Le monde des morts selon Lucien de Samosate

LA RÉUTILISATION DES MYTHES PLATONICIENS

Lucien se devait d’inclure dans son Hadès les images des jugements et des supplices infernaux. À cette fin, il a fait appel à ses connaissances des mythes eschatologiques que rapportait le philosophe Platon. C’est un auteur qu’il n’a pu éviter au cours de sa formation ; Lucien lui est par ailleurs redevable. En effet, le genre littéraire qui caractérise le Syrien et que la postérité lui a associé, le dialogue satirique, est une création hybride associant la comédie et le dialogue socratique, lui-même genre pratiqué à l’origine par Platon.
Pour Jacques Bompaire, Platon est « l’un des modèles habituels de Lucien, un de ceux qu’il exploite avec le plus de constance et de méthode. » Dans le tableau de l’Hadès du Syrien, se retrouvent les mythes du Gorgias, de la République X et du Phédon. Bien entendu, Lucien ne croit pas en ces fables, il les utilise pour ce qu’elles sont des images fortes, devenues indissociables des Enfers. Là encore, les attentes des lecteurs ou des auditeurs lettrés seront comblées.

LE MONDE DES ENFERS : UNE SOCIÉTÉ ANTHROPOMORPHIQUE

Les morts ne sont pas les seuls qui sont animés par la permanence de l’humanité. Les divinités présentes dans les Enfers lucianesques sont, à bien des égards, humaines.
L’anthropomorphisme de la nature divine était déjà présent chez les Anciens, depuis Homère ; la mythologie des Grecs en est pétrie. Lucien a réutilisé cet aspect des dieux en l’amplifiant.
Le terme « divinités » embrasse les dieux – ceux du panthéon grec – comme Pluton et Hermès, ainsi que les personnages mythologiques comme Charon, les Moires ou les trois juges infernaux : ils sont d’une nature, d’une corporéité différentes des hommes. Tous ont pour point commun de ne pas être sous l’emprise du temps : ils existent depuis la création du monde d’En-bas et demeurent invariablement ; le Trépas n’a aucune prise sur eux, par quelque moyen que ce soit : ils ne peuvent être blessés et ne vieillissent pas. En outre, tous occupent une fonction bien précise qui va de pair avec une part d’autorité sur les morts déléguée par Pluton, détenteur de l’autorité suprême qu’il exerce sur l’Hadès dans son ensemble. Ce sont ces deux caractéristiques qui démarquent les divinités des morts. Du reste, ils sont sensiblement semblables aux hommes.
Lucien recrée l’univers infernal comme une institution organisée et dont les rouages sont les mêmes que ceux des institutions humaines. Pour que « l’affaire marche bien », Hadès confie des tâches bien précises à chacun de ses subordonnés. Ainsi, la Moire Clotho se voit tenir les registres des flux d’entrée des trépassés avant l’embarcation, qui elle est confiée à Charon.

LE DIALOGUE : UN GENRE OUVERT RÉUTILISÉ PAR LUCIEN

Le Syrien s’est essayé à un grand nombre de genres littéraires dans le contexte scolaire de la mimèsis ; il est un « polygraphe transgénérique ». Son intérêt se concentra sur deux genres en particulier : le dialogue socratique et la comédie nouvelle.
Lucien décida d’exploiter les avantages des deux en les fusionnant en un genre hybride, le dialogue satirique ou comique. Ce genre est intrinsèquement lié au théâtre et c’est lui qui insuffle à l’Hadès lucianesque la vie qui l’anime. En effet, mis à part le traité Sur le deuil, tous les opuscules du corpus sont des dialogues. Pourquoi donc avoir choisi comme moyen d’investigation de l’Hadès le dialogue ?
Le dialogue est un genre profondément vivant qui requiert la présence de plusieurs personnages. La vie est mimée par le rythme avec lequel les différents interlocuteurs échangent leurs propos. Cet échange, chez Lucien, est caractérisé par la liberté de parole qu’il octroie à chacun de ses acteurs. Comme nous l’avons vu précédemment, tous ont leur caractère propre qui détermine le ton et le contenu de leurs répliques. Le satiriste qu’est le Syrien se plaît à accentuer les traits de caractère de ses personnages qu’il incarne dans leurs paroles mais aussi dans leurs actions. Le dialogue lucianesque donne non seulement à entendre mais aussi à voir, laissant apparaître sa parenté avec le théâtre.

L’HADÈS COMME LIEU DE RÉFLEXION

Lucien utilise l’Hadès qu’il a recréé dans l’intention d’amener ses auditeurs, ou lecteurs, à réfléchir. Il tient à le faire avec douceur et tact, jamais à imposer par la force.
Pour l’écrivain de Samosate, il est clair qu’apprendre à réfléchir par soi-même es essentiel. C’est pourquoi l’espace infernal de sa composition doit permettre que des échanges se fassent entre lui et son lectorat. Cet univers où règne le Trépas peut être envisagé comme la scène d’une juridiction critique qui dissipe les illusions de la vie terrestre. Les manœuvres visant à tromper ses contemporains, les impostures, les apparences trompeuses, l’hypocrisie sont dissoutes et ne laissent apparaître que l’essence des hommes. Lucien présente souvent les morts comme des squelettes décharnés qui ne possèdent plus aucune individualité physiques. L’Hadès devient alors le pays de la vérité, où ce que sont les hommes est mis sur la table au vu de tous. Par ce biais, le lettré de Commagène permet, le temps de la lecture, de voir par un prisme radicalement différent ce qu’est un homme. L’accent est mis, dans les textes du corpus, sur des hommes faux qui ont abusé leurs contemporains. Il convient de rappeler que Lucien a conservé au sein de ses morts une variété de caractères ; si cela n’avait pas été le cas, les dialogues auraient été plats et sans aucun intérêt moral : il faut qu’un désaccord naisse entre les interlocuteurs en raison d’une différence de caractère. Ainsi, dans les Dialogues des morts, les conversations prennent-elles une tournure agonistique amenant l’un des interlocuteurs à sortir vainqueur du dialogue et, par là, à mettre en relief sa pensée.

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Table des matières

NOTES CONCERNANT LES TEXTES EN LANGUES ORIGINALES ET LES TRADUTIONS
INTRODUCTION
I. LA RECRÉATION DE L’HADÈS PAR LUCIEN
L’importance de l’éducation au siècle des Antonins
L’importance de la mimèsis dans les opuscules de Lucien
L’influence de la sophistique
La réutilisation de la mythologie classique
La réutilisation de la matière épique
La réutilisation des mythes platoniciens
La réutilisation de la matière comique
II. UNE COMÉDIE INFERNALE
Peut-on rire aux Enfers ?
La permanence de l’humanité chez les morts : le socle du comique
Le monde des Enfers : une société anthropomorphique
Charon ou la divinité anthropomorphique
Les autres ressorts du comique
1. Le burlesque
2. Les retournements de situations
3. L’humour noir
Le dialogue : un genre ouvert réutilisé par Lucien
III. L’HADÈS : LE LIEU DE LA SATIRE ET DE LA RÉFLEXION
Le contexte particulier du IIe siècle
L’Hadès comme lieu de réflexion
Lucien et les cyniques
La satire dans l’Hadès lucianesque
1. La satire des philosophes
2. La satire des cultes à mystères
3. La satire des oracles
Une invitation à de sages réflexions
1. La condition des morts
2. La préparation à la mort
3. L’avis de Lucien sur la condition des morts
4. « Le regard d’en haut »
CONCLUSION

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