Le projet urbain comme réponse aux maux de la ville

L’écocité : une image du « bien vivre » de la ville

Posséder une éco-cité est une sorte d’icône pour la ville. Elle est le symbole d’une métropole respectueuse de son environnement et attentive à la place de l’habitant, prouvant par la même occasion son bon sens et son savoir vivre. T.Souami parle d’une véritable « utopie citadine».
Le principal argument pour la construction d’un quartier dit « durable» est donc l’environnement. Une attention particulière est apportée aux dispositifs écologiques. Leur concentration est importante sur la portion de territoire donnée, le tout formant comme une sorte « package technique» passant par la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments et des gaz à effet de serre par des transports doux ainsi que par l’amélioration – voire la récupération – des écoulements d’eaux pluviales. Ces dispositifs sont bien sûr variables en fonction de la position géographique du site amené à recevoir l’éco-cité. Les villes nord européennes constituent un modèle cepandant les principes, techniques et modes de faire ne peuvent être reproduit à l’identique dans les villes du sud de l’Europe. Les performances environnementales mises en œuvre et le développement socio-économique sont bien sûr spécifiques au territoire et à l’esprit local. Les villes françaises sont généralement en retard par rapport à d’autres villes d’Europe sur ce sujet, ce qui est bien évidemment une question de volonté politique. De plus, la population serait plus enclin – car plus éduquée sur ces sujets et depuis plus longtemps – à adopter une attitude respectueuse de l’environnement.
Les objectifs de la construction d’une éco-cité sont aussi de répondre à des problématiques sociales, économiques et urbaines. L’éco-cité vise à contribuer à la concurrence entre les métropoles mais aussi à faire face au risque de dépeuplement et d’étalement urbain par le maintien des classes moyennes dans la ville en leur proposant un cadre de vie confortable et sain. Ce qui améliore donc l’image et les usages de quartiers anciennement dévalorisés socialement et économiquement par le renouvellement des formes d’aménagements ainsi que leur composition sociale. L’intention est bien de changer l’image d’un site. Mais la politique urbaine doit également évoluer afin d’être en cohérence avec les enjeux du projet. En donnant à un quartier le qualificatif de « écologique » ou « durable », la principale volonté est de renforcer les liens et le sentiment d’appartenance des habitants à un même lieu, comme une sorte d’identité. Le lieu n’est plus alors identifié par son histoire, son peuplement ou son activité mais par l’image de performance environnementale qu’il véhicule à l’extérieur. Ces quartiers sont, ensuite, utilisés par les collectivités comme un outil puissant de communication et de valorisation du territoire. T. Souami parle même « d’un levier pour l’inversion d’un processus de dévalorisation sociale et économique». L’enjeu pour les professionnels de l’urbanisme est finalement de convaincre les environnementalistes et la population que la production de la ville est compatible avec l’environnement et qu’elle peut constituer un équilibre avec la société et l’économie afin de développer le « bien-vivre».
Pour ce faire, la communication est primordiale et passe par l’organisation de grands événements, comme des expositions autour de l’éco-cité. Elle a une visée promotionnelle afin de montrer aux éventuels investisseurs financiers les avantages d’une telle entreprise et de les mobiliser. L’éco-cité a valeur d’exemplarité auprès des habitants et riverains. La promotion vise à attirer les promoteurs et développeurs en proposant un nouveau produit immobilier. Les entreprises en délivrant des certificats et des diplômes leur permettent de vanter leur démarche écologique, mais aussi de valoriser les lieux et de construire une identité locale sous la bannière des caractéristiques environnementales. Le but premier serait de se focaliser sur l’habitant et ses usages. Tout doit être centré sur lui et les commerces, écoles, espaces verts, loisirs… se situent à proximité des logements. Pourtant, l’autonomie du quartier conduit à se questionner sur la place des autres pratiquants du site. Finalement, quelle place leur est accordée ?
Bien évidemment, la communication varie selon les collectivités, les périodes et les problématiques locales. Elle peut être plus ou moins institutionnelle ou commerciale. L’éco-cité constitue une vitrine pour une ville. Cependant l’objectif premier ne serait-il pas de répondre aux trois piliers du développement durable ?

L’Eco-cité d’Euromediterranée

Le quartier est donc en mauvais état, et ce depuis de longues années. Les institutions ont réagi et misent tout sur Euromed II, l’extension. La consultation est lancée en juillet 2008 pour concevoir « L’Eco-cité d’Euromediterranée» sur la totalité du quartier des Crottes, une partie du Canet et Madrague-Ville. Le verdict tombe en novembre 2009. Le projet lauréat est celui de François Leclerq, TER, Rémy Marciano, Jacques Sbriglio & Setec.
Le montant global des investissements d’aménagement s’élèvera à près d’un milliard d’euros. Le projet sera financé par la vente des charges foncières – ventes de terrains et droits à construire – et par une subvention d’équilibre de 120 millions d’euros apportée par les partenaires publics selon la clé de répartition suivante : État 33,3 %, Ville 21,4%, Région 15,1%, Département 15,1%, MPM 15,1%. »
La Ville a l’ambition de « créer une nouvelle portion de ville» et « un nouveau modèle diffusable à l’échelle de la métropole puis du pourtour méditerranéen». On présente un modèle d’aménagement méditerranéen « Low cost et Easy Tech».
Cinq grands projets structureront l’éco-cité : – « L’îlot démonstrateur» permettra à une échelle intermédiaire (2,4 ha) « d’engager une démarche expérimentale et innovante d’élaboration d’un modèle d’habitat méditerranéen durable reproductible». Il comportera 400 logements, 20 000 m2 de bureaux et des équipements publics (école, crèche…). « Véritable concentré de technologies (vertes notamment) grâce à un partenariat noué avec les entreprises les pôles de compétitivité et un PRIDES : bâtiments à énergie positive, recyclage des eaux, gestion exemplaire des déchets…»
– La « boucle de thalassothermie» doit permettre de développer un réseau de production de froid et de chaud à l’échelle de la façade maritime nord. Ce procédé industriel est fondé sur les mêmes principes que la géothermie.
– Le parc des Aygalades de 14 hectares offrira un «poumon vert » ponctué de nouveaux équipements. Il fera office de gigantesque « bassin de rétention ».
– La « plateforme mutualisée de dépollution des terres », qui traitera sur place, les terres du chantier avant réutilisation sur site.
Sur l’image qui suit Les bâtiments grisés sont ceux existants et qui subiront une OPAH.
Le reste sortira de terre. Une nouvelle corniche – en rose sur le plan – arrivera au niveau de l’îlot XXL et des équipements majeurs – en haut à gauche. Le cadre bâti d’habitations existant, constitué autour de l’église fin XIXème-début XXème, sera quelque peu conservé. L’actuelle gare du Canet est démontée pour accueillir le parc. Plusieurs ZAC seront construites – sur une partie du Canet et le bas des Crottes. Une nouvelle typologie d’îlots ouverts remplacera celle des immeubles bas typique. Les établissements publics aborderont des volumes bien plus imposants. Quelques tours marqueront également l’arrivée de la corniche et un belvédère sera installé à Madrague Ville. Beaucoup de nouvelles rues seront tracées dans la continuité de celles existantes. Le tout sera grandement végétalisé.
Je m’interroge sur les limites de ce projet gigantesque. Quelle porosité entretient-il avec les quartiers voisins ? Et quelle influence va-t-il engendrer à l’échelle des quartiers et plus largement du territoire ? Effectivement, l’Avenue du Cap Pinède marque une limite nette entre ce qui sera l’Eco-cité et La Cabucelle comme on peut le voir sur le plan. A La Cabucelle , même constat qu’aux Crottes, précarité et pauvreté règnent. La population est majoritairement tzigane. Comment la limite entre quartier insalubre et quartier « bobo-écolo » va-t-elle être gérée ? L’objectif est-il également de geler des terrains à La Cabucelle pour amorcer progressivement une « conquête » vers le Nord ?
L’intention des architectes est, ici, de laisser le boulevard d’Oddo jouer naturellement son rôle d’espace tampon. Mais mis à part une place en projet débordant sur le Canet et l’alignement des rues avec le tissu existant, je ne note pas d’emprise spécifique avec les réalités urbaines directes du site. Tout est rasé – dont beaucoup de friches, c’est vrai – et on repart à zéro. Taoufik Souami note que ces éco-quartiers sont aussi « victimes de leur succès » et peuvent vite devenir des lieux ségrégatifs, si la Ville engage une mauvaise gestion du foncier. Comme l’affirmait Henri Lefebvre, « les tendances antiségrégationnistes seraient plutôt idéologiques, [et] malgré les bonnes intentions humanistes et les bonnes volontés philosophiques, la pratique va vers la ségrégation [car] socialement, politiquement, les stratégies de classes (inconscientes ou conscientes) visent la ségrégation. » . Malgré la volonté de répondre à la demande sociale, l’écocité produit par définition un lieu de regroupement entre personnes d’une certaine couche sociale adhérentes d’une même idéologie.
Ce type de projet ouvre, bien sûr, la voie à l’intervention des promoteurs qui ont vite compris le marché juteux que représente l’Eco-habitat. L’écologie et une bonne qualité de vie ont un prix pas forcement accessible au plus grand nombre. Or quand on parle de développement durable et que l’on vante le bon sens de la ville, ne serait-ce pas pour les « situations de vulnérabilité, de disqualification sociale et environnementale» qu’il serait prioritaire d’agir ? Des petits efforts demandant peu d’investissements et de moyens suffiraient à des réductions significatives de coût, sans entrer dans la high-technologie environnementale. Certes, 20% de logements sociaux seront intégrés à l’éco-cité mais on sait bien qu’il y a différents échelons de logements sociaux. Quand on sait que 70% de la population marseillaise pourrait prétendre à un logement social, je me questionne. Qui pourra venir habiter ce quartier ? Surement très peu de Marseillais…
La question des limites et de la porosité du projet m’amène à m’interroger sur les liens qu’entretient ce dernier avec les différentes échelles de la ville. « Le lien, avec les autres échelles, [est comme souvent] négligé, voire oublié, dans les démarches européennes observées. Ce lien avec la totalité de la ville, ses politiques, ses initiatives, ses autres problèmes, est rarement pensé, prévu, anticipé… et construit comme tel.»
Pour moi, le problème est effectivement une question d’échelle. Le projet prend bien en compte le paysage de la ville et du territoire. Cependant, la Ville demande de produire un « concentré de développement durable » sur vingt-quatre hectares et de laisser le reste de la métropole sans grand contrôle autour des principes qu’elle prétend défendre. Je pense que si la priorité des institutions avait été d’améliorer la qualité de vie de la population, elle aurait agi à travers la ville entière de manière diffuse afin de contribuer petit à petit, à un changement globale des habitudes et comportements. L’éducation et la sensibilisation à l’environ nement ne devraient pas seulement être menée pour les futurs habitants de l’éco-cité, qui seront déjà à priori sensibilisés à ces problématiques puisqu’ils s’installent dans un éco-quartier mais devraient être étendues à l’échelle entière de la ville.
Henri Lefebvre appui un argumentaire sur ce qu’il pense du rôle de l’architecte dans l’élaboration de plans d’urbanisme. Pour ce dernier, les architectes sont enfermés dans leur dogmes et leur obsession de répondre à la trilogie « fonction -forme-structure » – « fonctionnalisme-formalisme-structuralisme ». Nous n’élaborerions non pas nos projets à partir des significations perçues et vécues par ceux qui l’habiteront, mais à partir du fait d’habiter, comme nous-même nous l’interprétons. Le projet créé serait « verbal et discursif, tendant vers le métalangage [et] n’étant que graphisme et visualisation ». Ainsi, nous créerions souvent des projets d’urbanisme en « extrapolation », des sortes d’objets utopiques déconnectés des réalités urbaines et donc habitantes. Il tient à rappeler que « l’architecte, pas plus que le sociologue, n’a le pouvoir de créer des rapports sociaux » . Il y aurait donc dans notre pratique, facilement un décalage entre l’image que nous produisons et sa capacité à être approprié par le public, un décalage entre ce que nous concevons et imaginons et la manière dont l’objet sera pratiqué et vécu.
Pourquoi la brochure d’information, censée être largement diffusée, n’estelle pas accessible ? L’article 4 de la Charte de concertation, exige la transparence. « L’information est complète, accessible aux non spécialistes et permanente […] Il faut également que les documents qui ne font pas l’objet d’une large diffusion soient mis à disposition pour permettre une consultation et une utilisation efficace par les intéressés.» Pourquoi les personnes demandant des informations sur ce projet sontelles filtrées au mépris de la loi ? Cette attitude surprenante a bien évidement attisé ma curiosité. J’aurai l’occasion par la suite de feuilleté une de ces fameuses brochures. Je n’ai pas très bien compris ce qu’il y avait à cacher. Un beau livret en papier glacé, traduit dans plusieurs langues, qui nous fait découvrir, au fil des pages, exclusivement des vues 3D du projet. Comme dans une véritable publicité, les produits immobiliers, les équipements publics et les performances environnementales sont mises en avant., l’environnement et les personnages des perspectives sont idylliques. J’ai également pu obtenir un rendez-vous avec un de mes anciens professeur de projet, Rémi Marciano, qui a travaillé auprès de François Leclerq lauréat du concours sur l’éco-cité. Malheureusement ce dernier n’a pas voulu me parler de l’aspect économique et politique du projet, ni de la concertation habitante autour de l’éco-quartier. Il m’a expliqué que son travail était d’être architecte, et que tout ce qui se passait autour du projet n’était pas de son ressort. Nous avons donc discuté du projet dans son ensemble, mais je n’obtenais pas les réponses que je souhaitais. Il m’a surtout vanté les mérites de la grande innovation européenne que représente la la boucle de thalassothermie, et l’objectif de créer un poumon vert en fin de ballade du MuCem avec « son équipement attractif Ilôt XXL».
Je n’ai finalement pas obtenue plus d’informations que celles trouvé sur le site d’Euroméditerranée.

EUROMED II : LE REçU DES ASSOCIATIONS

Je me suis ici rapproché de deux associations marseillaises oeuvrant pour soutenir les habitants.
La première, les Compagnons Bâtisseurs, est une association aidant les habitants à rénover eux-même leur habitat jugé insalubre en leur proposant des moyens techniques et financiers. Cette association agit dans différents quartiers, mais depuis plusieurs années, leur priorité est dirigée vers les quartiers des Crottes et La Cabucelle compte tenu de l’état du cadre bâti et l’absence d’aide des institutions.
La seconde est le collectif « On s’laisse pas faire ! » créé en réaction au projet d’écocité sur le quartier même des Crottes et visant à diffuser le projet auprès des habitants qui ont difficilemment accès à l’information, qui ne connaissent pas forcemment leur droit et qui ont du mal à se faire entendre et soutenir.
La première association ne souhaite absolument pas être politisée. Sa directrice m’a clairement fait entendre que son seul objectif était social. La seconde en revanche est politisée, car née en réaction aux manquements des politiques en terme de diffusion habitante.
Ces deux associations m’ont permise de comprendre la place qui était rééllement accordée à la participation habitante autour du projet.

Ce que dit la loi

Le MEEDDAT impose aux collectivités l’élaboration d’une « charte de concertation » avec les habitants dans le cadre d’un projet urbain. Les objectifs du Ministère sont de promouvoir la participation des citoyens aux projets qui les concernent, par l’information la plus complète, l’écoute de leurs attentes ou de leurs craintes, l’échange et le débat, mais aussi, d’améliorer le contenu des projets et faciliter leur réalisation en y associant, dès l’origine, aux côtés du maître d’ouvrage, le plus grand nombre possible d’acteurs concernés, et enfin, de fournir aux différents partenaires les éléments d’un code de bonne conduite définissant l’esprit qui doit animer la concertation et les conditions nécessaires à son bon déroulement.
Selon la loi, la Charte doit être mise en place par les pouvoirs publics, avec transparence, en amont du projet et doit être aussi large que possible. Elle doit favoriser la participation et s’organiser autour de temps forts – différentes phases du projet. La concertation est financée par le maître d’ouvrage et nécessite la présence d’un garant. Elle fera l’objet de bilans.
Un décret d’expropriation a été mis en place en 2010 afin d’obtenir les terrains nécessaires. Aucune offre de relogement n’est donc proposée à la population actuelle du quartier. Le territoire d’Euromed II devrait accueillir deux ZAC , une sur le secteur du Canet et la seconde sur les Crottes.
Les ZAC sont des zones à l’intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public décide d’intervenir pour réaliser l’aménagement et l’équipement de terrains, notamment ceux que cette collectivité aura acquis en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés (art.L.311-1).
En clair, l’établissement public, dans notre cas, doit acquérir la totalité des terrains afin de les équiper puis de les revendre. Lorsque les terrains situés dans le périmètre de la ZAC ne peuvent pas être acquis à l’amiable, par voie de préemption ou de délaissement, il est nécessaire de recourir à la procédure d’expropriation.
La ZAC peut être utilisée pour des finalités très larges : habitat, commerce ou activité. Elle est utilisée dans des opérations de rénovation urbaine et de restauration immobilière. Cela doit toujours être une opération d’initiative publique, quel que soit son mode de réalisation. Elle est, par conséquent, soumise au contrôle de la collectivité.
Une ZAC peut être créée sur toutes les zones des communes dotées d’un POS ou d’un PLU. L’article L.300-2 du code de l’urbanisme rend obligatoire la concertation préalablement à la création d’une ZAC selon des objectifs et modalités qui seront déterminés librement par délibération de l’organe délibérant – exposition des études et évolutions, réunions publiques…. Dans le cadre de la concertation, sont consultés les habitants, les associations locales et autres personnes publiques ou privées. A l’issue de cette période de concertation, l’exécutif présente le bilan afin d’arrêter le dossier définitif du projet. Celui-ci doit être tenu à disposition du public.
Les différents maîtres d’ouvrages seront identifiés ainsi que les futurs gestionnaires des équipements.
Ce programme doit être présenté et échelonné dans le temps. Il est fondé sur des hypothèses prévisionnelles de recettes et de dépenses. Les dépenses d’acquisitions et d’aménagement des terrains doivent en principe être compensées par les recettes provenant de la vente des parcelles équipées. Comme pour les autres modes d’aménagement, la collectivité garde la responsabilité de l’opération et en assumera le risque financier à la fin de l’opération.
Dans ces lois, l’intérêt pour la concertation et la participation est clairement affiché comme un objectif. En pratique, il n’est visiblement pas toujours évident de les respecter. Il exite d’ailleurs un rapport datant de juillet 2013 rédigé par MarieHélène Bacqué, architecte-urbaniste et sociologue, et Mohammed Mechmach porte parole de l’association ACLEFeu Ce rapport a été commandé par notre actuel Ministre délégué chargé de la Ville, François Lamy, qui a voulu marquer sa volonté de s’ouvrir aux quartiers. Ce rapport est le résultat de nombreux échanges entre responsables associatifs, élus locaux, professionnels et chercheurs, mais aussi d’études de terrain et d’auditions individuelles ou collectives rassemblant plus de 300 personnes. La parole a été donnée en priorité aux acteurs associatifs et membres de collectifs qui ont été peu écoutés ces dernières années selon les auteurs. Ce rapport met finalement en avant le fait que la participation est actuellement inefficace et dresse une série de 30 propositions faites à l’Etat pour améliorer de façon durable la participation en France et changer l’image des quartiers populaires.

Les Compagnons Bâtisseurs : une action concrète

Les Compagnons Bâtisseurs sont implantés en Provence depuis 1979. Au démarrage, l’association était plutôt centrée sur des actions d’insertion par l’habitat, sous la forme de chantiers d’auto-réhabilitation accompagnée (chantiers familles). La culture des Compagnons Bâtisseurs est ancrée dans l’action, le faire avec et le faire ensemble. Les actions s’appuient sur des valeurs fondamentales telles que la rencontre et l’échange interculturel autour d’un projet d’utilité sociale réalisé en commun, l’engagement volontaire, la promotion du droit de chaque individu à être acteur dans la société et la promotion du droit à un habitat décent et à l’appropriation de son espace de vie.
J’y ai été accueillie par Catherine Petit, chef de projet responsable du quartier des Crottes et Nicole Francesni. Elles ne connaissaient pas l’existence du futur projet d’Euromediterranée. Elles m’ont principalement souligné la nécessité d’action sur ce quartier où la précarité est forte et où l’insalubrité grandissante. Elles m’ont décrit une « situation d’urgence face aux énormes problèmes de saturnisme dus à la pollution des sols en plomb». Nicole Francesni m’a, à la suite de cet entretien, proposé de me rendre, avec elle et un professionnel du bâtiment, Thierry Ghouila, bénévole de l’association, dans une famille où ils devraient engager des travaux en septembre 2015. Malheureusement, étant donné le court délais qui m’est attribué pour écrire ce mémoire, je n’ai pu m’y rendre. Du coup, la directrice m’a expliqué précisemment la situation et leur future action.
Cette famille de cinq enfants vit dans une maisonnette de 38 m² dont les murs porteurs ont été construits en tuiles liées à la chaux et non isolés – récupérées d’une industrie de tuilerie anciennement installée dans le quartier. Elle se situe à deux rues au nord de la limite d’intervention d’Euromed. Le père de famille y a entrepris des travaux d’agrandissement avec les moyens dont il disposait. Le travail a été mal fait, laissant passer air et eau. Afin de gagner en surface, le propriétaire a décidé d’ajouter un plancher pour créer un étage à cette maison en rez-de-chaussée. Le problème est que les empochements des poutres qu’il a réalisé se trouvent dans des murs en tuiles. De longues fissures sont apparues sur l’ensemble de la construction. Deux des enfants ont une maladie génétique rare et incurable, ils sont installés sur des lits médicalisés et nourrit par sonde dans l’unique chambre de la maison. Les autres enfants dorment dans de la laine de verre à l’étage puisqu’elle n’a pas encore été posée. L’escalier menant aux nouveaux combles, a été récupéré dans une décharge. Etant trop court pour accéder au niveau supérieur, le père l’a posé en équilibre sur des parpaings. La salle de bain et les toilettes créées par la famille – qui n’existaient pas à leur arrivée – ne sont pas reliées au tout-à-l’égout, causant des problèmes sanitaires que l’on peut facilement immaginer. Les murs sont rongés par la moisissure et cet hiver le thermomètre indiquait des températures négatives au sein même de la maison. La misère de ces conditions de vie ne fait pas l’once d’un doute. L’urgence est forte en raison de la présence de cinq enfants âgés de 2 à 10 ans dont deux sont gravement malades. Nicole m’affirme que tous les membres de la famille présentent des signes de saturnisme. L’enjeu pour les membres de l’association est d’intervenir avant que la maison ne s’écroule et de permettre à la famille d’avoir un abri sûr et plus sécurisant. Ils m’ont demandé de réfléchir avec eux à une solution afin de mieux agencer l’espace et de permettre à tous d’avoir un peu d’intimité. Quelques jours plus tard, Thierry Ghouila, étant un proche de ma famille, m’a annocé qu’un des deux enfants malades était soudainement décédé, probablement à cause du dernier rude hiver qu’il venait de vivre. Quand on prend le temps de se renseigner et qu’on découvre la misère dans laquelle vivent de nombreuses familles depuis des années et des années, on ne peut que s’insurger. On parle d’enfants qui vivent et meurent dans des conditions inacceptables à notre époque et sous nos yeux en France. J’ai conscience que le problème que je pointe est un problème sociétal et non pas architectural. Mais on construit une éco-cité à plus de 3,5 milliards d’euro à deux pas de véritables taudis. Pour moi, tout est une question de priorité et quand on voit la misère qui règne, on ne peut accepter que les logements qui vont être construit ne soient exclusivement réservés à une « élite ». Même si une ville a besoin d’habitants riches pour avancer économiquement, elle ne peut laisser des habitants démunis mourir sous le joug de leurs conditions de vie encore à notre époque. Je parle, ici, d’éthique et de valeurs. Les miennes ne peuvent laisser insensiblement des personnes perdre la vie. Faire du développement durable, c’est développer l’économie, les rapports sociaux, les activités culturelles et les préoccupations environnementales dans un même temps, mais c’est aussi répondre aux enjeux cruciaux du logement et améliorer les conditions de vie des plus modestes.

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Table des matières

0_Introduction
0_1 Dix images de villes
0_2 Construction du terrain mental
0_3 L’image à priori.
0_4 Analyse collective de la ville de Marseille
0_5 L’image de la problèmatique
0_6 Les Crottes : un quartier jusque là délaissé des politiques
0_7 Reportage photographique
1_ Euromed II : l’image véhiculée par l’institution
1_1 Le projet urbain comme réponse aux maux de la ville
1_2 L’écocité : une image du « bien-vivre » de la ville
1_3 L’écocité d’Euroméditerranée
2_ Euromed II : le reçu des associations
2_1 Ce que dit la loi
2_2 Les Compagnons Bâtisseurs : une action concrète
2_3 Le collectif On s’laisse pas faire : un palliatif aux institutions
3_ Euromed II : la réaction des habitants
3_1 Ceux qui sont pour le projet
3_2 Ceux qui voudraient être intégrés au projet
3_3 Ceux qui prennent le sort de leur quartier comme une fatalité
Conclusion
Bibliographie

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