LE SECTEUR DE L’ÉLEVAGE AU TCHAD

LE SECTEUR DE L’ÉLEVAGE AU TCHAD

Le commerce et la transformation de lait à N’Djamena

L’approvisionnement de la ville de N’Djamena en lait et produits laitiers est assuré par la filière locale et par les importations. Dans ce chapitre, nous nous intéressons uniquement à la filière laitière locale, objet de notre étude. Elle se divise en trois sous-filières : « lait frais » de vache ; « lait de chamelle » et « lait caillé ». Mais avant d’entamer l’analyse des circuits commerciaux et le fonctionnement des petites entreprises de collecte et de transformation de lait impliqués dans chacune des trois sous-filières, un bref rappel sur l’évolution historique du marché de lait dans la capitale tchadienne s’impose.

L’Histoire du lait de Fort-Lamy à N’Djamena

Dans les traditions pastorales tchadiennes, le lait était considéré comme un don de la nature et un produit de partage. Il ne pouvait être vendu. Il était autoconsommé et le surplus était transformé pour obtenir du beurre, lequel a toujours été au cœur de l’économie pastorale partiellement connectée aux marchés (Vatin, 1996 ; Duteurtre, 1998). Au Tchad, le beurre a été pendant longtemps le seul produit laitier donnant lieu à un commerce véritable. Il était d’abord échangé contre la “pacotille” (Deconinck, 1969). La monétarisation des échanges n’est intervenue qu’à partir de 1934. Le surplus transformé était échangé contre des céréales, du sucre ou du thé dans les villages. Sa valeur marchande était moindre et de grosses quantités étaient perdues en saison pluvieuse faute de marché. Les informations recueillies auprès d’anciens éleveurs ou de leurs épouses tendent à montrer que le lait caillé, le beurre solide et le beurre clarifié étaient les principaux produits laitiers locaux commercialisés à Fort-Lamy jusqu’à la fin des années 50. L’ensemble de ces produits provenait des élevages situés à sa périphérie dans un rayon de 15 à 30 km. Les épouses des éleveurs se rendaient chaque matin à Fort-Lamy à pied ou à dos de taureau selon la distance à parcourir pour les vendre sur le marché central de cette ville. Le lait caillé était conditionné dans des calebasses surmontées d’un col en vannerie appelées localement buxa. La louche végétale (djény) servait de mesure pour sa vente. Quant au beurre clarifié, il se vendait dans des bouteilles de récupération et la principale mesure était le litre. La vente de ces produits laitiers prenait parfois un aspect folklorique. En effet, les vendeuses se promenaient à travers les rues de la ville et lançaient des cris pour annoncer leur passage : « troquez contre le lait caillé et achetez en monnaie le beurre solide ».
Le commerce du lait frais a été plus récent. Vers les années 50, le lait frais commercialisé à Fort-Lamy provenait uniquement des élevages intra urbains. C’étaient les épouses des éleveurs qui livraient du lait cru ou chauffé à une poignée de clients fidélisés contre de l’argent. Le développement de la ville après l’indépendance a Chez les agro-éleveurs arabes le taureau était l’animal utilisé pour le transport des hommes et des marchandises.
L’introduction de l’âne comme moyen de transport dans le milieu des Arabes Choa date de la sécheresse de 1972-73. rendu progressivement difficile la pratique de l’élevage de bovins dans les quartiers de la ville. Vers le milieu des années 60, la plupart des troupeaux s’étaient déjà retirés en dehors du périmètre urbain. Le lait consommé dans la capitale était encore en partie fourni par les élevages intra urbains résiduels mais l’essentiel provenait de la périphérie. Le lait frais était porté sur la tête dans des récipients en poterie. C’était l’affaire des femmes. Chacune d’elles vendait du lait provenant de son exploitation qui produisait en quantité grâce à la bonne qualité des ressources alimentaires.
Plusieurs petites entreprises de transformation laitières tenues par des expatriés français se sont successivement installées à Fort-Lamy ou à sa périphérie. Il s’agit de : Chari-lait (1951), SPLA (1958), Chantaloup (1958), Profer et Solait (1964). Elles collectaient occasionnellement du lait cru en camionnette, dans les villages situés au Nord de Fort-Lamy.
Le lait servait principalement à la fabrication de fromages frais, de yaourts, de beurre salé, de crème fraîche, destinés à une clientèle majoritairement expatriée. Les quantités de lait collectées étaient très limitées. Par exemple Solait qui était la seule laiterie encore en activité à N’Djamena en 1967 collectait 200 litres de lait cru par jour de collecte (Ducruet, 1967). Les laiteries préféraient la poudre de lait importée, plus homogène pour fabriquer la plupart des produits laitiers. Les achats de lait chez les producteurs locaux s’effectuaient en monnaie et au comptant. Plus tard, les sociétés étatiques telles que la laiterie de la CMPA de 1970 à 1979 puis celle de la SONAPA de 1984 à 1992 avaient collecté du lait dans la même zone en utilisant des moyens modernes : bidons en aluminium, camionnette réfrigérée, etc. Les quantités moyennes collectées par les deux entreprises d’Etat ne dépassèrent guère 600 litres par jour avec de grandes variations saisonnières et interannuelles. Le paiement était effectué en monnaie par les agents chargés de la collecte mais seulement lors du passage suivant, ce qui n’était pas du goût des éleveurs.
L’accroissement de la population de N’Djamena, particulièrement, à partir des années 80, a généré une demande importante en lait et produits laitiers locaux. Cette croissance du marché plus rapide que la croissance démographique était due à des vagues migratoires successives de populations sahéliennes à forte tradition de consommation de lait vers la capitale fuyant la sécheresse et l’insécurité. Le circuit traditionnel de commercialisation de lait qui n’a pas disparu malgré le monopole accordé aux entreprises d’Etat va connaître un développement rapide avec la libéralisation du secteur de la transformation. On assista à une multiplication des colporteuses de lait pour répondre à la demande. Le début des années 90 a été marqué par l’apparition des hommes dans le commerce du lait, des petites unités de transformation et de nouveaux circuits de commercialisation.
D’où la nécessité d’analyser les circuits de commercialisation, de connaître ces petites unités de transformation laitière et leur rôle dans le dynamisme de la filière laitière de N’Djamena.

La description des différentes sous-filières

La sous-filière « lait frais de vache »

Elle comprend deux circuits : le circuit des collecteurs à mobylette et le circuit des talanié. Le premier fait intervenir un grand nombre d’acteurs alors que le second est tenu par des femmes qui pratiquent la revente du lait le plus souvent au porte à porte.

Le circuit des collecteurs de lait

C’est le circuit par lequel le lait est acheminé le long des routes bitumées ou en terre vers la ville. En plus d’alimenter les petites entreprises de transformation laitières appelées « bars laitiers », il s’approvisionne sur un réseau de distributeurs et de femmes intermédiaires dénommées collectrices grossistes.
a) Les collecteurs : de petits entrepreneurs dynamiques:Apparue au début des années 90, l’activité de collecte du lait va connaître un développement rapide avec la multiplication d’intervenants et l’apparition de nouvelles formes liées à la hausse de la demande. Les collecteurs de lait sont dans leur totalité des agro-éleveurs de l’ethnie arabe Choa. Le métier de collecteur est assuré par des personnes jeunes dont la moyenne d’âge se situe autour de 30 ans. Selon le type d’organisation de la collecte mis en place et le mode de transport, on distingue : les collecteurs solitaires et les collecteurs employeurs.
– les collecteurs solitaires:Ils utilisent la mobylette ou la bicyclette comme moyen de transport. Ils vont collecter le lait dans les villages et le transportent jusqu’à N’Djamena où ils le vendent directement chez un boutiquier 16 ou aux collectrices grossistes de lait frais. Les collecteurs à mobylette sont appelés les « quarantiers » à cause des bidons en polyéthylène de quarante litres qu’ils utilisent pour transporter le lait ;

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Table des matières
LISTE DES FIGURES.
LISTES DES CARTES.
LISTES DES PHOTOS
LISTES DES ABRÉVIATIONS ET SIGLES
INTRODUCTION GÉNÉRALE.
CHAPITRE I. LE SECTEUR DE L’ÉLEVAGE AU TCHAD : ENTRE MARGINALITÉ ET INTÉGRATION AU MARCHÉ
1.1 LES SOCIÉTÉS PASTORALES DU TCHAD
1.1.1. Le groupe Toubou
1.1.2 Le groupe Peul
1.1.3 Le peuplement des pasteurs Arabes
1.1.4 Les autres groupes de pasteurs
1.1.5 L’organisation sociale des sociétés pastorales
1.1.6 L’organisation administrative des éleveurs et processus de marginalisation
1.2 LES CONTEXTES AGRO-ÉCOLOGIQUES
1.2.1 La zone saharienne, désertique
1.2.2 La zone sahélienne
1.2.3 La zone soudanienne, de savane
1.3 LE CHEPTEL NATIONAL
1.3.1 Les effectifs
1.3.2 La répartition spatiale et l’évolution des effectifs
1.4 LES RESSOURCES ANIMALES
1.4.1 Les bovins
1.4.1.1 Les races bovines
1.4.1.2 Les systèmes d’élevage
1.4.1.3 Les performances zootechniques des bovins
1.4.1.4 Les tentatives d’améliorations génétiques et d’implantations de races
1.4.2 Les petits ruminants
1.4.2.1 Les ovins
1.4.2.2 Les caprins
1.4.2.3 La productivité des petits ruminants
1.4.2.4 Les améliorations génétiques
1.4.3 Les autres espèces animales
1.4.3.1 Les porcins
1.4.3.2 La volaille
1.4.3.3 Les camélidés
1.4.3.4 Les équidés
1.5. LE COMMERCE ET LA TRANSFORMATION DES PRODUITS ANIMAUX
1.5.1 L’exploitation numérique du bétail
1.5.1.1 Les ruminants
1.5.1.2 Le cadre réglementaire du commerce de ruminants
1.5.2 Les filières commerciales
1.5.2.1 Le commerce de bovins
1.5.2.2 Les dromadaires
1.5.2.3 Les exportations de porcs vers le Cameroun
1.5.2.4 Le commerce de la viande
1.5.2.5 Les cuirs et peaux
1.5.2.6 Le commerce du lait et des produits laitiers
1.6. LES POLITIQUES PUBLIQUES D’APPUI AU SECTEUR DE L’ÉLEVAGE
1.6.1 Les projets d’appui en santé animale
1.6.2 L’organisation pastorale
1.6.3 L’hydraulique pastorale
1.7 LE PÉTROLE TCHADIEN : ENTRE ESPOIR ET DÉCEPTION
CONCLUSION
CHAPITRE II : LA PROBLÉMATIQUE DU DÉVELOPPEMENT DE L’ÉLEVAGE EN AFRIQUE
SUBSAHARIENNE 
2.1 LE PASTORALISME
2.1.1 Le pastoralisme à l’échelle mondiale
2.1.2 Les fondements et les logiques du pastoralisme
2.1.3 Les performances des systèmes pastoraux
2.1.4 La durabilité des systèmes pastoraux
2.1.5 Les politiques pastorales en Afrique
2.2 LA CROISSANCE URBAINE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET LES CHANGEMENTS INDUITS DANS LES SYSTÈMES D’ÉLEVAGE
2.2.1 La croissance démographique et l’urbanisation
2.2.2 La demande
2.2.3 Les perspectives de l’offre
2.2.4 La « révolution de l’élevage » est-elle en cours en Afrique subsaharienne ?
CHAPITRE III : LES CONCEPTS ET LES MÉTHODES
3.1 LES CONCEPTS
3.1.1 Les bases de la démarche d’étude des systèmes d’élevage
3.1.1.2 Le système d’élevage : principes et définitions
3.1.1.3 Les objets d’étude dans un système d’élevage
3.1.1.4 Les enquêtes, outils du diagnostic des systèmes d’élevage
3.1.2 Les filières : une approche verticale des stratégies
3.1.3 L’innovation dans les filières : une approche horizontale des stratégies
3.2 LES MÉTHODES
3.2.1 La consommation
3.2.2 Le commerce et la transformation
3.2.3 La production
3.2.4 Les changements
3.2.5 Le traitement des données
CHAPITRE IV : LA CROISSANCE URBAINE ET LA CONSOMMATION DE LAIT À N’DJAMENA
4.1. LA CROISSANCE URBAINE
4.1.1 N’Djamena : du fort militaire à la capitale politique et administrative du Tchad
4.1.2 Une croissance démographique et une urbanisation spectaculaires
4.1.3 Les enjeux spatiaux de la croissance urbaine
4.1.4 Une population jeune, nombreuse et sous-employée
4.1.5 L’organisation administrative
4.1.6 Les conséquences sur la demande en lait et produits laitiers
4.2 LA CONSOMMATION DE PRODUITS LAITIERS AU SEIN DES MÉNAGES
4.2.1 Les produits laitiers consommés
4.2.2 Les fréquences d’achat
4.2.3 Les lieux d’achat
4.2.4 Le profil des ménages et la consommation de lait
4.2.5 Les critères de choix et les usages alimentaires des principaux produits consommés
4.2.6 Les prix des produits laitiers
DISCUSSIONS ET CONCLUSION
4.3 LA CONSOMMATION HORS DOMICILE
4.3.1 Le profil des consommateurs enquêtés
4.3.2 Les produits consommés : nature, critères, lieu et prix
4.3.3. Les fréquences et les horaires de consommation
4.3.4. La consommation
DISCUSSION 
CONCLUSION 
CHAPITRE V : LE COMMERCE ET LA TRANSFORMATION DE LAIT À N’DJAMENA
5.1 L’HISTOIRE DU LAIT DE FORT-LAMY À N’DJAMENA
5.2 LA DESCRIPTION DES DIFFÉRENTES SOUS-FILIÈRES
5.2.1 La sous-filière « lait frais de vache »
5.2.1.1 Le circuit des collecteurs de lait
5.2.1.2 Le circuit des talanié
5.2.2 Les autres sous-filières
5.2.2.1 La sous filière « lait de chamelle »
5.2.2.2 La sous filière « lait caillé »
5.3 LES MICRO-ENTREPRISES DE TRANSFORMATION LAITIÈRE
5.3.1 Les bars laitiers
5.3.1.1 La répartition spatiale
5.3.1.2 La dynamique des bars laitiers
5.3.1.3 Le profil des commerçants
5.3.1.4 L’origine du savoir-faire
5.3.1.5 L’approvisionnement en lait
5.3.1.6 Le mode de paiement
5.3.2 Les fromageries
5.3.3 Les yaourteries
DISCUSSION ET CONCLUSION
CHAPITRE VI : LE BASSIN D’APPROVISIONNEMENT ET LA PRODUCTION LAITIÈRE 
6.1 LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DU BASSIN
6.1.1 La description
6.1.2 Le climat
6.1.3 Les ressources alimentaires
6.1.4 Le cheptel
6.2 LES ÉLEVAGES PÉRIURBAINS DE BOVINS
6.2.1 Les effectifs et la composition du troupeau
6.2.2 La production laitière
DISCUSSION
6.3 LES ÉLEVAGES TRANSHUMANTS DE DROMADAIRES
6.3.1 Le lait de chamelle à N’Djamena : un commerce récent
6.3.2 Les motifs de déplacement
6.3.3 La composition et la taille du troupeau
6.3.4 Les pratiques d’alimentation des animaux
6.3.5 La production laitière
6.3.6 L’offre commerciale en lait
6.3.7 Les difficultés liées au contexte périurbain
DISCUSSION
6.4 LES ÉLEVAGES DE CHÈVRES
CONCLUSION
CHAPITRE VII : LES CHANGEMENTS DANS LA FILIÈRE LAITIÈRE ET LE BASSIN
D’APPROVISIONNEMENT
7.1 L’APPROCHE TECHNICISTE DU DÉVELOPPEMENT LAITIER
7.2 LES CHANGEMENTS DANS LA FILIÈRE LAITIÈRE DE N’DJAMENA
7.2.1 Une nouvelle habitude de restauration hors-foyer : la consommation du rayeb
7.2.2 L’innovation dans la fromagerie : l’importance du savoir-faire et de l’apprentissage
7.2.3 L’innovation dans le commerce : les réseaux de collecteurs à mobylette
7.2.4 La banalité des actes innovateurs : les unités de mesure
7.3 LES CHANGEMENTS DANS LE BASSIN DE PRODUCTION
7.3.1 Le commerce du lait : une activité récente
7.3.2 Des changements dans l’alimentation des animaux
7.3.3 Vers une spécialisation laitière
L’ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA FILIÈRE
PERSPECTIVES DE LA FILIÈRE
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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