Le positionnement de l’Etat dans les politiques locales de sécurité

Raison et déroulement de l’étude

La décentralisation initiée dès le début des années 1980 a permis aux collectivités locales d’acquérir des compétences dans différents domaines et de s’administrer de manière autonome. En ce qui concerne les politiques de sécurité, la place et la reconnaissance des élus locaux ont été croissantes. La circulaire du 17 juillet 2002 qui formalise les CLSPD, dans sa première partie intitulée « l’esprit du nouveau dispositif», rappelle que le dispositif « s’inscrit dans la logique de la décentralisation » et vise à remédier à des points faibles précédemment constatés comme par exemple « le pouvoir d’animation limité des maires ».
Parallèlement, les questions relatives à la montée de la délinquance ont également pris une place croissante sur la scène publique. Deux éléments sont à se remémorer en préambule de cette étude. Premièrement, un rappel de la campagne des élections Présidentielle de 2002 et sa focalisation sur les thématiques de l’emploi et de l’insécurité. Le premier ministre Lionel Jospin, dans son discours d’orientation générale, annonçait déjà « deux priorités : l’emploi et la sécurité». La victoire de Jacques Chirac amena la désignation de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dès juillet 2002, la loi relative aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance qui formalise les CLSPD fut adoptée par le Parlement. Deuxièmement, un rappel de la « crise urbaine » de novembre 2005 qui bénéficia d’une large couverture médiatique et qui constitue aujourd’hui dans les discours politiques une illustration du danger que peut représenter le phénomène de délinquance. « Mais il faut bien le dire, c’est la première fois que nous avons connu des violences de cette ampleur et de cette durée.»
rappelait Nicolas Sarkozy lors de son intervention devant les préfets. Cette crise urbaine est parfois considérée comme la fenêtre d’opportunité, l’un des éléments moteurs de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance portée par le ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire Nicolas Sarkozy.
En définitive, il s’agira d’analyser les évolutions qui sont à l’œuvre dans le champ des politiques locales de sécurité dans un contexte où l’on retrouve d’une part, l’affirmation de la logique de la décentralisation qui tend à accorder plus d’autonomie aux collectivités locales et d’autre part une forte préoccupation de la part du gouvernement en direction des questions liées à la sécurité et à la prévention de la délinquance.
Nous nous interrogerons durant cette étude sur ce que les CLSPD révèlent du positionnement de l’Etat dans la gestion des politiques locales de sécurité et notamment au regard des évolutions induites par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Dans quelle mesure, les CLSPD constituent un instrument propice au positionnement central de l’Etat dans les politiques locales de sécurité ? Comment le Fond Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD) modifie les relations qui préexistaient entre les collectivités locales et l’Etat en matière de prévention de la délinquance ? Comment l’Etat négocie-t-il sa place dans les politiques décentralisées de la sécurité publique ?
Afin de répondre à cette interrogation, nous montrerons que l’établissement, en présence des représentants de l’Etat, d’arènes, de scènes de débat publicentraîne un fort dynamisme local et une mobilisation importante des partenaires. Ce constat nous permettra de développer l’hypothèse suivant laquelle les CLSPD illustrent un mode d’action publique qui permet à l’Etat d’acquérir une position centrale etincontournable dans le champ des politiques locales de sécurité.
Il sera nécessaire de débuter cette étude en nous intéressant aux politiques locales de sécurité et à la complexité des termes et des notions qui les composent (1.). Pour cela, nous réfléchirons dans un premier temps à la définition des notions de sécurité et de prévention de la délinquance et nous nous intéresserons à la genèse et au fonctionnement du dispositif politique étudié dans ce mémoire : le CLSPD (1.1). Dans un second temps, les CLSPD seront envisagés comme une illustration des politiques urbaines contractualisées dans la mesure où ces dispositifs s’appuient sur des concepts tels que le partenariat, les diagnostics, le partage, le territoire, la coproduction, etc. Nous porterons par la suite, (1.2) une attention particulière à la diversité des mises en œuvre des CLSPD et au manque apparent de formalisme ou de doctrine dont ils font preuve.
L’étude poursuivra sur la création de scènes de consensualisme local(2.) que favorise la conjugaison de l’ouverture des notions qui construisent les politiques locales de sécurité d’une part et l’absence de doctrine d’autre part. Nous nous arrêterons dans un premier temps, par une description analytique, sur le déroulement d’une séance plénière du CISPD de la Communauté de communes du Jarnisy (2.1). Nous verrons ensuiteque les différents partenaires (acteurs sociaux, associations, élus, coordonnateur, etc.) mettent en œuvre des stratégies et adoptent des positionnements réfléchis afin de tirer profit du dispositif dans lequel ils ont été inscrits. Ainsi, l’organisation de scènes de consensualisme local sera envisagée comme un facteur de dynamisme local et de mobilisation des partenaires (2.2) mais également comme un facteur d’évolution des identités professionnelles.
Enfin, l’étude, à travers les CLSPD, s’intéressera au mode d’action publique dans le domaine des politiques locales de sécurité (3.). Un mode d’action publique que l’on s’attardera à définir et qui permet à l’Etat d’acquérir une position centrale – voire incontournable – dans le champ de la gestion de politiques locales. Premièrement, nous verrons que la coproduction de sécurité est au cœur d’enjeux de pouvoir (3.1) notamment en raison du fort attachement de l’Etat à la mission régalienne que représente la sécurité publique. Nous illustrerons ensuite, par l’étude des lois sur la sécurité intérieure et l’analyse d’un discours du ministre de l’Intérieur la volonté de l’Etat depuis 2002, de revenir au centre des questions liées à la prévention de la délinquance. Dans un second temps, nous nous pencherons sur la reprise d’initiative de l’Etat (3.2) en raison de sa capacité à édicter des normes collectives d’action publique d’une part, mais aussi en raison de l’énonciation des règles du jeu politique et de l’arbitrage final qu’il est en mesure de réaliser.

Les politiques locales de sécurité : de la complexité des notions à la diversité des dispositifs, l’exemple des CLSPD

Dans ce premier chapitre, nous porterons notre attention sur les politiques locales de sécurité et plus particulièrement sur le dispositif qui fait l’objet de cette étude, le CLSPD. Il s’agira de comprendre et analyser comment ce dispositif s’est inscrit dans l’histoire des politiques locales de sécurité, afin d’être en capacité, dans les deux chapitres suivants, de réfléchir aux enjeux politiques qui gravitent autour du CLSPD. La première section reviendra sur la genèse de cet outil local de coordination des politiques publiques de sécurité, la seconde section s’attachera davantage à envisager les CLSPD comme une illustration des politiques urbaines contractualisées.

Genèse et fonctionnement

Depuis ces dernières années, les CLSPD et plus largement les politiques locales de sécurité sont devenues une thématique centrale de l’action publique. Toutefois, dès 1977 des réflexions sur la sécurité sont engagées avec le rapport Peyrefitte, la question de la sécurité passe alors du statut de question de technique policière à celui d’enjeu politique. Ces réflexions sur le caractère « multiforme » de l’insécurité donnent naissance à la loi « sécurité et liberté » votée en 1981 et à la mise en place du Comité National de Prévention de la Violence et de la Criminalité (CNPVC) qui préfigure le Conseil National de Prévention de la Délinquance (CNPD) instauré en 1982 suite au rapport Bonnemaison. La loi d’Orientation et de Programmation pour la Sécurité (LOPS) du 21 janvier 1995 marque une étape majeure de l’évolution de l’architecture des politiques locales de sécurité ; c’est effectivement deux ans plus tard, lors du colloque de Villepinte que la création des Contrats Locaux de Sécurité (CLS) est annoncée.
Ainsi, les mutations dans le champ politique de la sécurité sont nombreuses et il convient de commencer cette étude par une analyse des évolutions qui ont marqué les politiques locales de sécurité et des notions qui les composent.

Ouverture et complexité des notions de sécurité et de prévention de la délinquance

Les politiques locales de sécurité s’articulent autour de notions complexes qu’il importe de définir avec attention en ouverture de ce chapitre. Cette partie du texte se concentrera sur les notions de sécurité et de prévention de la délinquance.

La sécurité

Tenter de définir la notion de sécurité, mouvante et évolutive par essence, relève d’une tâche complexe et délicate. On peut néanmoins déjà affirmer que la sécurité est une fonction régalienne de l’Etat, ainsi que le pose l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». La sûreté, synonyme ici de sécurité juridique du citoyen face aux différents pouvoirs, est donc un droit fondamental de l’individu. La sécurité des personnes et des biens relève davantage de l’idée de « conservation des droits de l’homme », supposant l’existence d’une « force publique » (article 12 de la DDHC). Cette conception de la sécurité porte donc sur l’individu, non plus confronté au pouvoir coercitif des institutions, mais bien confronté à la violence déviante contenue dans la société. En ce sens, la sécurité se distingue profondément de la notion d’ordre public, et plus encore de celle de sécurité publique. En effet, au sens de l’article du Code général des collectivités locales, l’ordre public rend compte de l’organisation et de l’action traditionnelle de l’Etat face aux menaces de désordre social, la sécurité publique ne constituant que l’un de ses volets.
Ce n’est que dans la loi d’orientation et de programmation sur la sécurité (LOPS) de 1995 que sera introduite une définition véritablement précise de la sécurité. L’article 1 er énonce ainsi : « La sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions à l’exercice des libertés individuelles et collectives. L’Etat a le devoir d’assurer la sécurité en veillant sur l’ensemble du territoire de la République à la défense des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre public, à la protection des personnes et des biens. ».
Cependant, dans cette conception, la sécurité de l’Etat reste néanmoins prépondérante sur celle des citoyens. C’est avec la loi relative à la sécurité quotidienne(LSQ) de 2001 que la sécurité des citoyens deviendra prioritaire. La circulaire du 28 octobre 1997 relative à la mise en œuvre des conseils locaux de sécurité (CLS) confirme cette « vision sociale » de la sécurité en affirmant que celle-ci est « le premier droit du citoyen », et « la mission première de l’Etat ». La notion de sécurité devance ainsi la notion de liberté, en devenant son préalable, et constituant de fait une révision de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. La sécurité et la sûreté deviennent les conditions sine qua non de l’exercice de la liberté. La loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI) de 2002 ira même jusqu’à considérer la sécurité comme « la première des libertés ».
En France, le concept de sécurité intérieure se développe à partir de 1989, avec la naissance de l’Institut des Hautes Etudes sur la Sécurité Intérieure (IHESI) . Ce terme de sécurité intérieure revêt une dimension extensive qui permet « de faciliter l’intégration et la prise en compte, à côté de ces deux principales composantes du modèle français que sont la Police Nationale et la Gendarmerie, de ces autres acteurs de la sécurité que peuvent constituer dans leur domaine respectif, les Douanes, les polices municipales, les gardes champêtres, la Justice, l’Administration pénitentiaire, les services d’incendie et de secours, les armées, auxquels il convient d’adjoindre les entreprises desécurité privée, tout en facilitant, dans la détermination et la conduite des politiques publiques, une démarche plus globale dépassant les cloisonnements idéologiques et bureaucratiques pour se pencher sur les problèmes des banlieues, de l’exclusion, de l’aménagement du territoire… », (Dieu, 1999 : 27). Cette définition permet d’une part de mettre en évidence à la fois la multiplicité des acteurs et actions qui concourent à la sécurité, d’autre part de traduire l’hétérogénéité et la complexité des considérations qui entourent les problématiques et les questions sécuritaires.
La sécurité intérieure présenterait donc « la singularité d’être un domaine exclusif (réservé) de l’activité gouvernementale partagé entre différents départements ministériels l’Intérieur (Police et Sécurité civile), la Justice (Administration pénitentiaire), la Défense (Gendarmerie), ou encore l’Economie et les Finances (Douanes) ». Dans le même esprit, Dominique Gatto et Jean-Claude Thoenig déclarent : « si l’insécurité est une, l’administration d’Etat qui en a la charge est multiple », (Gatto, Thoenig, 1993 : 13). Ce caractère interministériel est par ailleurs institutionnalisé depuis la création duConseil de sécurité intérieure (CSI), annoncé au colloque de Villepinte en 1997, et renforcé par la création du comité interministériel de prévention de la délinquance en janvier 2006.
Jusqu’à la fin des années 1970, la réponse publique à la délinquance et à l’insécurité relevait plus de l’empirisme et de la « tradition politico-administrative que d’un véritable volontarisme politique », (Dieu, 1999 : 7). L’année 1977, avec l’élaboration du rapport Peyrefitte, constitue un tournant dans l’histoire des politiques publiques de sécurité illustré par la montée en puissance du phénomène insécuritaire et son arrivée sur les devants de la scène politique et accompagné d’un large parasitage médiatique accentuant sa dimension passionnelle et émotionnelle . L’insécurité, qu’elle soit réelle ou ressentie, devient rapidement un vrai problème de société et par là même, un aiguillon dans le débat politique. Ce nouvel enjeu favorise donc toutes sortes d’opportunismes, étant instrumentalisé tant dans le milieu des médias, dans le monde parlementaire, que dans le monde de la sécurité privée.

La prévention de la délinquance

Les actions en matière de prévention de la délinquance sont menées conjointement aux politiques publiques de sécurité. Elles visent à réduire la fréquence de certains comportements délictueux, mais aussi d’incivilités, en privilégiant des voies d’action autres que la voie des sanctions pénales. Si l’on se fie à la vision de l’IHESI, il s’agirait finalement d’une action entreprise à une échelle collective, et de manière non cœrcitive. Il s’agit par ailleurs d’actions relativement ciblées, canalisées sur l’une des causes ou l’une des étapes du phénomène délinquant.
La notion de la prévention de la délinquance trouve ses sources dans deux rapports précurseurs. Elle devient un objet politique avec le rapport Peyrefitte «Réponses à la violence » en 1977, puis prend une nouvelle dimension au début des années 1980 avec la publication du rapport « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité ». Elaboré par la commission des maires sur la sécurité présidée par Gilbert Bonnemaison, ce rapport préconise la mise en œuvre d’outils appropriés pour gérer, de manière concertée et partenariale, l’insécurité et la délinquance.
Il existe deux classifications permettant de répertorier les différents modes et niveaux d’actions en matière de prévention.

Genèse d’un outil local de mise en œuvre et de coordination des politiques publiques de sécurité : le CLSPD

Avant de nous intéresser aux enjeux actuels liés à la relance des politiques locales de sécurité, il est nécessaire de revenir sur l’histoire et le rôle des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), puis de se pencher sur leur fonctionnement et leurs modes d’action.
En retraçant l’histoire de la création des CLSPD, il s’agira de présenter les textes juridiques ayant encadré le transfert de la gestion des questions de sécurité à l’échelon local, et défini le statut et le rôle de ces conseils.

Des CLS aux CLSPD : un pas vers la localisation de la gestion des questions de sécurité et de prévention

À la fin des années 90, on s’aperçoit que des interventions efficaces en matière de sécurité et de prévention ne peuvent résulter que d’une démarche globale appuyée sur l’idée de partenariat, notamment entre les maires et l’Etat, et sur l’idée de proximité. C’est alors que l’on commence à parler de « coproduction de sécurité ». Dans le sillage du vote de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de sécurité (LOPS) de 1995, le colloque de Villepinte «Des villes sûres pour des citoyens libres», en 1997, annonce la création des contrats locaux de sécurité (CLS). La circulaire du 28 octobre 1997 relative à la mise en œuvre des contrats locaux de sécurité fixe le cadre juridique de cette nouvelle contractualisation . L’instauration du CLS témoigne alors de la volonté de l’Etat de distinguer le partenariat mené dans le cadre de la politique de la ville, de celui engagé dans les actions entreprises sous l’égide du ministère de l’Intérieur. Le partenariat, en tant que « système associant des partenaires sociaux ou économiques » ou en tant que « Personne ou groupe auquel on s’associe pour la réalisation d’un projet » , sous-entend une association librement consentie autour d’un projet commun, dans un esprit de coopération. Cet outil pose donc les bases d’un nouveau partenariat proposé aux collectivités territoriales, et dans lequel le maire occupe implicitement la place de coordonnateur local. Le CLS se veut être un outil privilégiant la citoyenneté comme axe de prévention, la proximité comme mode d’intervention et la coopération entre les services de l’Etat et les autorités locales comme condition d’efficacité. Les textes veulent que l’élaboration du CLS soit menée conjointement par le préfet et le procureur, avec l’assistance du recteur d’Académie. En réalité, le manque de moyens disponibles implique souvent que les villes se chargent d’élaborer le document, d’établir un diagnostic local de sécurité (DLS) – considéré comme primordial – et les plans d’actions qui en découlent. Le rôle du CLS est de décliner localement les orientations nationales sur la sécurité au moyen du partenariat ville/collectivité territoriale. Pour la première fois, une démarche stratégique est esquissée, l’Etat imposant aux collectivités, pour la création d’un CLS, une phase d’observation, un inventaire des moyens disponibles, l’établissement d’un programme, mais aussi une évaluation et des réajustements au cours de son application. Voici pour ce qui est de la méthode préconisée. Des axes stratégiques, comprenant des mesures détaillées, sont aussi définis : la prévention de la délinquance et des incivilités ; le renforcement de l’action répressive et la diversité des sanctions ; l’environnement des forces de sécurité. Trois principes fondamentaux encadrent le fonctionnement du CLS : le CLS doit d’abord être le produit d’une concertation, voire d’une négociation entre l’Etat et les villes, ces dernières se chargeant de la concertation auprès des habitants, des entreprises et du monde associatif. L’élaboration d’un CLS, et a fortiori d’un DLS, doit être pragmatique, fondée sur des éléments tangibles et objectifs partagés par les différents acteurs. Enfin, le CLS, rattaché au contrat de ville, s’applique à un territoire donné.
S’il s’étend généralement à une échelle communale, il peut néanmoins, selon les spécificités locales, s’adapter à d’autres découpages territoriaux. Cinq ans après la circulaire de 1997 qui instaurait les CLS, le décret et la circulaire du 17 juillet 2002 relatifs aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance bouleversent l’architecture institutionnelle de la sécurité alors en place. De nouvelles instances sont notamment créées, à deux niveaux différents : au niveau départemental, les conseils départementaux de prévention (CDP) et les conférences départementales de sécurité (CDS) ; au niveau local, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) . Dans l’esprit de la loi Chevènement du 12 juillet 1999, les textes fondateurs des CLSPD recommandent la création de ces instances à une échelle intercommunale, l’agglomération étant de plus en plus perçue comme un niveau d’action pertinent, au regard des caractéristiques de la délinquance et principalement de sa mobilité.
L’avènement du CLSPD, entraîne la suppression des conseils communaux et intercommunaux de prévention de la délinquance (CCPD et CIPD) qui lui préexistaient depuis 1983 . Le CLSPD devient le seul organe local compétent, la structure unique de réflexion, d’impulsion, de pilotage et d’élaboration des actions en matière de sécurité et de prévention de la délinquance. En revanche, les CLS perdurent et leur pilotage, auparavant mené par le ministère de l’Intérieur , est confié au CLSPD : « Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance participe à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation du contrat local de sécurité. Il en assure le suivi, éventuellement en formation restreinte » . Cette relation « imbriquée » entre le CLS et le CLSPD repose sur une double assise juridique. D’une part, la loi Chevènement de 1999 qui donne compétence obligatoire aux communautés d’agglomération en matière de politique de la ville et de politique locale de prévention d’intérêt communautaire. D’autre part, la LOPSI de 2002,qui donne une base législative à la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité, donc aux CLSPD et CISPD et à leurs missions. Trois ans plus tard, selon des données recueillies au 30 juin 2005 par la Délégation interministérielle à la ville (DIV) et par la Cellule interministérielle d’animation et de suivi des CLS, 818 CLSPD étaient créés, dont 717 installés effectivement.

Rôle et fonctionnement du CLSPD

Le CLSPD revêt plusieurs fonctions. Il a une mission de coordination, d’animation et d’impulsion en matière de prévention de la délinquance : « Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance constitue l’instance de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité autour desquelles doivent se mobiliser les institutions et organismes publics et privés concernés ». L’enjeu majeur du CLSPD est d’accentuer l’implication des maires dans la politique locale de sécurité. Eric Lenoir, chargé de mission à la Délégation interministérielle à la ville, précise à ce propos que « les maires sont ainsi clairement mentionnés comme coordonnateurs ou animateurs des politiques locales de prévention et de sécurité » . Par ailleurs, les Conseils généraux, jusqu’ici peu impliqués, ont à présent vocation à être représentés au sein des CLSPD. L’implication des élus dans la politique locale de sécurité est donc accentuée, dans la théorie, en proportion inverse de l’atténuation du rôle de l’Etat. En 2002, le CLSPD devient « le lieu habituel et naturel d’organisation des collaborations et coopérations qui mobilisent les acteurs de l’Etat et des collectivités territoriales, ceux du secteur économique ou encore du secteur social, qui contribuent à
développer des actions de prévention par la culture, les loisirs ou le sport ». Le CLSPD est donc responsable des interventions dans le domaine de la sécurité et de la prévention de la délinquance, il définit les objectifs et la coordination des actions. Il doit également impulser des interventions en matière de prévention et d’aide aux victimes, d’alternatives aux poursuites et à l’incarcération, de prévention à la récidive, et d’insertion. Il est par ailleurs « le lieu unique d’élaboration, de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation du CLS, se substituant au comité de pilotage et de suivi du CLS, le cas échéant ». Ainsi, le CLSPD doit définir les priorités et les objectifs de la lutte contre l’insécurité en concertation avec tous les acteurs concernés, qui toutefois, doivent agir « dans le respect de leurs prérogatives », « la nature et les modalités d’engagements des moyens des services de l’Etat et des collectivités territoriales [restant] sous la responsabilité des autorités concernées ».
Le CLSPD doit également favoriser l’échange d’information dans tous les domaines qui le concernent.

Mardi 19 décembre 2006, première séance plénière du CISPD

Le 19 décembre à 14 h 30 avait lieu la première séance plénière du CISPD de la C.C.J.

L’ordre du jour se divisait en trois points. Premièrement mise en place du dispositif, deuxièmement présentation de la méthodologie de réalisation du diagnostic local de sécurité et le troisième point concernait les interventions et les questions diverses des membres du CISPD.
A 14 h 20, très peu de personnes étaient présentes à l’intérieur de la salle de réunion, cependant, certaines attendaient à l’extérieur à quelques mètres de l’entrée principale. A l’heure officielle du début de la réunion, l’arrivée des invités fut soudaine. Visiblement le souhait des participants était de ne pas attendre, de réduire au maximum le temps informel de cette réunion. Et de fait, les minutes qui précédaient le début de la réunion révélaient une certaine tension, une impatience. Seuls les élus par un regroupement clanique, affichaient une certaine décontraction. A 14 heures 45, l’arrivée du préfet marqua le début de la séance plénière mais eut également pour effet un changement d’atmosphère. Avec lui, soudainement, la réunion fût teintée d’officialise que le représentant de l’Etat s’attachait à conserver par son formalisme. Avec lui, l’autorité de l’Etat était rentrée dans la salle. Lorsque la réunion a commencé la présence des participants était massive, le taux de participation était de plus de 90 %.
Le Président de la communauté de communes suivi du Vice-président aux services publics a pris la parole, et tous deux dans de brefs discours ont proclamé les bienfaits de la concertation et la formation de « larges partenariats ». Leur intervention était également marquée par la négation des conflits d’intérêts et des coalitions entre acteurs qui peuvent constituer les soubassements des politiques partenariales. Puis, la parole a été donnée aux représentants de la police nationale et du regroupement de gendarmerie. L’intervention du commissaire s’est concentrée sur l’évolution des chiffres de la délinquance dans le département et dans la circonscription de police concernée par le CISPD. Le contenu de l’exposé du lieutenant a été similaire. Certains participants à la réunion, se sentait au sein de cette assemblée du CISPD dans une position inconfortable et qui plus est, étaient dérangés par la couleur « bleu force de l’ordre» que l’intervention des deux représentants de la sécurité publique avait contribué à répandre sur le CISPD. Ainsi, ces membres ne dissimulaient pas
leur fort désintérêt voire leur opposition à ce dispositif. Un bruit de fond grandissant, des chuchotements croissants et quelques soufflements ont probablement amputé l’intervention du lieutenant. L’étape suivante a été la présentation de la méthodologie qui allait être développée par le coordonnateur CISPD, afin de réaliser le diagnostic local de sécurité.
Nous ferons ici référence à Jacques de Maillard qui dans son ouvrage, réformer l’action publique, la politique de la ville et les banlieues ,évoque le formalisme dont font preuve les assemblées générales des conseils similaires au CISPD. Pour lui, le déroulement est extrêmement codifié, les prises de parole étant ordonnées selon des règles implicites mais extrêmement efficaces. C’est l’élu délégué ou le maire, qui ouvre le débat en remerciant les participants de leur venue. Ensuite la parole est donnée au représentant de l’Etat, délégué sur ce dispositif. « Ce qui est intéressant ici, c’est que la distribution des prises de parole dans ces réunions est extrêmement respectueuse de l’ordre institutionnel : la succession des intervenants est réglée, conformément à un ordre institutionnel préexistant. Autrement dit, sur certains aspects, ces politiques « participatives » ne font que reproduire les hiérarchies déjà existantes dans la sphère politico-administrative. », (De Maillard, 2004 : 191).
Une première série de questions suivait la présentation de la méthodologie du DLS.
Les questions portaient essentiellement sur les notions employées. Que signifie le mot délinquance ? Que signifie prévention ? La délinquance n’est-elle pas principalement chez les « cols blancs» ou chez « les personnes âgées impolies » ? Etc. A ce moment, le coordonnateur était la cible des participants à la réunion en raison du fait qu’il représentait le lancement de ce nouveau dispositif. Le préfet a interrompu cette série de questions et a commencé son discours après avoir attendu que le silence total soit revenu dans la salle. En quelques phrases, le préfet, en parlant, laissait entendre la voix de l’Etat. Par une diction claire et lente, le préfet énonçait les priorités de l’Etat en matière de lutte contre la délinquance. Il assurait croire en l’action des collectivités locales en matière de prévention de la délinquance et garantissait son soutien pour toutes les formes d’initiatives allant dans ce sens. La méthode à appliquer dans le domaine de la sécurité disait-il, est « la coproduction ».
Pour conclure la réunion, une deuxième série de questions a été lancée après l’intervention du préfet. Aucune prise de parole dans l’assemblée. Durant quelques instants, les membres du CISPD étaient devenus enfants devant un père. Afin de pallier à cette frilosité, le Président propose un tour de table. Le représentant de l’inspection académique prend la parole et s’exprime au nom de l’institution qu’il représente. L’éducation représente une forteresse contre les risques de déviance sociale, et l’Education Nationale assurera un soutien sans faille à tout projet visant à construire autour de l’enfant un cadre éducatif solide.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Les politiques locales de sécurité : de la complexité des notions à la diversité des dispositifs, l’exemple des CLSPD
Section 1. Genèse et fonctionnement
1.1. Ouverture et complexité des notions desécurité et de prévention de la délinquance
1.2. Genèse d’un outil local de coordination des politiques publiques de sécurité : le CLSPD
Section 2. Les CLSPD, une illustration des politiques urbaines contractualisées
2.1. Subsidiarité, partenariat, diagnostic, partage et co-production, maîtres mots du dispositif
2.2. Des CLSPD caractérisés par une absence de doctrine et une diversité de mise en oeuvre
Chapitre 2. La création de scènes de consensualisme local
Section 1. Scènes locales et jeux de rôle
1.1. Monographie d’une séance plénière
1.2. L’Evolution des métiers et des professionnalités comme élément mobilisateur
Section 2. Stratégies et manoeuvres des acteurs professionnels
2.1. Les scènes de consensualisme local
2.2. Une mobilisation partenariale construite sur la plasticité des notions
Chapitre 3. Le positionnement de l’Etat dans les politiques locales de sécurité
Section 1. La coproduction de sécurité au cœur d’enjeux de pouvoir
1.1. La sécurité publique, une mission régalienne de l’Etat
1.2. La réaffirmation du rôle de l’Etat dans la gestion des politiques de sécurité depuis 2002
Section 2. L’Etat comme énonciateur des règles du jeu et arbitre
2.1. Les mutations des modes d’action publique
2.2. Les reprises d’initiatives de l’Etat en matière de politiques locales de sécurité
Conclusion
Bibliographie
Table des matières

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