Le parlement de Bretagne et la réglementation du port d’armes 

Les arrêts sur remontrance du parlement : un relais de la législation royale

Par essence, l’objet de l’arrêt de règlement, quelque sujet qu’il puisse traiter, est de « compléter ou d’éclairer la loi du roi, voire même de pallier son absence, mais en aucun cas il ne peut aller à l’encontre du texte législatif »60. De fait, il existe une forte relation entre la loi royale et l’arrêt de règlement, qualifiée par Philippe Payen de « coopération administrative »61. La question du port d’armes s’insère dans ce moule. Les déclarations royales trouvent un écho en province grâce, notamment, aux parlements qui peuvent à la fois, utiliser leur droit d’enregistrement et développer une réglementation respectueuse des textes normatifs royaux. Droit d’enregistrement et pouvoir réglementaire permettent de faire connaître la loi royale et les arrêts du parlement. Par ces deux biais, les cours ont bien pour vocation de transmettre aux villes, bourgs et villages les décisions de police générale émanant du pouvoir royal.
À de nombreuses reprises, le parlement de Bretagne fait enregistrer et publier les actes royaux qui interdisent le port d’armes. C’est le cas de l’ordonnance de Moulins du 12 février 1566 qui défend le port des arquebuses, pistolets et bâtons à feu ; elle est publiée le 4 mars suivant. La même démarche vaut pour l’édit du 4 août 1598 publié le 26 dudit mois, pour la déclaration de mai 1606, publiée le 20 juin suivant64 ou pour l’édit du 12 septembre 1609 publié le 25 septembre :
« Ont esté veues la grand chambre et Tournelle assemblees les lettres patentes du roy donnees a Paris le douziesme de ce moys (…) portant deffences a touttes personnes de ce royaume de quelque quallité et condition qu’ilz soient mesme a ceulx ausquelz est permis de porter armes a feu, d’achepter ne porter de petitz pistolletz soit en la pochette ne aultrement cachez ou a descouvert ne s’en ayder ou servir ne fabriquer ne d’en faire venir des pais estrangers comme plus amplement est porté par lesdites lettres et sur les peines contenues en icelles conclusions du procureur general du roy (…). A esté arresté que lesdictes lettres seront leues, publiees et anregistrees et coppie d’icelles envoyees aux sieges presidiaux et royaux de ce ressort pour y estre pareillement leues et qu’elles seront publiees a son de trompe et cry publicq aux carrefourgs de ceste ville et aultres lieux de ceste province ».
Il n’y a pas de réticence de la part de la cour souveraine à faire enregistrer ces édits contre le port d’armes. Ceci intervient rapidement – en général moins d’un mois – après leur publication à Paris.
La réglementation de la cour souveraine reprend en grande partie les ordonnances royales, même si les parlementaires peuvent les intégrer subtilement à leur activité réglementaire. Entre 1554 et 1789, les références à la législation royale s’égrènent dans les arrêts de règlement mais demeurent imprécises. Il s’agit surtout de rappeler l’existence des « edictz de sa maiesté »66. Mais le rappel s’accompagne souvent d’interdictions. Certaines fois, notamment dans la première moitié du XVIIe, les arrêts se réfèrent uniquement à la législation royale : le 30 mars 1602, un arrêt de la cour interdit de porter « harquebuzes, pistolles ny aultres armes a feu prohibees et deffandues par les edictz et ordonnances du roy […] sur les peines portees par lesdits edicts et ordonnances ». Ce type d’arrêts est surtout un rappel de la loi royale. Les « aultres armes a feu prohibees » et les peines ne sont pas précisées, comme pour signifier que les interdictions royales sont censées être connues par la population. Les arrêts n’entrent pas dans le détail des peines, et ne font que les approuver. Ce sont les juges qui doivent les fixer et agir selon la gravité des cas. L’arrêt du 16 septembre 1608 s’appuie sur les édits royaux précédents pour autoriser des exemptions à l’interdiction du port d’armes à feu : « deffenses a toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soint autres que ceux ausquels il est permis par les edicts du roy de porter pistollets et autres armes a feu sur peyne de la vye. »Là aussi, les personnes exemptées sont censées être connues. De fait, outre que l’incrimination royale existe depuis le milieu du XIIIe siècle, les nombreux édits royaux de la seconde moitié du XVIe siècle ont conduit à une acculturation juridique de la part de la population, même si les rapides changements législatifs au cours des guerres de religion ont pu semer le trouble dans les esprits. En tout cas, dès la fin du Moyen Age, le port de l’épée par la noblesse est toléré et assimilé par le reste de la population69. Dans ces deux exemples, comme dans plusieurs autres, la date de ces « edicts du roy » est absente. Ce qui est problématique avec ces références imprécises, c’est la question de l’acculturation, de la connaissance par les individus, des textes normatifs du roi ou du parlement. Quand ce dernier renvoie succinctement à la législation royale, faut-il entendre que la population la connaît réellement, y compris dans les campagnes, ou bien, que ce n’est qu’une estimation des parlementaires pour qui la population est au courant des lois, alors que ce n’est peut-être pas le cas ? Il est difficile de répondre en ne s’appuyant que sur des textes réglementaires. Ainsi, le parlement se place sous l’égide de la législation royale, non sans rappeler le rôle des arrêts.
En effet, parallèlement à l’unique référence royale, les parlementaires y ajoutent en plus une mention des précédents arrêts, toujours imprécise d’ailleurs : le 24 mai 1630, « l’advocat general du roy entré en la cour a remonstré que par les edicts du roy, arrests et reglemens de la cour il est deffendu à toutes personnes de qualité non noble de porter armes à feu » ; le 9 mai 1663, les « ordonnances et arests de laditte cour » ne s’avèrent pas efficaces pour empêcher les personnes de « basse condition » de porter des armes71 ; le 30 juin 1767, face aux désordres constants provoqués par le port d’armes, l’avocat général Le Prestre s’apitoie sur le rôle des lois : « en vain les ordonnances de nos rois, les arrêts et règlements, toutes les lois d’une sage police ». Ces exemples illustrent la manière dont le parlement donne de la valeur à ses arrêts, grâce à la juxtaposition dans la phrase entre « ordonnances royales » et « arrêts de la cour », ce qui tend à laisser voir une sorte d’égalité de valeur entre l’ordonnance royale et l’arrêt de règlement, ou du moins une importance de ce dernier en ce qui concerne le maintien de l’ordre public. Grâce à cette juxtaposition, il s’agit de rappeler l’existence et la force des arrêts du parlement, qui ne sont pas confondus dans la législation royale mais conservent une existence parallèle et complémentaire. Ce n’est qu’à partir des années 167073 que les dates des textes normatifs utilisés comme référents sont mentionnées, même si cela reste rare jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Enfin, à plusieurs reprises, le « système de référence » ne fait allusion qu’aux arrêts de la cour et éclipse la législation royale : en mai 1679, le procureur général du roi se plaint du port d’armes des écoliers qui se fait « au prejudice de plusieurs arrests, entr’autres d’un du 3e aoust 1676 » ; en 1682, des abus se commettent « au preiudice des arrests et reglements qui ont esté si souvent reiteres au sujet de la chasse et du port d’armes ». Il ne faudrait pourtant pas y voir une sorte d’ « autonomisation » de la réglementation parlementaire, mais plutôt une mise en avant de son autorité comme pour signaler que la cour se base aussi sur d’anciens arrêts qui ont porté sur le port d’armes. La législation royale est habilement intégrée par la cour. Au fil des décennies, les trois « systèmes de référence » se combinent et se succèdent, ce qui permet le lien entre loi royale et réglementation parlementaire.
Au-delà des seules références, les contenus des interdictions se ressemblent fortement, basées sur les mêmes thématiques comme l’interdiction du port d’armes aux écoliers et domestiques, la défense pour les roturiers de chasser et de porter une arme à feu, l’interdiction des armes dites « secrètes » comme les pistolets de poche. De même la cour ajuste la sévérité des peines en fonction des évolutions des actes royaux, nous y reviendons. La « coopération administrative » fonctionne donc pleinement. Parfois, le parlement de Bretagne reprend presqu’à l’identique une déclaration royale récemment publiée. L’ordonnance de septembre 1700 est par exemple reprise dans l’arrêt du parlement de Bretagne du mois suivant. Il s’agit de faire défense « à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient de porter,soit de jour ou de nuit, sous pretexte de défenses ou seureté de leurs personnes, aucunes épées, pistolets ou autres armes à feu, à l’exception des gentilshommes faisant profession des armes, officiers et autres qui ont droit par leurs charges ou emplois, de porter des armes ». Mais le plus souvent, ce n’est pas tant la publication des actes royaux que les désobéissances à la réglementation qui motivent la cour à promulguer un arrêt.

À l’échelle de la province : le parlement face aux autres institutions

Quel rôle du parlement au XVIe siècle ?

La production réglementaire en matière de port d’armes n’est effective qu’à partir du début du XVIIe siècle, comme si la fin des guerres de la Ligue constituait un sursaut qui mettait le parlement sur les rails de la réglementation continue jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. La question du port d’armes semble bien relever d’un monopole, inclus dans le pouvoir de « police générale », soigneusement gardé par la cour. La critique de l’ordonnance du duc de Duras en 1769 en est une preuve. Mais dans la seconde moitié du XVIe siècle, seuls quatre arrêts ont été édictés. Outre l’idée de la perte de certains arrêts, il faut prendre en compte le rôle du gouverneur de la province qui tient une place essentielle pendant les guerres de religion puisque ce dernier possède également durant cette période la compétence pour réglementer le port d’armes. La prérogative ne revient pas seulement au parlement.
Cela pourrait expliquer les mesures de désarmement prises dans les années 1560 par le duc d’Étampes. La première disposition date de 1560 quand Bouillé souhaite confisquer les armes des Nantais pour les garder au château. Les bourgeois protestent alors et, s’ils approuvent d’être désarmés, obtiennent la possibilité de faire le guet. Une grande partie des armes est confisquée mais en 1561, la mesure de désarmement est annulée, et les armes sont rendues à la milice bourgeoise.

Le parlement, l’intendant et le commandant en chef de Bretagne : l’affaire du désarmement de 1769

Le contenu de l’ordonnance de 1769

Au XVIIIe siècle, les seigneurs font de plus en plus souvent appel aux instances supérieures pour réclamer le désarmement des paysans. C’est alors que l’on voit se manifester l’intendant, le commandant en chef de Bretagne et même le roi. Le 31 janvier 1757, un seigneur local, le sieur de la Bouetardaye se plaint au parlement qui décide alors de faire interdire le port d’armes et la chasse aux « personnes de condition commune ». Mais d’autres seigneurs ne s’adressent pas au parlement. En 1738, le duc de Lorges porte sa requête à M. de Saint-Florentin pour faire « desarmer les riverins de la forest du duché de Quintin parce qu’ils font un grand degast de gibier ». Ce dernier s’adresse alors au subdélégué de la juridiction de Saint-Brieuc qui ne s’y oppose pas et propose de « remettre aux particuliers leurs armes, dans les occasions du service de majesté »98. Dès lors, le roi, contrairement à l’avis de l’intendant, promulgue une ordonnance le 4 septembre qui enjoint de faire confisquer les armes de ces habitants.
Le 3 mars 1769, l’ordonnance du duc de Duras, commandant en chef de Bretagne, ordonne le désarmement des campagnes. Les habitants ont alors interdiction de garder des armes à feu chez eux et doivent les déposer dans un lieu préconisé par les syndics ou généraux de paroisse. De même, et c’est d’ailleurs ce qui constitue la nouveauté de l’ordonnance, les milices garde-côtes sont désarmées : les habitants assujettis à ce service doivent déposer leurs fusils et autres armes à feu dans des dépôts établis à cet effet. Ces dernières doivent être rendues aux miliciens « dans l’occasion », c’est-à-dire, soit en cas d’exercice ou bien d’une attaque. La disponibilité des armes à feu aux mains des miliciens chargés de la surveillance des côtes constitue, pour le commandant en chef, un des piliers des désordres et violences. La maréchaussée doit procéder au désarmement en se rendant dans les différentes paroisses.
Pour autant, nous n’avons pu retrouver aucune des lettres écrites par ces capitaines. La correspondance traduit surtout un sentiment d’inquiétude de la part des autorités locales ou des généraux de paroisse. Mais la première réaction est celle de l’avocat général du parlement Le Prestre qui pointe du doigt le problème de légitimité du duc de Duras pour promulguer une telle ordonnance et réaffirme la compétence et l’autorité du parlement en matière de « police générale », dont la réglementation des armes fait partie. Ensuite, la critique porte sur le contenu de l’ordonnance puisque Le Prestre se révèle hostile au désarmement total de la population. « En punissant l’abus des fusils [dans l’arrêt de juin 1767], la cour a conservé aux citoyens la liberté de garder chez eux des armes deffensives » pour qu’ils puissent se défendre face aux voleurs, en particulier dans les fermes isolées. De même, les dégâts que causent les « chiens enragés » constituent un « nouveau motif pour autoriser les fusils qui ne doivent être mis en oeuvre que pour ces occasions ». Pourtant, les arrêts de règlement de 1767, y compris les précédents, ne comportent aucune permission de détention d’armes. Outre le fait de condamner les roturiers qui usurpent le statut nobiliaire en portant illégalement l’épée et le brigandage, les arrêts du 30 juin et du 30 juillet (identiques) s’attaquent au port d’armes à feu par « les habitants de la campagne » :L’arrêt du parlement du 10 décembre 1767, reflet d’une impuissance parlementaire à faire exécuter l’interdiction du port d’armes, se voit dans l’obligation, suite à diverses plaintes, de réitérer l’arrêt du 30 juillet. À travers ces arrêts, la cour dénonce le port des armes à feu qui conduit à des mauvais usages (chasse, violences). Il faut aussi lire ce qui se cache derrière les lignes : la détention d’armes, par opposition au port d’armes (hors de chez soi) dénoncé, est autorisée mais de manière implicite. Cette séparation entre détention et port d’armes est présente dans l’esprit de Le Prestre quand il écrit au duc de Duras. Pourtant, le terme « armes deffensives » est moins compréhensible. Durant le Moyen Âge, les armes défensives sont pendant longtemps les épées et les couteaux (armes qui servent à la défense quotidienne ; les armures sont considérées comme des armes offensives car elles relèvent du matériel de guerre et témoignent de la volonté d’attaquer)113, mais prennent un sens nouveau au XVe siècle, englobant alors les armures, boucliers et casques, sens que l’on connaît aujourd’hui. Mais l’avocat général du roi tend à considérer le fusil comme une arme défensive. Ici, le terme de « deffensives » doit être compris au sens large, celui de légitime défense. Le Prestre associe bien armes défensives à détention d’armes et condamne le port de ces armes, qui ne sont alors plus considérées comme défensives. Ainsi, il s’offusque d’une ordonnance liberticide de par son aspect trop rigoureux qui fait interdire la détention d’armes à feu dans les campagnes.
Trois jours plus tard, le 19 avril 1769, le duc de Duras répond à l’avocat général du roi. Il défend les mesures qu’il a prises et place son ordonnance dans la droite ligne des dispositions royales et des arrêts du parlement, notamment ceux de 1767. Du fait qu’elles soient « presque toujours en mauvais état », les armes à feu ne permettent pas d’assurer la sûreté des paysans. Le danger des « chiens enragés » pointé par l’avocat général est négligé par le duc de Duras qui, pour lui, n’est qu’un « inconvénient rare et qui ne peut entrer dans aucune comparaison avec ceux du braconnage, de la contrebande à main armée et des vols de grands chemins ».

Les plaintes des autorités locales

D’autres voix s’élèvent contre l’ordonnance du duc de Duras, à l’exemple de Bergevin, subdélégué de Brest qui a fait publier l’ordonnance mais n’en réprouve pas moins le désarmement des « bons laboureurs et menagers de campagnes ». Sans défense, ils craignent que leurs bestiaux soient « désormais à la mercy du loup ; et d’un autre [côté] que les campagnes etant depuis quelque tems infestées de voleurs nocturnes, leurs maisons courent [le] risque d’estre enfoncées, leurs biens pillés et leurs vies en danger. »117 Le général de Plouguiel écrit également au duc de Duras et dresse la liste des inconvénients qui procèdent du désarmement des habitants des campagnes : les vols et meurtres, les loups, la crainte des descentes anglaises, les blés après la récolte qui sont disposées sur « les aires » dont la surveillance armée repoussait les voleurs ; les armes sont nécessaires aussi contre les corbeaux, les animaux enragés. Le général de Minihy reprend les mêmes arguments pour établir sa réclamation.
La multiplicité des plaintes conduit le duc de Duras à atténuer la rigueur de son ordonnance. Il en évoque l’idée dès le 24 avril dans une lettre à l’intendant d’Agay où il propose de « donner gratuitement des permissions particulieres de garder des fusils à ceux des habitans de la campagne, tels que les menagers un peu considerables, aux fermiers, à ceux qui ont des manufactures et d’autres etablissemens. Je ne vois point de danger à laisser des armes aux bons habitans dont la conduite n’est pas suspecte, et qui ont quelque chose à perdre. Elles ne sont dangereuses que dans les mains du journallier et de celuy qui peut en quelque sorte en abuser impunément. »La possession des biens ou la fortune représente le critère principal pour autoriser la détention d’armes. Le 26 avril, l’intendant d’Agay, s’il approuve le désarmement, préconise une certaine souplesse dans son exécution. Il reprend cette vision duale, déjà présente dans la déclaration du duc de Duras, mais aussi chez la majorité des élites, y compris le roi, qui consiste à séparer « bons », c’est-à-dire ceux qui possèdent des richesses et « mauvais » sujets. De fait, l’intendant souhaite que soit appliqué le « desarmement de tous les mauvais sujets et gens suspects ». Dans la même lettre, d’Agay se range du côté du duc de Duras qui a entièrement le « droit […] de rendre de pareilles ordonnances sans blesser la juridiction du parlement ». C’est le 27 mai que le duc de Duras décide officiellement de desserrer l’étau trop rigoureux de son ordonnance. Les personnes qui travaillent dans l’industrie toilière peuvent conserver leurs armes afin de veiller « à la sureté des marchandises exposées en plain air. ». Il en va de même pour les commerçants voyageurs. De manière générale, le commandant en chef de Bretagne autorise que soient armés les habitants aisés et propriétaires. En reprenant les propos de Philippe Hamon, l’objectif est « un désarmement général fondé sur une approche de classe au service de la défense des possédants ». En revanche, les exceptions ne doivent pas faire oublier que le désarmement doit être effectif pour un grand nombre de personnes.
Ainsi, le parlement a pu considérer l’ordonnance du duc de Duras du 3 mars 1769 comme une atteinte à son autorité, à sa compétence en matière de police générale, dans un contexte – l’Affaire de Bretagne – d’exacerbation de tensions politiques entre les autorités provinciales124. Pour autant, aucune lettre de l’avocat général Le Prestre n’a pu être trouvée après l’assouplissement de l’ordonnance par le commandant en chef de Bretagne. Nous ne disposons donc pas de réaction du parlement après les premiers mois de son application. D’ailleurs, dans les arrêts de la cour souveraine postérieurs à 1769, jamais l’ordonnance du duc de Duras n’est évoquée, signe manifeste d’une concurrence non admise et rejetée par la cour. Cette ordonnance semble n’avoir jamais existé si l’on s’en tient à la seule lecture des arrêts sur le port d’armes. À l’inverse, le duc de Duras prétend être compétent et se baser sur une criminalité encore endémique selon lui pour que soit légitime cette ordonnance. Ajoutons que l’intendant se range du côté du duc de Duras. Finalement, la question de la concurrence se jauge en fonction des différents points de vue. Sur le fond, si l’on tient compte de l’assouplissement de l’ordonnance, cette dernière se rapproche à grands pas des arrêts de la cour, même si une rupture demeure, celle de la détention d’armes autorisée par la cour de manière implicite alors qu’elle est récusée par le duc de Duras. Faute de temps, nous n’avons pas pu regarder au plus près la correspondance et les mesures prises par l’intendant (arrivé en 1689 en Bretagne) et le commandant en chef. Aussi, cette affaire de désarmement autour de l’ordonnance du duc de Duras ne peut résumer dans sa globalité les relations entre ces différentes autorités (parlement, commandant en chef, intendant), mais simplement en révéler le climat existant à la fin des années 1760.

Parlement et municipalités

Par le biais des ordonnances et sentences de police, les municipalités participent au maintien du bon ordre en ville et la question du port d’armes fait partie intégrante de la diversité des objets de police dont elles ont la charge de s’occuper. Pour autant, elles demeurent subordonnées au pouvoir réglementaire du parlement et à la législation royale. De fait, une ordonnance de police sur le port d’armes ne doit en aucun cas contredire les arrêts de la cour ni innover en matière de droit. L’autorité réglementaire est exclusivement réservée au parlement et les municipalités ne peuvent qu’exécuter ou imiter les arrêts de la cour. D’ailleurs, le procureur général possède un droit de regard important sur les ordonnances de police. Il en est un des principaux maîtres d’oeuvre comme l’explique Philippe Payen : « nombre d’ordonnances sont prises à son instigation sans que, bien évidemment, les textes en portent trace ». Par son devoir de maintien de l’ordre dans la province, le procureur général veille à la cohérence des mesures locales. Outre leur fonction de conservation de la sûreté publique, les municipalités, grâce aux ordonnances de police qu’elles promulguent, portent à la connaissance des habitants les lois et règlements qui émanent des autorités supérieures bien souvent en les rappelant. L’ordonnance de police de Rennes du 24 octobre 1761 réitère l’interdiction du port d’armes aux roturiers, de tenir des académies de jeux et de donner à boire après les heures défendues. Elle fait également exécuter les « ordonnances, arrets et reglements concernant la sureté des villes et le bon ordre »130. En 1754, concernant la ville de Brest, l’article 16 de l’ordonnance générale de police se réfère à l’arrêt du parlement d’octobre 1744.

 

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Table des matières

Introduction
I. À la base de ce travail : les arrêts sur remontrance du parlement
II. Faire l’histoire des armes
Partie I – Le parlement de Bretagne et la réglementation du port d’armes 
Chapitre 1 – Réglementer le port d’armes : quelle prérogative pour le parlement ? 
I. Une législation à répétition : édits royaux et arrêts du parlement
1. Le port d’armes : un cas d’abord royal
1.1. La période des guerres de religion ou l’apogée de la législation du port d’armes
1.2. Une complexification aux XVIIe et XVIIIe siècles
2. Les arrêts sur remontrance du parlement : un relai de la législation royale
II. À l’échelle de la province : le parlement face aux autres institutions
1. Quel rôle du parlement au XVIe siècle ?
2. Le parlement, l’intendant et le commandant en chef de Bretagne : l’affaire du désarmement de 1769
2.1. Le contenu de l’ordonnance
2.2. Les différentes oppositions
2.2.1. Le refus de concurrence de Le Prestre de Châteaugiron, avocat général du roi
2.2.2. Les plaintes des autorités locales
3. Parlement et municipalités
III. Le parlement de Bretagne et les interdictions du port d’armes : dénombrer, répéter, diffuser, localiser
1. Évolution du nombre d’arrêts
2. La production réglementaire répétée : simple reflet d’une « inobservation généralisée »
3. Diffuser les interdictions du port d’armes
4. Géographie des arrêts
CHAPITRE 2 – Un moyen de contrôle de la population 
I. L’interdiction du port d’armes aux roturiers
1. En ville : une nébuleuse urbaine à contrôler
2. L’exemple des domestiques et des écoliers
2.1. Les domestiques
2.2. Les écoliers
2.3. Écoliers et domestiques en armes : la responsabilité des hôteliers et des maîtres
3. Les autres interdictions
3.1. Les défenses générales
3.2. Chasse et interdiction du port d’armes
II. Port d’armes et attroupements : le problème des groupes armés
1. Présentation de la législation royale
2. Les condamnations du parlement de Bretagne
2.1. Le cas des nobles et des gens de guerre au début du XVIIe siècle
2.2. Encadrer le monde « civil »
III. Les autorisations de port d’armes
1. Nobles, officiers et militaires : entre exceptions à la règle et interdictions
2. Le port d’armes autorisé aux roturiers : un « privilège » temporaire
2.1. La chasse aux loups
2.2. Les habitants en armes pour les arrestations
2.3. Prises d’armes et levées de communes
CHAPITRE 3 – Les armes condamnées 
I. Étude lexicale de l’incrimination du port d’armes
1. L’expression « port d’armes »
2. « Prohibées », « offensives », « défendues » : qualifier les armes
3. Porter et détenir des armes
II. Porter quelles armes ?
1. Les évolutions générales
2. Les armes blanches
2.1. Un matériel de guerre en désuétude
2.2. Les autres armes blanches
3. Cannes et bâtons
4. Les arbalètes, des armes sur le carreau
5. Les armes à feu
6. Les armes « cachées »
CHAPITRE 4 – « Policer » la ville 
I. Une mesure d’ordre public
1. Un pilier essentiel du pouvoir de police
2. L’exemple de Rennes à travers les arrêts de Police générale de la cour
2.1. Définition et présentation
2.2. Quelle place pour la prohibition du port d’armes ?
3. Épées et pistolets au clair de lune : le port d’armes et la sécurité nocturne
II. Faire appliquer les arrêts de la cour
1. Les compétences pour juger le port d’armes et les forces de l’ordre mises en oeuvre pour arrêter les contrevenants
2. Les peines contre le port d’armes
Partie II – Une « culture » des armes 
CHAPITRE 5 – Du rire aux armes : les armes au coeur des violences et divertissements 
I. Rhétorique parlementaire et menaces armées : les propos de la violence
1. Les dangers provoqués par l’ « abus des armes » : le parlement et la rhétorique de l’excès et de la peur
2. Les armes, les injures et les menaces
II. La criminalité et les désordres en armes
1. Les armes utilisées et les types de délits
2. Les violences armées des écoliers, laquais et artisans
3. Le duel
3.1. « Croiser le fer » : pratiques et usages
3.2. Combattre cette « peste du duel »
4. Les corps blessés ou tués : une archéologie de la violence armée
III. De carte et d’épée : les armes dans les festivités et divertissements
1. Jeux et spectacles
2. Fêtes civiques et religieuses au rythme des salves de fusils
CHAPITRE 6 – Circulation et disponibilité des armes 
I. Le commerce des armes
1. Le contrôle des fourbisseurs, armuriers, couteliers et autres marchands d’armes
2. Commercer avec des ennemis du roi
II. En dehors du commerce : où et comment s’équiper et s’exercer aux armes ?
1. Les lieux « garniz d’espees et aultres armes »
2. Le parlement de Bretagne et l’enseignement de l’escrime : une pratique à encadrer
Partie III – Les armes dans les émeutes 
Chapitre 7 – Les armes utilisées dans les émeutes et l’attitude du parlement 
I. De nombreuses révoltes sans armes ?
II. Des pierres au fusil : les armes des émeutiers
1. Les « armes de circonstance »
1.1. Au siècle des Lumières : une nouvelle rhétorique des armes
1.2. Une utilisation massive des « armes de circonstance »
2. Un véritable armement : épées, fusils, pistolets
3. Les armes des révoltes dans le reste du royaume : essai d’étude comparative
III. L’attitude du parlement de Bretagne
1. La condamnation de l’attroupement, le port d’armes « oublié »
2. Les exceptions
3. La condamnation plus ferme des émeutes au XVIIIe siècle
CHAPITRE 8 – Des diverses raisons de prendre les armes 
I. Les émeutes frumentaires
1. Présentation générale
2. Pourquoi prendre les armes ?
II. Les émeutes antifiscales
1. Les émeutes antifiscales : des manifestations diverses
2. Fraude et contrebande organisées
III. L’espace du sacré : les émeutes pour la religion et les croyances
1. Contre les protestants
2. Contre l’interdiction d’inhumer dans les églises
3. Contre les changements des cultes locaux
3.1. Le soulèvement de Saint-Julien-de-Vouvantes en août 1775
3.2. L’affaire du pardon de Saint-Servais en 1785
IV. Prendre les armes contre les gens de guerre
V. Les émeutes contre les afféagements
Chapitre 9 – Comportements et usages des armes 
I. Les armes : facteurs de solidarités et de cohésion
II. Le genre et les armes : une confirmation globale des assignations
1. Femmes et hommes sous les armes
2. À chacun ses armes
III. Dans le camp des victimes et du maintien de l’ordre
1. Les armes des victimes
2. Les armes de la répression
CHAPITRE 10 – Chroniques 
I. « Armés de bâtons, pelles, tranches, brocs et epee » : les armes dans l’émeute frumentaire de Bais de 1766
1. Présentation de la révolte
2. Un armement ordinaire
3. Les femmes en armes
4. Quel usage des armes ?
II. La journée des Bricoles ou l’exaltation des armes
1. Récit de deux journées sous les coups de feu et entrechoquements d’épées
2. Les armes des combattants
2.1. Le 26 janvier
2.2. Le 27 janvier
2.2.1. Un véritable arsenal
2.2.2. Se servir en armes à l’étalage ?
3. Les modes d’affrontements et usages des armes
3.1. Le point de vue nobiliaire
3.2. Le point de vue des étudiants et de leurs alliés
4. L’arme au coeur du maintien de l’ordre
III. La prise d’armes de Lannion et Perros-Guirrec contre un navire corsaire en 1648 : quitter l’émeute
1. Le récit du soulèvement armé d’un village
2. Prise d’armes et politisation
Conclusion générale
Sources
Bibliographie
Annexes
Table des annexes
Table des illustrations

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