Le poids de l’environnement professionnel sur les pratiques de formation

Il paraît difficile de nier, ou même d’ignorer l’intérêt qu’a suscité et que suscite encore la formation continue professionnelle (appelée FPC) en France. Un intérêt politique d’abord, puisque plus de deux siècles d’attentions des acteurs publics ont contribué à forger le cadre légal de cette pratique. C’est en effet à l’aube de la révolution française qu’apparaît pour une des premières fois dans le discours public un intérêt pour ce qui deviendra la formation continue. Dès 1792, Condorcet (Philosophe, mathématicien, encyclopédiste, Député de Paris à l’Assemblée législative qu’il présida en 1792) affirmait :

” Nous avons observé que l’instruction ne devait pas abandonner les individus au moment où ils sortent des écoles, qu’elle devait embrasser tous les âges, qu’il n’y en avait aucun où il ne fut utile et possible d’apprendre, et que cette seconde instruction est d’autant plus nécessaire que celle de l’enfance a été resserrée dans des bornes plus étroites “. 

Mais, la première disposition concrète relative à la formation date de 1919 dans le cadre de la loi Astier, loi qui organisait l’apprentissage. Par la suite, diverses initiatives ont été développées. Le mouvement s’est accéléré à la fin des années soixante pour aboutir à une structuration en trois étapes de la formation professionnelle actuelle.

Une première phase d’expérimentation, marquée par la loi du 3 décembre 1966, pose un nouveau principe de droit social ” le droit des travailleurs à bénéficier d’un congé de formation ” dont l’organisation s’est faite par voie conventionnelle. Une  deuxième étape d’organisation via la loi du 16 juillet 1971 favorise le développement de la formation dans les entreprises, et ceci en instituant une obligation de financement par ces dernières. Enfin, une étape de consolidation grâce à l’accord national du 3 juillet 1991 étendu par la loi du 31 décembre 1991 relative à la formation professionnelle et à l’emploi. Cette loi a, entre autres choses, instauré le crédit-formation individualisé, le congé individuel de formation, le coinvestissement, la négociation collective sur la formation (obligation quinquennale), les consultations du comité d’entreprise, et aussi la participation des employeurs à la formation professionnelle continue. Ce dispositif a été étoffé par la loi du 17 janvier 2002 qui crée la VAE (validation des acquis de l’expérience).

L’histoire ne s’arrête pas là, car le développement du cadre réglementaire de la formation se poursuit avec l’implication des partenaires sociaux qui signent unanimement le 20 septembre 2003 l’accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle. Le texte sera entériné par la loi du 4 mai 2004. L’élément le plus notable, mais aussi le plus novateur est le droit individuel à la formation (DIF) qui institue le “droit” au salarié de se constituer un contingent d’heures de formation cumulables sur plusieurs années (20 heures par an cumulables sur six années maximum) (voir annexe 1 pour l’ensemble du dispositif).

L’ensemble de ces dispositifs légaux, et d’autant plus le dernier en date, révèle l’intérêt des acteurs économiques et de la société en générale pour cette pratique, comme le montrent les multiples travaux disponibles et que nous verrons ultérieurement. Il faut noter que la formation post-scolaire revêt des enjeux importants pour les salariés comme pour les responsables d’entreprises. Concernant les premiers, plusieurs travaux en montrent les répercussions sur la trajectoire professionnelle des individus. Les travaux de Goux et Maurin (1997) ont en effet montré l’impact positif de la FPC sur la progression salariale : “si la formation continue n’a pas d’impact direct très important sur les salaires, elle contribue sans doute de façon significative à la stabilité des emplois. En protégeant les salariés d’une perte d’emploi, la formation continue leur permet aussi d’accumuler de l’ancienneté et de favoriser ainsi indirectement la progression de leur salaire” (p.52). Les travaux de Podevin (1999) ou de Dupray (2001) montrent eux aussi que la formation peut contribuer au maintien de l’individu dans l’emploi.

Concernant les entreprises, les enjeux de la FPC sont tout aussi importants. D’une typologie proposée par Dubar (2000), nous pouvons en spécifier quatre grands rôles actuels : les formations adaptatives et instrumentales ; les formations de mobilisation des salariés dans l’apprentissage et la mise en œuvre d’une nouvelle organisation du travail ; celles relevant des tentatives d’anticipation des évolutions en cours; les formations accompagnant de nouveaux modes de gestion de l’emploi par la mise en œuvre de nouvelles filières de mobilité. Nous reviendrons dans le premier chapitre sur les diverses utilisations de la formation par certaines entreprises dans lesquelles nous avons pu investiguer.

Les enjeux de la FPC sont donc probants tant pour les salariés que pour les entreprises. Ceci se confirme par la place qu’elle tient dans les négociations entre les partenaires sociaux. Dans le prolongement de la négociation entre syndicats, conduite durant l’année 2001 (négociation n’ayant pas aboutie), la réforme du système de formation a repris au début de l’année 2003. Les déclarations des différents syndicats traduisent, elles aussi, les enjeux de la FPC. Pour le MEDEF, l’adaptation du dispositif de formation professionnelle reste nécessaire pour que : “chaque salarié soit en mesure de développer en permanence ses compétences et ses qualifications professionnelles et de favoriser ainsi son évolution professionnelle, et que chaque entreprise soit en mesure d’accroître sa performance et sa compétitivité grâce au renforcement de la qualification et de l’adaptation de ses salariés” . Pour la CGT, il s’agit plutôt de ” permettre à chacun, chacune, d’accéder à une réelle promotion sociale, favoriser le développement des qualifications du plus grand nombre et contribuer à ce que notre pays se hisse à la hauteur des défis mondiaux” . Nous n’avons ici retenu que la CGT, les autres syndicats des salariés rejoignant sur l’essentiel les propositions énoncées et donc le consensus autour de cette question de la formation.

Au delà de ce consensus il reste à examiner les pratiques elles-mêmes. Concernant les salariés, le constat qui prédomine depuis plus d’une trentaine d’années, est la permanence des disparités dans l’accès à la FPC. Nombre d’enquêtes mettent en effet en évidence les inégalités ou leurs évolutions. Qu’il s’agisse de comparer des pays européens (Théry et alii 2002), des hommes et des femmes (Fournier 2001), des jeunes ou des adultes âgés (Gélot, Minni 2002) …, le constat général est celui de grandes inégalités dans l’accès à la formation, inégalités qui tendent globalement à perdurer.

Une acception sociétale de la formation 

Montrer que la formation continue en France revêt des aspects et des attentes particuliers nous paraît important pour comprendre les pratiques de formation mises en œuvre dans les entreprises. Nous allons en effet percevoir par l’historique de la formation comment cette pratique est porteuse d’attentes importantes dans la sphère professionnelle et principalement d’espoirs de promotion qui lui ont systématiquement été adjoints. Or, cette idée de “promotion sociale” est très largement corrélée à une forme particulière de formation : le stage. Une comparaison internationale montre qu’il s’agit d’une spécificité française, qu’il est difficile de modifier même avec l’appui du dispositif législatif. Pour encore étayer ce point de vue, la comparaison des enquêtes nationales et européennes est intéressante puisqu’elle révèle que cette pratique souffre de cette acception particulière de la formation. Ces trois points successivement abordés servent à cerner les raisons qui font de la formation une pratique souhaitée et souhaitable puisque longtemps indissociablement liée à la notion de promotion.

Historique de la formation professionnelle continue (FPC) en France 

Comment et sous quelles impulsions s’est construite la formation professionnelle continue et ceci bien avant le texte fondateur de 1971 ? De quelle façon a évolué cette pratique, d’une acception à dominante civique et citoyenne vers une conception beaucoup plus économique. Tels vont être les points que nous allons tenter d’éclairer en privilégiant les dimensions sociale et législative de cette pratique.

Un mouvement social pour la formation permanente (1945-1970)
Tanguy (2001) propose une lecture de l’évolution de la formation en France comme, “la résultante d’actions multiples et durables menées par des élites qui oeuvraient dans les diverses sphères de la société”. En effet, les “impératifs” de modernité liés à la période d’après guerre associés à des missions de productivité organisées en direction des Etats-Unis, donnent lieu à l’émergence en France de courants de pensées et de méthodes regroupées sous le nom de “relations humaines”, dont un des objectifs était de mettre fin au régime de confrontation des forces sociales qui caractérisait la France de cette période (Sellier 1984). De cela l’auteur conclu que c’est dans un contexte de “combat pour la productivité et la paix sociale” qu’émerge la notion de formation.

Or, parmi les acteurs importants de ce “combat”, il faut compter sur l’influence des directeurs du personnel des grandes entreprises. D’autre part, la planification, en formant des experts économiques, et en favorisant des consensus entre différentes parties à priori antagonistes voire antinomiques sur ces thèmes, a largement contribué à élaborer une définition consensuelle de la formation, qui de ce fait va devenir “l’objet d’une représentation publique, celle d’un bien commun, puisqu’elle est tout à la fois : un moyen de développer l’adaptabilité dans un cadre professionnel (dans l’intérêt des entreprises), un moyen de promotion et de mobilité professionnelle (dans l’intérêt des salariés), un moyen de dynamiser l’économie (dans l’intérêt national)”. Comme le note l’auteur, “c’est au terme d’un travail de persuasion que l’idée de formation en tant que synonyme de bien universel a fini par être partagée”.

La formation continue est donc le résultat d’actions multiples et durables d’élites œuvrant dans diverses sphères de la société (Fritsch 1971, Montlibert 1977, 1991), avec comme préceptes ceux hérités de la philosophie des lumières. Il s’agit, in fine, d’une construction de réseaux d’acteurs autour d’un projet partagé de changement de société. Ce sont en substance ces conditions qui ont vu l’émergence de la notion d’éducation permanente” qui apparaîtra (pour la dernière fois) dans la loi de 1971 sur la formation continue.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
Chapitre I. Le poids de l’environnement professionnel sur les pratiques de formation
A. Une acception sociétale de la formation
B. Les pratiques de formation : une réalité décevante
Conclusion du chapitre 1
Chapitre II. L’individu et son rapport à la formation continue : une question d’expériences
C. Les éléments déterminants dans le rapport à la formation des individus : la tendance au morcellement
D. La construction du rapport à la formation : l'”identité de formé”
E. Les liens empiriques entre expérience de formation et logique d’action en direction de cette pratique
Conclusion du chapitre 2
Chapitre III. La dynamique des identités professionnelles : une analyse diachronique des rapports à la formation
F. Les identités professionnelles
G. Une approche de la dynamique identitaire
H. Les éléments de transition identitaire
Conclusion du chapitre 3
Chapitre IV. Les identités professionnelles classiques
I. Les identités d’entreprise
J. Les identités de métier
K. Les identités de retrait
Conclusion du chapitre 4
Chapitre V. Les nouvelles identités
A. Les identités des jeunes
B. Les identités en transition
C. Les identités en latence
D. Le cas des gardiens/pompiers : un rapport “métier” à la formation
Conclusion du chapitre 5
Conclusion générale
Table des matières détaillée
Index des graphiques
Index des tableaux
Bibliographie

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *