Le problème de la goniométrie sur une grande antenne-réseau aéroportée

Au début du XXe siècle, le terme antenne a trouvé sa définition dans le domaine de la Physique, lorsque les premiers systèmes de Télécommunications se sont développés, essentiellement en réponse à des besoins d’origine militaire. Un siècle plus tard, les exigences en matière de Télécommunications militaires sont toujours là, s’accroissent et se précisent. De la Grande Guerre à la Guerre Electronique moderne, l’antenne reste l’élément indispensable à l’émission ou à la réception de rayonnement d’ondes acoustiques ou électromagnétiques. Lorsqu’une antenne est composée uniquement d’un module de réception, elle constitue alors un système passif, ayant comme fonctionnalité la localisation des émissions à l’aide d’outils tels qu’un sonar, une caméra visible ou infrarouge, un radar ou un radiotélescope suivant la nature des ondes émises acoustique, optique ou encore électromagnétique.

Dans le contexte de la goniométrie aérienne on cherche à localiser angulairement des émissions électromagnétiques radiofréquences bande-étroites à partir d’un système d’écoute passif aéroporté. La précision de mesure obtenue dépend certes de la méthode de traitement utilisée mais aussi de la taille de l’antenne. Pour satisfaire ce besoin, on envisage de placer de grandes antennes sur la structure d’aéronefs de grande envergure (drones ou gros porteurs). Déployer une grande antenne sur un aéronef sans impacter sur les performances aérodynamiques de celui-ci nécessite l’acceptation de quelques contraintes. D’une part, d’un point de vue mécanique, l’antenne doit demeurer solidaire de la structure de l’avion. On s’oriente ainsi vers une antenne de type réseau, constituée de capteurs insérés sous la voilure et/ou sous le fuselage de l’avion. D’autre part, d’un point de vue traitement d’antenne, il faut accepter de composer avec les déformations et les vibrations que subissent inévitablement les ailes d’un avion en vol.

Cette étude est intégrée dans le projet fédérateur Grandes Antennes Déformables de l’ONERA (Office Nationale d’Etudes et de Recherches Aérospatiales). L’aéronef utilisé servant de plateforme aux études amonts et aux développements des systèmes radar de nouvelles générations est un motoplaneur baptisé BUSARD (Banc Ultraléger pour Systèmes Aéroportés de Recherche sur les Drones). En vol, la structure de l’avion est soumise à des forces dues aux lois de la gravité et de l’aérodynamique et d’un point de vue structural, se déforme. Dans le cas du BUSARD, d’une envergure de 23 m, la voilure peut atteindre des déformations de plusieurs dizaines de centimètres en bout d’aile. En réponse à des perturbations aérodynamiques (rafales, commandes de vol, etc.), l’antenne vibre suivant les modes structuraux de l’avion. Les premières fréquences de vibrations sont de l’ordre de quelques Hertz pour le BUSARD.

Les principales conséquences de la déformation d’une antenne sur l’écoute d’un signal sont, au niveau du capteur, une modification d’orientation pouvant entraîner une modification de l’amplitude observée et au niveau d’un ensemble de capteurs une modification des phases relatives. De nombreuses études ont été menées afin d’évaluer les conséquences des erreurs de modélisation d’un réseau de capteurs sur les résultats donnés par les techniques de traitement d’antenne. Globalement, on note des résultats de localisation angulaire biaisés (voire complètement erronés pour de très grandes déformations) et dont l’incertitude croît au fur et à mesure que l’antenne se déforme. L’appréciation générale de l’impact des erreurs de calibration sur les résultats du traitement d’antenne est une question complexe tant les paramètres sont multiples. On peut citer
☞ la géométrie du réseau (circulaire, linéaire homogène, linéaire lacunaire, en sousréseaux, etc.),
☞ le niveau de connaissance sur la géométrie nominale du réseau,
☞ la nature de la déformation (statique ou dynamique, aléatoire ou déterministe)
☞ le type de capteurs (de réponses identiques ou non , omnidirectionnels ou non, etc.),
☞ la qualité des capteurs (présence de couplage inter-capteur,etc.).

D’autre part, les méthodes de traitement d’antenne ne réagissent pas non plus de manière équivalente face au niveau du rapport signal à bruit. Quoi qu’il en soit, les conséquences des erreurs d’appréciation de position sur la goniométrie ne sont pas négligeables et constituent la motivation de l’étude présentée.

La voie consistant à rigidifier l’antenne est écartée notamment pour des raisons d’alourdissement de la structure. A l’heure actuelle, des travaux ont été entrepris à l’Onera dans le but de soit réduire au maximum les mouvements de l’antenne soit, connaître la forme de l’antenne et donc la position des capteurs à tout instant. Dans le premier cas, on peut utiliser une technique qui consiste à implanter sur l’antenne des actionneurs (pastilles piézoélectriques) capables d’appliquer des forces sur la structure dans le but d’effectuer un contrôle actif des vibrations. Cette technique nécessite une forte alimentation et n’est efficace que pour les vibrations de fréquences élevées et non pour des vibrations basse-fréquence ou des déformations de structures statiques.

Dans la catégorie des méthodes permettant de retrouver la forme de l’antenne, on recense deux familles. D’une part, des méthodes n’utilisant pas les signaux reçus sur les capteurs de l’antenne. Pour cela on emploie des capteurs mécaniques (accéléromètres ou jauges de contraintes). Deux procédés existent. Le premier consiste à utiliser les sorties de ces capteurs mécaniques pour retrouver la forme globale de l’antenne par filtrage de Kalman. Cependant, il est nécessaire d’avoir une estimation des excitations. Le deuxième procédé s’appuie sur la méthode SPA (Strain Pattern Analysis) et sur une connaissance a priori des formes propres de la structure. On retrouve ainsi en vol les déformations de l’antenne. Ces méthodes demandent l’insertion de capteurs mécaniques sur la voilure. La méthode a été validée suite à des essais expérimentaux sur maquette. Le pourcentage d’erreur de ces méthodes sont de l’ordre de 1% à 20 %.

Origines et modélisation des sources

Sources d’opportunité

Dans le contexte électromagnétique, il faut distinguer les sources d’opportunité des sources coopérantes ou encore des sources d’intérêt. Les sources d’intérêt sont celles que l’on cherche à localiser et à écouter une fois que le réseau est calibré. Les sources coopérantes sont en général des signaux pilotes connus du récepteur, au niveau fréquentiel, voire temporel, et surtout en position. Ces sources sont émises dans le but de calibrer le réseau et on parlera de calibration active. Dans le problème de l’autocalibration d’un réseau d’antennes aéroporté qui est le nôtre, on cherche à estimer la position des capteurs de façon passive, c’est à dire en s’interdisant le recours à des sources coopérantes. On exploite alors la présence de sources dites d’opportunité. Il s’agit d’émissions électromagnétiques terrestres généralement issues de l’activité humaine en matière de télécommunications. A la différence des sources coopérantes, on considérera les sources d’opportunité comme des signaux aléatoires et leurs positions comme des inconnues.

Pour des raisons techniques liées, pour l’essentiel, à la taille des capteurs, les sources d’intérêt que l’on cherchera à écouter seront situées autour de la bande L (1 − 2GHz). Dans cette gamme de fréquences, l’origine des sources d’opportunité y est variée et le nombre de sources est élevée. Par exemple, dans les moyens actuels de télécommunications, les émetteurs-récepteurs suivant la norme GSM fonctionnent dans cette gamme de fréquence et sont largement répandus. En Mars 2007, l’Agence Nationale des FRéquences (ANFR) a délivré une autorisation pour 107988 stations de base en France. Ce qui fait en moyenne une station tous les 6.25 km2 . Les communications GSM 900 se situent dans la gamme 890 − 915 MHz pour l’émission et 935 − 960 MHz pour la réception. Pour le GSM 1800 il faut se situer autour de 1710−1785 MHz pour l’émission et 1805−1880 MHz pour la réception. Chacune des bandes se divise en 124 canaux de 200 KHz chacun. L’UMTS se situe plus haut en fréquence, i.e. autour de 2000 MHz.

Dans une bande de fréquences plus basse, on trouve les signaux de télédiffusion. En France, les canaux s’étalent de 471.25 à 861.75 MHz. L’originalité est que sur un émetteur, on trouve au moins deux signaux car le signal vidéo et le signal audio sont séparés de 6.5 MHz (cas de la TV analogique).

La radio par modulation de fréquence (FM) tend progressivement à être remplacée par la radio numérique (Digital Audio Broadcasting). Sa gamme de fréquences est 1452 − 1492 MHz. En attendant une généralisation à l’Europe, il existe déjà deux pays (l’Angleterre et l’Allemagne), pour lesquels le réseau est déjà très développé. A proximité des aéroports ou des ports, il est concevable d’utiliser les signaux de radionavigation. Dans la gamme de fréquence considérée, on trouve les DME (Distance Measuring Equipments) autour de 960−1215 MHz. Un DME est un radio-transpondeur qui permet de connaître la distance qui sépare un avion d’une station au sol en mesurant le temps que met une impulsion radioélectrique pour faire un aller-retour.

Dans le panel de sources d’opportunité d’origine civile, on peut aussi citer les signaux GPS (Global Positioning System). On dénombre actuellement environ 24 satellites répartis autour de la Terre. En terme d’autocalibration, l’utilisation de ces signaux nécessiterait l’exploitation d’antennes supplémentaires disposées sur l’extrados de l’aile et non sur l’intrados comme c’est le cas pour toutes les sources précédemment citées. Ceci reviendrait au final à doubler le réseau et l’électronique en amont des capteurs. Enfin, il faut aussi citer les émissions issues des gammes de fréquences militaires dont l’exploitation est bien entendu soumise à autorisation.

Modèles 

Le signal source sur porteuse 

Sans entrer dans le détail des différents moyens de transporter l’information, on peut considérer dans le cas le plus général que les signaux Z(t) issus des systèmes de télécommunications sont constitués d’un signal sinusoïdal porteur de fréquence fp, modulé en amplitude et/ou en phase. On écrit

Z(t) = α(t) cos(2πfpt + β(t)).

Les signaux d’information α(t) et β(t) sont appelés respectivement enveloppe et phase de Z(t). De manière équivalente, ce signal de transmission correspond à la somme de deux sinusoïdes de même fréquence en quadrature de phase, différemment modulées en amplitude.

On note

Z(t) = sP (t) cos(2πfpt) − sQ(t) sin(2πfpt),

où sP (t) et sQ(t) sont appelées respectivement les composantes en phase et en quadrature du signal Z(t).

Si nous définissons le signal complexe en bande de base s(t) = sP (t) + sQ(t), on obtient

Z(t) = Re {s(t) exp(j2πfpt)} . (1.1)

Nous ferons l’hypothèse classique que la largeur de bande B du signal s(t) est très inférieure à la fréquence porteuse fp et ainsi le spectre monolatéral du signal de communication Z(t) présente une unique bande étroite de fréquences de largeur 2B autour de cette raie porteuse. En pratique, cette hypothèse est presque toujours vérifiée dans les systèmes de télécommunications à grande portée puisqu’elle permet de minimiser les phénomènes de dispersion de fréquences.

Le caractère aléatoire (incertain, inconnu) des signaux véhiculés par les sources d’opportunité fait que, à défaut d’information plus précise, il est commode de modéliser s(t) par un processus stochastique complexe, centré et blanc dans la bande de fréquences [−B, B].

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Table des matières

Introduction
1 Le problème de la goniométrie sur une grande antenne-réseau aéroportée
1.1 Origines et modélisation des sources
1.1.1 Sources d’opportunité
1.1.2 Modèles
1.1.2.1 Le signal source sur porteuse
1.1.2.2 Modèle d’ondes planes et directions d’arrivée
1.2 Modélisation des enregistrements
1.2.1 Le capteur électromagnétique
1.2.2 Modélisation d’une contribution en bande de base
1.2.2.1 Influences du milieu de propagation et des capteurs
1.2.2.2 Effets de la chaîne d’acquisition
1.2.3 Cas multisources et matrice de transfert du réseau
1.3 La goniométrie
1.3.1 Position du problème
1.3.2 Notion de diagramme d’antenne
1.4 Les grandes antennes-réseau aéroportées
1.4.1 Antennes linéaires et antennes lacunaires
1.4.2 Comportement du réseau en vol (exemple pour BUSARD)
1.4.3 Diagrammes de directivité des réseaux-test en vol
1.5 Les méthodes de traitement d’antenne
1.5.1 Classification
1.5.2 Formation de Voies Conventionnelle (FVC)
1.5.3 Minimum de Variance sous Contrainte Linéaire (MVCL)
1.5.4 Le “Goniomètre” (MUSIC)
1.6 Goniométrie sur des antennes non calibrées
1.6.1 Erreurs de modèle
1.6.2 Conséquences sur la localisation des sources
1.7 Conclusion
2 Position du problème
2.1 Mise en équations
2.2 Observabilité lorsque les phases sont parfaitement connues
2.2.1 Indéterminations d’ensemble
2.2.2 Conditions suffisantes d’observabilité globale
2.3 Observabilité lorsque les phases ne sont connues qu’à 2π près
2.3.1 Indéterminations sur le nombre de rotations de phases
2.3.2 Condition suffisante d’observabilité locale
2.4 Le problème des vibrations
2.5 Hypothèses de travail retenues
2.6 Performances asymptotiques – Bornes de Cramèr-Rao
3 Autocalibration d’une antenne statique faiblement déformée
3.1 Préambule
3.2 Etat de l’art
3.3 Autocalibration selon le principe du maximum de vraisemblance (MV)
3.3.1 Présentation de la méthode
3.3.2 Résultats
3.4 Méthode de sous-espace/modules constants (SEMC)
3.4.1 Présentation générale
3.4.2 Recherche d’une base du sous-espace signal
3.4.2.1 Voie 1 : à partir de la base propre de Γbr
3.4.2.2 Voie 2 : à partir d’une recherche de l’opérateur de propagation
3.4.3 Identification des coefficients de décomposition de la matrice de réseau par l’Algorithme des Modules Constants (CMA)
3.4.4 Estimation des Directions D’Arrivée (DDA) des sources et des positions de capteurs à partir de la matrice de transfert du réseau
3.4.4.1 Estimation des DDA
3.4.4.2 Estimation des positions des capteurs
3.4.5 Simulations numériques
4 Autocalibration d’une antenne statique fortement déformée
4.1 Préambule
4.2 Autocalibration selon le principe du maximum de vraisemblance (MV)
4.2.1 MUSIC-M pour une initialisation plus proche de la réalité
4.3 Autocalibration avec une méthode de Sous-Espace/Modules Constants (SEMC)
4.3.1 Résolution des ambiguïtés de phase
4.3.2 Résultats en environnement peu-bruité
4.3.3 Comportement de la méthode en environnement bruité
4.3.3.1 Résultats en environnement bruité sans contrainte physique
4.3.3.2 Résultats en environnement bruité avec contraintes physiques
4.3.4 Conclusions et perspectives
Conclusion

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