Le portrait des proches au Centre d’écoute et de prévention suicide de

Pertinence de s’intéresser aux proches

Plusieurs facteurs permettent de démontrer la pertinence de s’ intéresser aux proches au sein de la problématique du suicide. En effet, ces derniers se retrouvent fréquemment dans le rôle d’ aidants, recevant ainsi la responsabilité de prodiguer de l’ aide. Ils constituent ainsi une source d’aide informelle, ce qui signifie que leurs actions ne s’ inscrivent pas dans un cadre d’ intervention précis. De plus, le manque de données empiriques à leur sujet entrave le processus de validation des programmes leur étant offert. Finalement, le fait que ces derniers constituent fréquemment les premiers témoins et intervenants des idéations ou actes suicidaires contribue à rendre leur vécu difficile. Il devient alors pertinent d’optimiser la compréhension à cet égard de façon à mieux saisir à quoi ils s’exposent en adoptant ce rôle. Tout d’abord, Sun et Long (2008), ainsi que Veilleux (1991) relèvent le peu d’études explorant la réalité des proches, alors que Boulianne (2005) ajoute que les anciennes études visaient généralement à démontrer la contribution de la famille dans le développement de la maladie mentale.

Or, il va de soi, que la situation des proches de maladie mentale et celle des proches de personnes suicidaires peuvent se recouper, mais elles ne sont pas équivalentes. Boulianne ajoute de plus que c’est la famille qui demeure en contact avec la personne avant que celle-ci ne soit diagnostiquée ou traitée, en plus de recevoir les messages liés aux idéations (Mishara, 1995). Également, Sun et Long soulignent que la famille prend éventuellement en charge l’ individu suicidaire à sa sortie de l’ hôpital. D’autre part, plusieurs auteurs relèvent que, suite à la désinstitutionalisation, l’État a transféré la responsabilité des SOInS physiques et psychologiques à la famille (Beautrais, 2004; Boulianne, 2005; Maheu, Guberman, & Dorvil, 1989; Sabetta, 1984; Saint-Onge, Lavoie, & Cormier, 1995; Therrien, 1990). Certains auteurs ajoutent qu’à sa sortie de l’ hôpital, la personne demeure fréquemment dans un état précaire (Biegel, Sales, & Schulz, 1991 , Morissette, 1984), sans nécessairement disposer d’un suivi psychologique par la suite.

En effet, dans leur étude, Granboulan, Rabain et Basquin (1995) établirent que seulement 32 % de leur échantillon de 127 personnes hospitalisées suite à une tentative reçurent des services professionnels suite à leur sortie de l’hôpital. Lorsque les services hospitaliers ne proposent pas de services, ou lorsque la personne en souffrance refuse l’aide professionnelle offerte, les familles se retrouvent avec les soins à prodiguer, laissées à elles-mêmes (Désy, 1999). Un facteur supplémentaire permet de renforcer la pertinence de s’ intéresser aux proches. En effet, alors que les centres de crise distribués à travers le monde offrent de l’aide à ces derniers, peu de données empiriques sur lesquelles baser leurs interventions et leurs programmes existent (Mishara et al., 2005; Mishara & Daigle, 1995). Finalement, il est également pertinent de s’intéresser à eux en raison de leur réalité difficile. Alors que la responsabilité des soins en santé mentale incombe fréquemment aux proches, peu d’entre eux reçoivent l’information nécessaire (Sun & Long, 2008), sont impliqués par les professionnels dans l’intervention auprès de l’ indi vidu, (Boulianne, 2005; Mishara & Houle, 2008) ou reçoivent du soutien (Boulianne, 2005; Kjellin & Ostman, 2005). Aussi, certains ne disposent pas de l’énergie physique nécessaire pour tenir ce rôle (Sun, Long, Huang, & Huang, 2008). De plus, en raison de l’absentéisme au travail lié aux comportements de surveillance associés aux menaces suicidaires, le proche s’expose à un risque de perte d’emploi (Boulianne, 2005).

Réactions aux messages suicidaires

Cette section s’ attardera principalement à la réaction de l’ entourage face aux messages suicidaires provenant de l’ individu en souffrance. Alors que la majorité des personnes envisageant mettre fin à leurs jours émet des indices annonciateurs directs ou indirects avant de passer à l’ acte, une proportion importante de proches réagirait négativement à ces derniers, influençant ainsi la possibilité que l’aide soit accordée. Tel que mentionné plus haut, la plupart des personnes attentant à leur vie donnent précédemment des signes précurseurs concernant leurs intentions. En effet, 80 % des individus s’enlevant la vie émettent des indices annonciateurs de leur geste (Morissette, 1984; Séguin & Huon, 1999; Shneidman, 1985). Ainsi, la reconnaissance, la compréhension, de même que la réaction des proches aux différents messages suicidaires constituent un élément majeur de la prévention (Mishara, 1995) puisqu’elles peuvent teinter l’ intervention qui en découlera, ainsi que le geste posé par l’ individu (Mishara, 1982; Morissette, 1984; Shneidman, 1981). Les messages suicidaires peuvent prendre diverses formes: comportementale, affective, verbale directe et verbale indirecte (Séguin & Huon, 1999).

Veilleux (1991), suite à son étude auprès de 55 proches d’ individus suicidaires communiquant avec un centre de prévention suicide, arrive à la conclusion que la plupart des messages suicidaires émis par l’ individu en souffrance sont généralement clairs et aisément détectables par les proches. En effet, la plupart des proches de son étude rapportaient qu’ ils avaient appris les idéations suicidaires à partir de verbalisations directes (communication verbale directe de l’ intention de se donner la mort, une note de suicide trouvée par le proche, ou une menace de suicide). Les verbalisations indirectes (lorsque le proche l’apprend d’une autre personne, ou lorsque l’ individu suicidaire fait indirectement part de son intention, par exemple s’ il dit qu’ il serait mieux mort) représentent 30 % des messages suicidaires. Par ailleurs, Séguin et Huon (1999) soulignent que la réaction de l’ entourage à l’égard des verbalisations suicidaires demeure empreinte de déni, de scepticisme et de malaise. Les travaux de plusieurs auteurs permettent de confirmer cette affirmation.

Wolk-Wasserman (1986) a effectué une étude auprès de 70 proches, catégorisés selon leur lien avec l’ individu suicidaire, soit conjoint, parent, ainsi que les amis et les autres relations telles que les frères et soeurs, un enfant, ou un beau-frère\belle-soeur. Les résultats des entrevues semi-structurées révèlent que, bien que ces proches perçoivent habituellement les signaux suicidaires, cette reconnaissance se solde néanmoins par une absence de communication et par une attitude plutôt évasive. Confronter l’ individu suicidaire à ce sujet constituerait tille source d’angoisse, liée notamment à la peur de provoquer une tentative de suicide. En plus de ne pas aborder le sujet avec la personne lorsqu’ ils perçoivent les indices, les proches peuvent également éprouver de l’ambivalence face à leur désir d’ intervenir, notamment dans le cas des conjoints. D’autres toutefois, spécifiquement les amIS et les autres relations, malgré la communication absente, intensifieront leurs contacts et leur soutien. Les parents, quant à eux, tendraient à porter plus attention à leur attitude et à leurs gestes dans les interactions avec leur enfant. Toutefois, dans le cas de suicidaires toxicomanes ou alcooliques, la réaction des proches aux messages suicidaires deviendrait plutôt négative, notamment dans le cas de récidivistes (ceux qui, par le passé, ont évoqué à plusieurs reprises des idéations ou ont déjà effectué des tentatives). En fait, l’entourage tendrait alors à ignorer les signaux, à y réagir avec agressivité ou à percevoir ceux-ci comme une tentative de manipulation. Leur raisonnement se situe autour du fait que, si la personne a survécu par le passé, la menace qu’un danger sérieux puisse se produire demeure faible.

Perceptions des proches à l’égard du suicide

Cette section présentera les différentes perceptions existantes à l’égard de la problématique du suicide et les impacts possibles qu’ elles peuvent engendrer. En effet, la façon de percevoir la tentative de suicide ainsi que les messages suicidaires influence l’attitude des proches, leur réaction ainsi que leur comportement face à la personne (Rolland, 1994). Les perceptions des proches pourraient se voir influencées par leur propre expérience à l’ égard du suicide ainsi que par leurs croyances concernant la problématique (St-Arnaud, 1999). Tel que mentionné ci-haut, plusieurs perceptions, voue préjugés, concernant la problématique du suicide demeurent présents dans les mentalités, pouvant affecter les réactions des proches. En effet, il est possible d’en répertorier plusieurs. Certains proches affirmeront que la personne dite suicidaire a agi sur un coup de tête, que son choix était arrêté et que personne n’ aurait pu l’en dissuader, que ce n’ est pas étonnant parce que « c’ est de famille » ou encore que c’ était une saison déprimante (l’automne). D’ autres souligneront que, si l’ individu évoque ses idéations, il ne passera pas à l’ acte, puisque sinon, il n’en parlerait point. Les proches peuvent aussi qualifier la tentative de geste de courage ou de lâcheté, ou encore juger de l’ intention de la personne à partir de la faible létalité du moyen utilisé. Les intervenants entendent fréquemment que l’individu ne souhaite, par ses idéations, qu’attirer l’attention ou manipuler. Certains tenteront également de croire plutôt à un geste accidentel ou attribueront l’acte à des facteurs externes tels que la télévision, la musique, etc. Enfin, plusieurs croiront que le suicide demeure une question de choix (Séguin & Huon, 1999). Ces deux auteurs affirment que, si les gens se réfugient derrière ces perceptions ou préjugés erronés, cela demeure dans le but de les préserver d’une souffrance engendrant peur et malaise. De plus, de telles explications sécurisantes protégeront l’entourage de vivre des émotions négatives telles que la culpabilité (Morissette, 1984).

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Table des matières

Sommaire
Remerciements
Introduction
Contexte théorique
Les proches
Définition du terme « proche »
Le portrait des proches au Centre d’écoute et de prévention suicide de
Drummondville
Pertinence de s’intéresser aux proches
Réalité vécue par les proches des personnes suicidaires
Réactions aux messages suicidaires
Perceptions des proches à l’égard du suicide
Émotions vécues par les proches lorsqu’ ils sont confrontés à la
problématique
Émotions ponctuelles
Émotions à long terme
Réactions comportementales
Différents profils de proches
Besoins des proches
Besoin d’éducation et d’ information
Besoin de soutien
Besoin d’être impliqué dans le suivi et dans le traitement
Pertinence d’inclure les proches dans l’ intervention
Apports positifs à l’égard de l’ individu suicidaire et apport en prévention
Apport dans l’ intervention
Intervention auprès des proches de personnes suicidaires communiquant avec un centre de prévention suicide
But de l’étude et hypothèses de recherche
Méthode
Déroulement et analyses
Éthique
Cueillette de données
Recrutement
Protocole d’entrevue
Participants
Instrument
Résultats
Participantes
1. Situation de l’individu suicidaire et façon dont le proche fut mis au fait
Situation de l’ individu suicidaire
Annonce des idéations et signes avant-coureurs
A utres proc hes l· mp ll’ que’s?
2. Le vécu du proche
Émotionnel
Cognitif et perceptuel
Interventions comportementales tentées
Le proche a-t-il parlé à quelqu’un de la situation?
3. Les instants précédant l’appel
Désir et capacité de s’impliquer
Délai entre l’annonce et l’appel au CEPSD
État d’esprit et besoins lors de l’appel
Ce qu’ elles pensaient que le CEPSD pouvait faire
4. Appel sur la ligne d’écoute
Intervention effectuée par l’ intervenant
Relance et nouvel appel au CEPSD
Possibles besoins insatisfaits
5. Situation post-intervention
Émotions suite à l’appel
Actions posées suite à l’appel
Situation de la personne suicidaire par la suite
Conséquences de la situation sur le proche
Discussion
Analyse des résultats
Forces et faiblesses
Conclusion
Références
Appendice. Grille d’entrevue

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