Le pluralisme juridictionnel en droit de la famille

« Pluralitas non est ponenda sine necessitate » . Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité .

Lorsqu’au sein d’une famille le recours à la justice devient nécessaire, la spécificité du droit de la famille, les intérêts en présence laissent entrevoir un particularisme, le pluralisme juridictionnel.

Le terme de pluralisme nécessite que l’on tente de le définir tant le pluralisme est une notion transversale. Le pluralisme, du latin plures, signifie plusieurs, la pluralité, c’est-àdire la diversité. On parle ainsi de pluralisme politique, religieux, culturel, ou juridique. Le pluralisme est un « système reconnaissant l’existence de plusieurs modes de pensée, de comportement, d’opinions politiques et religieuses, de plusieurs partis politiques, etc. C’est l’existence même de ces courants de pensée » . Le pluralisme repose sur l’idée d’une identité plurielle, le pluralisme du « moi ». Chaque individu se conçoit à travers un prisme qui le présente sous différents aspects. Selon l’expression bambara « Maa ka maaya ka ca a yere kono  », « Les personnes de la personne sont multiples dans la personne ». En effet, chaque personne possède plus d’un profil. C’est cette idée que défendront les peintres cubistes par exemple, Pablo Picasso au premier chef. Le mouvement d’art contemporain se termine par le pluralisme, c’est l’âge d’or de la multiplicité, la « Mondrian » isation .

En philosophie le pluralisme est une doctrine qui admet la nécessité de solliciter plusieurs principes pour expliquer la constitution du monde, et affirme que les êtres qui le composent ne peuvent être réduits à une substance unique . Le pluralisme philosophique s’oppose ainsi au monisme et au dualisme.

En religion, il existe une théologie du pluralisme religieux qui fut élaborée par le jésuite Jacques DUPUIS. L’auteur propose dans son ouvrage « Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux » la recherche de la signification que revêt la pluralité des traditions religieuses à l’intérieur du dessein de Dieu sur l’humanité. Pour BERGSON, « chaque dieu déterminé est contingent, alors que la totalité des dieux, ou plutôt le dieu en général, est nécessaire. La mythologie du polythéisme implique un monothéisme latent, où la multitude de divinités n’existent que secondairement, comme représentatives du divin » . Du point de vue de la mythologie grecque, « Le pluralisme de l’Olympe, comme le pluralisme juridique, ne s’est pas fait sans douleur […] Le droit n’apparaît qu’après la violence et à cause d’elle : sans violence, pas de droit, mais dans le chaos, pas de droit non plus  ». Le pluralisme des divinités permet à chaque citoyen d’adresser ses prières au Dieu le plus apte à y apporter une réponse, cela garantit l’équilibre, le cosmos. Le polythéisme, la multiplicité des dieux, légitimait ainsi la variété des modèles. De la naissance des titans, enfants de Gaia et d’Ouranos et père et mère des premiers dieux de l’Olympe, à la naissance des demi-dieux, presque tous issus des amours du dieu tout puissant Zeus, on constate en effet que cette pluralité de dieux, garantissait l’ordre du cosmos, contre le retour du Chaos dont étaient issus Gaia et Ouranos. Ainsi, l’unité dans la diversité caractérise l’idée pluraliste. La volonté d’apporter la réponse la plus adaptée à chaque situation paraît ainsi être le moteur du pluralisme.

En sciences sociales, le pluralisme est un système d’organisation politique qui reconnaît et accepte la diversité des opinions et de leurs représentants. Le pluralisme est une doctrine qui admet la coexistence d’éléments culturels, économiques, politiques, religieux, sociaux différents au sein d’une collectivité organisée. On parle ainsi de pluralisme juridique, politique, scolaire, syndical. Le pluralisme est un cadre d’interaction dans lequel différents groupes peuvent coexister et interagir. Le pluralisme est dans le sens le plus large une tendance qui admet la multiplicité d’opinions dans un système politique.

PLURALISME JURIDICTIONNEL ET PROTECTION DE LA FAMILLE

Notre système judiciaire français connaît un pluralisme juridictionnel en droit de la famille. « Il serait concevable dans un pays de confier à un tribunal unique le jugement en premier et dernier ressort de tous les procès, quels que soient la gravité, la nature et le lien de rattachement ». Or, tel n’est pas notre choix. Notre organisation suppose « une division du travail judiciaire » qui impose particulièrement d’étudier la répartition des compétences à la lumière de la spécificité de la matière familiale.

Le contentieux familial constitue entre la moitié et les deux tiers des affaires de l’ordre judiciaire . Ce contentieux que l’on peut qualifier de masse, est tributaire de la protection d’intérêts supérieurs que le règne des volontés individuelles ne saurait entacher, notamment l’intérêt de la famille. L’intérêt de la famille est une notion floue et son appréciation est variable selon les tribunaux. Le propre de cette notion est d’instaurer la souplesse nécessaire au fonctionnement du droit de la famille dans la pratique. Cet intérêt correspond à « une sorte de bien commun familial » même si on n’en trouve pas de définition dans les textes, mais pour le juge cela constitue une barrière face à la volonté individuelle en permettant par exemple de protéger le conjoint le plus faible en refusant l’homologation d’une convention de divorce le lésant. Le juge doit pondérer les intérêts en présence. La notion d’intérêt de la famille ne doit pas être assimilée à l’intérêt individuel d’un des membres de la famille, fut-il celui d’un enfant. En effet, la Cour de cassation considère que l’intérêt de la famille ne doit pas se résumer à l’intérêt de l’un de ses membres pas plus qu’à la somme des intérêts particuliers de tous ses membres. Cette notion a vocation à résoudre «les conflits d’intérêts par la prise en considération de la valeur respective des intérêts de chaque membre du groupement familial sans qu’il soit fait référence à d’autres principes de solution » . Cette notion est notamment récurrente dans le droit des régimes matrimoniaux, elle conditionne le changement de régime par les époux. Il est vrai que l’intérêt de la famille est essentiellement entendu sur le plan patrimonial , contrairement à la deuxième catégorie de notion à contenu variable, l’intérêt de l’enfant, abordé tant sut le plan matrimonial qu’extrapatrimonial.

La définition de la famille, au sens juridique à évolué, du modèle de référence un homme et une femme mariés et ayant des enfants à un couple hétérosexuel ou homosexuel avec ou sans enfant dont la filiation peut être charnelle, artificielle ou élective. Cette diversification familiale est à l’origine d’un pluralisme juridictionnel dicté par la protection de la famille entendue dans son ensemble. De nombreux juges ont été créés au gré des besoins induits par le développement du contentieux familial. L’évolution qui se dessine est toutefois à la réduction de ce pluralisme juridictionnel sans que pour autant celle-ci ne soit achevée. Le pluralisme juridictionnel en droit de la famille se renouvelle . Le souci d’une meilleure lisibilité de la justice familiale en fait un pluralisme juridictionnel dépassé .

Loïc CADIET s’interrogeait dès 1995, sur l’existence du juge de la famille, « le juge de la famille existe-t-il ? ». À cette épineuse question, il répondait que nulle part, ne semble exister une seule juridiction qui aurait pour mission de connaître et de régler l’ensemble du contentieux familial. L’expression même de « droit de la famille » est difficile à délimiter tant elle recouvre un très vaste domaine qui s’étend du mariage, du droit de la filiation au droit des successions, en passant par le concubinage, le PACS, le droit des majeurs protégés, l’autorité parentale, la désunion et les régimes matrimoniaux et sans citer l’immensité du droit international privé s’appliquant à toutes ces matières. Les juges de la famille ont donc à connaître de nombreuses questions différentes dont le but commun est la protection de la famille.

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Table des matières

Introduction générale
Première partie : Pluralisme juridictionnel et protection de la famille
Titre 1 : Un pluralisme renouvelé
Chapitre 1 : Un juge de la famille modelé
Section 1 : Une organisation juridictionnelle adaptée
I : Un juge désigné
A) Un magistrat du Tribunal de grande instance délégué aux affaires familiales
B) Un juge unique
II : Le juge de la famille
A) La diversité des situations familiales
B) L’unification du droit des couples
Section 2 : Une compétence juridictionnelle étendue
I : La protection de l’union des couples
A) Le juge aux affaires familiales et les questions patrimoniales
B) Le juge aux affaires familiales et les mesures de crise
II : La protection de la désunion des couples
A) Le prononcé de la séparation
B) Les difficultés postérieures
Chapitre 2 : Des juges de la famille imposés
Section 1 : Le Tribunal de grande instance
I : Une compétence résiduelle
A) La nature de la demande
B) Demande incidente et prorogation de compétences
II : Des compétences exclusives en matière familiale
A) Le Tribunal de grande instance et l’état des personnes
B) Le Tribunal de grande instance et les droits patrimoniaux
III : Le président Tribunal de grande instance
Section 2 : Le Tribunal d’instance
I : Les attributions extra juridictionnelles
II : Les attributions extrajudiciaires
A) La nationalité française
B) Le Pacte civil de solidarité
Section 3 : Le juge des tutelles
I : Le rôle protecteur du juge des tutelles
II : La procédure devant le juge des tutelles
Section 4 : Le Ministère public, gardien du droit des personnes et de la famille
I : Le Ministère public et la protection de la famille
A) L’ordre public familial
B) Une action à finalité protectrice
II : Le Ministère public et la protection des plus faibles
A) Une mission de surveillance générale
B) Des pouvoirs propres au procureur de la République
Titre 2 : Un pluralisme dépassé
Chapitre 1 : Les aménagements avec le juge
Section 1 : Une justice familiale en quête de cohérence
I : Rationaliser les compétences de la juridiction familiale
A) Une procédure en quête de simplification
B) Recentrer l’office du juge sur son cœur de métier : dire le droit
II : Spécialiser les juridictions familiales
A) Une possible juridiction de la famille
B) La question de la formation
Section 2 : La justice familiale en quête d’apaisement
I : Le juge promoteur d’accords
A) La médiation familiale, un engouement certain
B) La procédure participative, une alternative à la médiation
II : Le juge homologateur, un nouvel espace de la fonction juridictionnelle
A) L’homologation judiciaire en droit de la famille
B) Le rôle du juge homologateur
Chapitre 2 : Les aménagements sans le juge
Section 1 : La déjudiciarisation, sortir du périmètre juridictionnel
I : La déjudiciarisation du droit de la famille, une volonté publique
A) Une notion difficile à cerner
B) Les raisons de la déjudiciarisation
II : La déjudiciarisation du droit de la famille, le divorce sans juge
A) La question du divorce sans juge
B) Les limites à la déjudiciarisation du droit de la famille en général et du divorce en particulier
Section 2 : La déjuridictionnalisation, redéfinir le périmètre juridictionnel
I : La création de la fonction de greffier juridictionnel
II : Le greffier juridictionnel et la déjuridictionnalisation du divorce par consentement mutuel
A) Le greffier juridictionnel juge du seul divorce par consentement mutuel
B) Une question qui fait débat
C) Le cas du divorce en ligne
Deuxième partie : Pluralisme juridictionnel et protection de l’enfant
Titre 1 : Les juges de l’enfant
Chapitre 1 : Un pluralisme nécessaire
Section 1 : Le juge de l’existence du lien
I : Une fonction créatrice de liens
A) Le prononcé de l’adoption
B) Les actions aux fins d’établissement du lien de filiation
II) Une fonction destructrice de liens
Section 2 : Les juges de la vie du lien
I : Le juge aux affaires familiales, juge de l’autorité parentale
II : Le juge des enfants, juge de l’assistance éducative
A) Une atteinte exigée dans l’intérêt de l’enfant
a) L’enfant simplement conçu
3) La procédure d’assistance éducative
a) La phase préparatoire
b) La phase décisoire
4) Les outils à disposition du juge des enfants
B) Une atteinte justifiée par le danger pour l’enfant
Chapitre 2 : Un pluralisme à articuler
Section 1 : Les enchevêtrements de compétences
I : Les enchevêtrements de compétence entre juge aux affaires familiales et juge des enfants
II : Les autres enchevêtrements de compétences
Section 2 : La communication entre juridictions
I : La communication au juge des enfants, une obligation pour le juge aux affaires familiales
II : La communication au juge aux affaires familiales, une faculté pour le juge des enfants
Titre 2 : L’enfant juge
Chapitre 1 : L’enfant associé
Section 1 : L’enfant émancipé
I : L’opportunité d’une demande d’émancipation
A) L’émancipation judiciaire
B) Le rôle du juge et jurisprudence
II : La place du mineur
A) Une insuffisante participation du mineur
B) La voix du mineur
Section 2 : L’enfant représenté
A) L’enfant représenté par ses parents
Section 3 : L’enfant acteur
I : L’enfant et le juge des droits de l’homme
II : L’enfant et le juge des enfants
A) Le droit de saisir le juge des enfants
B) Le droit d’accès au dossier d’assitance éducative
Chapitre 2 : L’enfant entendu
Section 1 : La parole de l’enfant et le juge
I : Le droit de l’enfant à être entendu du juge
A) L’enfant doué de discernement
B) L’enfant concerné
C) L’enfant informé
II : Le droit absolu de l’enfant d’être entendu en justice
A) L’audition de l’enfant une contrainte limitée pour le juge
B) L’audition de l’enfant, une absence de reconnaissance
Section 2 : Le juge et la parole de l’enfant
I : La diffusion de la parole de l’enfant
A) L’obligation pour le juge de rendre compte de l’audition
B) Le respect du contradictoire, un contradictoire adapté à l’enfant
II : Le poids de la parole de l’enfant
A) L’appréciation du juge
B) L’avis de l’enfant, une faculté pour le juge
Conclusion générale

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