Le pavot et la douleur à travers les âges

Le pavot et la douleur à travers les âges

L’Homme, à travers les âges, a toujours tenté de faire diminuer sa douleur en utilisant différentes plantes comme le saule, l’arnica, le curcuma ou encore le pavot. Le pavot à opium est une plante sauvage originaire d’Europe et d’Afrique du Nord. Utilisé depuis des milliers d’années, on retrouve des traces de son utilisation dans des documents issus de différentes civilisations. Cultivé dès le Néolithique, il passe via les échanges commerciaux vers l’est : on retrouve des traces de son utilisation en Mésopotamie au V ème millénaire avant J.-C, où les sumériens le surnomme « plante de joie » à cause de ses propriétés euphorisantes. Le Papyrus d’Ebers  est la preuve de son utilisation en Egypte ancienne à l’époque des pharaons : on y trouve de nombreuses préparations décrites comme sédatives et analgésiques. En Grèce Antique, Hippocrate, « père de la médecine » lui reconnait également des propriétés anti diarrhéiques et hypnotiques ; Homère relate dans différents passages de « l’Odyssée » les vertus du népenthès « drogue de l’oubli », une « substance qui dissipait la tristesse, calmait la colère, et faisait oublier tous les maux. » [7] Sous l’empire romain, l’opium va être de plus en plus utilisé pour lutter contre la douleur et est décrit au I er siècle avant J.-C par Dioscoride, médecin, pharmacologue et botaniste grec vivant à Rome, dans son ouvrage « De Materia Medica », manuel de référence dans le domaine de la pharmacologie jusqu’à la Renaissance. Claude Galien, médecin de la Grèce antique considéré comme le « père des pharmaciens », soulageait ses patients, notamment plusieurs empereurs, de divers maux grâce à un mélange de très nombreuses substances minérales, animales et végétales dont l’opium, que l’on nommera plus tard la Thériaque (qui restera en usage dans notre pharmacopée jusqu’à la fin du XIXème siècle). [5] Par la suite, en Europe l’utilisation de l’opium déclina après la chute de l’empire romain et par la montée du christianisme qui assimile la douleur à une punition de Dieu et un moyen de rédemption contre lequel il ne faut pas lutter. Cette opposition entre religion et médecine perdurera à travers les âges, jusqu’au siècle des Lumières qui marquera un tournant dans la perception de la douleur. [6] Au même moment dans le monde musulman, la commercialisation du pavot par le peuple arabe a permis sa diffusion dans tout l’orient. Avicenne, dans son œuvre médicale majeure « Canon de la médecine », au IIème siècle, décrit les risques psychologiques et physiologiques engendrés par cette substance et décrit pour la première fois le phénomène de dépendance généré par l’utilisation d’opium. Au Moyen-Age, Paracelse, précurseur de la médecine moderne, inventa le laudanum [Annexe 1] : teinture alcoolique d’opium très addictive. La vente libre du sirop de laudanum fait que son utilisation se répand à travers toute la société occidentale à partir du XVIème siècle. C’est à cette époque que l’on commence alors à voir de plus en plus de mésusages et de dépendance. Suite à la diffusion de l’opium par les Arabes vers l’Inde et la Chine, l’Asie fait face à une opiomanie de masse : c’est à ce moment que le potentiel toxicomanogène de l’opium commence à susciter de l’inquiétude. En 1729, cela conduit l’empereur chinois à prohiber le commerce d’opium afin d’endiguer ses effets dévastateurs sur la population, en vain, par un édit le considérant comme produit de contrebande. Au XIXème siècle, on voit l’apparition des fumeries d’opium en Asie [Annexe 2] et en Europe. Le trafic d’opium de la Chine est notamment à l’origine des guerres de l’opium eurasiatiques. En effet, la compagnie britannique des indes orientales (motivée par des raisons commerciales) importa tant d’opium en Chine, que cela engendrera deux guerres de l’opium aux conséquences dramatiques : 1/5ème de la population chinoise sera opiomane à la fin du XIXème siècle. Dans le monde occidental, le XIXème siècle est également marqué par l’isolement de la morphine par Sertürner (1783 – 1841) [Annexe 3] et le développement des antalgiques et anesthésiques, ainsi que celui des seringues et des aiguilles creuses (suite à quoi la morphine pourra être injectée). L’opiomanie est largement répandue en Europe, et ce, dans toutes les couches de la société. On parle même d’opiophagie pour les « mangeurs d’opium », notamment  sous formes de laudanum, dont de nombreux écrivains sont adeptes (Edgard Allan Poe, Charles Baudelaire, Dickens…). L’administration de la morphine à grande échelle a commencé lors de la guerre de sécession aux USA et de la guerre franco-allemande de 1870 en Europe. C’est cette administration massive qui mena à la découverte de la « maladie du soldat » : on utilise alors les termes de morphinomanie et de toxicomanie. Le suffixe « -manie » suggère à ce momentlà la folie, la passion et la maladie mentale. Au XXème siècle, on développe une vision pluridisciplinaire de la douleur, dans le but de prendre en charge les douleurs chroniques des soldats.

La Commission internationale sur l’opium de 1909, sous l’initiative des États-Unis, marque le début d’une idéologie collective sur la prohibition des drogues et engendre le premier traité international visant à réglementer le commerce et la production de ces drogues. En France, la détention d’opium fut proscrite en 1908 et une loi fut votée en 1916, interdisant la détention, la consommation et le commerce. Suite à la Seconde guerre mondiale, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a mis en place différents protocoles qui conduiront à la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, la Convention sur les substances psychotropes de 1971 et enfin à la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988. [8] De nos jours, la prise en charge de la douleur est une obligation inscrite dans l’article L.1110-5 du Code de la Santé Publique (CSP) et la loi attribue à l’équipe médicale des missions d’évaluation et de prévention de la douleur, des traitements et des soins dans une balance bénéfices-risques favorable. La prévention et la prise en charge de la douleur ont fait l’objet d’une politique nationale de lutte contre la douleur à travers la mise en place de trois plans successifs (1998 2000 ; 2002-2005 ; 2006-2010). Le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) a rendu un rapport d’évaluation concernant ces trois plans gouvernementaux et recommande l’élaboration d’un futur plan douleur axé sur : la structuration de l’offre de soins notamment en extrahospitalier, la formation et sensibilisation des professionnels de santé, l’information au public, et l’attention plus particulière sur les populations particulières « dyscommunicantes » (enfants, adolescents, personnes âgées, handicapées et personne souffrant de pathologies psychiatriques).

Production de l’opium et des alcaloïdes

Synthèse
La synthèse de la morphine a été réalisée pour la première fois en 1952, et était le résultat de très nombreuses étapes conduisant à un rendement très faible. Depuis, d’autres techniques de synthèse ont été mise en place avec moins d’étapes et un meilleur rendement, néanmoins la synthèse de la morphine reste toujours plus couteuse que son extraction. L’intérêt de la synthèse reste néanmoins l’obtention d’énantiomères ayant d’autres propriétés pharmacologiques, comme des propriétés antitussives.

Extraction 
L’opium et la paille de pavot sont les matières premières de production de la morphine (son alcaloïde constitutif le plus puissant). L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a légalisé la production d’opium dans un certain nombre de pays mais avec des taux de production très contrôlés, s’appuyant sur la Convention de 1961. La grande majorité de morphine fabriquée provient de la paille de pavot, le reste provient d’une extraction faite à partir de l’opium. L’extraction des alcaloïdes à partir de l’opium se fait à partir de différents processus dont le procédé Gregory-Robertson (qui consiste en une succession de dissolutions et de précipitations). L’Inde a le quasi-monopole officiel concernant la culture licite du pavot à opium pour l’obtention de l’opium ; elle en est le principal producteur (97,1% en 2018) et exportateur (96% en 2018). L’opium est utilisé majoritairement pour l’obtention de ses alcaloïdes, et à moindre mesure sous forme de préparations pour le traitement de la diarrhée et de la toux.
– La production mondiale d’opium élevée dans les années 2000 a plutôt eu tendance à diminuer (malgré un pic en 2011) jusqu’à atteindre son niveau le plus bas en 2016 (86,8 tonnes équivalent morphine).
– Les stocks mondiaux d’opium ont atteint un niveau record en 2004 (239.3 tonnes équivalent morphine). Depuis 2008, les stocks fluctuent autour de 75 tonnes équivalent morphine, sauf en 2016 où ils ont diminué jusqu’à 53,9 tonnes équivalent morphine.

Actuellement, les USA n’importent quasiment plus d’opium en provenance d’Inde, tandis qu’ils en étaient les principaux importateurs jusqu’en 2014. L’élaboration de techniques d’extractions directes, avec un rendement satisfaisant, à partir des différentes parties du pavot à opium, a permis d’envisager l’extraction des alcaloïdes sans avoir à passer par l’opium. Ainsi, les alcaloïdes sont actuellement principalement extraits de la paille de pavot. Dans le but d’optimiser leur extraction, des variétés de pavot à opium enrichis en un type d’alcaloïde ont émergé : comme par exemple le pavot à opium enrichi en morphine ou encore le pavot à opium enrichi en codéine. Les principaux pays producteurs et utilisateurs de la paille de pavot riche en morphine sont l’Australie, l’Espagne, la France et la Turquie : la production mondiale a une tendance à la hausse.

La fabrication mondiale de morphine était de 273,9 tonnes en 1997.

– En 20 ans, la production de morphine a beaucoup augmenté et en 2018 la France en était le principal producteur. Sa fabrication mondiale a atteint les 450 tonnes entre 2011 et 2014 ; elle oscille ces dernières années autour de 400 tonnes.
– Les stocks mondiaux de morphine, détenus majoritairement par la France et les EtatsUnis, ont eu tendance à augmenter depuis 1999 et tournent depuis quelques années autour de 145 tonnes.
– La grande majorité de la morphine produite est destinée à être transformée en autres opioïdes ; même si depuis 1999 la part de morphine utilisée pour une consommation directe a quasiment doublé (passant de 6,4% à 11,4% de la fabrication mondiale).
– La consommation des opioïdes, notamment de la morphine, concernant la prise en charge de la douleur, est très variable en fonction des pays et est entre autres liée à des facteurs sociaux-économiques. En effet en 2018, les pays dits « riches » (tels que les Etats-Unis, les pays européens, l’Australie, le Canada) ont été les principaux consommateurs de morphine.

On peut remarquer que la part de consommation de morphine des USA a considérablement diminuée en comparaison des années précédentes : en effet de 2004 à 2016 les USA étaient les principaux consommateurs de morphine, leur consommation s’élevait en moyenne à 53,6% pour environ 5% de la population ; en 2017 elle s’élevait à 47,1% et 2018 elle était de 39,3%.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LES OPIOÏDES
I. Le Pavot
I.1. La plante
I.2. Le pavot et la douleur à travers les âges [3] [5] [6]
I.3. Production de l’opium et des alcaloïdes [10]
I.3.a. Synthèse
I.3.b. Extraction [10]
II. Pharmacologie des opioïdes [11]
II.1. Principaux opioïdes [14] [12]
II.2. Relation Structure-activité [14] [12]
II.3. Système opioïde endogène [16] [17]
II.4. Pharmacocinétique [18]
II.5. Pharmacodynamie
II.6. Effets pharmacologiques et effets indésirables des antalgiques opioïdes [27] [28]
II.6.a. Effets centraux
II.6.b. Effets périphériques
II.7. Toxicologie
I.1.a. Toxicité aigüe
(a) Symptômes de l’intoxication aigüe
(b) Prise en charge intoxication aigue
I.1.b. Toxicité chronique
(a) Symptômes de l’intoxication chronique
(b) Prise en charge intoxication chronique
III. Pharmacodépendance
III.1. Quelques définitions
III.2. Tolérance
III.3. Dépendances
III.3.a. Dépendance physique
III.3.b. Dépendance psychique
III.3.c. Pseudo-addiction
III.4. Sevrage
IV. Conditions de délivrance des opioïdes
IV.1. Délivrance des opioïdes liste I
IV.2. Délivrance des stupéfiants
DEUXIEME PARTIE : LA DOULEUR
I. Généralités sur la douleur
I.1. Pharmacologie de la douleur
I.1.a. Transduction au niveau des nocicepteurs
I.1.b. Transmission de la douleur
I.1.c. Intégration supra-spinale
I.1.d. Modulation : système de contrôle
I.1.e. Problème de tolérance
I.2. Types de douleurs [46]
I.2.a. Douleur par excès de nociception
I.2.b. Douleur neuropathique (ou neurogène)
I.2.c. Douleur psychogène
II. Place des opioïdes dans la stratégie thérapeutique [47]
II.1. Prise en charge multidisciplinaire de la douleur
II.2. Suivi de l’échelle des paliers de l’OMS concernant les antalgiques
II.3. Anticipation des accès douloureux
II.4. Anticipation des effets indésirables
II.5. Mise en place des traitements de palier 3
II.6. Analgésie contrôlée par le patient (PCA)
TROISIEME PARTIE : LA CRISE DES OPIOÏDES
I. Contexte
II. Situation en France
II.1. Consommation d’antalgiques opioïdes en France
II.2. Evolution des consommations d’antalgiques opioïdes en France
II.2.a. Evolution des consommations d’antalgiques opioïdes faibles en France
(a) Délivrance d’antalgiques opioïdes faibles chez les patients consommant déjà des antalgiques
(b) Délivrance d’antalgiques opioïdes faibles chez les patients débutant un traitement par antalgiques
II.2.b. Evolution des consommations d’antalgiques opioïdes forts en France
(a) Délivrance d’antalgiques opioïdes forts chez les patients consommant déjà des antalgiques
(b) Délivrance d’antalgiques opioïdes forts chez les patients débutant un traitement par antalgiques
II.3. Intoxications et décès par antalgiques opioïdes en France
II.3.a. Intoxications aiguës recensées par les centres de pharmacovigilance
II.3.b. Hospitalisations et décès dus aux antalgiques opioïdes
II.4. Consommation problématique
II.4.a. Prescriptions suspectes
II.4.b. Notifications spontanées
II.4.c. Usages problématiques
III. Situation aux États-Unis
III.1. Consommation d’antalgiques opioïdes aux États-Unis
III.1.a. Usage
III.1.b. Mésusage
III.2. Evolution des consommations d’antalgiques opioïdes aux États-Unis
III.3. Intoxications et décès par antalgiques aux États-Unis
IV. Problèmes sociaux économiques rencontrés aux États-Unis
IV.1. Publicité pour les médicaments sur ordonnance
IV.2. Difficultés d’accès aux soins
IV.2.a. Système de santé déficient
IV.2.b. Vastitude du territoire
IV.2.c. Disponibilité limitée de MSO
V. Résumé de la comparaison entre France et États-Unis
VI. Les mesures à mettre en place ou à renforcer en France pour prévenir cette crise des opioïdes
VI.1. Mesures de surveillance sanitaire
VI.1.a. Réseaux de surveillance sanitaire
VI.1.b. Notifications spontanées
VI.1.c. Suivi de la prescription et de la délivrance des antalgiques opioïdes
(a) Prescription
(b) Délivrance
VI.2. Prise en charge des patients
VI.2.a. Prise en charge de la douleur
VI.2.b. Prise en charge des effets indésirables
VI.2.c. Prise en charge des surdoses aux opioïdes
VI.3. Renforcement de l’information
VI.3.a. Sensibilisation et information des professionnels de santé
(a) Les prescripteurs
(b) Les délivreurs
VI.3.b. Sensibilisation et information des patients
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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