturelles). Toutefois, à partir de 2010, un décret prévoit la nomination d’un président à la place du président de droit. Depuis 2010 et jusqu’en 2013, Jean-François Colosimo le présidait, avant que Vincent Monadé ne le remplace en 2013.
Budget du Cnl Pour assurer son fonctionnement, une redevance sur la vente de matériel de reproduction et d’impression et une redevance sur le chiffre d’affaires des maisons d’édition sont versées au Cnl sous forme de taxes fiscales. Son budget s’élève à environ 30 millions d’euros par an.

L’organisation du Cnl

Le Cnl, en tant qu’EPA, dispose d’un conseil d’administration chargé de déterminer la politique de l’établissement. Le conseil d’administration, présidé par Vincent Monadé, est composé par deux membres du Parlement (un député et un sénateur) ; huit représentants de l’Etat (le secrétaire général du ministère de la culture, le directeur général des médias et des industries culturelles, le chef de service du service du livre et de la lecture, le délégué général à la langue française et aux langues en France, un directeur des affaires culturelles nommé par arrêté, le directeur du budget, le directeur général de l’enseignement scolaire, le directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats) ; le président de la BnF ; neuf professionnels du monde du livre (auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires) ; le président de la Fédération interrégionale du livre et de la lecture et un délégué du personnel élu pour 3 ans.

Mes missions de stage

Lors de mon stage au Centre national du livre, j’ai été amenée à travailler sur deux principales missions : tout d’abord l’assistance à Marie-Flore Criscione du département de la création et en charge des aides à l’ « extraduction » (aides à la traduction du Français vers une langue étrangère) et donc l’instruction de dossiers de demandes d’aides à la traduction d’une part ; et d’autre part, l’assistance à Simon Vialle, chargé de mission auprès de la direction pour la coopération internationale. Je l’ai plus spécifiquement aidé à constituer un dossier vulgarisé sur le droit d’auteur et les changements prévus par l’adoption du rapport Reda par la Commission européenne.
De façon plus annexe, j’ai travaillé sur des « fiches techniques » pour le secteur des revues, censées reprendre le bilan de chaque revue par an et le montant des aides qui leur ont été accordées, dans le but de déterminer pour quelles revues le montant des aides pourraient se réduire progressivement sans que cela soit dommageable, dans un contexte de réduction du budget. Je ne m’attarderai cependant pas sur cette mission annexe, dans le sens où elle ne répondrait en rien à la problématique qui guide ce mémoire.

Les aides à la traduction

Auprès de Marie-Flore Criscione, en charge du département des « extraductions fictions », j’ai été amenée à instruire des dossiers de demandes d’aides à la traduction.
L’instruction débute par la réception et le tri des demandes à chaque session (3 sessions par an). J’étais en charge de la préparation des dossiers pour la session de septembre 2015.
Ainsi, l’éditeur français adresse une demande d’aide pour son homologue étranger qui souhaite acquérir les droits de traduction et traduire l’ouvrage. Lors de réception des demandes, l’instructeur rentre dans la base « Papyrus » tous les éléments à sa disposition pour déterminer si le Cnl est en mesure d’aider (et dans quelle mesure il peut aider) le demandeur. Ensuite, il s’assure que toutes les pièces exigées pour l’instruction du dossier ont été fournies : contrat de cession de droits traduit en français, contrat de traduction, CV détaillé du traducteur, présentation de la maison d’édition étrangère, présentation de l’ouvrage, extrait traduit de l’ouvrage et deux exemplaires de l’ouvrage.

La réforme du droit d’auteur européen : implications et limites de la création d’un titre unique européen du droit d’auteur

Nous avons vu dans une première partie que les échanges littéraires se développaient de plus en plus et que cet accroissement des échanges menait à un questionnement en termes de pratiques contractuelles. Dans une deuxième partie, nous avons vu que la France tentait de se positionner et de se constituer en levier dans la prise en compte et l’accompagnement de ces échanges. Cependant, il est apparu clairement que face à un modèle libéral importé des pays anglo-saxons, la France tend à revendiquer le statu quo et à refuser que l’Union Européenne ne s’insère dans la problématique d’une uniformisation du droit d’auteur. De plus, la problématique du numérique et des échanges et des droits numériques s’ajoute à celle de la globalisation, et l’Europe tente pour la première fois en 2015 de porter un réel projet d’uniformisation d’un droit d’auteur 2.0. Cette troisième partie s’articulera donc autour de la problématique suivante :
Face à une déréglementation venue d’une part des pays anglo-saxons et d’autre part des possibilités offertes par le numérique, comment l’Europe et les Etats membres peuvent-ils repenser le droit d’auteur dans une double perspective de soutien au développement des échanges et de protection des auteurs ? et proposera tout d’abord un état des lieux du droit d’auteur en France et en Europe, puis présentera les problématiques ouvertes par la globalisation et le développement du numérique pour enfin introduire les réformes en cours au niveau de l’Union Européenne à travers notamment l’étude du rapport Reda, adopté en commission juridique le 16 juin 2015 et au Parlement le 9 juillet 2015.

Le droit d’auteur en France et en Europe : état des lieux

Le droit d’auteur français

En France, à partir de 1957, la première loi de propriété littéraire et artistique regroupe toutes les pratiques mises en place antérieurement par la jurisprudence. Puis, en 1992 est créé le premier Code de la Propriété Intellectuelle, qui encadre notamment le droit d’auteur.
A l’échelle internationale, la Convention de Berne prévoyait dès 1886 un minimum de protection des œuvres, en proposant trois principes fondamentaux : le principe de « traitement national » (l’œuvre traduite dans un pays doit bénéficier de la même protection que celle accordée par l’Etat aux œuvres nationales) ; le principe de « protection automatique » (l’œuvre est automatiquement protégée sans que cette protection ne soit subordonnée à une formalisation) ; et le principe d’ « indépendance de la protection » (l’œuvre est protégée dans le pays dans lequel elle est diffusée, même si cette œuvre n’est pas protégée dans son pays d’origine) . La convention de Berne a par la suite été complétée par le traité OMPI en 1996, qui encadrait plus précisément les droits de distribution, de location et de communication autour de l’œuvre. Par la suite, l’Accord sur les aspec ts des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ou ADPIC) formalise la reconnaissance à l’échelle internationale du droit d’auteur en intégrant les droits de propriété intellectuelle dans le système OMC. Cependant, malgré cette reconnaissance du droit d’auteur par tous les pays membres de l’OMC, aucune uniformisation n’était ou n’est amorcée à l’échelle internationale.

Les principes du droit d’auteur

Les principes du droit d’auteur sont fixés en France par les articles 212-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Le droit d’auteur, indique le CPI, s’applique aux œuvres de l’esprit, dont la définition est aujourd’hui stable : « création de l’esprit dont la forme est originale ». Cela sous entend qu’est protégé par le droit d’auteur toute réalisation concrète (forme) et volontaire (« création », cela exclut le hasard) qui porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur (« originale »). Cette dernière notion est cependant très subjective.

Les droits

Le droit d’auteur en France recoupe à la fois les droits dépendants du support de l’œuvre et les droits qui sont indépendants. Dans le CPI, cette distinction est opérée par la catégorisation entre ce qui fait partie des droits « moraux » et des droits « patrimoniaux ».
Cependant, en ce qui concerne le droit moral, « l’harmonisation européenne est parvenue à un degré de protection qui semble satisfaisant » indique la même étude. Les contestations qui demeurent restent des épiphénomènes (comme par exemple lors de la foire du livre de Leipzig en 2014, durant laquelle les écrivains ont signé une pétition pour la protection du droit moral et contre le plagiat en réaction aux plagiats de la jeune auteure britannique Helene Hegemann).
Concernant les droits patrimoniaux, il est souvent souligné par les juristes que la relation économique entre l’auteur et son éditeur est dommageable pour l’auteur : le droit d’auteur n’est pas la même chose qu’un droit des auteurs et bien souvent les débats se concentrent plus sur les intérêts économiques des détenteurs des droits que sur les intérêts des auteurs. Dans son article « Réflexions sur les aspects contractuels du droit d’auteur en Allemagne », Adolf Dietz incite à s’interroger sur la position de l’auteur dans le système du droit d’auteur dans son ensemble, postulant que « le droit d’auteur n’a jamais été, et n’est toujours pas, compris exclusivement comme un droit des auteurs, car trop d’intérêts industriels y sont liés ». « Pour éviter, ajoute-t-il, que le droit d’auteur soit en fin de compte (mal) conçu et pratiqué purement et simplement comme un droit de propriété industrielle, l’auteur (ainsi que l’artiste-interprète) doit garder, voire obtenir à nouveau, une place certaine dans le système global ; ceci est vrai du point de vue moral, ainsi que, et surtout, du point de vue économique. »
En effet, la place réservée aux auteurs dans les débats sur le droit d’auteur est très infime, alors qu’il est le premier concerné, et bien souvent le lobbying des éditeurs (mieux organisés et dont les intérêts industriels priment sur des intérêts plus disparates et individuels) porte plus facilement sa voix, notamment au niveau européen.
Aussi le rapport du Motif conclut-il, à la suite d’entretiens avec les différents acteurs de la chaîne du livre (agents, éditeurs, auteurs) que les associations d’auteur sont encore trop peu puissantes comparativement aux associations d’auteurs et que les intérêts des auteurs sont donc insuffisamment représentés, notamment au niveau européen où ils sont à peu près exclus des débats : ainsi, dans leur réponse au « Livre vert sur le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance », les juristes du CEIPI (Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle) relevaient que les auteurs avaient été « une fois de plus, étrangement absents des motivations du législateur communautaire », lequel avait pris soin « de prendre en considération le point de vue des éditeurs, des bibliothèques, des établissements d’enseignement, des musées, des services d’archives, des chercheurs, des personnes handicapées et du grand public ».
De plus, l’étude relève que la démocratisation des technologies numériques et les nouveaux enjeux amenés par celle-ci amorce de nouvelles atteintes au droit d’auteur, d’où la nécessité d’une réflexion nouvelle sur le droit d’auteur, dans une perspective de revalorisation des auteurs d’une part et des lecteurs d’autre part.
La directive 2001/29/CE ou la première tentative d’harmonisation du droit d’auteur De façon historique, l’Union Européenne a proposé de légiférer sur le droit d’auteur, pour palier à cette disparité des pratiques, revaloriser l’auteur et enfin prendre en compte le risque amorcé par le numérique. C’est ce que proposait la directive du Parlement et du Conseil Européen du 22 mai 2001 sur le « Droit d’auteur et [les] droits voisins dans la société de l’information ».
La directive prévoyait ainsi le droit exclusif pour les auteurs d’interdire : la reproduction de leurs œuvres, la diffusion au public de leurs œuvres, toute forme de communication autour de leurs œuvres, reconnaissant comme seules exception à ces droits moraux de l’auteur la reprographie, l’usage privé et les émissions faites par des institutions sociales. De plus, la directive enjoint les Etats membres à prévoir une véritable protection juridique du droit moral en cas de non-respect par le détenteur des droits patrimoniaux (l’éditeur). Aussi, pour la première fois, l’Union Européenne reconnaissait le droit moral non considéré en droit anglais et tentait de remettre au centre l’auteur.
Cependant, les nouvelles avancées numériques relancent les dés et poussent à une nouvelle réflexion sur le droit d’auteur, dans une double perspective de protection des intérêts des auteurs et de soutien à la circulation des œuvres.

Les nouvelles problématiques liées au développement des échanges et aux innovations technologiques

Comme vu plus haut, la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 a tenté une première uniformisation du droit d’auteur à l’échelle européenne, mais de façon assez incomplète car elle ne prenait que partiellement en compte les enjeux liés à la globalisation et aux avancées technologiques.
En effet, si aujourd’hui les pratiques contractuelles tendent à s’uniformiser, il n’en demeure pas moins des approches tout à fait différentes en ce qui concerne les possibilités offertes par le numérique, et les éditeurs français se placent bien souvent à contre-courant de leurs homologues européens dans les débats sur la prise en compte du numérique et la circulation plus souple et libérale des œuvres.

Circulation des œuvres

Un des premiers grands enjeux auxquels est confrontées l’Europe dans le débat sur le droit d’auteur est d’abord celui de la circulation des œuvres. Avec quels moyens l’Union Européenne doit-elle encourager la diffusion des œuvres ? Dans quelle mesure ce soutien et cette tendance à la libéralisation sur un modèle anglo-saxon pourrait-il mettre en péril le droit d’auteur ? Avec l’arrivée d’internet et les nouvelles technologies, le problème est de plus en plus présent : le téléchargement illégal d’ouvrages, la présence en ligne de contenus entiers (comme sur Google Books par exemple) est difficilement contrôlable par les seuls Etats membres. Aussi l’Union Européenne se trouve-t-elle confrontée à la révision du principe de territorialité en ce qui concerne les œuvres littéraires. Le principe de territorialité, c’est le principe « qui fait qu’une œuvre reste attachée à une base nationale ».
Remettre en cause ce principe c’est donc accepter qu’un seul détenteur des droits puisse diffuser l’œuvre partout en Europe. En France, le monde de la culture y est évidemment farouchement opposé. Cette proposition de révision du principe a été amorcée par la Commission européenne en mai 2014, et a suscité de vifs débats, notamment dans le monde de l’audiovisuel.
Manque de clarté pour les ayants droits D’autre part, et en dépit de la directive du 22 mai 2001, la Commission continue de regretter le manque de clarté dans les pratiques contractuelles pour les ayants droits.

Les GAFA

De façon prégnante, la problématique des plateformes commerciales en ligne, appelées communément les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), est particulièrement redoutée, notamment en France. Représentant plus de 1, 650 milliards d’euros en Bourse , leur capacité à capter les consommateurs en échappant aux législations nationales, notamment en termes de respect du droit d’auteur, inquiète les industries culturelles, qui souhaitent avant tout lutter contre la déportation de la valeur ajoutée des auteurs vers ces plateformes, qui captent les profits en pratiquant le cassage des prix et en échappant souvent aux impôts nationaux. « Les GAFA ne s’acquittent pas toujours des droit d’auteurs et pratiquent l’optimisation fiscale. Alors face à cela, la doxa de Bruxelles sur le tout gratuit et la concurrence ne fonctionne pas. On ne va tout de même pas affaiblir la richesse culturelle de l’Europe pour faire plaisir à des tuyaux ! » déclare ainsi Jean-Marie Cavada, député européen. Face à la puissance de ces industries plateformes, la Commission est sommée par les Etats membres de légiférer de façon à protéger les auteurs et les artistes avant de protéger le consommateur.

Norme ouverte

Enfin, les innovations technologiques étant difficilement contrôlables, la discussion d’une proposition de « norme ouverte », c’est-à-dire la possibilité de modifier au gré des innovations technologiques les exceptions et limitations au droit d’auteur est envisagée par la Commission, dans le but de ne plus condamner consommateurs et ayants droits et encore une fois d’accompagner l’accroissement des échanges.

La proposition du rapport Reda

Contexte et philosophie du rapport

C’est dans ce contexte qu’est né le rapport Reda, porté par Julia Reda, membre du Parti Pirate. Le rapport a été déposé auprès de la Commission européenne en janvier 2015 et la Commission juridique a adopté le rapport le 16 juin 2015. Entre temps, quelques 556 amendements ont été déposés. Parmi les eurodéputés français, ce sont Jean-Marie Cavada, Virginie Rozière, Constance Le Grip et Marie-Christine Boutonnet qui ont été les plus prolifiques. La France souhaite sans aucun doute se poser en fer de lance de la lutte contre le « démantèlement » du droit d’auteur et entend bien le faire savoir, même si d’autres Étatsmembres ne sont pas en reste.
Le 9 juillet 2015, le rapport a finalement été adopté par le Parlement européen, en dépit des vives contestations, notamment venues de France, dont il a fait l’objet.
La philosophie du rapport, porté par le Parti Pirate, s’inscrit dans la celle des logiciels libres, qui souhaite avant tout valoriser l’accès au contenu numérique à un maximum de consommateurs tout en permettant à l’auteur (à l’origine à l’auteur du logiciel mais de façon étendue à l’auteur d’un quelconque contenu artistique ou culturel) d’être rémunéré pour l’utilisation et la diffusion de sa création, et ce, en supprimant l’intermédiaire (le « propriétaire » ou à l’origine le développeur). A l’origine en effet, les logiciels étaient « libres » en ce sens que leur code source était accessible à tous et que chacun pouvait étudier et améliorer le logiciel sans limitation. A partir des années 1980 cependant, les logiciels ont été protégés par le droit d’auteur et sont devenus « propriétaires », leur utilisation, modification ou diffusion était encadrée par une licence propriétaire. En 1984, Richard Stallman décide de remettre l’utilisateur au centre en créant le Copyleft (ou « gauche d’auteur ») qui donne la liberté à l’auteur de modifier sa création, de l’étudier et de la diffuser sous réserve que les produits dérivés soient aussi copyleftés.
Par analogie, un mouvement philosophique similaire à celui du logiciel libre existe dans le domaine artistique. Son but est de « préserver la liberté de l’artiste dans l’acte de création, d’empêcher de restreindre l’accès du public à l’œuvre et de créer de nouvelles conditions pour amplifier les possibilités d’expression » . Les mêmes principes que ceux appliqués aux logiciels se retrouvent : les artistes ont en effet la possibilité de diffuser leurs en œuvres en accordant le droit de les utiliser, de les modifier, de les copier, etc. Le mouvement du « Copyleft Attitude » a par exemple pour objectif de faire connaître la notion de Copyleft dans le domaine de l’art contemporain. D’autres types de licences issus de cette philosophie ont par ailleurs vu le jour récemment, comme c’est le cas pour les licences « Creative Commons ».
Le rapport Reda visant à uniformiser et moderniser le droit d’auteur dans une perspective à la fois de protection des auteurs et de protection des libertés des utilisateurs au détriment des plateformes et des circuits commerciaux en ligne est donc sous-tendu par cette philosophie issue d’internet. Pour autant, si le rapport est issu du Parti Pirate, et qu’il a été lors de sa publication vivement contesté, son existence traduit une nécessité de réformer un droit d’auteur qui aujourd’hui ne répond plus aux attentes ni des auteurs ni des consommateurs. Son existence et les débats qu’ils suscitent sont donc unanimement reconnus comme bénéfiques en tant que tremplin au débat, comme le souligne Aurélie Filippetti en mars 2014 en réponse à la consultation de la Commission européenne en matière de droit d’auteur : « Il est temps pour l’Europe de se doter d’une véritable stratégie pour la culture à l’ère numérique».
Propositions et chantiers ouverts par le rapport Reda « Les dispositions de la directive InfoSoc de 2001 n’ont pas permis l’adaptation nécessaire à l’augmentation des échanges culturels transfrontaliers facilités par Internet. Le régime actuel du droit d’auteur et de droits voisins freine les échanges de savoir et de culture transfrontières. Les défis d’aujourd’hui requièrent une mise à jour de la législation et plus d’harmonisation » , ainsi s’ouvre la page d’accueil du site internet de Julia Reda, eurodéputée de 29 ans, originellement issue du parti Pirate et récemment affiliée au groupe des Verts/ALE, chargée de produire un rapport sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE. A la publication de ce rapport en janvier 2014 (à la suite d’une consultation de 3 mois sur le droit d’auteur, qui a obtenu quelques 11 000 réponses de la part de particuliers et d’organisations ), ce dernier est vivement contesté en ce qu’il met en péril le droit d’auteur traditionnel et la primauté des Etats en matière de législation, en proposant une libéralisation des contenus dans la perspective d’un partage européen des connaissances, sans, parfois, prendre en compte les spécificités historiques des droits d’auteur nationaux.
Comme dit plus haut, le rapport Reda a été vivement critiqué, notamment en France où la libéralisation du droit d’auteur effraie. Aussi, si les autorités françaises (ministère de la culture, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), Secrétariat Général aux affaires européennes), reconnaissent-elles la nécessité de réviser un droit d’auteur devenu inadapté aux évolutions technologiques et frein au développement des échanges, elles regrettent que l’audace du rapport Reda ne soit pas assortie d’une étude d’impact de la mise en place d’une telle réforme : « toute réouverture du cadre législatif applicable doit être étayée sur des faits et fondée sur des études d’impact approfondies » écrit le CSPLA à Bruxelles en juin 2015. Et Madame Filippetti de préciser : « Il faut veiller davantage à l’avenir de la rémunération de la création, à la lutte contre la contrefaçon et aux bouleversements de la chaîne de valeur liés à l’affirmation des grands acteurs du numérique. » . Le monde des industries culturelles est donc inquiet de ce rapport audacieux, et la France souhaite se positionner en leader d’une quelconque réforme sur le droit d’auteur. En effet, « La rédaction de ce rapport d’initiative aurait dû dresser le bilan de l’actuelle directive et formuler des recommandations pour l’avenir… Mais au final c’est une succession de propositions législatives qui, sans un travail d’analyse et d’état des lieux poussé, est en fait un document idéologique » affirme la députée européenne Virginie Rozière sur son blog. Le fait que Julia Reda soit membre du parti pirate est souvent vécu comme une provocation. ». De plus, pour Carole Tongue, secrétaire général de l’Association des Coalitions européennes pour la diversité culturelle, « on ne peut pas avoir une politique de la culture qui ne tienne compte que des consommateurs » craignant que l’exception culturelle européenne ne soit peu à peu remplacée par l’uniformisation des contenus proposés par les acteurs globaux, réunis sous l’acronyme GAFA (Google Apple Facebook Amazon).
La proposition du rapport Reda qui a le plus animé les débats dans le monde littéraire en France reste néanmoins celle de l’exception du prêt numérique en bibliothèque. En effet, Vincent Monadé, président du Centre national du livre, juge que cette exception met en péril à la fois le marché numérique (qui selon lui ne décollera pas en mettant dès le départ un système gratuit en bibliothèques), les librairies (qui ne seront alors pas rémunérées pour ce prêt numérique) et les droits d’auteur : « À mes yeux de président du CNL, et je le dis tranquillement, [le rapport Reda] reste totalement inacceptable compte tenu de l’exception bibliothèques. Cela tuera le marché du livre numérique en France que l’on est en train d’installer avec PNB, doté d’une solution générale pour les librairies. Pour moi, c’est un vrai danger. »
Par ailleurs, l’Association des Bibliothécaires de France a évoqué les « tensions du métier », dans un contexte global de réduction des effectifs et des budgets : « Ce n’est pas parce que d’un seul coup les bibliothèques vont permettre d’accéder à des livres numériques que les problèmes de fréquentation vont se résoudre ».
Finalement, en dépit des vives critiques formulées à l’égard du rapport Reda, ce dernier a été adopté par le Parlement européen le 9 juillet 2015. Il n’en demeure pas moins une réelle frustration de la part du monde des industries culturelles et plus particulièrement du monde littéraire qui peine cependant à s’organiser pour faire entendre ses critiques auprès de Bruxelles. En tout cas, en dépit d’une France soumise aux importants lobbyings industriels de l’édition et des sociétés de gestion et qui tente de s’imposer en leader d’une révision du droit d’auteur, le « titre unique européen » de droit d’auteur est bel et bien en marche.

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Table des matières

Introduction 
I. Le développement des échanges littéraires internationaux : mon stage en agence littéraire 
A. Contexte de l’organisme d’accueil
1. Etat des lieux des échanges littéraires en Europe
2. Le développement des agences de cessions de droits partout à l’international
B. L’organisme d’accueil
1. Andrew Nurnberg Associates
2. Mes missions de stage
II. L’insertion de la puissance publique dans la problématique de soutien au développement des échanges : mon stage au Centre national du livre
A. Contexte de l’organisme d’accueil
1. Les politiques de soutien à la création littéraire en France
2. Le rôle joué par le Cnl dans le paysage des institutions de soutien au développement des
échanges littéraires internationaux
B. L’organisme d’accueil
1. Présentation du Cnl
2. Mes missions de stage
III. La réforme du droit d’auteur européen : implications et limites de la création d’un titre unique européen du droit d’auteur
A. Le droit d’auteur en France et en Europe : état des lieux
1. Le droit d’auteur français
2. Et européen
B. Les nouvelles problématiques ouvertes par le numérique et la globalisation : vers un droit d’auteur européen commun et 2.0
1. Les nouvelles problématiques liées au développement des échanges et aux innovations technologiques
Conclusion 
Bibliographie

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