Le rapport à l’écrit des enfants issus de familles itinérantes et voyageurs

La scolarisation des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs fait partie des préoccupations de l’éducation nationale. En s’intéressant de plus près à ce sujet, des interrogations surgissent rapidement : du fait de leur itinérance, leur scolarisation est-elle régulière ? quel intérêt trouvent les enfants et leurs familles à aller à l’école ? Comment l’école est-elle perçue dans leur culture ? Quelle(s) conception(s) de l’écrit ont-ils ? Les enseignants bénéficient-ils de formations en lien avec la culture des familles itinérantes et voyageurs afin de pouvoir en tenir compte dans leur enseignement ? Bénéficient-ils d’outils adaptés pour une telle scolarisation ?

Il n’existe que très peu de données statistiques nationales quant aux estimations concernant le taux de scolarisation des enfants issus de familles itinérantes et voyageurs. (Cour des Comptes, 2012). Peut-être est-ce en raison de difficultés à recueillir des données quantitatives au sein de ces populations qui pourraient découler de difficultés d’accessibilité au terrain ou aux familles. Les chiffres que nous pouvons citer alors sont ceux du rapport public d’Arsène Delamon, La situation des gens du voyage et les mesures proposées pour l’améliorer, destiné à Monsieur le Premier Ministre, datant de presque 30 ans : « Dans la population d’âge scolaire 50 à 60% seulement fréquentent régulièrement l’école, la moitié ne sont jamais scolarisés et seul un infime pourcentage atteint et dépasse le niveau secondaire » (Delamon, 1990, pp.29-30). Dans ce même rapport, deux éléments sont alors soulignés :

« Les parents, s’ils s’ouvrent au besoin d’éducation, n’adhèrent pas pour autant au système de valeurs que représente pour eux l’école et souhaitent, pour leurs enfants, un enseignement utile : calcul, lecture, écriture ; certes, ils ont pris conscience de l’utilité pour leurs enfants de la scolarisation qui leur facilitera leur insertion professionnelle telle qu’ils la conçoivent, mais ils souhaitent la poursuivre ; peu d’enseignants ont une formation spécialisée pour dispenser un enseignement dans le cadre d’une scolarité fragmentaire et discontinue ; deux problèmes fondamentaux subsistent : l’analphabétisme et l’orientation des 12-16 ans. » (Delamon, 1990, pp.29-30) .

Origines et catégorisation des voyageurs ? 

Le public choisi pour ce travail de recherche est donc désigné dans les textes de l’éducation nationale comme étant des personnes itinérantes et voyageurs dont les origines vont être étudiées par la suite. Ce public particulier est donc à définir avec attention et finesse afin de ne pas faire d’amalgame ou de ne pas confondre les origines de ces familles, car comme le dit si bien Michaël Rigolot « le préjugé a le nez fin et permet toujours à celui qui le manie de le travestir d’évidences » (Rigolot, 2008, p.187). En effet, il faut distinguer d’un point de vue terminologique les différentes communautés regroupées sous les termes de « familles itinérantes et voyageurs » dans les textes institutionnels ou de « gens du voyage » terme administratif créé en 1969, qui ne sont hélas usités quotidiennement dans leur juste emploi donnant naissance à des stéréotypes et préjugés.

Les populations de voyageurs font l’objet de nombreux exonymes constamment mélangés par une grande majorité de la population, sans doute par manque de connaissance de ces cultures. Ainsi on retrouve différentes appellations qualifiant ces populations non sédentaires comme les Manouches, les Gitans, les Roms, les Tsiganes, les Yéniches, les Sinti, les Gypsies, les Bohémiens les Romanichels et bien d’autres encore. Dès lors que l’on prend conscience de l’importante diversité de ces appellations et catégorisations, on se rend rapidement compte qu’elles ne sont pas naissantes d’un hasard, mais qu’elles sont étroitement liées à une histoire, à un patrimoine culturel, à une langue et à une géographie propre à chacune (Williams, 2009). Sinon, comment justifier cette diversité d’appellations ?

Afin de cerner la population de voyageurs, il est donc nécessaire de réaliser un travail ethnologique voire ethnonymique. Peu d’articles ont été publiés à ce sujet, ce qui a rendu nos recherches délicates. En effet, cela a nécessité un travail documentaire important afin de pouvoir rendre claires les informations trouvées en croisant ce qui était écrit dans les différentes sources. Nous tenterons donc d’éclaircir ce point dans la suite de ce mémoire.

Alexian Santino Spinelli, docteur en philosophie et lui-même d’origine tsigane tente de préciser l’origine de ces différents peuples (2003). Selon lui, les différentes appellations citées plus haut sont des ethnonymes c’est à dire une dénomination utilisée en interne par un groupe pour se désigner : « la manière dont nous nous définissons nous-mêmes » (Santino Spinelli, 2003, p.15). Les tsiganes ont été marqués par leur exode : « Predari [1641] suppose que les Tsiganes sont les descendants d’un peuple préhistorique qui, à cause d’une catastrophe « géologique ou politique » se serait mis à nomadiser. » (Liégeois, 2009, p.11). En effet, ces peuples nomades seraient en partie originaires d’Inde du Nord, et auraient emprunté différents chemins de migration (Fig.1) influençant petit à petit leur culture, leur langue, ce qui aurait donné naissance à ces appellations chargées d’histoire. Liégeois reprend également les propos de Pott [1844- 1845] « Il estime que les Tsiganes sont originaires du nord de l’Inde et parlaient une seule langue avant que leur dispersion ne donne lieu à une dialectisation. » (Liégeois, 2009, p.19) .

Stationnement des familles itinérantes

Avant de s’intéresser à la scolarisation des enfants issus de familles itinérantes et voyageurs, il est nécessaire de s’interroger sur le mode de stationnement des familles qui sera le plus souvent en lien direct avec la scolarité. Les populations itinérantes présentes sur le territoire français sont des familles, qui vivent généralement en caravanes étant amenées à se déplacer sur le territoire. Il existe différents types de terrains de stationnement. Nous nous intéresserons à ceux présents dans le grand Besançon pour ce travail de recherche :
− Les aires d’accueil : ce sont des terrains aménagés par les communes sur lesquels stationnent des caravanes. Ces terrains comportent des blocs sanitaires rudimentaires pour chaque emplacement délimité. La présence d’un gardien en assure leur bon fonctionnement. Ces aires d’accueil sont obligatoires dans les communes de plus de 5000 habitants et dans certaines autres, selon le schéma départemental mis en place comme le stipule la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage . Dans le secteur de Besançon, deux sont présentes : l’aire de la Malcombe et l’aire de Pirey qui disposent respectivement de 40 et 10 emplacements. A noter également la présence de l’aire de Saône, d’une capacité de 10 emplacements, fermée officiellement mais souvent occupée. Ces aires d’accueil permettent une installation de longue durée : 3 mois maximum pouvant s’étendre à une année scolaire si les enfants sont scolarisés dans le but de leur assurer une continuité scolaire.
− Les terrains familiaux : publics ou à initiatives privées. Une petite maison est présente sur le terrain abritant souvent une cuisine et des sanitaires. Il faut donc payer une sorte de redevance pour accéder à un tel terrain. Cinq ou six caravanes peuvent s’installer autour. Il n’y pas de durée maximale pour ces emplacements, à condition de payer cette redevance chaque mois. On note la présence d’un tel terrain aux Montboucons.
− Des aires de grands passages, comme à Marchaux ou à Thise, qui accueillent des familles pour une durée de quinze jours maximums.
− Les stationnements dits « sauvages » illégaux au regard de la loi où s’installent des familles. Elles risquent donc d’y être expulsées. Bien souvent ces stationnements se créent en réponse à l’insuffisance de places dans les aires d’accueil. A Besançon, le terrain militaire des 408 est souvent investi en terrain sauvage, tout comme l’ancienne aire d’accueil de Saône. L’agglomération de Besançon devrait avoir 80 emplacements mais seulement 40 sont mis à disposition, il est donc difficile légalement de déloger les emplacements sauvages « spontanés » bien qu’il soit dangereux de résider sur ces terrains car ils ne sont pas habilités à être occupés (zones inondables, insalubrité…). En bref, il s’agit de lieux non prévus à cet effet. « Parmi les différents lieux de stationnement sauvages, on peut distinguer trois types de terrains : les terrains urbains ; les terrains en zones commerciales ou industrielles, et les terrains vagues à proximité ou non d’axes routiers » (Bruggeman, 2010, pp.78-79) .

Delphine Bruggeman (2010) cite d’ailleurs Marc Augé, ethnologue et anthropologue français, sur la question des lieux et des non lieux en référence aux aires d’accueil et terrains sauvages : « si un lieu peu se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir comme non identitaire, non relationnel ni comme historique définira un non-lieu ». Un lieu serait donc un « dispositif spatial et temporel qui exprime l’identité d’un groupe et qui détermine, par son organisation, les pratiques collectives et individuelles. (Augé, 1992, p.100) ». Donc qu’en serait-il de familles résidantes sur les terrains sauvages ?

Alexian Santino Spinelli (2003), rapporte le fait que les stationnements sont choisis par les Gadjés (non tsiganes) pour les voyageurs, et selon lui, c’est de là que viendrait toute l’incohérence « il n’y a pas de stationnement libre pour les Gitans, les lieux de stationnements sont tous choisis par les Gadjé. » (Santino Spinelli, 2003, p.20).

Culture tsigane, éducation et lien avec l’école

Afin de comprendre quels liens entretiennent les familles tsiganes avec l’école ainsi que les attentes qu’ils en ont, il est important de s’intéresser à leur culture. Plusieurs chercheurs s’accordent à dire qu’au sein des communautés tsiganes, le groupe et la famille priment sur l’individu. (Bruggeman, 2008) (Williams, 2009). Dans la culture tsigane, la famille au sens élargi est l’élément central de l’identité où les notions de solidarité et d’entraide y sont très fortes (Williams, 2009). L’éducation des enfants passe par des rapports intergénérationnels, c’est donc toute la famille qui va participer à l’éducation des enfants. Comme le rapporte Alexian Santino Spinelli : «Chez les tsiganes, plusieurs personnes participent à l’éducation des enfants : les plus importants sont les phuré c’est-à-dire les vieux ; les parents dat et daj ; les frères et les sœurs plus grands phral qui font la liaison entre le monde des adultes et le monde des plus petits. » (Santino Spinelli, 2003, p.20) Il reconnait également que l’homme dirige d’une manière générale et que les femmes sont davantage soumises et obéissantes, avant de noter tout de même que tous les membres d’un même groupe ont droit à un accès identiques aux ressources économiques (nourriture, vêtements…). Pour lui, l’éducation repose avant tout sur l’autonomie et non sur l’autorité et lee pouvoir, sans pour autant aller vers un laisser tout faire. Il ajoute que « le prestige masculin et les relations entre les sexes conditionnent les relations interfamiliales ». (Santino Spinelli, 2003, p.38) .

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Table des matières

Liste des abréviations
Introduction
I. Cadre théorique et conceptuel
1. Origines et catégorisation des voyageurs ?
2. Stationnement des familles itinérantes
3. Culture tsigane, éducation et lien avec l’école
4. Le rapport à l’oral, à l’écrit et à l’école
5. L’apprentissage de l’écrit chez les voyageurs
6. Scolarisation des EFIV
Textes officiels
Interaction entre Voyageurs et Gadjés
Législation concernant la scolarisation des EFIV
Gestion de la scolarisation
Types de classe existants
Outils pour la classe
II. Ressources et choix méthodologiques
1. Public choisi
2. Cadre géographique
3. Outils choisis
Observation en classe
Entretiens semi-directifs
4. Outil non retenu
Questionnaire de recherche
5. Méthode d’analyse des données
Analyse des observations
Analyse de l’entretien semi-directif
6. Difficultés dans la réalisation du travail de recherche
III. Analyse et résultat de la recherche
1. Observations en classe
Organisation de l’espace classe
Temps d’observation
2. L’entretien semi directif
Thèmes abordés lors de l’entretien
Un rapport éloigné à l’écrit
L’apprentissage de la lecture et de l’écriture chez les EFIV
Formations des enseignants et outils pédagogiques spécifiques aux EFIV
IV. Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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