Le régime de la Responsabilité Sociale des Entreprises 

Introduction

Au travers de l’exposé des différents fondements de la RSE, il est aisé de se rendre compte de l’ampleur qu’un tel mécanisme peut avoir sur le bon fonctionnement des activités économiques sur le long terme. Il s’agit, le plus simplement exposé, de prendre en compte les évolutions de la société actuelle et les nouveaux enjeux y afférents dans le respect des valeurs du monde de l’entreprise. Stratégie à long terme, la Responsabilité Sociale des Entreprises a fait l’objet de différentes propositions et recommandations, notamment de l’Union Européenne. Progressivement, la France s’en est également emparée pour édicter différentes lois tendant au respect de ce concept. Pourtant, la notion de RSE reste une notion très large, que de nombreuses personnes utilisent à tort à travers. Dans certains cas, ce qui est d’ailleurs critiqué par une partie de la doctrine, c’est, qu’au nom de la RSE, des politiques marketing prônent la prise en compte des souhaits des parties prenantes à une entreprise afin de faire simplement croire que les activités économiques respectent l’environnement et la société dans son ensemble. Pour certains auteurs, la RSE ne serait qu’un mécanisme permettant de duper les consommateurs afin d’augmenter la seule recherche de profit.
Ainsi, la RSE questionne quant à la véritable teneur de son sujet, sa définition, son contenu et son domaine juridique pour comprendre quels sont ses enjeux et comment les entreprises peuvent mettre en œuvre de véritables politiques en la matière. Se pose la question de savoir quelle est la définition à retenir du sujet afin de délimiter son champ d’application, d’une part, et de comprendre quelle est sa portée juridique, d’autre part. La question sous-jacente consiste à savoir si les règles qui sont progressivement édictées, en lien avec le large concept de RSE, font évoluer, ou non, les comportements des entreprises et permettent véritablement de sanctionner leurs mauvais comportements.
D’une part, il est nécessaire de comprendre ce que représente la notion de RSE : définir le sujet et délimiter son étendu afin d’appréhender son champ d’application dans le monde de l’entreprise.

La notion de la Responsabilité Sociale des Entreprises

La notion de Responsabilité Sociale des Entreprises est très souvent malmenée, dans le monde des affaires, en raison de l’utilisation inadaptée qui est en faite par les entreprises, du point de vue marketing notamment. Correspondant à l’ensemble des méthodes, moyens et actions mis à disposition d’une entreprise pour étudier les besoins des consommateurs (biens et services proposés) et promouvoir la production et la vente des produits proposées à ces derniers , la mise en œuvre de politiques de marketing poussent les entreprises à inciter la consommation de masse de produits. Très souvent présentés comme écoresponsables, ces derniers ne respectent pas, en réalité, les normes applicables en matière de développement durable. C’est pour cela qu’il parait nécessaire de définir la notion de RSE par l’étude de son objet (chapitre 1) puis par l’appréhension de son étendue (chapitre 2).

L’objet de la RSE

La Responsabilité Sociale des Entreprises est une notion très large qui nécessite d’être définie. Pourtant, au travers de l’introduction, il est aisé de se rendre compte que la définition, a priori simple, ne permet pourtant pas d’appréhender l’objet de la RSE. Ce n’est donc pas une tâche simple à réaliser. C’est pourquoi, il semble judicieux d’évoquer quelle est la conception à retenir de la RSE en France (section 1), avant d’appréhender l’enjeu de l’éthique dans les entreprises par l’intégration des Droits de l’Homme (section 2), pour étudier in fine la question de la détermination de la responsabilité applicable en la matière (section 3).

Les positions doctrinales françaises et européennes

Dès le début des années 1990, diverses propositions de définition se sont développées tant en France qu’en Europe. Il faut toutefois distinguer les positions doctrinales complémentaires issues des pensées et travaux de recherches d’auteurs et juristes français (A) de celles européennes qui ont un niveau certain d’influence sur la définition du concept de la RSE (B).

Des positions doctrinales complémentaires

De nombreux auteurs français, spécialistes en droit mais aussi en gestion, marketing et commerce d’une manière générale, ont apporté leurs différents points de vue et leurs interprétations sur l’éventuelle définition à retenir de la Responsabilité Sociale des Entreprises. Pour certains , la RSE peut se définir comme le développement d’une stratégie sur le long terme visant non plus à optimiser les résultats des activités économiques, mais à prendre en compte les besoins et les relations avec les parties prenantes. Cette définition s’inspirerait de la conception anglo-saxonne du « license to operate », à savoir la possibilité d’exercer une activité économique tout en optimisant une gestion responsable des affaires garantissant la promotion de l’intérêt général. Finalement, la RSE aboutirait à l’existence d’une relation de symbiose entre la performance économique et les performances sociales et environnementales.
Pour aller plus loin, ces auteurs ont même proposé un processus de mise en place de la RSE dans les entreprises par la réalisation de quatre étapes successives:
– impulser une démarche
– ancrer le processus : identification des valeurs de la RSE dans l’entreprise, consultation interne des parties prenantes, rédaction d’un code de conduite et mise en place d’une structure de coordination
– manager le changement : acceptation de la RSE, information et création de supports de communication, traduction des enjeux dans chaque métier existant dans l’entreprise et appropriation de la démarche par chacun.
– consolider la démarche : évaluation et reporting, apprentissage organisationnel.
Dans le même ordre d’idées, un autre auteur désigne expressément la RSE comme « l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et à leurs relations, avec leurs parties prenantes ». Il s’agit d’aller au-delà des exigences imposées par le monde des affaires et les conventions collectives applicables en droit du travail notamment, afin de répondre aux besoins de la société.
D’autres considèrent que la RSE répond aux défis de la mondialisation, notamment celui de faire respecter les enjeux liés à l’intérêt général afin de développer des « activités économiques responsables ».
Pour d’autres auteurs , la RSE est la rencontre de deux mondes différents : le développement durable et la protection des Droits de l’Homme de l’Etat face à la recherche de profit des entreprises. Il y a donc opposition de valeurs différentes. D’autres la définissent comme un concept transversal créant un lien entre le monde des affaires, le business et les mouvements sociaux d’une part, vers des actions environnementales, consuméristes, des mouvements de défense des droits et l’éthique, d’autre part. C’est donc une notion en perpétuel mouvement, changeant au gré des évolutions sociales, sociétales, environnementales et culturelles.
Ainsi, l’entreprise doit définir les priorités données à tel ou tel aspect de sa mission. C’est pourquoi, d’une manière générale, ces auteurs préconisent l’intervention directe des parties prenantes dans et hors de l’entreprise afin de moraliser leurs comportements et ceux de leurs dirigeants.
L’idée principale serait alors d’aboutir à l’adoption de codes de conduite ou de tout autre moyen utilisable dans la vie des affaires et d’engager des actions en justice en responsabilité des entreprises, notamment pour non-respect de ces codes. L’objectif principal de ces actions est de contraindre les dirigeants à poursuivre le bien commun dans l’exercice de leurs activités économiques.
Ne serait-il pas alors nécessaire de regrouper ces deux visions complémentaires pour trouver une définition complète de la Responsabilité Sociale des Entreprises ? Toutefois, avant de procéder à une telle union, il convient de se référer aux positions européennes pour mieux comprendre toute l’enveloppe que représente la RSE.

Des positions européennes fondamentales

En lien avec la définition donnée dans le Livre Vert de la Responsabilité Sociale des Entreprises, les différentes institutions européennes ont tenté d’exposer leur propre définition de la RSE. Après l’apparition du Livre Vert en 2001, la Commission Européenne est intervenue en 2011, dans sa 3 ème Commission sur la RSE, pour la définir comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ».
L’International Organisation of Standardisation (ci-après ISO) est une organisation non gouvernementale chargée « d’établir un consensus sur des solutions répondant aux exigences du monde économique et aux besoins de la société, notamment ceux de parties prenantes ».
Par le biais de la mise en place de standards internationaux régissant le commerce des entreprises, l’organisation considère la RSE comme « la responsabilité d’une organisation visà-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui :
– contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien-être de la société
– prend en compte les attentes des parties prenantes
– respecte les lois en vigueur
– est en accord avec les normes internationales de comportement
– et qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations ».
Suivant cette définition, l’organisation a mis en place plusieurs normes ISO qui, toutes fondées sur la base du volontariat des entreprises, visent à répondre à la fois aux enjeux de la RSE ainsi qu’à ceux du développement durable. Il est possible d’en identifier quatre principales.
En France, deux structures sont compétentes pour délivrer les certifications attachées à ces normes : l’Association Française de Normalisation et de l’Office Français de Certification.
En 1987, la norme ISO 9001 a été créée afin de promouvoir « la mise en place d’une stratégie pour un management de qualité » . Ces objectifs sont multiples : intégrer le paramètre qualité, satisfaire les clients et usagers ainsi qu’améliorer constamment le niveau qualitatif des prestations. Pour se faire, l’organisme a défini sept critères fondamentaux : l’orientation client, le leadership à savoir un relai des objectifs à tous les niveaux de responsabilité, l’implication du personnel, l’approche processus, l’amélioration continue, la prise de décisions et la relation partenaires.
La norme 14001 a vu le jour en 1996 afin de « mettre en place un système de production, de gestion et de fonctionnement qui s’intègre dans une perspective dynamique de maîtrise des impacts environnementaux ». Poursuivant deux objectif principaux à savoir la mise en place d’une stratégie de management environnemental viable et efficace ainsi que la reconnaissance officielle de la démarche par la certification, cette norme se fonde sur le processus en quatre temps développé par Deming: planifier, dérouler, contrôler, améliorer. L’ISO 14001 met en place un Système de Management Environnemental (ci-après SME) qui tend à permettre aux entreprises « de donner confiance aux parties intéressées, sur le fait qu’il existe un engagement du management pour mettre en œuvre sa politique environnementale dans ses processus de décision et dans le système d’information et de mesure ».
La norme ISO 26000, publiée en 2010, se fonde sur la définition de la RSE donnée par l’Union Européenne pour établir « les principes, thèmes et lignes de force du concept de responsabilité sociétale » ainsi qu’à générer « des apports significatifs tant en matière d’économie raisonnée que de bien-être social et de préservation de l’environnement ». Comme pour la précédente, l’organisation a déterminé sept axes permettant de définir une stratégie transversale. Sans prétendre à l’exhaustivité, ces questions centrales sont notamment la gouvernance de la structure, les Droits de l’Homme, les conditions et relations de travail ainsi que la responsabilité environnementale.
Enfin, créée en 2011, la norme ISO 50001 vise à l’amélioration de la performance énergétique par la réduction de la consommation en énergie et les coûts y étant attachés. Elle propose « un cadre précis pour mettre en place un système de management de l’énergie (SME) opérationnel et pérenne » . Se fondant également sur le mécanisme de la « roue de Deming », présenté pour la norme 9001, l’ISO 50001 crée une stratégie européenne d’économie et de rationalisation conforme aux exigences du développement durable et de la RSE. Pour cela, elle édicte différents objectifs tels que, par exemple, optimiser l’utilisation des ressources consommatrices d’énergie ou intégrer les critères d’efficacité énergétique en amont et en aval de la production/exploitation notamment en matière d’approvisionnements et de transports. Ainsi, ne semblerait-il pas opportun de combiner les différentes définitions des institutions européennes pour comprendre quelle est la définition européenne de la RSE ? De la manière la plus simple qu’il soit, la RSE peut se définir comme l’ensemble des pratiques et moyens mis en œuvre par les entreprises afin de faire respecter les principes du développement durable : être économiquement viable, avoir un impact positif sur la société et mieux respecter l’environnement.
Ce sont les positions doctrinales françaises et l’importance du point de vue européen en matière de RSE qui amènent à se questionner quant à la définition potentielle à retenir de la notion en droit français. Il faut donc s’intéresser aux contours et objectifs de celle-ci.

Les contours et objectifs de la notion en droit français

Le développement de la Responsabilité Sociale des Entreprises en France n’est que très récent. Bien qu’apparu au XXe siècle aux Etats-Unis, c’est au tout début du XXIe siècle que la notion a commencé à voir le jour dans les domaines de la gestion et du management des entreprises françaises. Très rapidement, le marketing s’est emparé de la notion de RSE pour la développer comme un argument de vente auprès des consommateurs. Pourtant, aucun standard de performance, ni aucune définition légale propre n’ont été adopté.
Des différentes positions évoquées précédemment, il est aisé de se rendre compte qu’il ressort une idée principale qui permettrait de définir la Responsabilité Sociale des Entreprises « à la française ». Elle serait l’obligation de prendre en compte les positions de tous les acteurs autres que ceux dirigeant les entreprises et de tous les enjeux de la société française, dans le cadre des activités économiques. Il faudrait combiner la théorie des parties prenantes présentée dans l’introduction avec les nouvelles aspirations et souhaits de la société dans son ensemble.
L’objectif de la RSE serait de « rendre supportable les externalités négatives liées aux progrès économiques par la régulation publique et l’intervention de l’Etat »  . L’entreprise interviendrait donc au côté des pouvoirs publics afin de promouvoir l’intérêt général, les Droits de l’Homme et le développement durable.
Toutefois, par essence, les entreprises exercent des activités qui poursuivent un but lucratif. Leur objectif principal consiste à augmenter leur compétitivité et leurs profits. C’est pourquoi, elles se sont interrogées sur les effets positifs et bénéfices existants à la mise en œuvre de politiques RSE. Il est aisé de se rendre compte que leurs attendus visent le développement du capital immatériel de l’entreprise, à savoir l’ensemble des éléments qui ont un effet positif sur le développement de l’activité de l’entreprise et l’augmentation de sa compétitivité. Les auteurs ont ainsi tenté d’énumérer ces effets et, sans en élaborer une liste exhaustive, d’autant qu’ils divergent selon la structure de l’entreprise concernée et les activités exercées, il est possible d’en identifier quatre principaux.
Ainsi, la mise en œuvre d’une politique RSE permettra de valoriser l’image de l’entreprise et de préserver son crédit afin de donner ou redonner confiance aux parties prenantes. Une politique de communication et d’information sur les engagements sociaux et environnementaux de la société semble être le parfait exemple pour obtenir les premiers effets positifs. Ceux-ci sont d’autant exacerbés sur les marchés financiers qu’il existe une obligation majeure d’information et de transparence des sociétés cotées.
Par ailleurs, l’instauration d’une politique RSE aboutira à prendre en compte les besoins globaux des clients de l’entreprise. L’implication communautaire auprès de populations locales est un excellent exemple pour obtenir des avantages concurrentiels pérennes et de longue durée.
De plus, la mobilisation du personnel et la gestion responsable des collaborateurs internes sont nécessaires afin de réaliser la politique RSE. La prise en compte des motivations respectives et la mise en place de politiques volontaires et responsables semblent être un passage obligé afin d’améliorer les relations employeurs-acteurs internes de l’entreprise, leur motivation mais aussi la dynamique d’ensemble. Les gains attendus seraient une meilleure capacité de créativité et d’innovation des salariés, mais aussi la compréhension des attentes et besoins des consommateurs.
Enfin, la maitrise des risques et des coûts environnementaux et sociaux parait incontournable afin d’augmenter la valeur de marque de l’entreprise. Il ne s’agit pas simplement de développer une fibre responsable de l’entreprise, mais véritablement d’assurer une activité pérenne, les consommateurs étant de plus en plus attachés à la prise en compte des enjeux du développement durable dans leurs achats de la vie quotidienne.
L’étude de différentes positions doctrinales et européennes ainsi que des contours de la Responsabilité Sociale des Entreprises a conduit peu ou prou à trouver une définition globale de la notion. Toutefois, il est assez logique qu’un second axe d’étude soit à développer concernant les enjeux de la RSE : l’intégration progressive des Droits de l’Homme dans son objet à savoir la prise en compte de l’éthique par les entreprises.

L’enjeu de l’éthique dans les entreprises par l’intégration des Droits de l’Homme

La Responsabilité Sociale des Entreprises nous amène à nous questionner sur la manière dont les entreprises prennent en compte l’éthique et les Droits de l’Homme dans leurs politiques dites responsables. La Déclaration de Vienne de 1993 précisait en effet que « tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés ». La proclamation des Droits de l’Homme a débuté il y a plusieurs siècles et s’est enrichie au fil des années et de l’évolution des sociétés. Différentes phases, tant au niveau interne qu’international, se sont succédées. Ainsi, la doctrine s’accorde à considérer qu’il existe plusieurs générations de droit, évaluables selon la temporalité de déclaration des droits en question. C’est pourquoi il convient d’appréhender l’intégration de l’éthique, successivement, dans les droits de première génération (I), ceux issus de la deuxième (II), puis ceux formant la troisième (III).

Les droits de première génération : l’absence de représentation de l’entreprise

Les droits civils et politiques forment la catégorie des « droits de première génération » car ce sont les premiers qui sont apparus dès les XVIIe et XVIIIe siècles, en particulier avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 (ci-après DDHC). Basée majoritairement sur des préoccupations politiques et la philosophie des lumières insufflée par de célèbres auteurs tels que Rousseau et Montesquieu, la déclaration tend à la proclamation et la protection des droits et libertés individuelles, universelles et fondamentales face au pouvoir souverain de l’Etat.
Les droits civils peuvent être définis comme l’ensemble des droits et libertés accordés aux personnes dans leurs rapports privés. Ils sont nombreux et couvrent un très large domaine. A titre d’exemple, il peut s’agir des droits liés à la personne, son état et sa capacité, mais aussi les droits liés à sa famille, le mariage, la filiation ou encore ceux liés à ses biens, la propriété et les suretés. Les droits civils constituent également un socle commun applicable aux différents types et régimes de droits ayant progressivement vus le jour, en France notamment.
Les droits politiques sont définis comme des « droits dont l’exercice implique une participation au fonctionnement des pouvoirs publics et qui, à ce titre, ne sont pas accordés aux étrangers ». Il s’agit des droits civiques fondamentaux détenus par toute personne physique, titulaire de la nationalité française et âgée d’au moins 18 ans, âge de la majorité légale en France. Les plus connus sont le droit de vote et le droit de se présenter à différentes élections, sous les conditions prévues expressément par les textes régissant ces droits.
Les libertés fondamentales attachées aux droits civils et politiques n’ont pourtant aucune applicabilité dans les entreprises et ne permettent donc pas l’intégration de l’éthique dans celles ci. Il convient donc d’appréhender les autres catégories de droits qui sont progressivement apparues.

Les droits de deuxième génération : la question des convictions religieuses

Les droits économiques, sociaux et culturels fondent la catégorie des « droits de deuxième génération ». Ils sont notamment proclamés dans le Préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946. En réponse à l’industrialisation massive et au développement de la classe ouvrière, ils visent à protéger le vivre-ensemble, tant au niveau du travail qu’au niveau de la vie en communauté. L’objectif est d’assurer l’égalité et l’accès garanti aux besoins et services essentiels dans les sphères économiques et sociales.
Les droits économiques correspondent au respect de la dignité humaine de tous les êtres vivants.
Il s’agit là d’inclure les droits au travail, à un niveau de vie suffisant, au logement, à une pension en cas d’handicap ou d’invalidité. L’objectif est alors d’assurer un minimum de sécurité matérielle aux individus.
Les droits sociaux peuvent être définis comme nécessaires à la « pleine participation à la vie de la société » . Ils concernent de manière globale tous les droits liés au respect de la vie privée de chaque individu.
Les droits culturels répondent à la communauté et aux besoins liés à son bon fonctionnement, notamment la liberté de participer à la vie culturelle, le droit à l’éducation, mais également le droit à la non-discrimination. L’idée est donc de protéger les minorités, les différences culturelles existantes au sein d’une même communauté et d’apprendre le « vivre-ensemble ».
L’intégration de l’éthique et des Droits de l’Homme dans les entreprises au titre de la Responsabilité Sociale des Entreprises trouve application en la matière avec la question des convictions religieuses. Le droit à la liberté de penser, de conscience et de religion, intégré à l’article 18 du Pacte international des droits civils et politiques, est un droit intangible considéré majoritairement comme « le minimum humanitaire » auquel les dérogations semblent fortement compromises. Il est également protégé par l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (ci-après CEDH) au niveau européen et garanti, en France, par la Constitution française du 4 octobre 1958 qui dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée ».
Applicable à tous les citoyens et donc par extension, à toutes les personnes travaillant dans une entreprise car ce sont avant tout des citoyens, il existe pourtant une dérogation à son application complète puisque l’article L.1121-1 du Code du travail dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». A ce titre, la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après CJUE) est intervenue dans deux arrêts du 14 juin 2017 concernant l’interprétation de la directive n°2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Le premier arrêt autorise une dérogation au principe de nondiscrimination dans les entreprises dès lors qu’il existe une condition essentielle et déterminante résultant de la nature de l’activité professionnelle en cause et/ou des conditions de son exercice.
Le second arrêt affirme quant à lui qu’une politique générale de neutralité en entreprise peut imposer une neutralité vestimentaire à la condition qu’elle soit générale et indifférenciée, c’est-à dire que tous les salariés de l’entreprise soient traités de manière identique. Des contraintes inhérentes à l’entreprise doivent en effet justifier la mise en place de cette politique, mais les salariés ne peuvent pas être tenus de la respecter. Dans ce cas, l’employeur est contraint à une obligation de recherche de reclassement ou d’accommodement, plutôt qu’au licenciement.
Par un arrêt du 22 novembre 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision sur le fondement des deux arrêts de la CJUE et dans la continuité de l’arrêt rendu par l’assemblée plénière de la haute juridiction, le 25 juin 2014, dit arrêt Baby Loup, lequel consacrait déjà la validité d’une clause de neutralité générale dans le cadre d’une petite association. Cette décision s’inspirait du nouvel article L.1321-1 intégré au Code du travail par la loi du 8 août 2016 dite loi El Khomri, lequel autorise la présence d’une clause générale de neutralité dans une entreprise à la double condition qu’elle réponde à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et respecte le principe de proportionnalité.
Cet exemple particulier démontre pleinement les enjeux de la notion de la RSE et de la « réputation sociale » des entreprises qui en découle. En outre, une autre génération de droit est apparue au grès de l’évolution des mœurs et de la vision de la société sur l’intérêt général et la recherche du bien-être commun.

Les droits de troisième génération : la « réputation sociale » de l’entreprise

Les droits de solidarité constituent la catégorie des « droits de troisième génération ». Du fait de l’apparition de nouveaux dangers et de la modification des conceptions sociétales, il est apparu nécessaire de prendre en compte tous les obstacles pouvant restreindre l’étendue et la protection des droits issus des deux précédentes catégories. A ce titre, des droits collectifs sont apparus, en particulier au niveau de l’environnement et du développement durable avec la proclamation de la Charte de l’environnement de 2004.
Ces nouveaux droits ont, à l’origine, posé certaines difficultés.
Les droits de l’Homme sont par essence des droits individuels, propres à la personne de chaque individu. La question s’est posée de savoir si les droits collectifs n’allaient pas aboutir, au motif du vivre-ensemble, à une diminution de la protection des droits individuels au profit de ceuxci. Pourtant, aujourd’hui, la conciliation entre les droits individuels et les droits collectifs est nécessaire et semble être adoptée par chacun, notamment en raison des nouveaux enjeux climatiques majeurs et la lutte contre la précarité.
Par ailleurs, la majorité des droits de solidarité n’ont qu’une valeur déclarative et ne sont pas garantis. Tel est un des enjeux de la Responsabilité Sociale des Entreprises que d’aboutir à la protection de ces droits pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment. Créée sur la base de recommandations, la RSE tend à mettre en œuvre de véritables normes à respecter, comme nous le verrons tout au long du développement. Progressivement, la notion de « réputation sociale » s’est donc créée en tant que valeur essentielle de toutes les entreprises. Elle a pour principal objectif d’engendrer une concertation et la création d’une relation de confiance entre les parties prenantes d’un côté, et les entreprises, de l’autre. Ce nouveau concept tend également à lutter contre les effets négatifs et les problématiques dénoncées par la pratique et la doctrine, à savoir l’usage de la RSE comme politique de marketing uniquement, afin que les entreprises augmentent leurs bénéfices sans réellement avoir un comportement responsable.
La prise en compte de l’éthique au travers des « droits de solidarité » et l’apparition de la notion de « réputation sociale » ont abouti à la consécration du principe de proportionnalité. Selon Aristote, proportion veut dire juste, à condition que « le juste est un milieu entre des extrêmes qui, autrement, ne seraient plus en proportion » . De nombreux auteurs la définissent comme « un mécanisme de pondération entre des principes juridiques de rang équivalent, simultanément applicables mais antinomiques » . Appliqué au concept de Responsabilité Sociale des Entreprises, le principe de proportionnalité serait donc, dans le prolongement de l’idée de la « réputation sociale », la recherche d’un équilibre entre les intérêts divergents des parties en présence, c’est-à-dire les intérêts économiques des dirigeants des entreprises et les intérêts sociaux et environnementaux des parties prenantes internes et externes. Se fondant principalement sur la Loi fondamentale allemande de 1949, le principe de proportionnalité vise à garantir la protection des droits fondamentaux ainsi que la défense de l’Etat de droit. Ainsi, comme évoqué précédemment, l’entreprise est une entité compétente pour assurer la défense des Droits de l’Homme. A ce titre, la Commission européenne, dès 2011, a incité les Etats membres de l’UE à rédiger des plans d’actions visant à la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l’Homme et aux entreprises.
Différents guides ont été progressivement publiés afin d’accompagner les Etats et les entreprises européennes pour répondre à ces nouveaux objectifs. La France a ainsi publié, le 26 avril 2017, un « plan national d‘action pour la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux droits de l’Homme et aux entreprises ». Le Conseil de l’Europe est également intervenu en la matière par l’édition de la recommandation CM/Rec 3 du Comité des Ministres en 2016. Celle-ci incite les Etats membres à mettre en œuvre des outils contraignants de promotion des principes directeurs des droits de l’Homme et une obligation de protection de ceux-ci.
La consécration progressive de droits et libertés fondamentales aboutit aujourd’hui à la nécessité de mettre en œuvre un ensemble de moyens matériels, humains et financiers afin d’assurer leur respect et de condamner leur violation. C’est au travers du développement de la notion de Responsabilité Sociale des Entreprises et des enjeux attachés que la prise en compte de l’éthique dans les entreprises semble se justifier. Pourtant, outre l’intégration de la Charte de l’environnement dans la Constitution française du 4 octobre 1958, aucun mécanisme n’a véritablement été adopté afin d’assurer la protection des droits de solidarité. C’est pourquoi, il semble nécessaire de se questionner sur l’enjeu que peut représenter la qualification de la responsabilité applicable en matière de RSE, au regard du droit français.

 

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Table des matières
Introduction 
Partie 1 : La notion de la Responsabilité Sociale des Entreprises 
Chapitre 1 : L’objet de la RSE
Chapitre 2 : Le domaine de la RSE
Partie 2 : Le régime de la Responsabilité Sociale des Entreprises 
Chapitre 1 : La cohabitation entre « soft law » et « hard law » dans les années 2000/2010
Chapitre 2 : L’accentuation du développement de la « hard law » à la fin des années 2010
Conclusion

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