Le passage d’une référence religieuse à une référence séculière

Une sociologie de la religion

Les débuts de la sociologie de la religion n’avaient pas pour objectif premier d’étudier les formes religieuses en tant que telles. Elle se construit avec l’idée de répondre à l’origine de la cohésion sociale en accordant à la religion un rôle créateur et central (Trigano, 2001).
Dans le courant du XVIIIe siècle les sociétés occidentales sont en pleines transformations tant sur le plan technologiques que sociales. En l’espace d’un siècle, les monarchies européennes ont subi une implosion interne provoquée par une série de révolutions. Ce tournant historique dans l’histoire de l’Europe a modifié durablement le paysage religieux et social laissant place à une sécularisation galopante. C’est dans ce contexte que la sociologie des religions du XIXe siècle a éclos. Après être sorti des monarchies religieuses et donc de son autorité, il est naturel que les chercheurs en sciences sociales se soient interrogés sur le devenir des religions dans les sociétés occidentales en voie à la sécularisation massive des populations. De même se coupant de la vision cosmologique chrétienne, les intellectuels, issus de la pensée des philosophes du siècle des Lumières, ont proposé une vision cr itique rationaliste des représentations et des formes religieuses : notamment par les versants anthropologiques (Feuerbach), économiques (Marx), psychiques (Freud) et sociaux (Durkheim). La critique visait plus une réforme sociale que l’explication objective des croyances et des pratiques religieuses. C’est ainsi qu’Adam Smith, et sa théorie de l’économie religieuse, fait de la religion un système fonctionnel et utile en omettant la question de la « vérité » qui est pourtant au cœur des mouvements religieux. Engels voit dans la réforme protestante la manifestation d’un conflit des classes sous le masque de la religion, menée par le camp luthérien bourgeois. Marx voit dans la religion une aliénation de l’Homme au régime capitaliste. Alexis de Tocqueville montre que la religion et la modernité sont compatibles. Durkheim soutient que la religion est une source d’intégration sociale en oblitérant sa fonction de désintégration sociale, vecteur de protestation ( Willaime, 1998, p.17). Pour Marcel Mauss, il n’existe pas de sentiments religieux, à toute « activité sociale correspond des passions et des sentiments normaux » (p.21). Et enfin Weber présente la religion comme une façon particulière d’agir en communauté et affirme que son fonctionnement est tout aussi rationnel que le reste des activités humaines (p.25).
Avec ces travaux, l’idée d’une confrontation religieux-modernité et d’une disparition progressive de la religion était constitutive des réflexions sociologiques (pp. 87-88). Or comme nous le verrons par la suite la modernité ne rime pas forcément avec la sécularisation. D’ailleurs, et paradoxalement, dans son essai Marcel Gauchet (2005) soutient que c’est plutôt à la religion (ici le Christianisme) que l’on doit la naissance de la modernité car la création d’un homme-Dieu (en la personne de Jésus) a permis à la société moderne de voir en l’homme un « dieu » sur terre.
Il ne faut pas penser non plus que la sociologie s’est directement dissociée de la religion à ses débuts. C’est même plutôt l’inverse, la sociologie de la religion est née avec les milieux religieux catholiques (missionnaires, clercs). Par ailleurs, en anthropologie les missionnaires sont présentés comme étant les premiers pré -anthropologues et certains d’entre eux ont même été formés à des séminaires d’ethnologie à Louvain en Belgique (Obadia, 2007). Fort d’un bagage scientifique sur les pré-requis de la discipline sociologique, les missionnaires protestants s’en servaient comme un outil et un tremplin pour l’évangélisation (Willaime, 1998).
Pour passer directement à une époque beaucoup plus proche de nous, ce sont dans les années 1970 que la sociologie des religions se tourne vers une étude du « croire » contemporain (Hervieu-Léger, 2001) où on se concentre sur la « question des rapports entre les expériences des individus, les institutions sociales du religieux et la modernité » (p.17).
C’est dans cette même ligne directrice que notre recherche se propose de travailler.

Définition sociologique de la religion

Systématiquement lorsque nous sélectionnons un sujet d’étude, nous nous efforçons de définir l’objet selon la manière dont nous le percevons. Une définition nous permet effectivement de partir d’un point mais nous aide-t-elle véritablement pour notre recherche ? Vraisemblablement oui du moment qu’elle n’altère pas ni ne limite la portée de notre observation et de notre réflexion.
Quelle définition de la religion a-t-on proposé ? Principalement les définitions les plus courantes se divisent en deux. La première est dite fonctionnelle, elle voit la religion comme un « ensemble symbolique fournissant du sens et permettant aux individus d’inscrire événements et expériences dans un ordre donné du monde » (Willaime, 1998, p.116). Elle inclut toutes formes de religiosité. La deuxième est dite substantive, elle tente de donner les caractéristiques mêmes de son essence. Dans ce cadre la religion est réduite à la représentation et à la communication avec le Transcendant, le supranaturel. Elle supprime dès lors les religiosités sans dieux, ni transcendance (p.119). Pour échapper à ses deux écueils, Claude Bovay et Roland J. Campiche ont proposé une définition qui regroupe les deux termes : « Tout ensemble de croyances et de pratiques, plus ou moins organisé, relatif à une réalité supra-empirique transcendante, qui remplit dans une société donnée, une ou plusieurs des fonctions suivantes : intégration, identification, explication de l’expérience collective, réponse au caractère structurellement incertain de la vie individuelle et sociale » (p.120).

L’individu entre subjectivation et communautarisation en sciences sociales

Après s’être interrogé sur la définition de la religion, je vais montrer que la dialectique de la subjectivation et de la communautarisation est un point central de la dimension anthropologique car au final les structures sociales (communautés) ne sont que composées d’humains (et leurs subjectivités), ainsi il n’existe pas de structure invisible planant au-dessus des Hommes. C’est ainsi que Max Weber montre dans son livre que dans le champ des actions humaines, les « formes de causalité sont rarement directes, qu’elles s’exercent non sur un point de jonction unique, mais dans une zone pourvue d’une épaisseur » (Weber, 2006, p.35). Il dit aussi qu’ « il n’y a pas d’injonction directe de l’idéel sur le matériel, ni du matériel sur l’idéel : les corrélations entre l’un et l’autre se nouent dans un entre-deux constant » (p.38). Cet « entre-deux constant » se compose d’un jeu d’acteurs qui influent sur le monde où ils sont premièrement les producteurs et les produits de la société et dont la portée de leurs idées sur le matériel résulte d’un concours de circonstances, de faits sociaux contingents, qui permet la réalisation d’objectifs conformes ou non aux intentions initiales.
Les relations de cause à effet sont ainsi plus proches d’un casse-tête historique que de la simple imbrication et superposition de données historiques permettant d’établir des ponts entre deux points de jonction. Car au-delà de la description des événements à partir des sources historiques se pose la difficulté de connaître les intentions respectives de chaque acteur, de savoir si la réalisation de leurs projets était le résultat d’actions cohérentes (ou si au contraire elles comportent des erreurs, des omissions) ou encore si on peut réellement attribuer la paternité de telle idée à tel acteur, etc.
L’un des points centraux de ma réflexion, c’est qu’une structure (une communauté, une société) a incontestablement un impact fort sur les consciences individuelles, mais au-delà de cet état des faits, mon objectif est de dé-essentialiser les structures pour les ramener aux acteurs qui les composent et les modèlent. Il est question de se concentrer sur les acteurs (charismatiques) car ils singularisent leur propre structure d’appartenance. C’est seulement dans ce cadre qu’on peut parler de déterminismes sociaux. C’est ainsi toute une série de causes matérielles et idéelles, conjointes, qui permet la détermination d’un déterminisme social. Et une idée qui n’est pas corrélée par une « force » matérielle ne peut aboutir bien loin. Weber a donc brillamment initié une méthodologie de recherche très importante. En effet, il ne prend pas pour objet de recherche des superstructures mais plutôt des personnages (porteurs d’idées, d’intérêts, …). Dans son outil et tableau idéal-type, les religions ne sont pas corrélées « ni avec des contenus dogmatiques ou théologiques, ni avec des configurations économiques, mais avec des « personnages » définis par une fonction et par un type d’activité » (p.40). C’est aussi la méthodologie utilisée par Albert Piette, il traduit le fait religieux comme « un fait ordinaire de la vie sociale qui mobilise des hommes, des gestes, des objets que nous voyons plutôt que des « religions » » (2003, p.3). Dés lors la « religion comme macro-entité n’existe pas, seule existe l’analyse des séquences d’actions et d’énoncés ainsi que des jeux d’attribution et de qualification » (p.84). Ainsi je résume en disant que les déterminismes sociaux se matérialisent dans les acteurs et ne s’imposent pas à l’aide de superstructures flottantes. Les infrastructures n’ont de poids que dans les agents qui les animent. D’où la présence permanente du jeu de la subjectivation et de la communautarisation.

A l’origine de la religion

Nos grands spécialistes de la religion ont tenté d’expliquer la genèse de la religion. Adam Smith fait de la religion un système économique caractérisé par l’offre et la demande. Il voit dans la dérégulation étatique des religions entraîne un accroissement des biens de salut religieux qui conduisent à une compétitivité. Or il affirme que le financement des prêtres et des clergés par l’Etat est un rempart contre le prosélytisme et apporte une aide aux structures religieuses pour combattre les sectes nouvelles. L’écueil de cette vision tient au fait de reconduire l’homo religiosus à l’homo oeconomicus (donc ne formalisant qu’un point de vue essentialiste), sans prendre en compte la question de la « vérité » qui est au cœur des mouvements religieux (Gonzalez, 2014, p.341). Ici, la religion est vue sous le prisme de sa fonctionnalité, de son utilité.
Pour Weber, la pensée religieuse est antérieure à l’intellectualisme laïc, qui n’est qu’un produit de la précédente. Le religieux se construit en retour par la confrontation avec les philosophies non religieuses (Weber, 2006, p.173). Plus la « cure des âmes » se développe et plus elle devient l’instrument des prêtres pour régir la vie quotidienne des laïcs (p.198). C’est en réalité la réponse à la question suivante qui le pousse à se pencher profondément sur les origines de la religion : « Comment la modernité a-t-elle été possible et d’où vient-elle ? » Pour lui nul ne doute qu’elle trouverait ses racines dans la religion. Le désenchantement du monde est le produit de croyances et de pratiques religieuses. La « rationalisation » au sens wébérien est d’ordre organisationnel et non substantiel (Trigano, 2001, p.61). L’opération qui consiste à ramener les actes à des normes afin de les calibrer en fonction de leurs directives est constitutive d’un processus de rationalisation . L’institutionnalisation du culte apparaît avec la volonté de cohérence du prêtre face au fidèle. Ce qui amène à la bureaucratie moderne. Puis l’élaboration écrite de la tradition. La figure charismatique émerge lors de périodes de crises, lorsqu’un ordre social s’effondre et se pose la question du sens (p.101). Le Prophète établit une rupture mais développe un nouvel ordre encore plus rationalisé et efficace (p.103).

L’individu dans sa religion

En réaction du postulat sociologique durkheimien qui fait de l’effervescence collective cultuelle un moyen de s’adorer soi-même, Lévi-Strauss répond en disant que les coutumes sont des normes extérieures auxquelles les individus se conforment sans forcément manifester un ressenti puissant (Piette 2003 ; p.4). Le holisme culturel fait dire à chaque individu qu’il a accès à la totalité des représentations s’inscrivant dans une « conscience collective » durkheimienne. En effet, tous fidèles ne vivent pas en cœur les mêmes évolutions et ne sont pas animés des mêmes intentions (p.9).
Ce qui implique pour nous de ne pas homogénéiser les acteurs dans un objet collectif car les représentations des individus ne sont pas l’exacte réplique des représentations politiques codifiées et largement diffusées (Ibid). Il s’agit de ne pas plénifier la conscience, les acteurs ne croient pas forcément à ce qu’ils disent et font (p.10). De là la culture cède la place aux actions individuelles, le symbole n’est plus appréhendé dans son intensité signifiante et l’émotion n’est plus considérée comme une médiation nécessaire du fait religieux ( p.6). Lors de l’ethnographie, cela revient donc à décrire ce que font (comment) les gens et non le sens (pourquoi) de leurs actes (p.63).
D’une manière générale l’anthropologie est susceptible de se rendre coupable sur interprétation qui est d’ailleurs un problème majeur et récurrent de la discipline. Elle consiste à théoriser des pratiques à partir de données éparses et regroupées qui sont interprétées et mises bout à bout. Dans un article, Paul Veyne déplore le parcellement des données empiriques religieuses pour leur donner une interprétation cohérente alors que les intentions des acteurs, les modalités d’adhésion, … sont éliminés ; les discours de ses conditions d’énonciation et les textes sont isolés (p.8).

Le chercheur et les théories

Envers les concepts et théories scientifiques, il ne faut n’y les rejeter en bloc ni s’empresser de les valider mais plutôt les regarder d’un œil pragmatique et historicisant (Lahire, 2011, p.353). Car le principal défaut d’une théorie est sa généralisation abusive alors qu’elle trouve racine dans des cas particuliers (p.354). Ludwig Wiltgenstien ira même jusqu’à dire que toutes les théories sont « fausses » par « excès d’ambition, partialité, manque d’attention et de complexité, … » (p.355) Des auteurs sont conscients que la tentation du prestige social sévit dans les sciences sociales car la présentation de théories pompeuses attire une g loire jubilatoire qui aveugle néanmoins la réflexion sociologique ( p.356). L’épistémologie réaliste conduit le chercheur à penser d’une manière évolutionniste que l’histoire des théories scientifiques en sciences sociales est l’histoire des dépassements progressifs supposant un progrès dans la complexité des théories et des méthodes scientifiques (p.361). Les théories doivent être recadrées dans leurs contextes socio-historiques pour saisir les enjeux qui se profilaient à ce moment-là. De même ces théories résultent de cet effort de comprendre l’essence d’un monde social, d’une catégorie de faits socio-historiques relativement singuliers, mais systématisant des aspects différents de nos formes de vie sociales (p.368).
Parfois les « oppositions théoriques ont toujours partiellement tort de ne pas voir en quoi leurs adversaires ont partiellement raison » (p.369). Puisqu’un auteur est identifié à sa grille d’interprétation théorique reconnaissable, ceci incite les autres à construire à leur tour une grille théorique originale qu’ils conserveront d’ailleurs coûte que coûte pour rester cohérent avec leurs propres réflexions (p.370). Et bernard Lahire déplore le recours systématique à des théories philosophiques ne poussant en réalité qu’à la paresse ethnographique puisque le chercheur englobera des phénomènes sociaux (parfois épars) à l’aide de concepts prédéfinis (p.275). Et même au final, l’élaboration d’une théorie n’est pas le résultat d’un suivi scrupuleux des acteurs sur plusieurs facettes de leur vie. A partir de là, comment peuton prétendre appréhender un habitus général à partir de l’observation dans des circonstances bien déterminées et limitées ? (p.138).

Le chercheur et sa méthode

Premièrement afin de saisir les expériences des enquêtés, le chercheur doit constituer un dispositif de déclenchement de ces expériences (p.134) . Exprimé plus scientifiquement, c’est essayer de faire une « sociologie de la pluralité des logiques d’action et de la pluralité des formes de rapport à l’action » (p.275).
Pour le cas de notre étude consistant à relever la dialectique subjectivation commun autarisation par l’observation des évangéliques au sein de leur univers religieux, il est méthodologiquement pertinent de tendre vers de l’observation « non participante » pour faire en sorte que les activités de groupe ne subissent pas de modification en présence du chercheur. En revanche, les conversations, quant à elles, formelles ou informelles sont comprises dans un jeu d’interaction qu’il convient d’analyser à l’aide notamment des travaux interactionnistes (Erving Goffman, Howard Becker, Anselm Strauss, …).
Ma posture est une reproduction de la position méthodologique d’Albert Piette qu’il mise en pratique lors de son terrain dans une paroisse catholique française. A ce propos, il affirme dans l’introduction de son ouvrage que la réunion paroissiale se déroula « tout à fait normalement de la même façon que si nous n’avions pas été présent » (Piette, 1999, p.15).

Une reconfiguration particulière du croire à travers le mouvement de la Réforme au XVIe siècle

Un éclatement confessionnel des identités protestantes

Historicisation du protestantisme

Il ne s’agira pas dans cette partie de retracer l’histoire des mouvements protestants jusqu’à aujourd’hui mais plutôt d’en donner au lecteur un aperçu global et d’en montrer ses caractéristiques et ses déclinaisons. L’histoire des mouvements protestants nous servira à exposer leurs fondements doctrinaux. Nous distinguerons alors le protestantisme (au singulier) comme le reflet du protestantisme historique et les protestantismes (au pluriel) comme désignant les diverses dénominations apparues jusqu’à nos jours.
La religion ne doit pas être isolée comme étant un système fermé sur lui-même qui agirait en toute autonomie. Pour comprendre les enjeux qui sont à l’œuvre dans une communauté religieuse, il faut la contextualiser en la renvoyant dans son histoire et dans l’Histoire (Obadia, 2007). Les discours et les actes des sujets religieux ne peuvent être pris isolément du reste des rapports sociaux. C’est à cette condition qu’on peut porter une analyse profonde sur une religion et ses mutations.

Modèles idéals-types des mouvements protestants

L’idéal-type wébérien

L’idéal-type s’inscrit dans la réflexion sociologique qui porte pour l’essentiel deux projets : 1) produire des modèles stables de la réalité sociale, et 2) avoir conscience de l’expérience de situations sociales instables (Bobineau, Tank-Stoper, 2012). C’est à travers ces deux projets que l’outil « idéal-type » doit être utilisé. C’est à ce niveau aussi que se situe la « frontière » de l’analyse sociologique et qu’intervient alors le regard anthropologique.
Une observation plus recentrée sur les rapports sociaux à une échelle locale permet de voir si c’est précisément tel ou tel événement en particulier qui modèlera notre pensée et notre action. Il ne s’agira pas forcément de « grands » événements de notre vie mais plutôt une accumulation de « petits » événements qui forge la subjectivité de chacun. Nous reviendrons dans la dernière partie sur ce point là.
Dans notre démonstration ultérieure, nous avons souligné quelques points réflexifs qui sont autant de précautions à prendre pour parvenir à la réalisation d’une étude objective permettant de décrire les faits sociaux au plus près de leurs réalités sociologiques. Un idéaltype wébérien n’est qu’un outil d’analyse et non une description valable d’un type d’activité en tout temps et en tout lieu. Weber précise d’ailleurs que la « société est une représentation de l’esprit, une opération d’abstraction intellectuelle tirée d’une foule de phénomènes et de données réelles » (Trigano, 2001, p.67). Dans ce cadre, l’idéal-type n’est qu’un modèle a priori qui permet au chercheur de construire une image de la société (idéaltype) à partir de la diversité des éléments et des impressions qu’il a récoltés » (p.68).
L’essentiel est alors de prendre conscience qu’il y a toujours une potentielle présence d’une part de subjectivité dans la recherche scientifique.
Un exemple d’idéal-type nous est fourni par Durkheim qui qualifie l’Eglise comme étant « une société dont les membres sont liés les uns aux autres parce qu’ils se représentent de la même façon les choses sacrées dans leur rapport avec les choses profanes » (p.42). Même si nous pouvons ne pas être d’accord sur la distinction opérée entre le sacré et le profane, cette définition a le mérite de voir dans l’Eglise l’existence d’une communion entre les fidèles qui s’identifient aux mêmes représentations (ou visions cosmogoniques). C’est avec cette première idée que nous partons, la réunion des fidèles autour de représ entations similaires.

Types de communalisation religieuse

Les sociologues ont déterminé deux types de communalisation religieuse :
1) L’Eglise : est une « administration bureaucratique à vocation universelle qui dispense des biens de salut avec un personnel formé et en symbiose avec la société » (Bobineau, tankStorper, 2012, p.28). Elle se caractérise par la présence d’un corps de professionnels, par sa prétention universaliste et par la systématisation du dogme et de ses rites. Elle exerce une autorité de fonction.

La figure du croyant dans le monde moderne caractérisé par le phénomène amplifié et contrasté de la sécularisation. Le passage d’une référence religieuse à une référence séculière

Dans cette partie, il s’agira de faire un état des lieux de la question du religieux dans le monde moderne, autrement dit de la place du religieux dans le contexte socioculturel planétaire. Comme on l’a vu précédemment le plus important pour notre sujet d’étude n’est pas de déterminer les origines de la religion ni de la définir dans sa substance ou dans sa fonction mais bien de s’y intéresser d’un point de vue sociohistorique mettant en relation son contexte et ses acteurs. Pour éviter de tomber dans un raisonnement tautologique, les religions ne doivent pas être enfermées dans le religieux mais doivent être plutôt considérées comme des faits socioculturels (Willaime, 1998, p.57). L’étude de la religion doit prendre en compte « le passé des relations sociales et ses sous -produits – matériels, idéologiques et autres – [qui] contraignent le présent des relations sociales (Charles Tilly) » (Portier, 2016, p.8).

L’émergence du monde moderne

De nos jours, le mode de vie est bien différent de celui du passé. Et le paysage religieux s’est revêtu d’un nouvel habit. De nombreuses études sociologiques et philosophiques font de notre époque une ère nouvelle : la modernité. Concept qui peut paraître présomptueux et qui donne l’illusion que le passé est ténébreux et forcément moins développé. Cependant, il y a bien eu un changement qui s’est opéré depuis plusieurs siècles. La technologie en est un témoin des plus manifestes. Un changement visible est aussi la formation des Etats -nation et l’hyper connectivité du monde : l’effet de mondialisation et du mondialisme. Les échanges et les jeux d’influences ont toujours eu lieu dans le passé, ce n’est donc pas un fait nouveau que le monde soit connecté mais qu’il soit hyper connecté s’en est un. Les religions ancestrales se sont donc propagées encore plus profondément au-delà de leurs frontières respectives, ont gagné en visibilité mais se sont vues mises en concurrence avec une autre morale, une autre façon de vivre. Il ne s’agit pas pour nous de revenir sur les liens de cause à effet qui ont durablement changé le cours des événements mais plutôt à notre niveau de faire par d’un constat. Les sociétés actuelles ne sont plus régies par un ordre politique et social religieux. Nous sommes passés d’une référence religieuse à une référence scientiste et humaniste qui est à l’œuvre depuis plusieurs siècles. Selon C. Taylor, on est passé d’une société où il était impossible de ne pas croire en Dieu à une société où la foi est une possibilité parmi tant d’autres.
Les activités sociales participent à produire une « représentation universelle » qui, bien qu’elle ne soit pas partager par tous, semble planer dans la sphère sociale. La non-croyance est la norme affirme C. Taylor (Le Pape, 2015, p.21). L’espace public est orienté vers une société sans Dieu : les chaînes télévisées, les films, les séries, les programmes scolaires, la ville et ses activités, … en un mot : une sécularisation normée, peut-être à relativiser dans la réalité sociale mais, bien présente dans les différentes sphères sociales : magasins, écoles, universités, … C’est d’ailleurs dans ce cadre social (athéisme) que le converti doit justifier sa croyance religieuse (peu importe laquelle) plutôt que sa nouvelle religion (Ibid).
Le XVIIIe siècle a marqué une rupture dans l’Histoire. Avec la réappropriation des textes philosophiques grecs par les penseurs du siècle des Lumières et le développement scientifique, les sociétés occidentales ont été le théâtre d’un processus d’émancipation de l’autorité chrétienne et de sa vision religieuse. Le protestantisme a en plus fourni un exemple concret d’une possibilité de sécularisation interne du christianisme. L’idée de rendre « à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu » (Marc, XII, 13-17 ; Matthieu, XXII, 21 & Luc, XX, 25) est devenue l’idiome des républicains, à Dieu appartient le contrôle de la religion, aux hommes le contrôle de la politique. Les révolutions européennes inscrivent à leurs tours durablement les idées des Lumières dans les consciences collectives. C’est ainsi que l’ère de la modernité fait son entrée peu à peu. On assiste à une émancipation des représentations collectives par rapport à toutes références religieuses, à la constitution d’un savoir indépendant du savoir religieux et à l’autonomisation de la conscience et des comportements face aux prescriptions religieuses.

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Table des matières
1. Introduction 
2. Regard porté par la sociologie sur les phénomènes religieux 
2.1. Une sociologie de la religion
2.2. Définition sociologique de la religion
2.3. L’individu entre subjectivation et communautarisation en sciences sociales
2.4. A l’origine de la religion
2.5. L’individu dans sa religion
2.6. Le chercheur et les théories
2.7. Le chercheur et sa méthode
2.8. Ethnographier le religieux
3. Une reconfiguration particulière du croire à travers le mouvement de la Réforme au XVIe siècle Un éclatement confessionnel des identités protestantes
3.1. Historicisation du protestantisme
3.1.1 Des Eglises protestantes
3.2. Modèles idéals-types des mouvements protestants
3.2.1 L’idéal-type wébérien
3.2.2 Types de communalisation religieuse
3.2.3 Caractéristiques transversales de l’évangélisme
4. La figure du croyant dans le monde moderne caractérisé par le phénomène amplifié et contrasté de la sécularisation. Le passage d’une référence religieuse à une référence séculière
4.1. L’émergence du monde moderne
4.2. Un nouveau paysage religieux en sociétés occidentales
4.3. L’individualisation du « croire »
5. La place des religions et du croyant dans une France laïque
5.1. Parcours de la laïcité française
5.2. Une individualisation du « croire » en territoire français
5.3. La laïcité et les religions
5.4. Les rencontres interreligieuses
5.5. Les impacts du contexte français ?
6. Dialectique subjectivation-communautarisation
6.1. Les processus de communautarisation au sein du protestantisme évangélique
6.1.1. L’institutionnalisation de la religion
6.1.2. La conversion s’inscrit dans une institution
6.1.3. Le rôle des alliances entre les Eglises
6.1.4. Une « supra-communautarisation » ?
6.1.5. Les « prophètes » et les « apôtres » de l’évangélisme
6.2. Les processus de subjectivation religieuse au sein du protestantisme évangélique, l’évangélique en train de se faire
6.2.1. Subjectivation en sciences sociales
6.2.2. Subjectivité religieuse ?
6.2.3. Subjectivation du « Sujet » évangélique
7. Conclusion 
8. Bibliographie

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