Le projet d’un langage ideal

Pour comprendre l’ambition de créer un langage idéal qui puisse pour cette raison servir de modèle à toute énonciation qui voudrait se débarrasser des ambigüités, la publication du Tractatus logico- philosophicus de Wittgenstein marque une étape importante. En son temps, Russell présentait avec enthousiasme l’ouvrage de son élève : « Wittgenstein a formulé deux principes qui, s’ils sont vrais sont très importants. Ce sont le principe d’extensionalité et le principe d’atomicité ». Nous ferons remarquer au passage que la notion d’atomisme logique dans le Tractatus résume ces deux dimensions exposées par Russell dans la mesure où pour Wittgenstein, l’atomisme logique veut dire que toutes les propositions complexes doivent se référer en dernière analyse aux propositions simples. Cela signifie en sens inverse que la proposition complexe n’est qu’une « extension » (pour reprendre la formule de Russell) d’une proposition atomique.

Donc « l’atomisme logique » formulé par Russell exprime inversement la thèse de l’extensionalité chez Wittgenstein. En d’autres termes, selon la théorie de l’atomisme logique, celle-ci se résume comme suit : « tout énoncé portant sur des complexes se laisse analyser en un énoncé sur leurs éléments et en propositions telles qu’elles décrivent complètement ces complexes » .

Et selon le principe d’extension, la vérité ou la fausseté d’un énoncé au sujet d’une proposition P dépend seulement de la vérité ou de la fausseté de P et la vérité ou la fausseté comprenant une fonction propositionnelle dépend seulement de l’extension de la fonction, c’est-à-dire du parcours des valeurs pour lesquelles la fonction est vraie. Cela veut dire que pour l’auteur du Traité, toute langue est faite de propositions et chacune d’elles doit être analysée en structure élémentaire indivisible ou en énoncés élémentaires qui constituent des atomes physiques. Dès lors, la proposition doit être confrontée à la réalité.

L’atomisme logique milite donc pour un langage idéal où tout énoncé serait sensé, valide et vrai en même temps. Le garant du sens et de la valeur de vérité des propositions serait la proposition élémentaire. Donc, toutes les propositions ne seraient que le développement de la proposition élémentaire.

Ainsi, s’inspirant d’une conception scientifique où l a vérité exige une adéquation ou un e confrontation avec le réel, le Tractatus de Wittgenstein propose un langage idéal qui limite le langage à une fonction descriptive et où on doit aboutir à une vérité-image. Par conséquent, le langage idéal dans le Tractatus autorise une approche ontologique et sémantique. En ce sens, la proposition 4.06 dit : «la proposition ne peut être vraie ou fausse que dans la mesure où elle est une image de la réalité » . Donc la position de Wittgenstein dans le Tractatus est que le sens d’un énoncé est sa vérification en tant que celle-ci n’est pas une expérimentation scientifique, mais plutôt la vérification est synonyme d’une analyse des propositions.

La contribution du Tractatus au projet de langage idéal 

Le projet de langue universelle n’est pas une nouveauté dans l’histoire de la théorie de la connaissance : que l’on songe aux premières élaborations théoriques de Parménide d’Elée sur la nécessité de rechercher un pr incipe unificateur du r éel ; à l’entreprise platonicienne de résoudre la crise introduite par les sophistes qui ont ruiné l’idée de toute universalité. Ou encore, en référence aux textes anciens, la genèse, par l’épisode de la tour de Babel montre par ce mythe une langue commune avant Babel et en même temps une explication de la diversité des langues suite à la dispersion des individus après la punition divine. De même l’arche de Noé ainsi que le récit de la création qui donne à Adam le privilège de donner à chaque chose un nom sont autant de récit d’une création ou d’une recréation du monde illustrant implicitement par un mythe une origine commune des langues. Même le verbe divin fondateur du monde participe de cette volonté pour la religion de fournir une explication de l’origine des langues ou du moins d’en relater une caractéristique tant soit peu universelle. Mais ces interprétations des textes religieux, aussi pénétrantes qu’elles puissent être, ne peuvent valoir comme argument scientifique et, elles apparaissent, par conséquent, comme des fables ou des mythes et appartiennent, par ricochet, au domaine de l’interprétation. Mais si la recherche de l’origine des langues est comme une généalogie cherchant à remonter dans le temps la première langue, cette recherche n’est-elle pas inaccessible dans la mesure où l’histoire nous permet de suivre l’évolution du langage, non d’assister à son apparition et d’en saisir la raison ? En fait, l’origine des langues signifierait la source des langues et le pourquoi de leur apparition et ainsi, décrire le commencement voudrait dire comment les cris se sont progressivement transformés en voix, puis fixés en mots. Seulement, nous ne pouvons situer un tel commencement, tel un extrait de naissance puisque ce moment est à tout jamais perdu dans notre histoire. C’est pour cette raison que nous nous pencherons sur la recherche d’un langage universel plutôt que d’être nostalgique d’une langue originelle.

En d’autres termes, il s’agit de voir si, au-delà de la diversité des cultures et de la pluralité des langues, on pourrait arriver à un langage universel. C’est ce souci de parvenir à un l angage idéal ou à une écriture universelle qu’on peut comprendre l’ambition d’Aristote de formaliser la logique où l’inférence dépend de la disposition correcte des prémisses en sujet et prédicat. En effet, depuis Aristote, la logique est considérée comme un instrument et non comme une science en ce sens que les traités d’Aristote se rapportant à l a logique sont réunis sous le titre d’Organon ou «Instrument ». Ainsi conçue comme instrument ou outil, la logique est une forme susceptible de recevoir n’importe qu’elle science, mais n’est pas une science en elle-même.

De Frege à Wittgenstein : qu’est-ce qu’une proposition 

Il est à savoir d’emblée ce qu’est une proposition. Une définition lapidaire dirait qu’une proposition est une phrase. Toutefois, toute phrase n’est pas une proposition. Par exemple le commandement : Venez ici ! Ou la question : D’où venez-vous ?

Ces énoncés ne sont pas des propositions dans la mesure où ils ne peuvent recevoir de valeur de vérité ou de fausseté. Par contre, à considérer cet énoncé : « si je soutiens ce mémoire, ma maîtrise sera complète », il est formé de deux propositions:
– « je soutiens ce mémoire »
– « ma maîtrise sera complète » .

Elles sont reliées par le connecteur « Si…alors » Donc une proposition doit avoir une autonomie grammaticale. Considérons ces deux phrases :
– « Brutus tua César »
– « Brutus occidit Caesarem » .

Voici deux phrases différentes renvoyant à des sonorités différentes mais qui partagent pourtant le même sens. Donc une proposition n’est pas un ensemble de sons, mais elle est à considérer selon sa signification. Pour la logique aristotélicienne, l’inférence dépendait de la division en sujet et prédicat. En effet, soit le syllogisme :
Tout homme est mortel
Or Socrate est un homme
Donc Socrate est mortel
Ainsi la validité d’une conclusion dépend de la disposition correcte de ses prémisses
Tout H est M
Or S est H
Donc S est M .

L’apport de Frege, en revanche, a consisté à remplacer Sujet et Prédicat par Fonction et Argument.
Pour Frege soit cette expression:
« César conquit la Gaule » signifie :
– Soit la fonction « x conquit la Gaule » est complétée par César comme argument
– Soit la fonction « César conquit x » est complétée par la Gaule comme argument
– Soit la fonction « x conquit y» est complétée par les arguments César et la Gaule .

Donc pour Frege, César conquit la Gaule dénote le vrai et Pompée conquit la gaule dénote le faux. Dès lors, d’après Frege la fonction x conquit la Gaule est toujours vraie ou fausse quelques soient les arguments qui lui sont affectés. Par contre, dans le syllogisme classique, l’inférence dépendait de la disposition correcte du sujet et du prédicat, alors que pour Frege, les types d’inférence n’obéissent plus aux règles de division classique en sujet et prédicat. Par exemple : « si les oiseaux peuvent voler, c’est que les oiseaux ont des ailes ; or les oiseaux peuvent voler donc les oiseaux ont des ailes.» Si P alors q, or p donc q. Il apparait donc que pour Frege, la proposition est composée de variables (p, q, r) et de constantes(les connecteurs tels que « et », « ou bien », « si…alors », etc.) .

La théorie de l’atomisme logique

Pour l’auteur du Traité, la proposition doit référer en dernière analyse à une réalité observable et ainsi répondre par oui ou par non, seule condition pour que la proposition ait un sens. En d’autres termes, le sens d’un énoncé est son accord ou son désaccord avec l’existence ou l’inexistence des états de fait. Ainsi, à l a manière d’une figure géométrique, l’expression linguistique peut être projetée de plusieurs manières. Et B. Russell, dès l’introduction du Tractatus interprète que « chacune d’elles correspond à un langage différent, mais les propriétés projectives de la figure originale demeurent inchangées quelque soit celle de ces façons qu’on ait adoptée». C’est cette possibilité de recevoir plusieurs projections d’une même proposition donnée à l’aide des connecteurs que tente de rendre compte le tableau des tables de vérité .

Ces propriétés projectives font correspondre la proposition et le fait car la proposition doit affirmer le fait.

Du fait de l’irréductibilité de l’objet, le nom censé le désigner constitue au sens Russellien un « atome logique » à partir duquel peut se construire d’autres propositions au moyen de signes propositionnels puisque le nom qui désignerait l’objet doit constituer avec celui-ci l’unité de base de validité et de vérification des énoncés dérivés.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : La contribution du Tractatus au projet de langage idéal
Chapitre I : De Frege à Wittgenstein : qu’est-ce que la proposition ?
Chapitre II : La Typologie des propositions
DEUXIEME PARTIE : Les apories du Tractatus et les limites au pro
Chapitre I : Les apories du Tractatus
Chapitre II : Les investigations philosophiques comme limite au projet
TROISIEME PARTIE : Le tournant Wittgensteinien
CHAPITRE I : Le Tractatus et ses implications
CHAPITRE II : Quel sens pour l’éthique ?
CONCLUSION

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