Le mythe de combat dans la Mésopotamie, ou la victoire de la paix sur le chaos et l’inconnu

La Mésopotamie, le pays entre les deux fleuves, suscite un intérêt particulier même deux siècles après sa redécouverte. Aujourd’hui, la culture développée dans l’espace Mésopotamien est connue grâce aux découvertes archéologiques qui ont débuté au dix-neuvième siècle. Les fouilles, les recherches et les analyses faites nous ont aidé à percevoir cette culture comme le « berceau de la civilisation », digne d’être inscrite dans la catégorie des grandes civilisations antiques, comme la grecque et la romaine. En même temps, elle continue à se dévoiler devant nos yeux, peu à peu et jour par jour ; son exotisme et sa complexité s’avèrent difficiles à être déchiffrés, en restant un « puzzle dans une perpétuelle évolution » , un espace extraterrestre construit hors du temps.

Et pourtant, cette perception est assez nouvelle, car, en dépit d’une histoire bien individuelle, exhaustivement documentée, la Mésopotamie a été toujours perçue par rapport à la tradition biblique, qui la décrit comme une civilisation très violente, despotique et même sauvage. Également, les sources classiques (grecques et romaines) ne font que compléter cette perspective déformée, où les souverains mésopotamiens, notamment les rois d’Assyrie, sont perçus comme des figures tyranniques et extravagantes.

Le Mythe de combat dans la Mésopotamie cunéiforme

Le mythe de combat est, sans doute, une des formes les plus connues de l’expression littéraire et de la création narrative et culturelle du Proche Orient Ancien. Il formate et transmet essentiellement le concept et la représentation de la lutte perpétuelle entre l’ordre et le chaos, et, d’un point de vue plus précis, dès la fin du deuxième millénaire, il reflète la dynamique de l’antagonisme entre les Assyriens et les nations/ groupes étrangers.

Dans le monde mésopotamien, ce type de composition est connu surtout grâce à ses associations avec le développement de l’idéologie royale dès le milieu du troisième millénaire av. n. è. À cette époque antique, il n’apparait pas de façon autonome, comme composition littéraire à part, mais il est attesté clairement, comme motif et référence idéologique, déjà dans les inscriptions royales sumériennes, sous des formulations différentes. Pour cette raison, on peut se poser légitimement la question de l’identification du milieu de sa formation et de sa création littéraire, d’une part les chancelleries politiques des palais des cités et des états sumériens, ou alors le milieu des « écoles scribales ». Par ce terme, on indique des cercles, ainsi que des familles d’intellectuels où, à partir du besoin d’enseigner la pratique de l’écriture cunéiforme de typologies textuelles diverses, ont été élaborées et conservées les traditions littéraires, poétiques et épiques, comprenant aussi les textes mythologiques, à fond aussi religieux, formant des vraies « bibliothèques ».

Lequel, de ces deux possibles centres, entre cour royale/chancellerie, ou « école scribale » (d’ailleurs peut-être aussi associée à un temple) a influencé le plus l’autre? Est-ce que la création littéraire et artistique a pu orienter le développement de l’idéologie royale mésopotamienne, ou bien, est-ce que c’est bien cette idéologie qui a pu laisser son empreinte sur l’ensemble de la production littéraire mésopotamienne? Il s’agit, naturellement, d’arriver à comprendre dans quelle mesure, et selon quelles règles, la création littéraire, notamment les mythes, reflètent une réalité politique – ainsi que, à un autre niveau, s’ils ont pu avoir un impact sur elle.

Bien évidemment, c’est très difficile de trouver une réponse claire et définitive, car la ligne de séparation entre les deux est très fine : la limite même entre l’idéologie royale et la création artistique et littéraire est parfois impossible à distinguer, comme l’ont montré des nombreuses études sur la littérature dite « historiographique » mésopotamienne faite depuis les années quatre-vingt. Les mythes de combat qui apparaissent dans le cadre des compositions littéraires dont les dieux sont les protagonistes ne font pas des références directes a des événements historiques, mais ils comportent des concepts-clés, qu’on retrouve aussi fréquemment dans les inscriptions royales. Un exemple typique de cette situation pourrait être le cas de l’usage du terme kur, la « montagne », lieu traditionnellement évoquant dans les mythes la présence d’un danger intemporel. La menace de l’attaque de forces chaotiques se manifeste souvent dans les « pays dans les montagnes », qui ne peuvent que rappeler les chaînes qui entourent en effet les vallées mésopotamiennes, surtout à l’Est et au Nord. Ces régions montagneuses sont systématiquement marquées, dans les récits des inscriptions royales, par la barbarie et l’agressivité de ses habitants, considérés des ennemis naturels des états des plaines fertiles, contre lesquels tous les rois sont appelés à se battre, au cours du temps. Dans cette même perspective, la figure du dieu Ninurta devient peu à peu l’image par excellence de la royauté assyrienne, comme le montre même une simple comparaison entre la manière de décrire les armes et les actions de Ninurta dans les mythes du Lugal-e et dans l’Angim, et la manière de décrire les batailles des rois dans le récit des inscriptions royales.

Un des thèmes les plus importants et qu’on peut repérer de manière récurrente dans la tradition mythologique mésopotamienne est ainsi celui du combat entre un dieu mâle, jeune, puissant et guerrier qui s’oppose à un ennemi souvent représenté sous une forme hybride, voire monstrueuse. En fait, être un bon combattant est la qualité la plus fréquemment attribuée aux protagonistes des récits dans la mythologie de combat, ainsi que, d’autre part, dans les inscriptions royales. À plusieurs reprises dans la narration mythologique on remarque que ni la dimension, ni l’hybridité des monstres agresseurs n’intimident pas le dieu puissant. À la fin du combat, le monstre est toujours vaincu, parfois tué, et, s’il survit, devient en tout cas l’acolyte du dieu vainqueur. D’autre part, pour la majorité de récits, à chaque fois le dieu en question, se trouvant dans une grande difficulté essayant de vaincre le monstre, est soutenu et conseillé pendant sa lutte, par un dieu tout puissant, comme Enlil, parfois par Enki/Ea, par l’intermédiaire d’un messager.

F. A. M. Wiggermann reconnait dans ce type de récit, la « mythologie de combat » propre au monde mésopotamien. Ce genre de composition va acquérir de l’importance et devient de plus en plus connu vers la fin du deuxième millénaire av. n. è., quand est formulé le récit mythologique peut-être principal de la tradition akkadienne – l’Enūma eliš, le « Poème de la Création » et de l’installation du dieu Marduk à la royauté sur le panthéon babylonien, dont la structure narrative reproduit une partie de celles du Lugal-e et du mythe d’Anzû, dont le dieu Ninurta est protagoniste.

En général, dans ce type de récit, on peut voir le dieu et le monstre identifiés comme deux opposants, et représentés comme deux forces qui agissent dans le monde, dont une est sans doute marquée comme signe et symbole de ce qui est juste et légitime, et l’autre du mal et de la faute. Toutefois, le conflit n’est pas mis en scène comme une confrontation entre valeurs ou principes moraux. Le mythe de combat devient plutôt une occasion et une manière de définir la relation entre ces deux forces : finalement, le dieu triomphe, tandis que le monstre est le rebelle qui est vaincu, sans qu’une raison soit effectivement fournie, au-delà des qualités guerrières et héroïques du vainqueur. De cette manière, la narration mythologique peut utiliser des images « fixes » produites en particulier par la tradition iconographique pour interpréter la relation entre les deux opposants dans ce conflit comme étant le préalable nécessaire, et même la justification, de la forme de servitude qui finit pour s’installer entre les combattants, définissant leur position définitive dans le fonctionnement « normal » du monde. Après la lutte et la victoire d’un sur l’autre, le monstre lui-même, une fois vaincu et soumis, finit par appartenir au panthéon comme un membre de rang inférieur, par exemple en qualité de messager.

Dieux associés au mythe de combat : dieux guerriers, dieux de l’orage

Ningirsu, Ninurta, Iškur, dans le centre et le sud, et Adad, Dagan et Ilu-Mer dans le nord sont les principales divinités mésopotamiennes associées à l’orage, bien que d’autres puissent être mentionnées aussi. Dans les textes en sumérien le dieu de l’Orage est marqué par l’idéogramme de d IM, ainsi que d Iškur, signe qui sera utilisé aussi dans les textes en akkadien ainsi qu’en hourrite ; plus tard, aussi le signe d U aura le même sens. Ce signe a aussi d’autres significations et valeurs, qui se rapportent à des aspects des forces de la nature liées à l’orage, comme par exemple šāru (vent), rādu (tempête), zunnu (pluie). Dans la littérature assyriologique, et en particulier dans les références provenant des textes d’histoire de l’art, le dieu de l’Orage est aussi identifié comme la divinité représentée par les figurines et les images connues comme celles du « smiting god ».

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Table des matières

Introduction
1. Historique de la recherche
2. Cadre chronologique
3. Approche méthodologique
4. Structure de la thèse
I. Chapitre I : Le mythe de combat dans la Mésopotamie, ou la victoire de la paix sur le chaos et l’inconnu
I.1. Introduction
I.2. Le Mythe de combat dans la Mésopotamie cunéiforme
I.3. Dieux associés au mythe de combat : dieux guerriers, dieux de l’orage
I.4. Le mythe d’Anzû
I.4.a. Résumé
I.4.b. Analyse du mythe
I.5. Le mythe de Lugal-e
I.5.a. Résumé
I.5.b. Analyse du mythe
I.6. Le mythe de l’Enūma eliš
I.6.a. Résumé
I.6.b. Analyse du mythe
I.7. La déesse Inanna/ Ištar et l’idéal guerrier
I.8. Gilgameš et la réinvention du mythe de combat
I.8.a. Introduction
I.8.b. Les Sources textuelles
I.8.c. Résumé
I.8.d. Différences entre les versions
I.8.e. L’épopée comme un autre Mythe de Combat
I.8.f. Parallèles avec le dieu Ninurta
I.8.g. Discours Royal/ Anti-Royal
I.8.h. Analyse des épisodes concernant le mythe de combat
I.8.h.1. Le duel entre Enkidu et Gilgameš
I.8.h.2. Le combat contre Ḫumbaba
I.8.h.3. Le combat
I.8.h.4. Le Taureau Céleste
I.9. Conclusion
II. Chapitre II : La fonction des Mischwesen dans les mythes de combat : signe de l’Autre, et transmetteur des connaissances primordiales
II.1. Introduction
II.2. Les Mischwesen
II.3. Les Monstres et leur Origine
II.4. Caractéristiques des monstres
II.4.a. Le temps
II.4.a.1. La délimitation du temps par le Déluge
II.4.b. L’espace
II.4.c. La montagne
II.4.d. Les Enfers
II.4.e. La Katabasis, la « Descente » aux Enfers
II.4.f. L’eau
II.4.g Les me
II.4.g.1. Le vol des me
II.4.h. L’Anzû, La Tablette des Destins, et la transmission des pouvoirs
II.4.i. Le melammu
II.4.i.1. Le melammu aux Enfers
II.4.i.2. Le regard lumineux
II.4.j. Monstruosité et liminalité
II.5. Conclusion
III. Chapitre III : L’idéologie royale et la diffusion du mythe de combat
III.1. Introduction
III.2. L’idéologie assyrienne : origine, particularité, cible, audience
III.3. La guerre et la culture mésopotamienne
III.4. L’épopée de Tukulti-Ninurta et l’émergence de l’idéologie royale Assyrienne
III.5. Dichotomie Nature/Culture. L’Assyrien et l’Autre
III.5.a. La représentation de l’Autre dans les sources textuelles et iconographiques
III.5.b. Enkidu et l’étranger
III.5.c. Ḫumbaba et l’ennemi imprévisible
III.6. Le voyage
III.7. La royauté « divine » : association avec les dieux guerriers, Ninurta et Marduk
III.8. La chasse royale
III.9. La fin de la guerre et le « rituel de purification »
III.10. Le Palais Assyrien et l’Armée de Tiamat
III.11. Conclusion
Conclusion

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