Le patrimoine culturel, enjeu des Parcs naturels régionaux

Le territoire est le cadre d’expression d’intentionnalités et de stratégies en matière de politiques publiques, c’est-à-dire d’actions qui aboutissent à, ou découlent de, la structuration et l’évolution des relations entre le politique, les organisations sociales et les individus . Après avoir défini le patrimoine culturel, et plus particulièrement rural, nous nous intéresserons sur les processus de patrimonialisation et d’appropriation. Ces problématiques se situent au cœur des politiques culturelles des Parcs naturels régionaux.

DU PATRIMOINE CULTUREL AU PATRIMOINE RURAL

L’histoire du patrimoine est aujourd’hui bien connue. Ce terme, venant du Latin «patrimonium », représente un bien tenu par héritage de ses ascendants ou encore l’ensemble des éléments aliénables et transmissibles qui sont la propriété, à un moment donné, d’une personne, d’une famille, d’une entreprise ou d’une collectivité publique. Cette étymologie implique une légitimité familiale qu’entretient l’héritage : il explicite une relation particulière entre le groupe juridiquement défini et certains biens matériels concrets (espace, trésor, etc.) . Pour l’historien, le patrimoine recouvre deux acceptations bien distinctes. La première renvoie aux biens familiaux transmissibles par héritage ; la seconde, aux biens collectifs transmissibles par succession, c’est-à-dire attachés à une fonction ou à une institution. Cette seconde entrée serait, selon J.-Y. Andrieux , d’héritage ecclésiastique et désignerait traditionnellement des biens artistiques exceptionnels dignes d’être protégés par l’Etat. Témoins d’une époque, de personnes et d’évènements passés, ces biens collectifs sont traditionnellement considérés au titre, soit de documents, soit de quasi-reliques du passé. Leur statut de témoin leur donne leur puissance vive dans la mesure où ils sont, dans le premier cas, des documents légués par l’histoire et que l’homme du présent aurait pour charge de décrypter et, dans le second, des restes authentiques qui permettraient de toucher – au moins des yeux – « ce que fut» autrefois .

Finalement, l’idée la plus communément admise que le patrimoine assure une continuité entre ceux qui l’ont produit – ou qui en ont été les possesseurs – et les héritiers. Il s’inscrit bel et bien dans un rapport au passé construit à partir du présent. Selon J.-P. Husson, « le patrimoine est legs, objet de transmission chargé de valeur, de symbolique. Il sert à conserver, à transmettre comme témoin du passé alors que les suites de révolutions agraires et techniques œuvrent en sens inverse». Responsables, les héritiers en sont les dépositaires : «Vous n’êtes que les dépositaires d’un bien dont la grande famille a le droit de vous demander compte ».

Le patrimoine est constitué par le cadre bâti des sociétés humaines. Edifié dans l’espace des hommes, il est, selon ses diverses catégories, qualifié de bâti, architectural, monumental, urbain, paysager,… et, selon son mode d’insertion dans la temporalité, il est dit historique ou contemporain . Il est également qualifié d’immatériel, dont la définition est proposée par la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003 prise par l’UNESCO : « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. *…+ Le « patrimoine culturel immatériel » *…+ se manifeste notamment dans les domaines suivants : (a) les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ; (b) les arts du spectacle ; (c) les pratiques sociales, rituels et événements festifs ; (d) les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ; (e) les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel ».

Progressivement, nous avons donc assisté à l’élargissement du champ patrimonial. « Le patrimoine a explosé dans tous les sens. En trente ans à peine, il a quitté le bas de laine et le monument historique, l’église et le château pour se réfugier au lavoir du village et dans le refrain populaire. Il envahit tous les domaines dont il était précisément exclu : le vécu traditionnel, le contemporain encore en usage et, même, la nature ». Certains auteurs, comme P.-J. Jeudy, évoquent même une « inflation patrimoniale » ou encore, comme D. Audrerie, d’éclatement pour évoquer cet éclatement du « tout patrimoine ». Dans la conscience contemporaine, nous sommes passés des témoins architecturaux aux sites, de la patrimonialisation de la ville à celle de la nature et de l’environnement, ou encore de la protection d’un édifice à la mise en réserve des territoires. Trois regards sont portés, selon N. Heinich, à propos de cette tendance :
➤ Celui de l’historien : la notion de Monument historique est née d’une réaction à la destruction, de la peur du saccage et du vandalisme révolutionnaire. Finalement, nous aimons ce qui n’est plus.
➤ Celui du sociologue : dans les années 1980, avec la vogue patrimoniale, l’intérêt croît avec la destruction, non plus par la violence révolutionnaire, mais par la modernisation industrielle, notamment après la première Guerre Mondiale.
➤ Celui de l’anthropologue : se généralise le problème dans le temps et dans l’espace. Selon M. Godelier, la société distingue d’ailleurs trois catégories de choses: celles qu’il faut vendre, celles qu’il faut donner et celles qu’il faut garder.

Selon O. Lazarotti, le patrimoine peut ainsi être défini comme « un ensemble d’attributs, de représentations et de pratiques fixé sur un objet non contemporain (chose, œuvre, idée, témoignage, bâtiment, site, paysage, pratique) dont est décrétée collectivement l’importance présente intrinsèque (ce en quoi cet objet est représentatif d’une histoire légitime des objets de société) et extrinsèque (ce en quoi cet objet recèle des valeurs supports d’une mémoire collective), qui exige qu’on le conserve et le transmette ».

E. Bonerandi estime que l’entrée par le patrimoine est intéressante pour comprendre les processus et les modalités de la construction culturelle des territoires. Son recours permet aux acteurs de revendiquer, voire de légitimer, assez facilement un territoire, notamment dans son identité, dans son caractère de projet et dans ses délimitations, au sens de périmètre. En ce sens, s’en saisir pour justifier d’un territoire peut valoir comme méthode de travail dans les différentes phases du diagnostic. Il apparaît clairement que le patrimoine revêt une utilité de légitimation territoriale. Il balise le territoire, lui donne une réalité, construit du sens . Selon le géographe, il s’enrichit en ayant recours à trois approches :
♦ Sa reconnaissance aide à élaborer des formes de développement local pour ajouter de la valeur aux lieux ;
♦ Le patrimoine est un dénominateur fédérateur pour bâtir de l’identité, se reconnaitre, adhérer au territoire ;
♦ Il représente un prétexte à une tribune où se modifient les jeux d’acteurs, les conflits à l’usage, les liens avec l’environnement.

Le mouvement, faisant de l’héritage rural un élément central dans la construction de nouveaux territoires, prend son essor au tout début des années 1980, avec la montée en puissance des Parcs naturels régionaux et les progrès de la notion de développement local dont le patrimoine est considéré comme un outil essentiel .

Selon le rapport Chiva, dans le sens de tout ce qui concerne la campagne, font partie du patrimoine culturel rural:
♦ « les immeubles, formant ce que l’on nomme l’architecture rurale, agrégée ou non (villages, hameaux, habitat et édifices dispersés) ;
♦ les paysages façonnés au cours des âges par les gens vivant de la terre et, plus généralement, de l’exploitation des ressources de la nature ;
♦ les produits du terroir adaptés aux conditions locales et aux besoins des hommes qui les ont élaborés ;
♦ les techniques, outils et savoir-faire qui en ont permis la création et qui demeurent indispensables pour en rendre possible l’entretien, la restauration, la modification et la modernisation dans le respect de la logique constructive et de l’esthétique de l’ensemble immeubles/habitat/paysage ».

Selon I. Chiva, il n’est pas possible d’évoquer le patrimoine culturel rural sans se référer à une double évidence : les hommes qui s’en servent, qui en vivent et qui ont souvent pris une part décisive à la survie de ces biens ont la conscience de plus en plus claire et affirmée que cet ensemble leur appartient. Mais en même temps, l’espace rural, avec le patrimoine qu’il représente et contient, est désormais considéré, à part égale, comme le bien et le lieu de tous les hommes, ceux des villes comme ceux des campagnes.

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Table des matières

Introduction générale
Le patrimoine culturel, enjeu des Parcs naturels régionaux
A. Du patrimoine culturel au patrimoine rural
B. Le patrimoine au cœur des politique publiques des Parcs naturels régionaux
C. Les processus de patrimonialisation et d’appropriation
La problématique et l’hypothèse : l’association de patrimoine, partenaire privilégié pour favoriser
l’appropriation des patrimoines ?
Le plan de la démonstration
La méthodologie : analyses d’archives et observations de terrain
A. Archives écrites du PNR du Pilat
B. Enquête à destination des associations de patrimoines
1. Vers une définition de ces organisations
2. Constitution d’une base de données
3. Méthodologie appliquée
C. Archives orales : des entretiens semi-directifs
1. Les membres de l’équipe technique actuelle ou ancienne du PNR
2. Les représentants d’associations locales de patrimoine
D. Presse locale
Chapitre 1Etat des lieux des acteurs du territoire
Le Pilat, un Parc naturel régional
A. Genèse d’un nouveau Parc naturel régional
1. Des ambassadeurs pour porter la création d’un nouveau territoire
a. Claude Berthier, l’apôtre du Pilat, ou le projet d’un parc régional touristique
b. Bernard Muller « animateur n°1 de la croisade » ou la nouvelle envergure du
projet
2. Un nouvel outil d’aménagement pour le territoire du Pilat
a. Une réponse aux enjeux du territoire
b. De premiers diagnostics patrimoniaux
B. Un PNR, un Etablissement Public de Coopération Intercommunal (EPCI), un territoire
1. Un nouvel acteur sur la scène locale
a. La mise en place du Parc naturel régional
b. Les associations, des partenaires historiques
2. Un territoire à multiples facettes
a. Une combinaison d’entités paysagères
b. Un territoire agricole et périurbain
Portrait du tissu des associations locales de patrimoines du Pilat
A. Une association, un projet fédérant des habitants
1. Cycle de vie d’une association
a. Comment se créent les organisations associatives ?
b. De la modification à l’arrêt de l’activité associative
2. Un rapport pluriel aux patrimoines
a. Un bien commun, des patrimoines
b. Le cas des associations de loisirs motorisés
c. Des implications & des activités multiples
d. Le cas des associations gestionnaires
B. Un acteur organisé du territoire
1. La gouvernance au sein de l’organisation associative
a. Les instances de décision
b. Le président, représentant légal de l’association
2. Des forces vives au service du projet collectif
a. Les membres et adhérents
b. L’association, vecteur de sociabilité
3. Territorialité et territoire(s) de l’association
a. Des échelles d’action variables
b. Des rapports réguliers avec les collectivités locales
c. Un dialogue par intermittence avec le PNR du Pilat
Conclusion
Chapitre 2Un nouveau territoire à destination de citadins et de ses habitants (Charte constitutive)
Un espace de récréation à destination de consommateurs urbains : le Pilat comme poumon vert
A. Développer un contact direct à la nature
1. Des sentiers balisés pour cheminer au sein du territoire et pour le découvrir
a. La politique de création de sentiers pédestres balisés, une des premières actions
du PNR
b. La diversification des pratiques : les loisirs cyclistes et équestres
c. Le chemin de Saint-Jacques de Compostelle : l’inscription du Pilat dans un
territoire élargi
2. Des équipements complémentaires aux chemins
a. Des stations pour inciter à observer : les aires de pique-nique et les tables
d’orientation
b. Des foyers pour pratiquer les sports d’hiver
B. Découvrir la faune et la flore locales
1. Du jardin à l’enclos
a. Des jardins pédagogiques avortés
b. L’émergence des arboreta pour l’appropriation de la forêt
c. Des espaces fonciers préservés
d. Des réserves d’animaux
2. Des premières tentatives, le plus souvent manquées
a. Le centre naturaliste de Bonnavion
b. La Maison de la forêt
c. La Maison de l’eau, ou l’aménagement d’un équipement pour aborder les
questions hydrauliques
C. Mettre en place une éducation à l’environnement
1. La mise en place d’un bras armé pour mettre en œuvre à sa mission d’éducation
a. Des jalons pour la mise en place d’une politique
b. La labellisation de la Maison de l’eau en tant que « Centre Permanent d’Initiatives
à l’Environnement » (CPIE) : une ouverture à l’environnement
c. L’association pour la gestion de la Maison de l’eau, ou la nécessaire séparation
vis-à-vis de son initiateur
2. Vers une situation de concurrence : l’émergence du CONIB sur le territoire
a. La protection réglementaire du site
b. Un mécénat industriel en faveur de la nature
c. Une association née pour devenir gestionnaire
3. De l’éducation à l’environnement à celle du territoire
a. La fin de la stratégie interventionniste du Syndicat mixte
b. L’officialisation d’une situation de fait : des associations prestataires
c. Une politique complémentaire de sensibilisation pour éduquer tous les publics194
L’histoire au service de la création d’une identité pilatoise
A. Porter un regard sur le bâti ancien
1. Sauvegarde et coup de projecteur
a. Les croix monumentales, des repères historiques à conserver
b. La mise en lumière des villages remarquables
2. L’animation autour d’une thématique nationale, vecteur de fédération à l’échelle
du PNR
a. 1980, Année du patrimoine : de l’animation à la valorisation
b. 1989, année du bicentenaire de la Révolution Française
B. Eclairer des faits marquants de l’histoire du territoire
1. Un soutien auprès des projets émergents hors des actions du PNR
a. La Maison de la Béate, à Marlhes : une volonté engagée d’un Ami du Parc naturel
régional du Pilat
b. Le Musée de la passementerie, à Jonzieux : un projet patrimonial porté par un
syndicat professionnel
2. Une politique interventionniste de création d’équipements culturels et leur
association gestionnaire
a. Le Musée du Forez-Viennois, à Bourg-Argental ou l’écriture d’un storytelling pour
légitimer une appartenance au territoire
b. La Maison de la soie, à Pélussin : une ébauche d’économusée à mener avec des
acteurs économiques du textile
c. La Maison des Tresses et Lacets (MTL), à La Terrasse-sur-Dorlay : le résultat
d’étroites relations entre le PNR et une commune
3. La fin de l’engagement du Syndicat mixte (à partir des années 1990)
a. Des structures en perte de vitesse
b. Le désengagement progressif du Syndicat mixte du PNR du Pilat : l’exemple de la
Maison de la Béate
c. Vers une fédération des musées du territoire : un projet d’envergure ?
d. Une réponse au coup par coup aux demandes des musées associatifs
Conclusion
Chapitre 3La culture locale, dialogue entre l’unique et le typique (charte révisée de 1991 & charte Objectif 2010)
La culture, vecteur de lien social
A. La politique culturelle du Pilat : aller à la rencontre des habitants
1. Une animation culturelle aux objets pluriels
a. Une action plurielle bénéficiant d’une longue expérience
b. Une aide à la vie associative
c. Une association pour porter la politique culturelle du Parc : l’Association
Culturelle du Pilat (ACP)
2. L’écrit, patrimoine culturel immatériel
a. Gaston Baty, un homme de lettre reconnu
b. Des résidences d’écrivains
c. La Fête du livre de Roisey, tremplin pour les sociétés d’Histoire du Pilat ?
3. La mise en place d’une programmation culturelle
a. « Musique en fête » (1988-1991)
b. « Musique et patrimoine » (1992) & « Des musiques et des pierres » (1993-1997)
c. « Concerts en balade » (1999-2002) & « Concerts en balade et scènes aux
champs » (depuis 2003)
B. L’artiste, « passeur de territoire »
1. Saint-Julien-Molin-Molette, la cité des artistes
a. Une politique volontariste de réhabilitation du bâti industriel textile
b. Des friches investies par des associations : un bref tour d’horizon
c. Appropriation, réappropriation et expropriation
2. Des résidences d’artistes plasticiens pour appréhender le territoire : la montée en
puissance de la thématique paysagère
a. « Lieux-dits » (1997)
b. « Territoires croisés » (1999-2001)
c. « Regards croisés sur le paysage » (2005-2008)
d. « Paysage industriel » (depuis 2011)
Conclusion générale

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