LE PASSAGE A L’ACTE EN ABSENCE DE PATHOLOGIE MENTALE AVEREE 

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Les facteurs familiaux

La famille joue un rôle prépondérant dès la naissance d’un enfant en contribuant à son développement. L’attitude parentale imposant un équilibre ou un déséquilibre dans cette construction, elle peut avoir un impact négatif considérable sur le bon développement de l’enfant. Ainsi, l’inclination d’un membre de la famille pour un comportement criminel peut avoir des conséquences néfastes sur l’enfant : l’influence directe de ses proches pourrait créer une transmission criminelle intergénérationnelle.

L’attitude parentale

Les parents, dans leur rôle affectif et éducatif, ont une bonne attitude à adopter. La famille est considérée comme « l’environnement de base dans lequel se développe la personnalité des enfants, influencés par leur interaction directe avec leurs parents »28. Elle impose des concepts familiaux que l’enfant doit apprendre. Cependant, des perturbations peuvent naître et avoir des conséquences sur le devenir de l’enfant. Certains parents vont avoir des attitudes réactionnelles parfois très violentes et destructrices pour le développement de leur progéniture. L’exposition à des conflits entre parents, voire la violence interfamiliale, peuvent être des facteurs de risque de délinquance chez l’enfant. En effet, de forts impacts tant psychologiques que physiques peuvent se dessiner à la suite de cela. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère la maltraitance d’un enfant comme « toutes les formes de mauvais traitements physiques et/ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir »29. Ainsi, les violences et les négligences commises vont avoir des répercussions sur le développement, mais également sur la personnalité de l’enfant30. Le lien d’attachement que l’enfant doit nouer avec son parent est mis à mal, voire rompu. Or c’est grâce à ce lien que l’enfant développe sa capacité à réguler ses émotions, à entretenir des relations affectives, et à composer avec le stress31.
En l’absence de celui-ci, l’adaptation sociale devient complexe et peut conduire à des troubles psychologiques ainsi que des problèmes de violence à l’âge adulte32. Ce qui est problématique dans le cas de la maltraitance est sa transmission transgénérationnelle.
Puisque empêché de construire une personnalité solide et saine, l’adulte aura tendance à reproduire les faits subits. Alice MILLER explique que « cette absence de sensibilité aux souffrances […] prend sa source dans les mauvais traitements que le sujet a lui-même subis et dont le souvenir peut certes avoir été conservé, mais dont le contenu émotionnel, l’expérience profonde des coups et de l’humiliation, a dû être dans la majorité des cas totalement refoulé »33. De plus, un autre facteur peut se coupler à la maltraitance : celui de la mauvaise gestion familiale. En 2001, le docteur N. CROWELL, la criminologue J. MCCORD et la psychologue C. WIDOM confirmaient que cette dernière « était associée à une augmentation de la délinquance grave pendant l’enfance et l’adolescence, ainsi qu’à un comportement criminel à l’âge adulte »34. Ici, les parents ne supervisent pas les enfants mais les laissent se débrouiller par leurs propres moyens. Le manque de règles et d’intérêt d’un parent pour un enfant peut être destructeur. Celui-ci, habitué à vivre de cette manière, peut être conditionné à reproduire, à l’âge adulte, un même comportement, quitte à ne pas respecter les règles régies dans la société et donc à commettre des infractions pouvant être criminelles.

Les facteurs personnels de vulnérabilité

L’état de vulnérabilité peut être considéré comme « la combinaison de phénomènes liés à la dynamique sociétale avec les caractéristiques propres d’un individu, que celles-ci soient durablement installées ou simplement passagères »43. Les déficiences tant physiques que psychologiques dues à son passé ont des répercussions négatives sur sa capacité à exister en harmonie avec la société. En effet, son intégration sociale et sa gestion de situations de la vie quotidienne peuvent être empêchées, ou du moins limitées. Si la personne éprouve des difficultés à avoir des réactions normales et faire face aux règles sociétales, c’est probablement lié à son passé.
Afin d’expliquer cet état, nous avons fait le choix de prendre deux exemples : les carences affectives (§1) et les troubles dans la structuration de la personnalité (§2).

Les difficultés du développement de l’enfant : des carences affectives

Le psychiatre Maurice POROT explique que « les états affectifs sont l’élément vital indispensable de notre activité psychique dont ils commandent le potentiel et le dynamisme en même temps qu’ils règlent notre comportement. Ce rôle primordial apparaît dès la naissance ; les psychologues et les psychanalystes nous ont appris que le développement psychique de l’enfant était conditionné par sa vie affective qui, par des étapes successives, l’amène à la maturation nécessaire à l’affirmation de sa personnalité propre et à une adaptation heureuse à son milieu familial et social. Aussi ne doit-on pas s’étonner que l’insatisfaction habituelle ou prolongée des besoins affectifs ait des répercussions sérieuses sur l’équilibre psychique et puisse même altérer la santé mentale »44. Comme nous l’avons précédemment vu (§1), les parents peuvent maltraiter et négliger leurs enfants pour de multiples raisons. Cela a un impact puissant puisque cela peut entraîner des carences affectives que l’on qualifie de « précoces », car elles se situent « à un moment ou le développement psychomoteur du nourrisson est le plus actif »45. De plus, les neurosciences évoquent le fait que cette impact est créé car l’« absence de réponse adaptée à un besoin primitif essentiel va entraver le processus neurologique normal »46.
L’aspect ontogénique47 est primordial pour un enfant car celui-ci a besoin d’une intégration saine ainsi que d’une protection48. Lorsque le parent ne prend pas en considération l’émotion ressentie par l’enfant cela crée une confusion chez ce dernier qui ressent nécessairement un décalage entre l’émotion et la réaction du parent.
Ainsi, les interactions dysfonctionnelles entre les deux entraînent des difficultés dans le développement psycho-affectif de l’enfant puisque la structure qu’il devait avoir n’est pas établie et peut créer chez celui-ci des variations émotionnelles.
Michel LEMAY explique que « Tout se passe comme si le jeune avait vécu une telle béance originelle qu’il ne parvenait pas à être satisfait et devenait d’autant plus avide qu’il percevait douloureusement le décalage pitoyable entre ce qu’il voulait et ce qu’il recevait. Le réveil d’un manque fondamental n’est cependant pas suffisant pour expliquer les exigences croissantes du sujet. Mon hypothèse est que le mouvement relationnel de l’adulte provoque l’apparition d’émotions multiformes qui se concrétisent sur le plan conscient par un mélange étonnant de reconnaissance, d’insatisfactions, de peur, de dépit et d’agressivité. Il en résulte des manifestations tout à fait inadéquates si on se situe par rapport aux attentes habituelles d’un parent : la marque d’affection crée un état de tensions »49.
Cet état de tensions se traduit donc par des difficultés à maîtriser ses émotions, dont en particulier la colère. Définie comme une « réaction affective d’exaltation caractérisée par la situation à laquelle elle répond »50, la colère peut entraîner dans certains cas une perte de contrôle des actes.
Une personne dite « hors d’elle » ne se contrôle plus, n’est plus elle-même. Selon la situation dans laquelle elle se trouve, la colère peut la pousser à céder à une pulsion, à passer à l’acte. L’extériorisation de ses émotions va se traduire de façon violente, dans une dynamique défensive. Cette autoprotection que l’individu se crée a des conséquences négatives puisque, ne connaissant aucune gestion normale des émotions, sa seule manière d’exprimer à autrui ce qu’il ressent sera traduit par des réactions négatives qui vont le pousser parfois à des actions extrêmes.
Cette instabilité émotionnelle peut mener jusqu’à la naissance de troubles dans la structuration de la personnalité.

Les troubles dans la structuration de la personnalité

Les Professeurs Antoine POROT et Théophile KAMMERER considèrent la personnalité comme « la synthèse de tous les éléments qui concourent à la conformation mentale du sujet, pour lui donner sa physionomie propre. Cette conformation résulte des innombrables particularités de sa constitution psychophysiologique, de ses composantes instinctivo-affectives, elles-mêmes alimentées par les afférences sensitivo-sensorielles et cénesthésiques, de ses modes de réaction, des empreintes laissées par toutes les expériences vécues qui ont jalonné son histoire individuelle »51.
Une mauvaise structuration de personnalité de la personne tend à l’amener à avoir un caractère relativement complexe face aux autres. Henri LUCCIONI et le psychiatre Peter BERNER ont tous deux expliqué une notion du caractère qui découle de la personnalité. Leur explication s’appuie sur différents ouvrages52-53. En effet, ils expliquent que cette notion peut désigner communément trois points : d’une part, le caractère consiste en un « comportement général dans les relations sociales »54. D’autre part, il est également considéré comme « une disposition sentimentale prédominante »55. In fine, il concerne la nature de l’humeur habituelle.
Si l’on se base sur la notion psychologique de cette « humeur habituelle », on comprend que le caractère exprime en quelque sorte la manière de sentir, penser et vouloir d’un individu.
Le caractère peut être considéré comme naissant de la confrontation entre l’humeur et l’environnement de l’individu56, et va parfois avoir des conséquences sur sa personnalité.
La personnalité est un élément phare dans le développement d’un enfant puisqu’elle va avoir un impact sur sa construction psychique. Théodule RIBOT, philosophe et professeur, explique que la personnalité est davantage que l’ensemble des éléments conscients du psychisme puisqu’elle comprend également ses éléments inconscients57. Différents facteurs positifs ou négatifs interviennent dans sa formation, tels que l’éducation, les frustrations affectives ou encore les chocs émotionnels.
Lorsque la personnalité n’est pas véritablement bien construite, elle peut aboutir au développement d’une personnalité criminelle. En effet, comme l’expliquait le criminologue Jean PINATEL en 1975, la personnalité criminelle58 est constituée d’un noyau composé de « quatre traits : l’égocentrisme, la labilité, l’agressivité et l’indifférence affective »59, tel que schématisé en Figure 1.
Posséder ces quatre traits favorise le développement d’une personnalité criminelle et joue particulièrement sur la capacité de passage à l’acte dans la commission d’infraction : ils en sont les principaux déclencheurs.

Les caractéristiques extrinsèques à l’auteur lors du passage à l’acte

Considérées comme extérieures à l’individu, les caractéristiques extrinsèques sont cependant relativement importantes puisque les facteurs sociaux (§1) dans lequel les personnes sont confronter peut avoir des conséquences sur leurs actes. Cependant, les facteurs économiques (§2) jouent également un rôle dans la commission de ceux-ci.

Les facteurs sociaux

L’influence du milieu social d’origine sur la construction de l’individu est considérable. Les fréquentations et l’appartenance à un groupe peuvent pousser un individu à commettre des infractions. En effet, certaines études longitudinales61 ont montré « qu’un adolescent qui commence à fréquenter des délinquants, à intégrer un gang voit son activité délictueuse augmenter de façon très sensible »62. Ainsi, au regard de cette appartenance à un groupe dont les principales activités sont criminelles, l’individu peut avoir tendance à ne plus considérer aucune règle dans la société et agir comme s’il n’y avait plus de limites.

Les groupes culturels

Le groupe culturel est un « Groupe de personnes ayant les mêmes croyances, normes comportementales, valeurs, langue, manières de penser et de percevoir le monde »63.
Il peut être source de criminalité64. En effet, l’appartenance à un groupe influence les personnes dans leurs comportements et leurs choix personnels. Prenons l’exemple d’un adolescent nouant des liens avec un groupe de personnes vivant dans son quartier : le temps passé en son sein va favoriser la construction d’une identité qui reflètera les caractéristiques et les comportements valorisés par ce groupe. Comme nous l’avons précédemment expliqué, c’est au cours de l’enfance que l’individu se construit. Ainsi, si le groupe exerce une forte influence sur la personne, celle-ci agira et réagira selon les principes du groupe.
Prenons un second exemple, plus large puisque nous allons nous cibler sur les gangs présents en Amérique centrale. Dans des pays comme le Mexique ou bien le Guatemala se sont créés des « gangs ». On peut définir un gang comme « un groupe criminel organisé »65.
Les gangs sud-américains se sont constitués dans un contexte de forte discrimination sociale : dans les années 1993, le gouvernement américain déportait les membres de gangs vers l’Amérique latine66. Certains ont réussi à s’intégrer, d’autres non.
Ainsi, le contexte social conduit à différencier deux populations. Celle qui n’a pas réussi à s’intégrer s’est alors tournée vers des gangs « comme une réponse à leur mal-être et à cause du peu de considération qu’on leur accordait »67. De plus, généralement, les adolescents qui y participent ne sont pas scolarisés. C’est pour eux une manière d’intégrer une nouvelle famille et d’obtenir une reconnaissance sociale à travers leurs actions pouvant être criminelles.
Des explications ont été cherchées afin de comprendre l’intégration de ces jeunes, adolescents ou majeurs, dans les gangs. L’Organisation non-gouvernementale « Save the Children » en fait le portrait-robot : « Il s’agit d’un adolescent ou d’un jeune le plus souvent majeur, habitant un quartier déshérité avec des parents relativement pauvres, qui reproduit dans une deuxième génération les conditions d’indigence et de privation vécues par ses géniteurs. Dans la plupart des cas, il possède, comme ses parents, un bas niveau d’instruction générale, il occupe un emploi peu qualifié et il perçoit de son travail un revenu relativement bas »68.
En intégrant ce groupe culturel, ces personnes entrent dans un milieu enclin à la violence, l’agressivité. Recherchant considération et reconnaissance, elles vont exécuter les directives que lui impose le groupe afin d’y légitimer son appartenance. L’influençabilité de l’individu est ici une notion importante puisqu’elle est en quelque sorte l’élément déclencheur de l’affiliation au gang. En effet, ce besoin d’appartenance au gang et le pouvoir d’influence de celui-ci naissent d’une recherche de solidarité et de sa propre identité.
Cette appartenance à un groupe peut avoir de nombreux effets négatifs sur une personne puisqu’en quête de reconnaissance, elle va facilement passer à l’acte criminel sans pour autant prendre en compte les règles érigées par le droit.

L’application de l’anomie

L’anomie signifie « « sans lois », « sans règles » »69. Étymologiquement, le mot est l’antonyme du grec νόμος (nómos) qui a donné naissance au terme français « norme » ; un monde privé de norme est un monde anarchique. Le mot a également pris le sens de « la violation de la loi, l’illégalité »70. L’anomie est donc « l’absence ou la violation de la règle : un acte est « anomique » lorsqu’il est en dehors de toute loi ou règle. » 71
Pour reprendre l’exemple cité précédemment, les « gangs » édictent leurs propres règles, rejetant celles appliquées par le reste de la société.
Si Jean-Marie GUYAU72 et Émile DURKHEIM73 ont déjà chacun utilisé l’anomie pour appuyer leur vision de la société – avec une acception positive pour l’un et pathologique pour l’autre74 –, le sociologue Robert King MERTON reprend le concept en l’interprétant encore différemment.
À travers ce terme, R.K. MERTON souhaite « poser les bases d’une analyse des sources sociales et culturelles de la déviance. Le but est de découvrir comment des structures sociales peuvent, dans des cas déterminés, pousser certains individus à adopter un comportement déviant au lieu d’une conduite conformiste »75. Il considère qu’un dysfonctionnement social créateur d’anomie s’exerce dès lors que les normes appliquées par certains individus ne sont pas en adéquation avec les valeurs culturelles du reste de la société.
Le sociologue Talcott PARSONS théorise quant à lui l’anomie en expliquant qu’il existe quatre signes permettant de la distinguer : « l’indétermination des buts, le caractère incertain des critères de conduite, l’existence d’attentes conflictuelles et l’absence de référence à des symboles concrets bien établis »76.
Au regard de ces quatre signes, l’on peut comprendre que l’anomie est une notion qui est principalement basée sur une confusion, un désordre qui va se produire dans la société, et plus particulièrement dans la vie des personnes concernées.

Un choix rationnel : des opportunités criminelles

SUTHERLAND est le premier à employer l’expression de « criminalité en col blanc ». Elle désigne pour lui « un crime ou un délit commis, au cours de ses activités courantes, par un individu bénéficiant d’une respectabilité et d’une position sociale élevée »92.
Le passage à l’acte de ce type d’individu repose sur la théorie du choix rationnel, formulée par l’économiste G.S. BECKER93. Selon celle-ci, le criminel en col blanc choisit ses actions dans le but d’en tirer profit. Sa motivation est d’ordre individuel et ne tient pas compte des normes sociales ou législatives en vigueur. Il connaît ces règles, réfléchit et choisit de s’en affranchir, y compris si cela signifie y contrevenir. Sa décision d’action « est forcément motivée par le bénéfice que celle-ci va engendrer. Ce bénéfice peut être de la notoriété, de l’excitation, de la puissance, de la domination, mais il peut aussi et surtout avoir un caractère économique. Ainsi, le « choix rationnel » implique une évaluation « coûts/bénéfices » avant le passage à l’acte criminel. Le choix de passer à l’acte est basé sur une optimisation du résultat pour l’auteur »94 et dépend des opportunités qui se présentent à lui « dans le cadre de ses activités »95.
En 1979, l’auteur Lawrence COHEN et le criminologue Marcus FELSON expliquent que la commission d’un crime nécessite trois éléments : il faut d’une part impérativement, un délinquant capable et motivé, d’autre part des opportunités intéressantes pour l’auteur de l’infraction et in fine, une absence de « gardien » ou de système de protection96.
Dans leur ouvrage Psychologie de la délinquance, les auteurs expliquent qu’« il n’est pas interdit d’imaginer qu’un délinquant soit rationnel en calculant les coûts et les risques de ses actions et en choisissant de les réaliser si le coût estimé est moins élevé que le bénéfice attendu »97. Dans cette criminalité élitiste, l’auteur doit pouvoir peser le pour et le contre en évaluant le rapport « coûts/bénéfices »98 avant son passage à l’acte. Maurice CUSSON considère que le passage à l’acte est stratégique, basé sur des opportunités que la personne va saisir99.
Le phénomène criminel peut être multifactoriel. En effet, celui-ci, par diverses causes peut amener un individu à commettre un acte criminel. La commission a pour conséquence la répression de l’acte, c’est-à-dire l’engagement de la responsabilité pénale.

Le déterminisme : une conception incompatible avec le droit pénal

Le déterminisme est défini comme la « théorie philosophique selon laquelle les phénomènes naturels et les faits humains sont causés par leurs antécédents »101.
Cette notion a été analysée dans de nombreuses études de neurosciences. Celles-ci démontrent que « de multiples facteurs influencent nos décisions. L’idée que nos choix sont libres, et que nous aurions pu dans toute situation agir totalement différemment, pourrait bel et bien être une illusion »102. Ainsi, les facteurs qui déterminent notre développement et font ce que nous sommes, influeraient sur nos choix et limiteraient notre libre arbitre.
Le professeur Jean-Paul DOUCET explique dans le Dictionnaire de droit criminel « une personne possède son libre arbitre lorsque, jouissant de toutes ses facultés mentales et ne faisant l’objet d’aucune contrainte, elle est capable de dominer ses instincts et ses pulsions, d’adopter une conduite rationnelle, et d’agir dans le respect des lois morales et sociales »103. Cette définition s’appuie sur la théorie nietzschéenne du surhomme104 ; mais celui-ci n’existe pas. De facto, il n’existerait pas d’individu possédant son libre arbitre.
Les philosophes, tels que PLATON, PROAL ou encore De LANESSAN, sont partagés sur cette notion. De ce débat il ressort deux camps : il y a d’une part ceux qui nient l’existence du libre arbitre, et d’autre part ceux qui considèrent « que l’homme est normalement maître d’accomplir ou de ne pas accomplir tel acte »105.

L’article 121-1 du Code pénal

L’article 121-1 du Code pénal dispose que « Nul n’est responsable que de son propre fait »111. Ainsi, au regard de celui-ci, nous comprenons que la responsabilité d’une personne physique n’est engagée que lorsque celle-ci a commis un fait dont le lien de causalité est établi avec le dommage. Dans le cas de notre étude il est important de parler de cet article puisque, comme nous l’avons analysé précédemment dans le Chapitre 1 : l’auteur d’infraction est poussé à l’acte par divers facteurs, intrinsèques ou extrinsèques. L’article 121-1 est celui qui engage sa responsabilité personnelle. Ainsi que nous l’avons expliqué, la loi pénale est « d’interprétation stricte » selon l’article 111-4 CP112.
Au regard de ce même Code, nous pouvons comprendre que l’on est responsable « parce qu’on a fauté dans l’exercice de notre volonté libre »113. Ainsi, en appliquant strictement la loi pénale, les comportements de chacun sont conditionnés. Ce que l’on pourrait considérer ici comme un conditionnement est en réalité un ensemble de règles permettant le maintien d’un bon fonctionnement dans la société.
La liberté que notre société offre à chacun, est considérée à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il dispose que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi »114.
Ainsi, en appliquant comme nous l’avons vu précédemment le libre arbitre, le droit pénal considère que la répression d’un individu est répréhensible dès lors que celui-ci a entravé les règles « maximales » de sa liberté, puisque comme l’article le mentionne, cette dernière consiste à « pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Certains professeurs, comme Michael GAZZANIGA, considèrent en cela la responsabilité comme un « contrat social »115. En effet, il explique que selon lui, « nous sommes la loi, nous formulons des règles et acceptons ainsi de les suivre »116.
Cependant, ces dires peuvent être contre argumentés puisque dans le cas où une personne commet une infraction, c’est qu’elle n’accepte en aucun cas de suivre les règles. Ainsi, cette notion de contrat social entre la loi et le devoir de chacun à suivre les règles est relativement complexe à appliquer pour tout.
En nous soumettant aux règles de la société, nous acceptons la punition de nos actes qui dérogeraient aux lois.
La responsabilité du fait personnel est telle qu’elle impose à chaque individu de savoir au préalable que chaque acte qu’il entreprendra sera réprimé par la loi s’il lui est contraire. C’est la raison pour laquelle il est intéressant de comprendre néanmoins l’impact du traumatisme sur la responsabilité du fait personnel. La personne qui a commis une infraction pouvait-elle réellement distinguer le comportement vertueux du comportement fautif ?

L’impact du traumatisme sur la responsabilité du fait personnel

Comme nous l’avons précédemment expliqué, toute personne non atteinte d’une pathologie mentale avérée voit sa responsabilité pénale engagée. En effet, on peut alors essayer de comprendre si en réalité, d’un point de vue criminologique, cette personne arrive à dissocier ce qui relève de l’interdit et ce qui est autorisé.
Ainsi, si l’on prend en compte l’aspect criminologique, peut-on considérer cette question de nécessité dans le passage à l’acte ? Cette idée pourrait-elle être prise en compte ? De plus, il serait intéressant également d’analyser la possible application de causes exonératoires.

La question d’une nécessité de reproduire les faits passés

Si les facteurs favorisant le passage en l’acte sont ancrés en l’individu, peut-on considérer qu’il aurait pu s’y soustraire et respecter la norme ? ou bien s’agit-il d’une nécessité impossible à déroger ?
Ici nous entendons par nécessité ce qui pourrait être qualifié comme un besoin de la part de l’auteur, conditionné par ses traumatismes, à choisir la voie de la criminalité.
Comme il est expliqué dans le cours de Sacha RAOULT, Maître de conférence, il existe des effets du traumatisme de l’étiquetage social dus à la condition humaine. Ces effets sont créateurs d’une tension entre le déterminisme métaphysique qui signifie que « je ne peux pas concevoir qu’il se passe autre chose que ce qu’il se passe »117 et une réflexion sur les choix que les êtres humains ont toujours essayé de simplifier ce que l’on peut appeler « un moi » qui serait tiraillé entre un animal, c’est-à-dire un instinct et la raison. C’est l’application de ces deux pôles qui est donc à l’origine de nos choix. Cependant, en réalité le choix fait est simplement le seul choix possible dans la durée impartie.
Souffrant de ce traumatisme, la personne s’inscrit dans une boucle, créatrice d’une répétition criminelle. Cette répétition criminelle empêche la personne de pouvoir faire un autre choix que celui qu’elle a répété puisque pour elle c’est une nécessité de commettre des actes criminels.
Comme nous l’avons défini dans le Chapitre 1 : certaines caractéristiques voire la combinaison de plusieurs facteurs, peuvent entraîner chez une personne la limite d’un contrôle réactionnel face à certaines situations. Ainsi, la personne peut ne pas réussir à sortir de ce cercle vicieux qui l’amène à passer à l’acte.
Les traumatismes qui l’ont guidée à assouvir ses pulsions peuvent devenir un besoin. Nous pouvons nous appuyer sur cet exemple, « c’était plus fort que moi. Il fallait que je tue. J’étais débordé par mes pulsions. J’ai obéi aux ordres témoignent d’un tiers-lieu »118. L’auteur de l’infraction n’a jamais connu autre chose que ce qu’il a toujours vécu, ainsi, son passé exerce une influence sur son avenir.
Le psychologue Albert BANDURA explique dans sa théorie de l’apprentissage social que celle-ci peut se définir comme « le façonnement de nouvelles conduites par divers processus faisant appel à l’environnement »119. Au regard de ces mots, on comprend donc que les comportements humains peuvent être influencés par nos observations passées et notre vécu, avec le risque de parfois impacter nos choix et notre orientation.
Ainsi, le traumatisme consécutif à certaines caractéristiques issues de l’enfance ou plus révélé plus tard, devrait peut-être avoir une place plus importante au sein du droit pénal. En effet, dans ce domaine, la responsabilité pénale du fait d’autrui120 n’existe pas, ainsi il n’est pas possible de considérer la famille, ou encore les personnes issues du groupe qu’il aurait intégré comme responsable de l’acte criminel qu’il aurait commis individuellement, c’est seulement sa responsabilité pénale qui est engagée. Cependant, il serait intéressant d’analyser si des causes exonératoires peuvent permettre à ces personnes d’avoir une irresponsabilité dans certains cas.

Vers une réinsertion de l’individu

L’objectif principal de la peine est de permettre une réinsertion. Ainsi, pour favoriser celle-ci, l’exécution de la peine doit servir à une resocialisation de la personne condamnée135.
L’article 707 II. du Code de procédure pénale dispose que « Le régime d’exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d’éviter la commission de nouvelles infractions.
Ce régime est adapté au fur et à mesure de l’exécution de la peine, en fonction de l’évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l’objet d’évaluations régulières »136.
Au regard de cet article, le condamné doit fournir un effort dans la reconnaissance de sa responsabilité. Inspiré directement des règles pénitentiaires européennes où est expliqué que « le régime des détenus condamnés doit être conçu pour leur permettre de mener une vie responsable et exempte de crime »137, l’objectif de la peine est de mener à une réinsertion bénéfique pour la personne condamnée qui, lors de sa remise en liberté, devra être respectueuse des règles instaurées dans la société et ne plus commettre d’infractions.
Dans un intérêt de reconstruction, la réinsertion reste néanmoins complexe puisque l’individu qui a commis un acte criminel et qui est resté plusieurs années en prison n’a pas vécu l’évolution sociétale de la même manière que les personnes libres.
Comme elle l’indique, la Fondation de France « soutient les initiatives pour améliorer les chances de réinsertion des personnes condamnées, dans l’intérêt de toute la société »138.
En effet, le but principal est de préparer les détenus dans des projets « constructifs qui les soutiennent et les propulsent vers une vie nouvelle »139. Cependant, la pandémie de la Covid-19 qui a débuté en janvier 2020 en France a eu un impact sur les activités dans le milieu pénitentiaire.
Au regard de ce contexte sanitaire, le programme prison140 a eu un véritable impact dans cette mise en oeuvre durable de réinsertion. Ainsi ce programme propose des expérimentations telles que l’accompagnement fait à la personne à la fin de la détention. En effet, le programme mentionne une préparation de « sa sortie en amont de la libération, puis en aval, par un accompagnement global visant la reconstruction d’un projet de vie »141.
De plus, il est aussi évoqué le soutien et l’accompagnement vers l’insertion sociale « des personnes condamnées à des sanctions alternatives à l’incarcération, comme les Travaux d’intérêt général, les placements à l’extérieur, les projets associés à la détention sous bracelet électronique »142.
La dernière expérimentation proposée est celle qui consiste au maintien du lien social des détenus ainsi que celui des relations avec leur entourage. Le but est de faciliter « les visites familiales dans des conditions dignes et en accompagnant le travail des détenus sur la question de la parentalité »143.
Dans le cas où tous les acteurs du milieu pénitentiaire acceptent de procéder aux expérimentations proposées par la Fondation de France, l’effet produit sera une cohésion d’équipe facilitant une réinsertion durable.
C’est en tenant compte de la fonction sociale de la peine que le juge va pouvoir la déterminer.

La détermination de la peine

« La peine n’est pas proportionnée à la souffrance qu’en éprouverait celui qui doit la subir mais au dommage que le crime fait éprouver à la société ».
L’individualisation de la peine (§1) va permettre de lutter contre la récidive en passant par la réinsertion (§2).

L’individualisation du traitement criminel

On entend par individualisation de la peine, le « système qui consiste à faire varier, pour chaque infraction, la peine d’après la personnalité du délinquant »145.
Alfred Le POITTEVIN, dans son explication de l’individualisation de la peine exprime qu’il existe deux cas. En effet, selon lui « Dans le premier cas, la peine est une sanction proportionnée à la faute du coupable ; elle est comme la rétribution de son crime ; elle prétend faire le juste équilibre avec le fait passé. Dans le deuxième, elle est le remède adapté, en vue du but de sécurité sociale, au danger variable que présentent les activités criminelles : au lieu de rémunérer le fait passé, elle cherche à assurer l’avenir »146. Ce dernier tient donc à montrer que la sanction doit donc être proportionnée à la culpabilité de la personne qui a commis l’infraction criminelle.
C’est à la fin du XIXe siècle que cette idée d’individualisation a commencé à naître. C’est Raymond SALEILLES, considéré comme le père fondateur de cette notion, qui a opéré une distinction fondamentale entre le fondement de la peine et sa mesure. Au sein de son ouvrage L’individualisation de la peine, ce juriste explique qu’« il faut que l’on croie à la responsabilité pour qu’une mesure prise contre un malfaiteur soit une peine, mais l’application de la peine n’est plus affaire de responsabilité, mais d’individualisation. C’est le crime que l’on punit, mais c’est la considération de l’individu qui détermine le genre de mesure qui lui convient »147.
Le Conseil constitutionnel reconnaît tardivement ce terme qu’il consacre définitivement dans sa décision du 22 juillet 2005 n°2005-520, comme un principe découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789148.
Par la suite, la loi n°2014-896 du 15 aout 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, est venue consacrer à son tour le principe d’individualisation au stade du prononcé de la peine. Celui-ci est consacré au sein de l’article 132-1 du Code pénal149. Le juge doit donc prononcer la peine la mieux adaptée à la personnalité de l’auteur et aux circonstances de l’infraction. L’individualisation ne se cantonne pas seulement au prononcé de la peine puisque « elle se poursuit dans la manière dont elle sera exécutée »150.
Le principe d’individualisation de la peine intervient au stade de son exécution. En effet, le JAP analyse le comportement de l’individu au cours de sa détention.
Pour procéder à cette individualisation à ce stade, le JAP s’entoure de plusieurs acteurs151 au moment de la Commission de l’application de la peine, considérée comme « un organe consultatif implanté dans chaque établissement pénitentiaire »152.
Bien qu’aujourd’hui le terme « personnalisation de la peine » soit privilégié à l’individualisation, son objectif est toujours le même : être appliquée dans l’intérêt d’affaiblir les risques de récidive.

La prise en charge pour éviter la récidive

Le psychopathologue et psychanalyste André CIALVADINI, explique en 1999 que la récidive est « la réitération de la judiciarisation d’un nouveau délit ou crime »153.
Pour prendre en charge une personne condamnée pour crime, il est nécessaire d’analyser plusieurs facteurs afin qu’elle ne réitère des actes criminels. En effet, il faut pouvoir évaluer les probabilités d’un risque possible de récidive et comment les prendre en charge.
Pour ce faire, l’analyse de la dangerosité criminologique de l’individu est réellement indispensable. Elle sera en quelque sorte un guide qui identifie, préalablement, les risques de récidive de la personne hors de prison. La maitresse de conférences en psychologie, Astrid HIRSCHELMANN-AMBROSI expliquait en 2011 qu’« il n’y a pas de récidive sans dangerosité préalable »154.
Ici il est intéressant de scinder en deux l’analyse de ladite dangerosité. En effet, la prise en charge faite à l’occasion d’un premier passage à l’acte sera nécessairement différente de celle où la personne aurait récidivé des actes criminels, sources de son passé, et dont la prise en charge n’a eu aucun effet.
Cette analyse au regard de la récidive est alors tournée essentiellement sur une question : est-il concevable pour un individu ayant déjà commis à plusieurs reprises des crimes, d’obtenir réellement une prise en charge efficace qui gommerait en quelques sortes tous les démons de son passé ?
Lorsqu’une personne a commis un crime pour lequel elle est condamnée, le but est donc d’éviter qu’à l’avenir elle entrave aux règles établies dans la société et prévues par le législateur. À ces fins, l’évaluation de la dangerosité criminologique est primordiale puisque celle-ci vise à vérifier « la probabilité que présente un individu de commettre une infraction »155.
Afin d’analyser sa personnalité et sa capacité à passer une seconde fois à l’acte, il est nécessaire qu’un psychiatre procède à une expertise psychiatrique ainsi que des expertises médico-psychologiques. Cependant, il n’en reste pas moins qu’une personne ayant commis un acte criminel peut, lors de l’expertise psychiatrique, ne pas avoir de dangerosité psychiatrique. En effet, une personne peut avoir une dangerosité criminologique sans disposer de troubles mentaux, qui auront ainsi pour conséquence une dangerosité psychiatrique. Ceci s’explique par le fait que la dangerosité criminologique « relève non de la démarche diagnostique mais de l’évaluation pronostique »156. Ainsi, la dangerosité psychiatrique relèverait d’un diagnostic.

L’impact de la folie sur la rationalité

Il est possible parfois que les pathologies mentales jouent sur le passage à l’acte (Section 1). Cependant, il est nécessaire qu’un professionnel, et plus particulièrement, l’expert psychiatre le confirme lors de son expertise (Section 2)

Maladies mentales et rationalité

L’objet de cette étude des maladies mentales est d’examiner plus particulièrement la schizophrénie (§1) ainsi que la psychose paranoïaque (§2). Toute deux étant des maladies mentales dont les manifestations sont de nature à créer des troubles psychotiques susceptibles d’entraîner une personne à commettre un acte criminel.

La schizophrénie

Faisant partie des psychoses chroniques, la schizophrénie a été inventée en 1908 par Eugen BLEULER. Cette maladie psychiatrique regroupe des affections et est évolutive avec les années165. Touchant entre 0,6 et 0,8% de la population générale, la schizophrénie se manifeste généralement entre 15 et 25 ans.
Le manuel DSM-V explique que cette maladie est caractérisée par « la psychose (perte de contact avec la réalité), des hallucinations (fausses perceptions), des idées délirantes (fausses convictions), un comportement et une parole désorganisés, une affectivité lisse (gamme des émotions réduite), des déficiences cognitives (détérioration du raisonnement et de la capacité à résoudre des problèmes) et un dysfonctionnement social et professionnel. La cause est inconnue, mais il existe des preuves fortes en faveur d’une composante génétique et environnementale »166.

L’explication de la maladie

Considérée comme une maladie plurifactorielle, elle peut naitre d’une interaction entre les gênes et l’environnement 167. Cette maladie n’apparaît jamais de manière brutale, comme l’Institut national de la santé et de la recherche médical l’explique, elle débute généralement par « des symptômes atténués souvent peu spécifiques, associés à des difficultés cognitives.
Ces symptômes annonciateurs ou « prodromiques »168, correspondent à un état mental à risque d’évolution vers un trouble psychotique »169.
Souffrant de troubles paranoïdes, le schizophrène ne va pas réussir à distinguer le vrai du faux puisque les troubles qui l’occupent « se caractérisent par une tendance omniprésente à la méfiance et à la suspicion injustifiées des autres qui mène à interpréter leurs motifs comme malveillants »170. En effet, comme nous l’avons précédemment vu au sein de la définition du manuel MSD-V, ces troubles entraînent une désorganisation totale chez le sujet.
Bien que la maladie mentale ne soit pas automatiquement liée au passage à l’acte, une dangerosité psychiatrique peut être présente chez les individus atteints de schizophrénie. En effet, la Haute autorité de santé a établi en décembre 2010171 une étude sur ce sujet. Certains médecins définissent cette notion comme « la capacité d’un individu ou d’un groupe à présenter un risque de violence et de transgression, physique ou psychologique, ou encore une disposition, dans un contexte donné, à passer à l’acte d’une manière violente et transgressive »172.
Par l’analyse de la schizophrénie de type paranoïde, nous avons vu la portée du syndrome délirant sur le passage à l’acte criminel.

Le passage à l’acte criminel

L’homicide est considéré au sein de l’article 221-1 CP173 comme « le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre ». De plus, il y a également l’homicide involontaire prévu à l’article 221-6174 du même Code ainsi que l’assassinat considéré comme un meurtre fait avec préméditation (article 221-3175).
Bien que tous les schizophrènes ne soient pas des meurtriers, il y en a néanmoins qui peuvent être dangereux. En effet, comme il est mentionné dans une étude de cas, « dans 86 % des cas, une psychopathologie délirante motivait l’acte homicide du schizophrène »176. De plus, comme nous le savons, une dangerosité psychiatrique existe chez les personnes atteintes de schizophrénie. En effet, « la présence d’une maladie mentale chez un sujet est largement considérée comme un facteur aggravant la dangerosité d’un délinquant par les magistrats, par les autorités et par le public »177.
C’est à travers des faits produits en 2004 que nous pouvons illustrer le passage à l’acte possible d’une personne atteinte de schizophrénie. Dans cette affaire, appelée le « Drame de Pau », Romain DUPUY, un patient atteint de schizophrénie a perpétré un double meurtre, celui d’une aide-soignante ainsi que celui d’une infirmière.
Cette affaire a connu une forte médiatisation car ledit auteur des faits avait procédé à une décapitation sur l’une des victimes.

Une méfiance omniprésente

L’individu atteint de paranoïa est méfiant face à toute personne qui souhaite entrer en contact avec lui. Persuadé de l’existence d’un complot contre lui, il va chercher à se défendre. En effet, « cette conspiration » va entretenir une culture paranoïaque puisque le complot considéré comme moteur essentiel de la paranoïa, « condense persécution et grandeur mégalomaniaque : cible d’une conspiration spécialement dirigée contre lui, le paranoïaque occupe la position d’exception du « seul contre tous »191.
En nourrissant ses pensées obsessionnelles provenant de sa rigidité psychique192, l’individu va sans cesse analyser la moindre action d’autrui, la moindre parole afin d’être certain que l’on ne puisse lui causer de préjudices. Quelques fois, le paranoïaque devancera la personne qu’il pense lui vouloir du mal et lui causera lui un préjudice, pour ne pas avoir à le subir lui-même.
C’est à travers toutes ces obsessions que les délires entraînent de fausses croyances et notamment à l’égard de la justice. En effet, la personne atteint de ce type de troubles va avoir tendance à voir la justice comme un objet de passion. De plus, s’ajoute une difficulté car « en vertu de sa pathologie, il invoque la justice comme il la pense et désire qu’elle soit : uniquement comme un prolongement narcissique de lui-même »193.
Se qualifiant comme justicier et seule personne capable d’assurer la loi, il en vient à passer à l’acte lorsqu’il estime que cela est nécessaire. Ses idéaux lui font penser qu’il est un sauveur qui doit faire régner la justice quitte à passer à l’acte. En cas de passage à l’acte, il ne se considèrera pas comme auteur mais plutôt comme victime. Il invoquera toujours une justice légale comme le pourrait un avocat pénaliste194 qui par passion pour la justice, développerait des troubles paranoïaques l’empêchant d’être rationnel dans certaines situations.
Cependant, le passage à l’acte peut être également dû à une réaction agressive causée par une sensation d’obligation de devoir commettre cet acte. Dans l’exemple des soeurs Papin de 1933, le docteur Jacques LACAN retenait le cas de la paranoïa195 et confirmait que des réactions agressives pouvaient amener à commettre des meurtres. Cette agressivité est source de violence et un élément rupture entre les impulsions et le contrôle de soi. 192 BILHERAN, Ariane. « Chapitre 3. Le délire paranoïaque », Psychopathologie de la paranoïa. sous la direction de BilheranAriane. Dunod, 2019, pp. 65-161.
Dans cet exemple, le passage à l’acte était également dû à un délire d’interprétation qui entrainait chez lesdites soeurs un sentiment de persécution. Celui- ci explique que « le délire est ici considéré comme un effort rationnel du sujet pour expliquer ces expériences, et l’acte criminel comme une réaction passionnelle dont les motifs sont donnés par la conviction délirante »196. Comme le docteur LACAN l’a expliqué précédemment, « l’effort rationnel » du sujet le pousse en réalité à commettre un acte irrationnel puisqu’il passe à l’acte en raison de plusieurs délires.
Ce qui peut également justifier la perte de la rationalité dans le cas de la paranoïa est l’impulsivité. Le psychiatre Jean-Luc SENNINGER197, considère que l’impulsivité est une partie intégrante de chaque personnalité. Cependant, celle-ci est plus exacerbée dans le cas où l’individu se trouve dans des situations désorganisées pour lesquelles sa paranoïa l’empêche de faire confiance à autrui.
L’analyse de ces deux exemples de maladies mentales, qui causent une irrationalité de la personne dans son passage à l’acte, nous questionne sur la manière dont les experts prouvent la présence d’une maladie mentale au moment des faits.

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Table des matières

PARTIE 1 : LE PASSAGE A L’ACTE EN ABSENCE DE PATHOLOGIE MENTALE AVEREE 
CHAPITRE 1 : LES CAUSES DU PHENOMENE CRIMINEL
Section 1 : Les caractéristiques intrinsèques à l’auteur dans le passage à l’acte
§1 : Les facteurs familiaux
A) L’attitude parentale
B) La transmission intergénérationnelle
§2 : Les facteurs personnels de vulnérabilité
A) Les difficultés du développement de l’enfant : des carences affectives
B) Les troubles dans la structuration de la personnalité
Section 2 : Les caractéristiques extrinsèques à l’auteur lors du passage à l’acte
§1 : Les facteurs sociaux
A) Les groupes culturels
B) L’application de l’anomie
§2 : Les facteurs économiques
A) La pauvreté
B) Un choix rationnel : des opportunités criminelles
CHAPITRE 2 : LES CONSEQUENCES DU PASSAGE A L’ACTE
Section 1 : L’engagement de la responsabilité pénale du fait personnel
§1 : Responsabilité du fait personnel
A) Le déterminisme : une conception incompatible avec le droit pénal
B) L’article 121-1 du Code pénal
§2 : L’impact du traumatisme sur la responsabilité du fait personnel
A) La question d’une nécessité de reproduire les faits passés
B) Les causes exonératoires
Section 2 : L’application de la peine
§1 : Les fonctions de la peine
A) L’article 130-1 du Code pénal
B) Vers une réinsertion de l’individu
§2 : La détermination de la peine
A) L’individualisation du traitement criminel
B) La prise en charge pour éviter la récidive
PARTIE 2 : L’EXPLICATION D’UN PASSAGE A L’ACTE EN CAS DE POSSIBLE PATHOLOGIE MENTALE
CHAPITRE 1 : L’IMPACT DE LA FOLIE SUR LA RATIONALITE
Section 1 : Maladies mentales et rationalité
§1 : La schizophrénie
A) L’explication de la maladie
B) Le passage à l’acte criminel
§2 : La psychose paranoïaque
A) Une perception extérieure malveillante : les délires
B) Une méfiance omniprésente
Section 2 : La preuve de la maladie mentale : l’expertise psychiatrique
§1 : Le diagnostic
A) La clinique de la parole
B) L’évaluation de l’état psychique au moment des faits : le discernement
§2 : L’évaluation de la dangerosité
A) Les facteurs de risque de violence hétéro-agressive : une dangerosité psychiatrique
B) Le rôle du psychiatre dans l’évaluation de la dangerosité criminologique
CHAPITRE 2 : L’EVALUATION DE LA RESPONSABILITE PENALE AU REGARD DE LA FOLIE
Section 1 : L’abolition et l’altération du discernement
§1 : L’abolition ou l’altération involontaire du discernement : la disparition instantanée du caractère criminel de l’acte
A) Une action criminelle inconsciente
B) L’application de l’article 122-1 du Code pénal
§2 : La prise volontaire de substances psychoactives
A) L’exemple de l’alcool et du cannabis
B) Une responsabilité pénale qui s’affirme grâce à la jurisprudence : l’affaire Sarah Halimi
Section 2 : Une prise en charge différenciée : l’application de la responsabilité pénale d’une personne atteinte d’une pathologie mentale
§1 : La prise en charge des personnes déclarées irresponsables pénalement
A) Les soins sans consentement
B) La place des unités pour malades difficiles
§2 : La prise en charge des personnes déclarées responsables
A) Les soins psychiatriques
B) Les structures hospitalières psychiatriques des détenus et parcours d’exécution de la peine
CONCLUSION

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