Le référentiel terrestre et la nécessité d’un modèle de géocentre

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Principales techniques de la géodésie spatiale

Quelle que soit la technique de géodésie spatiale considérée, toutes font interve-nir un émetteur ainsi qu’un récepteur. L’émission consiste en une onde électroma-gnétique pouvant traverser l’atmosphère. Comme cette dernière s’avère « transpa-rente » uniquement dans deux gammes de longueur d’onde, le domaine visible et radio (micro-ondes, en l’occurence), les signaux exploités par ces techniques ont un spectre de fréquences prédéfinies :
— Visible : Satellite Laser Ranging (SLR) et Lunar Laser Ranging (LLR), es- sentiellement à 532 nm (couleur verte) ou 1064 nm (infrarouge).
— Micro-ondes : Détermination d’Orbite et Radiopositionnement Intégré sur Satellite (DORIS) à 401:25 MHz et 2:03625 GHz, Very Long Baseline In-terferometry (VLBI) aux fréquences des bandes S à X (2:2– 8:4 GHz), et Global Positioning System (GPS) 1 à 1575:42 MHz (L1), 1227:60 MHz (L2) et 1176:45 MHz (L5). Pour éliminer les e ets liés à l’ionosphère, on uti-lise en général deux bandes fréquentielles dont les observations combinées permettent de déterminer le retard ionosphérique.
Ces di érentes techniques se distinguent également par la nature du signal qu’elles exploitent pour mesurer la position d’un objet :
— Le décalage en fréquence : la fréquence des signaux DORIS est modifiée par e et Doppler en raison du mouvement relatif du satellite par rapport aux ba-lises émettrices terrestres, ce qui donne accès à la vitesse radiale du satellite. Ce système nécessite de disposer d’étalons de fréquence stables, comme les Oscillateurs Ultra-Stables (OUS).
— Le temps de parcours ou temps lumière : c’est le cas des mesures SLR, LLR et GPS, qui nécessitent donc de disposer d’horloges stables (pour dater préci-sément l’émission et la réception), afin de pouvoir remonter à la distance qui sépare l’émetteur du récepteur. C’est en fait aussi le cas de DORIS, puisque l’on e ectue des mesures de phases (identiques aux phases GPS) ou des dif-férences dans le temps de mesures de phases.
— La di érence de temps entre les réceptions d’un même signal en deux lieux éloignés : c’est ce qu’utilise la technologie VLBI, qui nécessite également de disposer d’horloges stables. Cette di érence de temps est reliée à l’orientation de la Terre dans l’espace, ainsi qu’à la position relative des deux antennes réceptrices. C’est donc une source d’information sur la rotation de la Terre et les déformations de la croûte terrestre.
Enfin, on peut également di érencier ces systèmes de mesure par le sens de par-cours du signal entre l’émetteur et le récepteur :
— Descendant : l’émetteur est dans l’espace et le récepteur sur Terre. C’est le cas pour GPS et VLBI. Un nombre illimité d’utilisateurs sur Terre est alors rendu possible, à condition bien sûr de disposer d’un récepteur, par nature passif et donc indétectable.
— Montant : l’émetteur est sur Terre et le récepteur dans l’espace. C’est le cas pour DORIS. Contrairement au cas précédent, le nombre d’utilisateurs terrestres est donc limité (faute de pouvoir s’o rir une balise DORIS, sans compter qu’à cause des interférences on ne peut pas mettre une balise où l’on veut), tout en étant facilement localisables (en tant qu’émetteurs). Ce système de mesure a pris le parti opposé au GPS, pensé pour les applications militaires (essentiellement civiles pour DORIS) et le positionnement de personnes au sol (de satellites dans l’espace pour DORIS).
— Aller-retour : c’est le cas des techniques SLR et LLR, puisqu’une station au sol émet une brève impulsion laser sur une cible réfléchissante, et en observe l’écho lumineux reçu par la suite.
Mise en place à la fin des années 1960, la technique des tirs laser sur satellites fut la première méthode de détermination orbitale à atteindre une précision décimétrique à la fin des années 1970. La Lune, en tant que satellite naturel de la Terre, fut le premier satellite à être suivi par ce système de mesure en 1969, suite au premier dépôt d’un réflecteur laser à sa surface par la mission américaine Apollo 11. Du fait de l’éloignement de la Lune (située à 3850000 km de la Terre), le nombre de photons détectés en retour est extrêmement faible : 1 à 2 seulement tous les 100 tirs, comprenant chacun 1019 photons. Le nombre de photons recueillis est beaucoup plus grand avec les satellites géodésiques, lancés dès les années 1970 dans le voisi-nage de la Terre ; à la fois sphériques et passifs, ils sont encore observés aujourd’hui (pour certains d’entre eux leur durée de vie opérationnelle est de plusieurs milliers d’années).
La Figure 1.2 montre la couleur verte du laser Nd :YAG (Neodymium-doped Yt-trium Aluminium Garnet) utilisé par la majorité des stations du réseau de tir laser, du fait de sa puissance et sa capacité à émettre des impulsions brèves. Environ 40 stations sont actuellement en activité, mettant en oeuvre des technologies non-homogènes (à la di érence de celles des autres techniques davantage automatisées et basées sur un design redondant), eu égard à la durée de leurs impulsions lumi-neuses ultra-courtes (10–300 ps correspondant à des exactitudes de 1:5–45 mm) et du type de détecteur employé.

Limitations des estimations antérieures

L’un des objectifs de notre thèse concerne l’étude de pistes d’améliorations pour la détermination de la valeur de la constante gravitationnelle géocentrique GM. L’incertitude donnée par (2.3) de 2.0 parties par milliard (part per billion, ppb) implique que toute position radiale d’un satellite est entachée d’une erreur systé-matique à 2:0=3 0:7 ppb, soit environ 5 mm pour un LEO (Low Earth Orbit) et 8 mm pour l’altitude MEO (Medium Earth Orbit) des LAGEOS. En e et, la di érentiation de la relation (2.1) fournit cet ordre de grandeur en considérant que la période du satellite, donnée par les mesures, reste la même quelle que soit la va-leur de GM envisagée, de sorte que l’incertitude sur la valeur de GM se transmet intégralement à l’altitude du satellite. Nous sommes bien loin d’une exactitude de Biais géométrique lié au design de la cible Le principe fondamental de la dynamique de Newton (complété par des corrections relativistes), sur lequel tout calcul d’orbite repose, référence les objets considérés par rapport à leur centre de masse. Cependant, les impulsions laser émises en direction de satellites sphériques (tels qu’employés en géodésie spatiale et représentés sur la Figure 2.2) vont être réfléchies pas les réflecteurs situés à leur surface. La distance à ajouter entre le point de réflexion du faisceau lumineux et le centre de masse de ces satellites, pour prendre en compte les mesures laser dans la modélisation de leur trajectoire, est appelée « correction de centre de masse ». Si l’on regarde plus en détails, la distance entre une station laser et un satellite sphérique est toujours supérieure à la distance qui la sépare de la surface de ce satellite. Cela vient du fait que les sortes de « coins de cube », qui servent de réflecteurs, sont encastrés dans la masse de la sphère, et le faisceau laser va au delà de l’enveloppe sphérique du satellite.
A partir de mesures faites au sol (et de l’indice du verre des coins de cube), avant le lancement de ces satellites sphériques, des corrections de centre de masse constantes (251 mm par exemple pour LAGEOS-1) ont été déduites, puis utilisées, comme en 1992 pour l’estimation de la valeur de GM [126] qui sert encore aujourd’hui de référence. Dès 2003, Otsubo and Appleby [106], Otsubo et al. [107] prouvèrent que ces corrections étaient en fait propres à chaque station laser (en plus d’être propres à chaque satellite). En e et, suivant le type de détecteur (chargé de détec-ter l’émission et le retour de l’impulsion laser) et la méthode d’observation utilisés par la station laser, la correction de centre de masse peut s’avérer être plus courte (systèmes « simple-photon ») ou plus importante (systèmes multi-photons), quand le seuil de détection du nombre de photons est augmenté.
Il est clair qu’il n’est pas considéré valide d’utiliser pour cette correction une valeur constante par satellite, notamment lorsqu’une précision millimétrique est visée. En outre, Otsubo et al. [107] soulignent que ces corrections sont et seront l’objet de raf-finements successifs. Nous présenterons donc en Section 2.3 une manière de pallier cette méconnaissance.
Signature du satellite dépendante de l’élévation du passage L’e et de « si-gnature du satellite » se manifeste par l’étalement temporel de l’impulsion laser, après sa réflexion sur plusieurs réflecteurs à bord du satellite [106]. Cette modifi-cation de la forme du front d’onde rend la correction de centre de masse, évoquée précédemment, dépendante du mode de fonctionnement de la station laser. Un pro-blème supplémentaire apparaît lorsque cette signature produit des fluctuations du temps lumière sur la durée d’un passage, lesquelles dépendent de l’élévation du satellite au dessus de la station. Ces variations sont alors assimilables à une er-reur factice de positionnement vertical de la station, et engendrent ainsi un biais systématique dans l’estimation de produits géodésiques, tels que la constante gravi-tationnelle géocentrique. Ce phénomène est à ce jour une source d’erreur majeure pour les mesures SLR, pouvant atteindre jusqu’à 8 mm pour Starlette/Stella et LARES, 1 cm pour LAGEOS-1/2, et 5 cm pour Ajisai suivant la technologie de la station laser [106, 107].

Méthode mise en pratique

La stratégie retenue pour pallier les sources d’erreurs identifiées précédemment dans la détermination du coe cient gravitationnel géocentrique consiste à exploiter de manière optimale l’information orbitale du satellite pour estimer simultanément la constante GM et chaque source d’erreur. Bien que cette approche puisse poser des problèmes d’observabilité, qu’il conviendra de résoudre, elle permet d’obte-nir une valeur de GM plus réaliste que les estimations antérieures, et de quantifier directement son incertitude au moyen de sa covariance formelle associée.
La méthode présentée ici est celle de la résolution simultanée, des bas degrés du champ de pesanteur terrestre du Chapitre 7, et qui sert également au Chapitre 6.
Tout d’abord, pour faciliter la séparation des di érents paramètres estimés, la du-rée des arcs d’orbites a été allongée de la semaine (utilisée à l’International Laser Ranging Service, ILRS) au mois, ce qui « augmente » le nombre de mesures laser disponibles (forte variabilité du nombre de mesures par jour), tout en réduisant le niveau de bruit des paramètres estimés.

Paramètres dynamiques physiques estimés

Nous considérons le paramètre gravitationnel géocentrique (GM = C0;0) comme une constante sur les 34 ans d’observations retenues, 1984–2017 (cf. discussion de la Section 2.1). Celles-ci sont postérieures à la campagne MERIT ayant fortement contribué à l’amélioration de la technologie SLR [138], qui est la seule technique de géodésie spatiale disposant d’une plage aussi longue (depuis 1975).
Egalement, les trois coordonnées du géocentre (TX ’ C1;1;TY ’ S1;1;TZ ’ C1;0), ainsi que les harmoniques sphériques en lien avec les moments d’inertie de la Terre (C2;1; S2;1;C2;2; S2;2) ont été ajustées mensuellement par arc orbital. Deux para- mètres de rotations ( RX ; RY ), autour des axes X et Y du référentiel terrestre, furent estimés accessoirement, par arc, pour mieux estimer la translation du réseau SLR étant donné son défaut d’inhomogénéité (ce qui n’est pas nécessaire dans le cadre de DORIS, cf. Chapitre 4).

Paramètres de mesures estimés

La position verticale des stations laser est libérée sur chaque arc mensuel pour deux raisons :
— toute estimation de GM doit être associée à celle de la hauteur des stations du fait de la corrélation entre ces deux paramètres (sinon, la valeur de GM obtenue sera implicitement contrainte par celle ayant servie à la détermination des composantes verticales des stations de mesures utilisées).
— pour représenter les déformations de charge non maréales, absentes dans la modélisation a priori des déplacements de station (cf. Chapitre 1), et assurer la cohérence avec la stratégie employée lors de l’obtention du géocentre DORIS (cf. Chapitres 3 et 4).
Enfin, des biais en distance sont déterminés pour chaque station du réseau SLR, dans le but de tenir compte de cette première source d’incertitude.

Intérêt d’une combinaison de satellites LEOs/MEOs

On sait que le coe cient gravitationnel géocentrique, la position verticale des sta-tions, ainsi que leur biais de mesures sont tous plus ou moins corrélés entre eux. Cela explique sans doute pourquoi on ne trouve, à ce jour, aucune publication donnant une estimation simultanée de ces trois paramètres. Néanmoins, en ana-lysant comment ces corrélations se manifestent en fonction de l’altitude du satel-lite (Figure 2.3), nous avons remarqué que l’observation conjointe du GM et des biais en distance des stations laser est plus délicate pour un satellite MEO comme LAGEOS-1, que pour un satellite LEO comme Stella. Le contraire est constaté à propos de l’observation conjointe du GM et des déplacements verticaux des sta-tions. Mathématiquement, le calcul de ces di érences de résidus laser engen-drées par un o set de biais station b, d’un o set de hauteur station h, et d’un o set d’orbite radial r, en fonction de l’élévation E s’écrit 8 b = b > < h = h sin E (2.5).

Particularités des biais des stations

Les biais en distance des mesures laser sont définis pour une station donnée et pour chaque design de satellite, lequel est identique pour LAGEOS-1/2, Starlette/Stella, mais propre à Ajisai et LARES. Cette contrainte supplémentaire permet de mieux ajuster la correction de centre de masse, au moins sa partie constante à l’échelle d’un passage du satellite, liée à la géométrie du satellite sphérique et au mode de fonctionnement de la station laser (simple ou multi-photons).
De plus, pour éviter tout signal annuel artificiel dans les biais stations observés, produit par la colinéarité de ces biais avec les oscillations saisonnières (d’origine géophysique) de la position verticale des stations, les biais en distance sont combinés par année. Cette approche permet de minimiser les erreurs systématiques sur les biais stations, tout en « cassant » davantage leur corrélation temporelle avec la constante GM et les positions verticales mensuelles des stations lors de leur détermination simultanée.

Récapitulatif du problème à résoudre

Bien que les arcs d’orbite mensuels propres à chaque satellite aient été calculés indépendamment,
conférant ainsi une résolution unitaire mensuelle aux paramètres physiques de mesure et dynamique estimés, une combinaison de ces solutions individuelles (par cumul de leurs équations normales) permet de résoudre certains paramètres plus globalement (sur une plus longue durée et/ou en commun à plusieurs satellites), tout en répercutant cette information sur ceux estimés individuellement à l’échelle d’un arc orbital mensuel.

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Table des matières

Liste des tableaux
Chapitre I: Introduction
1.1 Le système dynamique terrestre
1.2 Objectifs de la thèse
1.3 Principales techniques de la géodésie spatiale
1.4 Modélisation des mesures
1.5 Modélisation de l’orbite des satellites
1.6 Direction visée
Chapitre II: Constante gravitationnelle géocentrique
2.1 Introduction
2.2 Limitations des estimations antérieures
2.3 Méthode mise en pratique
2.4 Résultat et discussions
Chapitre III: Mouvement du géocentre
3.1 Introduction
3.2 Diérentes causes, diérentes échelles de temps
3.3 Le référentiel terrestre et la nécessité d’un modèle de géocentre
3.4 Nouvelles approches proposées pour la détermination du géocentre
Chapitre IV: Réduction des erreurs systématiques dans la détermination du mouvement de géocentre par le système DORIS (article publié)
Chapitre V: Orbites GPS des satellites LEOs référencées au centre de masse de la Terre (article publié)
Chapitre VI: Etude des eets viscoélastiques à partir des coecients (2,1) du géopotentiel et du mouvement du pôle
6.1 Introduction
6.2 Equations d’Euler-Liouville ou couplage entre moment d’inertie et rotation terrestre
6.3 Rôle de la viscoélasticité sur la rotation de la Terre
6.4 Informations rhéologiques sur la couche profonde D00
Chapitre VII: Détermination cohérente des trois premiers degrés du géopotentiel (article soumis)
Chapitre VIII: Conclusion et perspectives
Appendix A: Chapitre co-écrit du livre « Satellite Altimetry over Oceans and Land Surfaces »
Appendix B: Bibliographie
Bibliographie .

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