LE POUVOIR CREATIF ET L’EXPRESSION LITTERAIRE DANS LES MISERABLES DE VICTOR HUGO

Première partie : Fantine

   Dans ce tome s’entremêlent les deux destinées de Fantine et de Jean Valjean. L’action débute en 1815 par la libération de Jean Valjean, personnage principal de l’œuvre, après une peine de dix-neuf ans de bagne : victime d’un destin tragique, initialement condamné à cinq ans de bagne pour avoir volé un pain afin de nourrir sa famille, il voit sa peine prolongée à la suite de plusieurs tentatives d’évasions. En liberté, son passé de forçat l’accable il est universellement rejeté et seul Mgr Myriel l’accueille pour le gîte. Jean Valjean, épris de haine, frappé d’injustice, et peu conscient de ses actes, vole l’argenterie de l’évêque et s’enfuit par la fenêtre. Lorsqu’il est arrêté et ramené par les gendarmes chez Mgr Myriel, celui-ci lui pardonne et déclare lui avoir offert son argenterie, le sauvant ainsi de la condamnation pour récidive. Il engage Valjean  à accepter deux chandeliers supplémentaires contre la vertu et l’intégrité de sa conduite future. Perdu dans ses pensées, Valjean vole, sans en avoir l’intention, une pièce de 40 sous à un ramoneur savoyard d’une dizaine d’années nommé Petit Gervais. Le jeune savoyard fait tomber la pièce qui finit sous le pied de Valjean, celui-ci ne s’en aperçoit pas et chasse l’enfant qui lui demande plusieurs fois de la lui rendre. Lorsque Jean Valjean voit la pièce, il essaie mais en vain, de retrouver l’enfant pour lui restituer son argent. Le vol est rapporté aux autorités, Valjean est désormais récidiviste, recherché par la police, risquant la prison à vie. Il doit donc cacher son identité. Ce sera sa dernière faiblesse, car il passe définitivement à côté du bien. Jean Valjean reparaît à l’autre bout de la France, sous le nom de M. Madeleine et opère sa complète rédemption : enrichi honnêtement, il devient le bienfaiteur de la ville de Montreuil-sur-Mer, dont il sera nommé maire. En regard de l’ascension de Jean Valjean, à son rachat pourrait-on dire, on assiste à la chute de Fantine, fille-mère qui, pour nourrir sa fille unique Cosette, ira de déchéance en déchéance, jusqu’à la prostitution et la mort. Ce tome est l’occasion de présenter les personnages qui vont suivre Jean Valjean du début à la fin de ses aventures. Les Thénardier, qui plongeront de la malhonnêteté et la méchanceté ordinaire au banditisme, à la fois dénoncés comme criminels et plaints comme victimes de la société. Ils sont cependant aussi les parents de Gavroche, dont l’héroïsme s’illustrera plus tard. Javert, qui incarne la justice implacable et rigide, a mis toute son énergie au service de la loi, sa religion. Peut-on croire Valjean-Madeleine sauvé, réintégré dans la société ? Victor Hugo ne le veut pas. Pour lui, l’honnêteté ne peut souffrir la compromission. Aux termes d’une longue nuit d’hésitation, M. Madeleine ira se dénoncer pour éviter à un pauvre diable, un peu simple d’esprit, Champmathieu, reconnu à tort comme étant Jean Valjean, d’être condamné à sa place. Tous les bienfaits qu’aurait pu apporter M. Madeleine ne pourraient compenser, selon Victor Hugo, la seule injustice faite à Champmathieu. Jean Valjean échappe cependant à la justice, retourne dans la clandestinité pour respecter une dernière promesse faite à Fantine qu’il a assistée à l’heure de sa mort : sauver Cosette actuellement pensionnaire asservie et malheureuse des Thénardier.

Deuxième partie : Cosette

  Dans ce tome, deux livres encadrent l’action, l’un est consacré à la bataille de Waterloo et l’autre à la vie monacale. Victor Hugo aborde le second tome des Misérables par la bataille de Waterloo où on voit un « tas de cadavres qui fut plus grand que le groupe vivant » qui s’est déroulée sept ans plus tôt. Le lien avec l’intrigue est très ténu : Thénardier aurait sauvé le père de Marius à l’issue de cette bataille. Sous ce prétexte dramatique léger, Victor Hugo place là une réflexion qui lui tient à cœur sur la bataille de Waterloo, bataille qui voit la chute d’un personnage qu’il admire, Napoléon Ier. Depuis longtemps, Victor Hugo est hanté par cette bataille. Celle-ci lui inspirera le poème L’Expiation du livre V des Châtiments. Il a refusé à plusieurs reprises de se rendre sur les lieux et c’est seulement en 1861 qu’il visite le champ de bataille et c’est là qu’il termine ce récit épique. La Parenthèse (avant-dernier livre, « est un drame dont le premier personnage est l’infini. L’homme est le second ») que constitue la réflexion sur la vie monacale, la foi et la prière, pour surprenante chez un révolutionnaire comme Victor Hugo, se présente comme une profession de foi. Réquisitoire violent contre l’Église carcan, c’est aussi une apologie de la méditation et de la foi véritable. « Nous sommes pour la religion contre les religions » précise Victor Hugo. Et lui de renchérir : « En tant qu’institution et mode de formation pour l’homme, les monastères, bons au dixième siècle, discutables au quinzième, sont détestables au dix-neuvième. La lèpre monacale a presque rongé jusqu’au squelette deux admirables nations, l’Italie et l’Espagne. »

L’atmosphère des Misérables

   La première des cinq parties des Misérables est comparable au premier acte d’une pièce de théâtre : elle joue le rôle d’exposition en présentant les principaux personnages, en les situant dans un contexte précis et en fournissant les données essentielles de l’action. Parmi les nombreux personnages qui peuplent la première partie, quatre sont particulièrement mis en valeur : Mgr Myriel n’apparait pas longtemps mais sa position initiale et son rôle dans le roman en font un personnage-clé. Il est à l’origine de la conversion de Jean Valjean à la vertu : il représente le Bien. Jean Valjean est le héros principal. Son identité est multiple, il se travestit et se démasque, se transforme intérieurement et extérieurement. Il représente l’Homme dans sa faiblesse et sa force. Fantine est également une « misérable ». Elle incarne l’amour maternel, puisqu’elle se sacrifie pour le bien être de sa petite fille, Cosette, dont elle confie la responsabilité à Jean Valjean. Fantine meurt très tôt dans le roman : la première partie porte son nom, comme si Victor Hugo voulait rendre hommage à ce misérable exemplaire. Javert est un homme féroce et impitoyable. Il incarne la loi de ce qu’elle peut avoir d’inhumain. Menaçant, il se dresse comme l’adversaire de Jean Valjean qu’il semble vouloir détruire. Les personnages évoluent dans leur milieu de travail : on voit l’évêque faire la charité dans son diocèse, Fantine s’activer dans son atelier, M. Madeleine effectuer son office de maire, Javert maltraiter ses victimes au bureau de police. Des scènes secondaires comme celle du tribunal ou du dentiste ambulant nous font pénétrer dans d’autres milieux de travail. Le roman parle donc d’abord du peuple et de sa peine à gagner son pain. Ce contexte quotidien s’inscrit dans le contexte plus vaste de l’Histoire : la première partie se déroule sur huit ans environs, de 1815 à 1823. C’est la restauration de la monarchie en France, mais le fantôme de Napoléon rappelle constamment la période héroïque de l’Empire. Le roman, d’ailleurs, s’ouvre sur une scène qui fait vivre et parler de Napoléon Bonaparte : ce personnage restera dans les coulisses de l’histoire racontée dans le roman. L’action s’organise autour de l’opposition entre le Bien et le Mal, le vice et la vertu. L’oscillation entre ces deux pôles est caractéristique des misérables. Si Mgr Myriel et Javert sont des personnages stables, Jean Valjean et Fantine, en revanche, sont en évolution. Leurs destinées suivent des courbes inverses : alors que Jean Valjean progresse vers le Bien, depuis le vol des couverts d’argent jusqu’au sauvetage de Champmathieu, Fantine est forcée de tomber dans la déchéance. Ni l’un ni l’autre ne sont coupables : ils sont victimes de la société. En somme, La première partie annonce que le roman est une traversée : traversée des classes sociales, de l’empereur à la fille de rue ; traversée dans l’espace, de la Provence à la mer du Nord ; traversée dans le temps puisque huit ans se sont déjà écoulés depuis la première page. Le pivot de ces différentes parties est Jean Valjean, un personnage aux différentes facettes. A la fin de la première partie nous attendons qu’il accomplisse la promesse faite à Fantine : c’est à Cosette d’entrer en scène. Alors que la première partie multiplie les scènes en plein air et en public, la deuxième partie baigne dans une atmosphère beaucoup plus intime. Elle privilégie les lieux clos, les maisons, les espaces intérieurs : l’auberge Thénardier, la masure Gorbeau, comparée à un nid, le couvent parfaitement hermétique, mais aussi des espaces fermés plus surprenants : la table sous laquelle se réfugie la petite fille maltraitée, le cercueil qui abrite Jean Valjean, la hotte où se cache Cosette. Cachette, dissimulation, retrait du monde, abri tissent la trame du deuxième volet des Misérables. La construction de l’œuvre fait montre d’un contraste. Victor Hugo est un architecte de l’écriture : il aime bâtir, structurer. Ainsi, la deuxième partie des Misérables, outre qu’elle contraste avec la première partie, est construite sur un contraste intérieur : la rencontre de Jean Valjean avec Cosette dans la forêt est une rupture qui oppose fortement un avant et un après. Avant, c’est le malheur de Cosette, la solitude de Jean Valjean ; après, tous deux s’ouvrent à la vie et au bonheur. Pour illustrer et soutenir cette forte opposition entre deux époques, des thèmes et épisodes s’opposent terme à terme : chez les Thénardier, Cosette fait des tâches ménagères ensuite elle reçoit de l’instruction, puisque Jean Valjean lui apprend à lire avant que son éducation ne se poursuive au couvent. Deux grands épisodes nocturnes s’opposent également : l’un, en forêt, où Cosette porte seule un seau très lourd ; l’autre, dans le dédale d’un faubourg de Paris, où le forçat porte la petite fille comme une plume. La deuxième partie, enfin, s’ouvre sur un tableau de la bataille de Waterloo et s’achève sur la vie au couvent : s’opposent radicalement la violence et la paix, la mêlée des soldats et la réclusion volontaire, la marche de l’Histoire et la suspension du temps : plusieurs années s’écroulèrent ainsi ; Cosette grandissait. On assiste à une métamorphose des personnages. Une transformation si brutale de l’existence ne pouvait que provoquer la métamorphose de Cosette comme de Jean Valjean. Chacun semble avoir trouvé en l’autre ce qui lui manquait : c’est la révélation. Cosette reçoit protection, affection, attention, chaleur, instruction ; Jean Valjean trouve l’objet d’amour, joie de vivre, compagnie, raison de vivre simplement. La métamorphose de chacun des personnages se fait en deux temps. Celle de Cosette est claire et extérieure : quand elle sort de Montfermeil correctement vêtue, personne ne la reconnait ; ensuite, elle apprend à rire. La petite souris menteuse et craintive s’est enfin épanouie aux joies de l’enfance. Quant à celle de Jean Valjean, elle est autrement subtile : au contact de Cosette, il s’éveille à des sentiments inconnus : un pauvre vieux mais un cœur tout neuf. Ensuite quand il est mis au tombeau lorsque qu’il faisait le mourant, c’est comme s’il mourait pour renaitre à une autre vie, celle de père de Cosette. D’ailleurs, il prend une autre identité puisqu’il se fait passer pour le frère de Fauchelevent. L’adoption de Cosette, le changement de nom prouve que le personnage cherche à se défaire définitivement de son passé. Mais ce n’est guère possible… le nom de Fauchelevent n’est-il pas surement très irréel ? La deuxième partie progresse en alternant des pauses et des déplacements qui se caractérisent comme une sorte de fuite en avant. Ainsi, trois demeures se succèdent : l’auberge Thénardier, la masure Gorbeau, le couvent du Petit-Picpus. Elles s’accompagnent de trois surprises : la main qui soulève brusquement le seau d’eau en pleine forêt (événement capital), le retour de Javert (relié au mal fait dans le passé et au nom Jean Valjean), le surgissement de Fauchelevent (relié au bien fait dans le passé et au nom M. Madeleine). Entre ces trois pauses, des déplacements, l’un de Montfermeil à Paris, l’autre d’un quartier de Paris à un autre. Les personnages ont donc une vie instable, ils ont du mal à trouver un domicile fixe : c’est parce que Jean Valjean est poursuivi par un ennemi qui brandit toujours son passé de bagnard, un ennemi qui veut sa peau. On s’attend donc au prolongement de cette alternance de périodes calmes et de périodes mouvementées (créatrice de suspense), à une fuite en avant du forçat pour échapper à la police et assurer le bonheur à Cosette. A la fin de la deuxième partie, la lutte entre Jean Valjean et Javert est clairement engagée : on est en plein roman policier, d’où la multiplication de cachettes, abris et refuges de toutes sortes.

Le personnage principal : Jean Valjean

  Physiquement, c’est un colosse, habile de ses mains et capable de supporter les choses extraordinaires. Sa puissance physique et sa résistance nerveuse sont surhumaines. A plusieurs reprises dans le roman, nous en faisons l’expérience. Moralement, c’est un homme très silencieux et très intériorisé. Ses sentiments sont violents mais retenus. Il aime profondément l’enfance, son cœur est généreux et courageux. C’est un être charitable, il donne spontanément ce qu’il possède. Intelligent, il est instruit par lui même au bagne et en fait profiter Cosette. Son destin chaotique l’a rendu prudent et méfiant : durant tout le roman, il côtoie l’ombre ; l’illumination finale n’en est que plus frappante. Toutefois, Jean Valjean est loin d’être parfait : égoïste à l’occasion et possessif, il souhaite que Cosette reste laide. Sa jalousie le pousse à haïr Marius. A l’origine de tous ces comportements, le manque d’amour et la soif de tendresse. Orphelin, célibataire, il n’aura jamais de famille. La famille est aussi une valeur défendue par Victor Hugo, et Jean Valjean est, en raison de cette carence, un personnage rude mais attachant. Sur le plan dramatique, Jean Valjean est le rôle synthétique : toutes les actions convergent vers lui. C’est donc son destin qu’on explore de manière privilégiée. Jean Valjean représente l’Homme aux prises avec le Bien et le Mal. C’est un personnage voisin du type biblique de l’Adam : à l’origine de son histoire, du moins celle que le roman nous raconte, il y a un péché, une faute : Il a faim, il a manqué du strict nécessaire : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour [quotidien] » disons-nous dans le Notre Père. Jean Valjean est un homme en qui la Grâce a momentanément fait défaut. Il connaît la tentation, il vole un pain, il est sévèrement condamné à des années de bagne. Incroyable ? Hugo s’est appuyé sur des faits pour construire son personnage. Jean Valjean ne fera pas cinq ans mais dix-neuf ans de bagne, par le jeu infernal des différentes prolongations de peine pour tentatives d’évasion. La vie de Jean Valjean est alors un long parcours pour mériter le pardon divin. Mais à côté de cette lecture religieuse, on peut aussi envisager le personnage comme prototype de l’être humain que la société broie et absorbe. Jean Valjean est un individu quelconque, bon ouvrier, très généreux, vivant dans la misère matérielle sans révolte. Il devient un misérable lorsque la misère physique se double d’une misère morale : poussé à commettre le Mal il s’engage dans la mauvaise voie. Et si son séjour chez l’évêque lui révèle et lui désigne le but vers lequel il faut tendre, le Mal ne sort pas de Jean Valjean instantanément. En effet, à sa libération l’homme est une sorte de vraie bête fauve. Son passeport jaune d’ancien forçat en fait un réprouvé à vie aux yeux de la société : « il vit bien vite ce que c’était qu’une liberté à laquelle on donne un passeport jaune », « libération n’est pas délivrance. On sort du bagne, mais non de la condamnation ». Mais la Providence se manifeste en la personne de Monseigneur Bienvenu qui opère une sorte de métanoïa dans l’âme du réprouvé, c’est à dire un retournement complet de l’être en direction de la lumière. C’est l’épisode fameux des chandeliers volés à l’évêque, chandeliers porteurs de lumière, tout un symbole que l’homme de Dieu offre à Jean Valjean repris par les gendarmes, pour le sauver : « Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez plus au mal, mais au bien. C’est votre âme que je vous achète ; je la retire aux pensées noires et à l’esprit de perdition et je la donne à Dieu » . Ce que montre surtout ce personnage, c’est que l’homme doit lutter contre les forces qui cherchent à le faire sombrer. Ces forces sont extérieures, la société, la loi, une justice injuste et intérieures. Ainsi, nous pouvons qualifier son livre comme l’épopée d’une âme : le roman raconte d’abord l’histoire d’une conscience qui se découvre, chemine, s’accepte dans son imperfection et se purifie. L’âme extirpe progressivement le Mal qu’elle continue de contenir : les moments de crises, de dilemme, de tempête sous son crâne ceux précisément où l’âme fait effort pour surmonter sa tendance malheureuse et néfaste (égoïsme vis-à-vis de Cosette, haine de Marius, mensonges et dissimulation). Jean Valjean n’est pourtant pas totalement libéré, quelque chose le pousse à voler la pièce de quarante sous du petit savoyard, puis il s’effondre, terrassé par sa conscience, tel Saint Paul sur le chemin de Damas, prêt à « revêtir l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté véritable ». Après cette expérience de nature mystique Jean Valjean peut sauver à son tour Fantine et Cosette, la première dans l’éternité et la seconde ici-bas, s’oubliant dans une sorte d’apostolat idéal entièrement dédié au prochain. Tout au long du roman nous le voyons plonger dans de sombres abîmes qui renvoient toujours à autre chose. Il en resurgit chaque fois ayant fait un pas de plus sur le chemin mystérieux de la rédemption : forçat traversant le feu pour devenir le père Madeleine (du nom de la pécheresse de l’Evangile sauvée par le Christ), maire de Montreuil sur Mer terrassé par l’idée de se livrer pour sauver Champmathieu, sombrant dans l’inconscience, à la lutte avec un songe, mais se réveillant raffermi, délivré du doute; plongeant dans la mer après avoir sauvé la vie d’un marin, se laissant volontairement couler puis réapparaissant à l’improviste dans le bois de Montfermeil, soulevant le seau bien trop lourd de la petite Cosette, la délivrant des Thénardier; plongeant dans un nouvel océan (la ville de Paris), vivant un temps caché dans la maison Gorbeau, puis retrouvé par Javert, s’enfuyant dans le dédale de la cité-labyrinthe, acculé dans une situation sans issue mais s’enfuyant par en-haut, hissant avec lui Cosette et reprenant pied dans le jardin d’un couvent, c’est à dire au cœur de la maison de Dieu. Puis nouvelle plongée ; enterré vivant, perdant connaissance et sauvé au dernier moment, devenant ensuite M. Ultime Fauchelevent. Enfin, pourchassé une dernière fois derrière la barricade, s’échappant par le bas, dans « l’intestin de Léviathan », portant Marius sur ses épaules à l’instar de Jésus portant sa croix chargée de la misère humaine, s’enfonçant plus bas encore presque à perdre pied dans une fondrière, y rencontrant l’ignoble Thénardier (figure du diable), l’esquivant miraculeusement puis ressortant de l’égout pour tomber sur Javert, mais cette fois l’ébranlant, le convertissant, le forçant à lâcher prise.

Thénardier

   Troisième pôle du triangle des « hommes » du roman (Marius est un jeune homme), Thénardier est un bandit comme Jean Valjean, donc poursuivi par Javert ; et un ennemi de Jean Valjean, donc une menace pour le forçat au même titre que le policier. Les trois hommes sont engagés dans un système de traques mutuelles qui tire le roman du côté du genre policier. Mais Thénardier est surtout au service de la démonstration de Victor Hugo sur la justice. Par opposition au braconnier des campagnes et voleur de petits chemins qu’est Jean Valjean, Thénardier représente le brigand des villes corrompues jusque dans les tréfonds de son âme. Il s’oppose lui aussi terme à terme au héros principal, mais dans un autre registre que Javert (représentant la société) ou Marius (sentiment, affectivité). Mauvais père, époux tyrannique, Thénardier saccage l’idée de famille ; en témoignent d’ailleurs ses changements de nom et son désintérêt complet quant à la transmission du nom (voir Gavroche). Dégoutant, méchant, bruyant, violent, il n’aime pas ses enfants, au point de vendre ses fils et de prostituer ses filles. L’argent, dont il manque, est sa seule obsession ; bien sûr, il est un misérable, mais contrairement à Jean Valjean sans espoir de rachat. Et si Thénardier n’a aucune chance de salut, si Marius, qui lui est redevable, le voue lui-même aux affres de l’enfer, c’est parce qu’au fond il n’a ni âme ni conscience. La société l’a définitivement exclu et broyé : il est perdu. Il n’est donc pas étonnant que sa trajectoire suive la courbe inverse de celle de Jean Valjean dans le roman : plus Thénardier ment, plus il fait le Mal et martyrise autrui, et plus sa fortune s’éparpille. Son ingéniosité relative, son peu de ruse, son talent de mauvais comédien sont mis au service de toutes les mauvaises actions qu’il lui est possible d’entreprendre. La prison, loin de l’assagir, l’incite au contraire à récidiver davantage. A travers Thénardier, ce n’est pas le bandit que Victor Hugo condamne, mais la corruption irrémédiable engendrée par une misère ignorée des puissants, et l’inadaptation d’un système judiciaire qui ne réussit qu’à inciter à la débauche. Finalement, Thénardier incarne ce que Jean Valjean aurait pu devenir sans le secours moral et matériel de Monseigneur Myriel.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : Le pouvoir créatif et l’expression littéraire
CHAPITRE 1 : Le pouvoir créatif
CHAPITRE 2 : L’expression littéraire
DEUXIEME PARTIE : L’intertextualité, la déchéance physique des personnages et le destin de l’œuvre
CHAPITRE 3 : L’intertextualité
CHAPITRE 4 : La déchéance physique des personnages
CHAPITRE 5 : Le destin de l’œuvre
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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