Le problème des structures soudées soumises à la fatigue

Sur la fatigue des structures métalliques

Parmi les nombreux phénomènes qui peuvent provoquer la ruine d’une structure en service, la fatigue est certainement la plus importante. La ruine par fatigue concerne les pièces qui ont été soumises à des chargements variables au cours du temps. Le phénomène se caractérise par la formation de « microfissures » dans les zones de fortes concentrations de contraintes dues aux effets géométriques (entailles) ou métallurgiques (inclusions). Ces micro-fissures donnent naissance progressivement à une fissure macroscopique qui se propage jusqu’à la ruine finale. La fatigue est un phénomène qui se produit, à l’origine, à un niveau local.

La durée de vie d’une structure soumise à un chargement de fatigue dépend de la variation des contraintes locales. Pour un chargement cyclique à contrainte imposée, la structure peut réagir de différentes manières à la sollicitation (Figure 1.1). Si les déformations plastiques que les contraintes locales génèrent au cours de chaque cycle de chargement sont importantes à l’échelle macroscopique, la rupture survient au bout d’un petit nombre de cycles. On parle alors de fatigue oligocyclique. Dans ce cas, si le matériau subit des déformations plastiques irréversibles qui se stabilisent sur une boucle, on parle d’accommodation. Lorsqu’elles ne se stabilisent pas et s’accumulent à chaque cycle, on parle alors d’effet rochet.

Par contre, si les déformations sont négligeables à l’échelle macroscopique, le comportement de la structure à l’échelle macroscopique est élastique. Dans ce cas, la structure peut résister indéfiniment au chargement si le matériau atteint en tout point un état limite élastique adapté et le reste. Néanmoins, il est possible qu’une rupture survienne après un grand nombre de cycles alors que les amplitudes de sollicitations génèrent des contraintes dans la structure au voisinage de la limite d’élasticité du matériau. Cela signifie que des fissures se sont amorcées et propagées sans qu’il y ait de déformation plastique macroscopique apparente. Les grandes durées de vie concernent le domaine de la fatigue polycyclique.

Parmi les approches existantes permettant de déterminer la tenue des structures métalliques dans le domaine de la fatigue polycyclique à partir du calcul des contraintes locales, on trouve celle de Dang Van. En 1972, Dang Van propose un critère de fatigue multiaxiale portant sur le seuil d’amorçage des fissures de fatigue en se basant sur une approche multi-échelle [9] :

A l’échelle macroscopique, le comportement de la pièce étudiée est supposé élastique et le matériau, homogène et isotrope. Au contraire, à l’échelle mésoscopique qui est l’échelle du grain, le métal est composé de cristaux orientés dans des directions aléatoires et n’est donc ni homogène, ni isotrope. L’interprétation physique du phénomène de fatigue vu par Dang Van est de supposer que, malgré le comportement élastique macroscopique pour une charge extérieure donnée, certains cristaux mal orientés peuvent plastifier et donner naissance à des micro-fissures. L’hypothèse de base de son approche est de considérer qu’il n’y a pas ruine par fatigue si et seulement si le comportement limite des grains les plus défavorablement orientés par rapport à la variation des contraintes mésoscopiques d’un chargement périodique est adapté.

Par contre, ces critères sont mal adaptés aux structures assemblées comme les structures soudées, rivetées ou boulonnées. En effet, dans ces structures, les points critiques de fissuration sont situés dans les zones de raccordement où les « singularités » géométriques sont telles qu’il est difficile d’y calculer les contraintes macroscopiques. Face à cette situation, on est tenté de modéliser la singularité par des maillages d’éléments finis très fins pour essayer d’accéder à la contrainte réelle. Toutefois, dans un contexte industriel où l’on impose des temps et des coûts de développement des produits de plus en plus réduits, cette démarche est peu réaliste. Nous allons voir qu’elle est illusoire dans le cas particulier des structures soudées.

Le problème des structures soudées soumises à la fatigue 

Pour comprendre le niveau de complexité du problème de la tenue en fatigue des structures soudées, penchons-nous sur une structure soudée par cordon. Pour ce type d’assemblage, les fissures de fatigue s’amorcent en racine ou en pied de cordon. Ce sont les sites privilégiés d’amorçage car on y trouve de fortes concentrations de contrainte. Cette situation est due à la géométrie de la structure et du cordon (effet d’entaille), et aux facteurs inhérents au procédé de soudage tels que les irrégularités géométriques du cordon. A ces facteurs géométriques qui affectent la tenue à la fatigue viennent s’ajouter des facteurs métallurgiques tels que la nature du métal de base ou du métal d’apport, ou encore le niveau des contraintes résiduelles générées par l’opération et la distorsion des éléments raccordés qui en résulte. Le phénomène de fatigue est donc localisé dans une zone où les propriétés du matériau sont difficiles à évaluer et les géométries sont complexes et accidentées.

L’analyse des contraintes dans les structures soudées doit donner la contrainte de dimensionnement S (c’est-à-dire une contrainte caractérisant la jonction soudée) qui est à rapporter dans un diagramme S-N approprié afin de prédire la durée de vie.

Sachant que les contraintes locales sont à l’origine du phénomène de fissuration, le problème de l’étude de la fatigue des structures soudées vient de la complexité de la distribution des contraintes locales dans les zones de soudage là où les fissures s’amorcent. Pour contourner cette difficulté, il est judicieux de rechercher des grandeurs mécaniques simples, d’un autre niveau que les contraintes locales, qui permettent de caractériser la jonction étudiée et qui gouvernent la fissuration susceptible de s’y produire. C’est la démarche adoptée pour étudier le problème de la fatigue des grandes structures métalliques soudées du génie civil et de l’offshore. Ces constructions sont assimilées à des treillis de poutre dans lesquelles on calcule la contrainte dans chacun des membres. Il s’agit là de la contrainte nominale σN issue de l’analyse de la structure par la résistance des matériaux.

➤ En génie civil, pour la construction des ponts métalliques, l’Eurocode 3 [12] définit la contrainte de dimensionnement S comme la contrainte nominale dans les poutres. Cette contrainte est portée dans un diagramme S-N où figure une courbe propre à la géométrie de la jonction et au type de chargement.
➤ Pour la construction des grandes structures marines, les approches utilisées constituent un pas en avant par rapport aux méthodes de dimensionnement des ponts. En effet, elles ajoutent à la contrainte nominale une information supplémentaire caractéristique de la géométrie de la jonction étudiée. On peut illustrer ces considérations en empruntant la description faite par Radenkovic [32] pour l’analyse des structures marines dans le cadre de la mécanique théorique. Les constructions marines sont des assemblages tubulaires soudés pour lesquelles on peut, selon Radenkovic, décrire deux niveaux de concentration de contrainte à la jonction soudée :

– La concentration de contrainte géométrique : l’analyse de la jonction soudée prise comme intersection de coques minces, chaque élément raccordé étant défini par sa surface moyenne, conduit aux champs de déplacements et de contraintes dans la structure tel que la compatibilité des déplacements sur la ligne d’intersection de ces surfaces moyennes soit assurée. Les contraintes obtenues sont les contraintes dites géométriques « puisqu’elles correspondent à une géométrie idéale de la jonction soudée ». Ceci conduit à la définition d’un coefficient de concentration de contrainte géométrique KG dont la contrainte de référence peut être la contrainte nominale dans la section transverse de l’élément raccordé analysé .

– La concentration de contrainte locale : une analyse tridimensionnelle de la jonction qui reproduirait la géométrie exacte du cordon en prenant en compte ses irrégularités donnerait accès aux contraintes locales.

Sachant que la détermination de la contrainte locale pose de grandes difficultés, la contrainte utilisée pour dimensionner à la fatigue les grandes structures marines est la contrainte géométrique. Cette contrainte peut être obtenue par un calcul basé sur la théorie des coques. Dans la pratique, on constate que cette grandeur caractérise bien la géométrie de la jonction soudée puisque les codes de calculs qui la préconisent [1,3] proposent l’utilisation d’une courbe S-N unique en fatigue valable quelles que soient les piquages de tubes étudiés.

Cependant, les codes de calcul dont on vient de parler ont été établis pour des structures particulières. Les grandes structures métalliques sont des assemblages de tubes ou de poutres de fortes épaisseurs (20 à 150 mm) soudés par cordons multipasses dont les intersections sont toujours du même type. Les règles de dimensionnement de ces codes ne sont pas adaptées aux structures soudées de l’industrie mécanique, automobile ou ferroviaire où les géométries des pièces peuvent être complexes et les configurations de soudage variées. Néanmoins, la notion de contrainte géométrique pour définir la contrainte de dimensionnement semble être transposable à ces contextes industriels.

A l’heure actuelle, il n’existe pas de méthode de calcul qui soit capable de prédire la tenue en fatigue d’une structure soudée, quelle que soit la complexité de la géométrie et du chargement. Dans l’industrie automobile, par exemple, l’approche habituelle pour dimensionner une structure soudée consiste à effectuer des essais de fatigue sur des prototypes et à optimiser la géométrie des pièces ou des cordons de soudure en fonction des résultats d’essais. C’est une méthode expérimentale itérative, lourde et coûteuse, qui ne trouve plus sa place dans un contexte économique difficile. Or, l’assemblage de tôles par des procédés tels que le soudage, le boulonnage ou le rivetage est une voie incontournable pour la construction d’un véhicule. Une voiture contient 3000 à 4000 points de soudure électrique et 200 à 500 cordons de soudure. Pour les pièces soudées, l’utilisation d’outils de calculs d’aide au dimensionnement à la fatigue, est un enjeu économique important. En effet, si une optimisation théorique de la position des cordons et/ou des points de soudure avait lieu en avance de phase dans le projet d’une voiture, la quantité de démarches empiriques nécessaires à la validation d’une pièce serait réduite et permettrait un développement plus rapide et moins coûteux du véhicule. Aussi, l’objectif de ce mémoire est de proposer une méthode de calcul qui permette de prédire la tenue en fatigue de structures soudées par cordons soumises aux chargements cycliques. Un intérêt particulier est porté aux structures soudées automobiles.

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Table des matières

Introduction
Notations principales
Chapitre 1 POSITION DU PROBLEME
1.1 Sur la fatigue des structures métalliques
1.2 Le problème des structures soudées soumises à la fatigue
Chapitre 2 ETAT DE L’ART
2.1 Généralités
2.2 Les approches par la Mécanique Linéaire de la Rupture
2.2.1 Hypothèses de bases
2.2.2 Types de modèles
2.2.3 Discussion
2.3 Les approches locales
2.3.1 Hypothèses de bases
2.3.2 Cas du comportement élastique
2.3.3 Cas du comportement élasto-plastique
2.3.4 Discussion
2.4 Les approches structurales
2.4.1 Hypothèses de bases
2.4.2 Le dimensionnement des grandes structures métalliques
2.4.3 L’étude de Sonsino
2.4.4 L’étude de Janosch
2.5 Discussion
Chapitre 3 APPROCHE STRUCTURALE POUR LE DIMENSIONNEMENT EN FATIGUE POLYCYCLIQUE DE STRUCTURES SOUDEES
3.1 Introduction
3.2 Hypothèses
3.2.1 Adaptation des structures
3.2.2 Contrainte de dimensionnement : contrainte géométrique au point chaud
3.2.3 Coques minces
3.3 Détermination de l’état de contrainte au point chaud
3.3.1 Introduction
3.3.2 Le problème de l’intersection des coques
3.3.3 Modélisation de la jonction soudée
3.3.4 Justification d’un choix de liaison représentative des jonctions soudées
3.3.5 Règles de maillage utilisées
3.4 Nécessité d’une approche couplant les essais et les calculs
3.4.1 Principe
3.4.2 Mise en oeuvre
3.4.3 Condition nécessaire pour le couplage
3.4.4 Etats de contraintes aux points chauds des structures élémentaires
3.5 Observations expérimentales et critère de ruine
3.5.1 Observations expérimentales
3.5.2 Objectif du critère de ruine
3.5.3 Résultats expérimentaux et choix du critère
3.5.4 Observation de la fissuration
3.6 Proposition d’un critère de dimensionnement
3.6.1 Introduction
3.6.2 Pratique usuelle : utilisation de la contrainte principale maximale
3.6.3 Proposition d’un critère de dimensionnement
3.6.4 Effet des contraintes résiduelles
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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