Le rôle de la mer comme espace de désenclavement de l’arrière-pays

L’industrialisation de l’appareil productif martiniquais

A travers la grande sucrière, un mouvement de transformation profond de l’économie martiniquaise débuté dans les années 1860 se poursuit. L’usine supplante l’habitation. « L’habitation-sucrerie, précédemment organisée en micro-système économique, perd son autarcie et devient partie de l’autre système technique et économique : l’usine centrale à vapeur, qui peut être définie comme un ensemble constitué d’une usine chargée de la transformation de la canne en utilisant la vapeur et alimentée par les cannes fournies par un groupe d’habitations » . Longtemps unité de production fondamentale de la vie économique martiniquaise, l’habitation-sucrerie produisant un sucre brut avec les cannes des terres qui lui sont rattachées, voit sa place remise en cause par l’apparition de l’usine.
Cette usine apparaît à la lumière des évolutions technologiques liées à la révolution industrielle. Napoléon III durant son règne favorise la transformation de l’industrie sucrière en l’incitant au développement de la vapeur. La création de la Société de crédit colonial en 1860 qui devient Crédit foncier colonial par décret du 31 août 1863 répond à cette logique de financement de la nouvelle industrie.
La logique de production des usines fait évoluer les habitations. De nombreux propriétaires exploitants de terres sucrières passent d’habitants sucriers à habitants adhérents. Ils ne produisent plus leur propre sucre, mais livrent leurs cannes à l’usine centrale. La première usine construite en Martinique est celle de la Pointe-Simon à Fort-de-France en 1847. Près de quarante ans plus tard, en 1890, l’île compte vingt et une usines à vapeur . Comme avant pour l’habitation-sucrerie, ce changement de procédé de production implique toujours la nécessité au sucre d’être raffiné. C’est ainsi que des ports comme Bordeaux, disposent de nombreuses raffineries de sucres coloniaux.
En Martinique, ces usines sucrières recouvrent différentes formes juridiques, notamment celles de la société par actions. Ces dernières composent les plus grosses usines de Martinique.
Ainsi d’après les recherches d’Émile Eadie et Émile Bougenot, l’usine du Petit-Bourg, une de ces sociétés par actions, produit jusqu’à cinq millions de kilogrammes de sucre par année entre 1870 et 1890. Néanmoins si quelques usines centrales produisent d’importantes quantités de sucre, la majorité d’entre elles sont plus modestes.
Le mouvement de centralisation de la production de la canne à sucre vers les usines n’a pas été immédiat. Il est le fruit d’un processus d’absorption progressif qui est accéléré par la crise sucrière. Ainsi Émile Eadie cite un rapport du fonctionnaire Jourgon de 1883 resté introuvable et qui fait mention de la répartition du traitement de la canne. Jourgon note que « 318.000 tonnes de cannes vertes étaient traitées par 200 petites sucreries, annexes des habitations et donnaient 19.000 tonnes de sucre brut, les usines (il y en avait alors 16) manipulaient 308.000 tonnes de cannes, en tirant 23.000 tonnes de sucre d’usine  . On observe au rapport de ces faits que l’usine a un meilleur
rendement puisque pour une quantité de canne similaire, les habitations produisent 19.000 tonnes de sucre contre 23.000 tonnes de sucre d’usine. Au demeurant ces deux sucres ne sont pas de même qualité. Malgré ces différences qualitatives et quantitatives sur le produit final, les quantités de cannes destinées aux usines et habitations sont relativement similaires avant 1883.
La mise en place du système des primes au sucre en 1886 en France, afin d’obtenir un avantage concurrentiel, marque une évolution notable dans l’industrie martiniquaise. Ce changement amène le gouverneur Noël Pardon à prononcer les mots suivants à l’assemblée locale lors du discours annuel d’ouverture de 1895 : cette détaxe « amena la transformation complète de notre industrie […]. On ne voulut plus que faire du sucre d’usine, le seul qui se vendait en France.
Cent vingt-cinq sucreries alors existantes disparurent pour faire place en partie à quatre grandes usines centrales […] ».
En parallèle de ce renouveau du protectionnisme, la crise sucrière entraîne en Martinique un véritable mouvement de concentration des terres et de la production. En effet, les habitations martiniquaises, qu’elles soient habitations-sucrières ou habitations-adhérentes, subissent la crise de plein fouet et éprouvent de grandes difficultés à écouler leur production. Cette situation entraîne une dévalorisation des terres sucrières qui encourage la constitution de grandes propriétés autour des usines centrales par acquisitions successives. La gestion des terres de l’habitation passe ainsi de la main de l’habitant à la main de l’usine. Des grands domaines se constituent ainsi.
A titre d’exemple l’usine du Galion, située à proximité de la Trinité et construite approximativement vers 1862-1863, se constitue un bassin de production de cannes par ces acquisitions. Antérieurement à la création de l’usine, ce qui ne s’appelle pas encore le domaine du Galion est constitué de deux habitations : l’habitation Galion et l’habitation Grands Fonds, respectivement de 278 et 146 hectares. Établie sur un domaine restreint lors de sa construction et financée par un prêt contracté auprès de la Société du Crédit Colonial, l’usine se constitue un domaine agricole propre. Au début de l’implantation des usines en Martinique, leur alimentation se fait auprès des habitations alentours par le biais de contrats visant à garantir la fourniture de cannes.
Ainsi l’usine de la Pointe-Simon s’alimente en cannes auprès des habitations entourant la baie de Fort-de-France . Certaines habitations participent à l’association en elle-même, tandis que d’autres constituent une clientèle que l’on peut considérer libre. La constitution d’un domaine agricole propre par l’usine du Galion lui permet à la faveur de la baisse de la valeur des terres sucrières, d’établir un domaine lui permettant son alimentation en canne. Ainsi en 1900 le domaine du Galion est constitué de quatorze habitations réparties autour de la baie du Galion et représentant 2.855 hectares de terres. Cet exemple illustre bien le mouvement de concentration des terres et de la production sucrière de l’habitation vers l’usine centrale qui est à l’œuvre dans la seconde moitié du 19e siècle.
Ce développement des usines en parallèle du décroissement progressif des habitations en Martinique ne doit cependant pas laisser penser que les usines se placent à l’abri de la crise sucrière.
Leur mise en place, si elle résulte en partie des évolutions technologiques induites par la révolution industrielle, est aussi une réaction à la crise sucrière. L’avantage concurrentiel dans la production sucrière revient en effet clairement à l’usine et non à l’habitation. Cet avantage ne les soustrait pas pour autant à la pression économique. L’usine de la Pointe-Simon fait faillite en 1897 à l’image de cinq autres usines en cette fin de siècle. Afin de faire face aux nouvelles exigences économiques les usiniers vont faire évoluer leurs méthodes de production. Terrée estime ainsi que de 1882 à 1906 les coûts de production sont diminués par deux.
Par ailleurs, face aux difficultés que rencontre la production du sucre, les cultures de denrées secondaires connaissent un développement relatif. Cela concerne avant tout le café et le cacao dans ce dernier quart du 19ème siècle. Ces produits, ainsi que le coton notamment, ont occupé au XVIIIe et au début du XIXe siècle une place fondamentale dans les exportations de l’île. La conversion de la majorité des plantations à la canne au XIXe siècle leur a relégué une place absolument mineure.
Ces denrées concernent ainsi 3% de la valeur du commerce total avec la France en 1890, qui croît à 5,2% en 1900 . Cette production est principalement celle de petits propriétaires, que les difficultés économiques contraignent à diversifier leurs sources de revenus. Néanmoins la plupart de ces petites productions dédiées à l’exportation restent très limitées. Ainsi le cumul des exportations de café, fruits frais, vanille, casse, campêche et autres produits, atteint difficilement 1% du total exporté de la Martinique. Cette culture reste en conséquence marginale comparée à la canne et la culture vivrière. Cependant le cacao connaît un développement intéressant de sa production à la fin du XIXe siècle. Sa surface cultivée passe de 500 hectares en 1880, à 1500 en 1890 et 1750 en 1900 . Il constitue en quelque sorte le seul autre plant de l’île en dehors de la canne à connaître un certain succès à l’exportation. Son importance reste néanmoins à relativiser face à la montée en puissance d’un autre produit d’exportation.
La seule diversification qui réussit en Martinique à cette période ne vient pas de la culture de plants différents, mais de l’intensification de la production d’un dérivé de la canne : le rhum. « Par définition, le rhum est le produit de la distillation du seul jus de canne, et la distillation de la mélasse donne le tafia. Mais d’une manière courante on a fini par confondre les deux appellations, et le qualificatif de rhum s’applique autant à la distillation du jus de canne qu’à celle de la mélasse » . Plusieurs qualités de rhums sont produites en Martinique, cependant celui exporté est le rhum industriel. Il tire son nom de sa fabrication dans des usines dédiées à cet effet à la différence du rhum produit dans les habitations.
Le bassin industriel de fabrication de rhum en Martinique émerge principalement dans la ville de Saint-Pierre, l’analyse de cette cité dans l’étude présente sera donc l’occasion de comprendre la mise en place de cette production alternative.
La transformation de l’appareil productif martiniquais, débuté dans les années 1860 sous l’effet de la révolution industrielle et accéléré par la « grande crise sucrière », est à l’origine de la configuration géographique des usines de l’île. Ces centres de production, pour permettre la revente de leurs produits, sont confrontés au cloisonnement de l’île par la terre.

Le cloisonnement terrestre de la Martinique

Le développement de la production sucrière en Martinique, avec la concentration des terres, participe au mouvement de répartition des usines sur l’île. La géographie de cette dernière est néanmoins à l’origine de nombreuses contraintes dans les communications internes. En effet le relief et les approches maritimes de la Martinique ne rendent pas les transports aisés. Les routes ne sont pas parvenues à désenclaver le territoire, et les tentatives d’établissement de voies de chemin de fer sont peu probantes.

Un relief et des approches maritimes contraignantes

La configuration géographique de l’arrière-pays de la Martinique contraint les déplacements des individus, l’établissement des communications, mais tout particulièrement en notre étude, le transport des marchandises. S’intéresser à l’activité économique de la Martinique et à l’arrière-pays de Saint-Pierre, c’est chercher à comprendre comment celui-ci se structure. En particulier ici, c’est tenter de saisir comment les marchandises transitent dans le territoire.
La carte réalisée permet de saisir dans sa globalité les contraintes du relief à la fois terrestre et maritime de la Martinique (annexe IX). La carte est enrichie des principaux lieux de production ainsi que des ports qui bordent ses côtes.
L’île dans sa partie Nord est dominée par la Montagne Pelée qui culmine à 1.397 mètres. Ce volcan occupe à lui seul tout l’espace de la partie septentrionale de l’île, de telle sorte que ses pentes fertiles descendent jusqu’à la mer. Néanmoins son relief est marqué tout à fait au nord de l’île, par d’immenses falaises plongeant en mer. Cela oblige ainsi toute liaison terrestre à gravir le massif sans pouvoir passer par la côte.
Mais le volcan dans sa partie ouest présente un aspect moins marqué. Ses pentes se terminent par quelques baies bordées de plages, tel que là où la ville de Saint-Pierre s’est développée. Entre la Montagne Pelée et Fort-de-France, un massif montagneux très abrupt émerge. Ce sont les Pitons du Carbet. Ces montagnes au dénivelé très raide atteignent jusqu’à 1.196 mètres. Ils rendent particulièrement difficile les liaisons entre Fort-de-France et Saint-Pierre. La route de la côte Caraïbe n’existe pas encore, et c’est la difficile route de la Trace coupant par les Pitons du Carbet, qui doit être empruntée.
La partie centrale de l’île est marquée par une dépression autour de la baie de Fort-de France. Celle-ci est bordée à l’est et au sud par une région qui, bien qu’accidentée par endroits, est d’un relief bien moins élevé qu’au Nord. Quelques monts dominent cet ensemble vallonné sans dépasser les 504 mètres à la montagne du Vauclin.
Cette configuration géographique de l’intérieur des terres, compose avec un relief des approches maritimes qui complexifie les communications.
La partie ouest de l’île est par la mer la plus hospitalière. La côte est élevée et bordée de nombreuses falaises, mais elle est saine s’agissant de ses fonds marins. Il y est néanmoins délicat d’y mouiller en raison de la descente très rapide des fonds. Seule la baie de Fort-de-France fait exception. Les côtes la bordant ont peu d’élévation. Et sa partie intérieure renferme des mouillages de qualité, une fois passé les larges bancs qui restreignent la navigation dans sa partie centrale.
La côte atlantique de la Martinique est bordée de petites falaises dans sa partie nord. Les hauts fonds débutent aux approches du havre de la Trinité. Les récifs forment devant cette commune une chaîne dans laquelle il existe quelques passes de dimensions variables. Dès lors que le vent fraîchi et que la mer vient s’y briser, la baie offre une étendue calme de mer en son sein.
De la partie sud de la Trinité jusqu’au Vauclin, une longue chaine de récifs borde la côte.
Quelques passes offre la possibilité de pénétrer dans les abris sûrs que les récifs protègent. Passé le Vauclin, la ceinture de récifs disparaît et de nombreux brisants se rapprochent progressivement de la côte à mesure que l’on descend vers le sud.
Malgré les refuges qu’offre la côte est de la Martinique, celle-ci est dans son ensemble accidentée, constituée d’îlots, de récifs et d’écueils. Ils y rendent la navigation délicate à qui ne connaît pas les passages sûrs. Mais plus largement, déjà que peu évidente en temps ordinaire, la navigation en dehors de la protection qu’offre la barrière y devient dangereuse dès lors que la mer se lève. Les entrées et sorties des havres naturels sont alors particulièrement délicates. La partie sud de l’île quant à elle, est marquée par de nombreuses aspérités qui couvrent la côte. Elles sont par endroits regroupées en bancs, mais existent également de façons isolées.

Un réseau routier peu efficient

Malgré les contraintes provoquées par le relief, le réseau routier de la Martinique est assez étendu. A la fin du XIXe siècle le réseau de routes coloniales est composé de trente-et-une routes pour une longueur de près de cinq-cent kilomètres . L’ensemble forme deux réseaux relativement distincts, l’un dirigé vers Saint-Pierre, l’autre vers Fort-de-France. Pour cette raison les deux réseaux ne communiquent pas de façon efficiente entres eux, si ce n’est par de petites routes sinueuses . A cette époque la route qui relie directement Fort-de-France à Saint-Pierre par la côte Caraïbe n’existe pas. En plus de cela, de nombreux chemins vicinaux assurent au plus profond des terres la desserte des foyers de population.
La dénomination de « route » peut néanmoins être trompeuse dès lors que l’on s’intéresse à leur qualité. D’apparence étendue, l’état des axes n’est pas égal et de nombreuses parties des routes ne permettent pas d’effectuer des communications faciles et rapides. La lecture des témoignages de contemporains à ce sujet est éloquente.
Louis Garaud, fonctionnaire en Martinique (1889-1891) a livré un témoignage précieux en écrivant sur son séjour aux Antilles. Son ouvrage regorge d’anecdotes qui permettent d’appréhender la vie de la colonie en ce temps. Ainsi à l’occasion d’un déplacement en voiture à cheval de Fort deFrance à Gros-Morne, il rapporte les lignes suivantes : « La route est belle jusqu’à Saint-Joseph. De ce village au Gros-Morne elle est fort tourmentée, ravinée souvent par des pluies diluviales, sillonnées d’ornières, crevée de flaques d’eau, obstruée même par des éboulements de terre ou par la chute d’arbres que le vent jette au travers de la route ».
Les routes sont coupées au passage des ruisseaux, torrents ou rivières, sans que des ponts ne soient nécessairement installés, ne facilitant pas les liaisons terrestres. Cela est d’autant plus vrai pendant la saison des pluies, qui rend la terre impraticable sur une bonne partie du réseau.
Ces difficultés liées au relief et à l’environnement contribuent ainsi à rendre difficile l’exploitation des liaisons entre les communes. Ainsi dans l’Annuaire de la Martinique de 1908 le lecteur est informé que « plusieurs tentatives faites dans le but de relier entre elles par un service d’automobiles les différentes localités de l’île ont échoué, en raison du danger que présente pour les voyageurs le tracé défectueux des routes dont les courbes ont généralement un rayon trop faible.
D’un autre côté, les différences considérables de niveau rendent nécessaire un moteur puissant et le mauvais état des routes détermine rapidement l’usure des caoutchoucs » . Ainsi les liaisons terrestres dans l’île sont effectuées avec des voitures à chevaux. Au moins cinq lignes régulières existent ainsi et desservent les principaux centres de population.Un certain nombre de marchandises transitent également par mulets.
Ces lignes, si elles permettent le déplacement des personnes et des informations, ne permettent que de façon très mineure d’assurer les échanges commerciaux. Ainsi la route coloniale n°6 qui relie Saint-Pierre à Basse-Pointe en passant par le Morne-Rouge situé proche des 500 mètres d’altitude, n’a qu’une fonction économique très limitée. Elle relie pourtant Saint-Pierre, cœur économique de l’île, avec le bassin de cannes important de la côte atlantique. Le caractère abrupt de la route est à l’origine de cette situation.
Ceux et celles qui ne peuvent circuler avec les rares moyens de transport collectifs pour des raisons financières ou parce qu’ils sont hors des axes sont ainsi astreints à la marche. Elle est le moyen privilégié d’une majeure partie de la population. Quand bien même lorsqu’il s’agit de transporter les marchandises légères entre la côte et l’intérieur directement sur des têtes humaines.
Afin de palier à ces difficultés qui restreignent la circulation des personnes et des marchandises, l’installation du rail est envisagée à plusieurs reprises.

Un réseau ferré fragmenté et confiné aux usines centrales

Dans les bouleversements majeurs qui affectent l’histoire des transports au XIXème siècle le chemin de fer occupe une place importante. La Martinique n’échappe pas à cette évolution technologique importante et des projets de doter l’île apparaissent dans la seconde moitié du XIXème siècle.
Le premier projet important d’établissement d’un chemin de fer à l’échelle de l’île est soutenu au début des années 1870 par Huc, notaire à Saint-Pierre. Avec l’aide d’un architecte de Saint-Pierre également, Massias, ils soutiennent l’idée d’un chemin de fer parcourant le nord de l’île. Cela de Saint-Pierre jusqu’à l’embouchure de la rivière Capot, située entre Basse-Pointe et le Lorrain. La volonté est de libérer le nord des contraintes géographiques et de rendre accessible le transport des produits de la canne afin de dynamiser l’économie. Ce projet d’établissement d’une ligne de chemin de fer est resté sans suite mais il a eu le mérite majeur d’inscrire dans le débat public la problématique des voies ferrées, notamment au sein des instances représentatives martiniquaises. Ainsi Huc, à la recherche de financement pour la réalisation des études, a porté ses vues au Conseil municipal de Saint-Pierre le 14 juin 1872 puis à celui de Basse-Pointe le 2 juillet de la même année. Il a également porté son projet devant le Conseil général le 19 octobre 1872 par voie de pétition.
Il est délicat de donner à Huc la paternité exclusive de l’idée du chemin de fer en Martinique.
L’époque est en effet témoin d’une certaine ardeur à couvrir la Terre de rails. Des projets voient ainsi le jour dans les années qui suivent en Martinique.
Le récit de ces premiers pas du rail à grande échelle en Martinique est donné par l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Proszynski, en 1880, qui réalise une évaluation de l’opportunité économique, matérielle et financière d’un tel ouvrage . Un nouveau projet est développé quelques années plus tard sur la période 1884-1885 par l’ingénieur des Ponts et Chaussées Duquesnay.
Sur une grande décennie la profusion des travaux réalisés sur l’opportunité de l’installation du chemin de fer en Martinique est conséquente. Les collectivités locales ont ainsi financé plusieurs études qui ont permis une littérature relativement abondante sur le sujet. Néanmoins des doutes importants sur la solvabilité d’un tel projet et son financement, n’encouragent pas les collectivités locales à s’investir dans la réalisation de ces voies. L’ingénieur Proszynski est ainsi très critique sur les prévisions financières réalisées par Huc . On peut penser que les derniers travaux réalisés par Jourjon disposent de plus de recul sur des possibilités réalistes d’installation du chemin de fer dans l’île.
Le déclenchement de la crise sucrière semble néanmoins mettre un coup d’arrêt aux études sur le chemin de fer. Celui-ci perd l’importance qu’il a dans le débat public. L’idée de tels travaux ne fait surface à nouveau qu’à l’occasion des discussions sur les projets de relèvement de l’île, au lendemain de la catastrophe de Saint-Pierre.
Cependant si les projets d’établissement du rail à l’échelle de la colonie ne semblent pas avoir portés leurs fruits, cela n’empêche pas l’initiative privée de profiter des avantages technologiques apportés par la voie ferrée. Ainsi Emile Légier dans un ouvrage qu’il n’a pas été possible de consulter estime la longueur du réseau ferré en Martinique à 250 kilomètres en 1900 . Paul Chemin-Dupontès dans son ouvrage écrit en 1909 rapporte pour sa part une longueur de voie ferrée de 422 kilomètres . On doute que l’étendue du réseau double en si peu de temps. La vérification d’une telle donnée, rapportée par des contemporains de l’époque étudiée, est bien délicate à vérifier. On peut simplement en déduire l’utilisation déjà importante à cette époque du rail en Martinique.
Ce réseau ferré est celui des usines centrales qui permet notamment d’acheminer à l’usine la canne avant son traitement. L’usine de Lareinty du Lamentin semble être la première industrie de Martinique à disposer d’un réseau ferré, dont elle fait usage lors de sa première récolte en 1862.
Ces voies ferrées sont le fruit de l’initiative des industriels locaux. Il leur permet de faire circuler les biens nécessaires à l’industrie, au sein de leurs propriétés, sous forme la forme d’un réseau en étoile débutant à l’usine. Les wagons sont tirés par locomotives ou traction animale et sont impropres au transport de personnes en raison de leurs dimensions.
L’action n’étant pas concertée à l’échelle de la colonie, les réseaux ferrés ne peuvent entrer en communication faute de propriétés techniques équivalentes, telles que l’espacement des rails. La majorité des usines font l’acquisition d’un réseau de chemin de fer. Il s’agit avant tout pour l’usine qui l’installe d’améliorer son outil, et d’obtenir par là un avantage concurrentiel. Ainsi en 1900 l’île comporte vingt réseaux différents.
La Martinique fait face à un réseau interne de communication délicat en raison des contraintes géographiques et environnementales. Malgré les espoirs soulevés, le développement du rail ne parvient pas à s’affranchir des contraintes de l’île. C’est alors la mer qui s’impose comme un espace de décloisonnement pour le transport en Martinique.

Le rôle de la mer comme espace de désenclavement de l’arrière-pays

Face aux contraintes terrestres induites par la configuration de l’île, la mer apparaît comme un espace de désenclavement en Martinique. La circulation des marchandises, personnes et informations sur l’espace maritime côtier permet l’émergence d’un réseau dont les ports constituent les nœuds de communications. Cet ensemble permet un désenclavement des aires littorales de la Martinique.
Dans cet ensemble Saint-Pierre occupe une place prépondérante. Elle concentre l’essentiel de l’activité maritime et commerciale de l’île. Le reste de la Martinique apparaît pour la ville comme étant son arrière-pays, son hinterland.
En pesant l’importance de Saint-Pierre, puis en s’intéressant à la frange littorale de la Martinique, on saisit le rôle fondamental de la mer dans l’activité de l’île. Cet espace maritime côtier n’est pas exempt de contraintes liées aux configurations environnementales. Dans leur rapport à la mer, les utilisateurs de cet espace ont donc co-construit leurs pratiques maritimes pour les adapter au territoire.

L’importance de Saint-Pierre comme port martiniquais

L’histoire de Saint-Pierre comme ville coloniale remonte au début de la colonisation française. C’est la première localité fondée en 1635, et le premier fort de Martinique y trouve place. Sa rade sans protection ouverte sur la mer des Caraïbes, laisse Saint-Pierre exposée aux attaques durant les longues guerres que la France et le Royaume-Uni se sont livrées sur ces mers. Cette situation la prive de son statut de centre administratif au profit de Fort-de-France . La cité s’est néanmoins affirmée comme ville commerciale majeure de Martinique, ce qu’elle représente toujours à la fin du XIXème siècle.
Les observateurs de l’époque sont unanimes à décrire Saint-Pierre comme la ville du commerce et à présenter les autres comme plus limitées. L’Annuaire de la Martinique lui-même décrit l’importance de cette hiérarchie en 1897 : « Presque tout le mouvement commercial de la colonie se fait par Saint-Pierre, principale ville de commerce. Les ports secondaires, au point de vue commercial, sont Fort-de-France d’abord, puis ceux bien moins importants de la Trinité, du Marin et du François ». Néanmoins dès lors que l’on cherche à corroborer cette information pour discriminer les ports entre eux, on bute sur les sources. Ce qui peut exister en France métropolitaine comme le Tableau général du commerce de la France avec ses colonies et les puissances étrangères , puis le Tableau général du commerce et de la navigation , dans lequel chaque port est détaillé avec son mouvement propre de navigation, n’existe pas en Martinique. Cependant il est possible à travers un faisceau d’indices, fondé sur des sources collectées, de rendre compte de la hiérarchie des ports.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1:LE RÔLE CENTRAL DE SAINT PIERRE EN MARTINIQUE DANS LES ACTIVITES ECONOMIQUES ET MARITIMES A LA VEILLE DE SA DESTRUCTION  FIN XIXE SIECLE-1902
La nécessité des liaisons maritimes littorales dans l’arrière pays de Saint Pierre
II.La place fondamentale du port de Saint Pierre comme acteur du commerce!et!de!la!mer!en!!
Martinique
III.La prédominance de Saint Pierre dans les échanges avec un avant pays en reconfiguration
LA CATASTROPHE DE LA MONTAGNE PELEE ET LA DESTRUCTION DE SAINT PIERRE LE 8 MAI 1902
PARTIE 2: L’EMERGENCE PUIS L’AFFIRMATION DE FORT DE FRANCE COMME CŒUR MRITIME ET ECONOMIQUE DE LA MARTINIQUE FIN XIXE SIECLE–1914
I.L’action difficile des pouvoirs publics au lendemain de la catastrophe
II.La restructuration des activités économiques et maritimes de la Martinique autour de Fort de
France
III.Le redéveloppement de l’activité économique avec un avant pays persistant

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