Le mariage et ses composantes dans la Chine traditionnelle

La sphère du privé

L’éducation

L’éducation est probablement le premier prérequis pour une émancipation féminine. Aborder ce sujet en premier lieu de cette partie sur la sphère de l’intime peut sembler contradictoire tant l’éducation semble aujourd’hui faire partie du domaine public. Mais on ne peut nier que l’acquisition du savoir est d’abord une démarche intime avant d’être un enjeu national.
Un regard superficiel sur l’histoire de l’éducation féminine chinoise peut laisser l’impression que cette dernière était inexistante avant le XXe siècle. Or, cette affirmation est à nuancer, même si l’éducation n’a jamais été un domaine dépourvu de division selon les genres. Que cela soit par rapport aux modalités d’enseignements ou bien vis-à-vis du contenu, les femmes ont toujours été exclues du système Maître – Disciples, et n’ont jamais pu prétendre aux examens impériaux. La différence selon les genres dans l’éducation s’inscrit aussi dans le contenu. Pour illustrer cela, on peut citer les Quatre livres pour femmes (女四书经 Nü Si Shu Jing), ce sont des ouvrages indépendants compilés sous la dynastie des Ming (1368-1644), sur le même modèle que les « Quatre livres (四书 si shu) ». Le premier ouvrage figurant sur cette liste sont les Préceptes pour les femmes (女誡 Nü jie) , de l’historienne Ban Zhao 班昭 (vers 48-116), diffusé sous les Han orientaux (25-220). Dans cet ouvrage adressé à ses filles, l’autrice détaille en huit courtes parties les vertus que doivent développer les femmes chastes.
Le second ouvrage date des Tang (618 – 907) et s’intitule Analectes pour femmes (女论语 nü lunyu) écrit par Song Ruoxin 宋若新 et par sa jeune sœur Song Ruozhao 宋若照, il se compose sur le modèle du Lunyu, les autrices reprennent les préceptes moraux développés par Ban Zhao. Quant aux ouvrages restant, ils datent tous deux des Ming. Le premier s’intitule Instructions domestiques (内训 nei xun) rédigé par l’impératrice Xu 徐 , il est destiné aux dames du palais. Le deuxième, quant à lui, s’intitule Leçons pour les femmes (女范捷录 nü fanjielu), écrit par Madame Liu, la mère du lettré Wang Xiang 王相, et se concentre en particulier sur les grandes femmes des temps jadis, érigées en modèle de vertu. Ces ouvrages sont destinés à parfaire l’éducation des jeunes filles. Bien que de format divers, ces textes transmettent essentiellement une image de la femme vertueuse et chaste, en accord avec l’orthodoxie morale néo-confucéenne. Traditionnellement, les femmes sont cantonnées au domaine de l’intime, c’est donc logiquement que les Quatre livres pour femmes ne sortent jamais de la sphère du privé lorsqu’ils évoquent le champ d’action des femmes. Tout dans cette éducation est orienté pour faire des jeunes filles qui la reçoivent des « êtres de l’intérieur » (内人 nei ren), des épouses et des mères vertueuses. L’objectif n’est pas de faire de ces jeunes filles de parfaites lettrées. Il faut bien comprendre que parmi la mince couche de la population féminine qui sait lire et écrire, une partie encore plus infime parvient à valoriser ces compétences dans une production culturelle. Les femmes ayant marqué la littérature ou autres existent bien évidemment, mais elles font figures d’anomalies structurelles, ne devant leur destin qu’à leur capacité et leur cadre familial en général.
Un autre point important de l’éducation d’une jeune fille est l’apprentissage des travaux d’aiguilles. Au-delà de l’aspect purement économique, le filage et le tissage sont perçus comme un vecteur de valeurs morales pour les femmes, que ce soit via l’apprentissage des compétences mise en œuvre lors des tissages (la discipline individuelle, la patience, etc.) ou de manière plus globale dans la reproduction d’un schéma social, définit comme « idéal », comme l’illustre ce passage du livre des rites, le Liji (礼记) : « s’acquittant de la totalité du travail de la soie et du chanvre, l’épouse est le partenaire idéal du mari. » . Même dans les couches aisées de la population, où cette compétence n’est en rien une nécessité économique, les petites filles apprennent à filer et tisser dès leur plus jeune âge, pendant que leurs frères perfectionnent leur apprentissage de la lecture et des armes.
Une autre variante ayant impacté l’éducation et le statut des femmes en général est le Néoconfucianiste, et le dogme qu’une femme vertueuse est une femme ignorante, il semblerait que ce tournant idéologique ait eu lieu durant la dynastie des Song. En effet, le confucianisme  connaît un nouveau souffle à cette période. Cette nouvelle impulsion est notamment incarnée par Zhu Xi 朱熹 (1130-1200), qui veut « retrouver l’esprit originel de Confucius » , renouer avec une lecture existentielle des textes canoniques. Zhu Xi se montre préoccupé par la santé morale de la société, insistant sur la nécessité des rites comme fonction pédagogique et sociale, ses Rites familiaux et son étude élémentaire, ont joué un grand rôle jusqu’au Qing dans la transmission d’une certaine orthodoxie morale, néfaste aux femmes . De manièregénérale la pression sociale qui pèse sur les subordonnés de la hiérarchie confucéenne, que cela soit des jeunes ou des femmes, s’alourdit à cette époque.

L’émergence des actions en faveur de l’éducation féminine

Cet état de fait perdure jusqu’au XIXe siècle, où divers facteurs dont l’implantation des missionnaires chrétiens viennent bousculer les codes en matière d’éducation. En 1922 , The Foreign Missions Conference of North America (FMCNA), une association chrétienne, publie une étude sur l’éducation en Chine. Dans le chapitre consacré à l’éducation des femmes, l’auteur procède à un bref état des lieux de l’éducation féminine en Chine : « Schools for girls are of comparatively recent origin in China, but it would be erroneous to assume that no women received any education whatever in ancient China. Many well-to-do homes conducted private school for the children of the family. (…) [But] the great mass of girls received no training in the reading of books or writing of compositions. » . Il ne s’agit pas d’un ouvrage historique prétendant à une objectivité absolue, mais le propos est relativement nuancé, c’est pourquoi nous nous permettons de nous appuyer sur son contenu pour dresser un bref historique de l’implantation de l’éducation féminine sous la houlette des missionnaires. La première école destinée à des Chinoises est créée en 1825 par une missionnaire, Miss Grant, à Singapour. Miss Alderley, membre de l’Association pour Promouvoir l’Education des Femmes en Asie (The Society for Promoting Female Education in the East) ouvre une école de filles à Java en 1837, puis une autre à Ningbo en 1844. Le traité de Nankin (1842) permet aux missionnaires de créer des écoles dans les cinq ports ouverts aux étrangers : onze écoles de filles sont ainsi fondées entre 1847 et 1860. En 1858, la signature d’un nouveau traité entre le gouvernement chinois et les gouvernements américains, anglais et français autorise les missionnaires à propager leur foi sur l’ensemble du territoire chinois, et les écoles de filles se multiplient. La création de ces écoles, qu’elles soient à destination des hommes ou des femmes, ne poursuit pas un simple but humanitaire, l’objectif est avant tout de propager la foi chrétienne. À leurs débuts, les écoles de missionnaires recrutent surtout leurs élèves dans les familles défavorisées, car ces dernières n’ont rien à perdre et voient dans les écoles de missionnaire un moyen pour leur progéniture d‘acquérir une certaine éducation notamment classique alors que les familles chinoises les plus culturellement aisées ne voient aucun avantage à confier l’éducation de leurs enfants à des missionnaires étrangers . Quelques familles voient progressivement l’intérêt d’envoyer ainsi leurs filles s’éduquer, en 1902, quelque 4 373 filles sont inscrites dans divers établissements d’enseignement tenus par des missionnaires.

L’éducation féminine et les débuts de la République

Avec l’avènement de la République en 1912, les politiques en faveur de l’éducation se renforcent. Bien qu’elle soit déjà fortement présente, l’idée d’une éducation pour faire des femmes des « bonnes épouses et des mères vertueuses » (賢妻良母 Xianqi liangmu), devient à cette époque le modèle d’une « bonne » éducation. C’est un phénomène qui n’est pas propre à la Chine : après la Révolution Américaine (1765 – 1783), émerge dans les années 1790, le concept de « Republican Motherhood » : l’idée que les femmes servent le mieux la république naissante en devenant des mères éduquées et vertueuses capables de former leurs fils à être les citoyens pensants et rationnels, qualités requises par un gouvernement fondé sur le consentement des gouvernés . Ce schéma s’applique donc également à la Chine et aux balbutiements républicains, les femmes échouent à obtenir les mêmes droits politiques que les hommes, et si l’éducation évolue, elle reste vectrice d’inégalité entre les hommes et les femmes. Néanmoins l’implantation d’un nouveau système scolaire reste un des objectifs prioritaires de la nouvelle République , système au sein duquel l’éducation féminine a une place primordiale . Le principe d’éducation mixte pour les premières années d’éducation primaire est soutenu par le nouveau ministre provisoire de l’éducation, Cai Yuanpei, dès janvier 1912 . Bien que soit promulgué un programme scolaire commun aux deux genres, les filles, contrairement aux garçons, suivent des cours de couture et de broderie à l’école. À la fin des années 1910, les filles des écoles secondaires doivent aussi suivre des cours supplémentaires comme le jardinage et le ménage . Elles doivent également suivre des cours pratiques de tricot, de broderie, de filature de coton et d’artisanat, matières absentes des  cursus masculins. Car si le socle d’éducation primaire devient relativement commun entre garçons et filles, l’éducation secondaire, elle, reste divisée selon le genre. Ces réformes sont entérinées en septembre 1912 , les écoles professionnelles et des écoles normales supérieures pour filles sont également encouragées par ces réformes . Néanmoins, dans les faits, l’éducation féminine et plus généralement l’émancipation féminine reste assujettie au bon vouloir des chefs militaires qui commencent à prendre de plus en plus de pouvoir dans certaines provinces.
Analyser concrètement les opinions des contributrices de presse durant cette période est assez délicat, cela s’explique en partie par le choix des sources primaires accessible, le Funü Shibao, seul journal de genre ayant survécu à la censure de Yuan Shikai, n’est pas exactement le journal le plus engagé en faveur de l’égalité radicale entre les sexes. Une chose en revanche demeure, que l’éducation féminine, que cela soit dans le cadre institutionnel ou sociétal, se concrétise de plus en plus. Non seulement la question de l’éducation est portée par des politiques favorables, mais en outre de nombreuses femmes ayant étudié au Japon, participent à l’avènement de la République, et font le choix d’ouvrir des écoles pour filles.

Le mouvement Quatre Mai et ses suites : égalité, mixité, université

Le mouvement du Quatre Mai et plus largement celui de la Nouvelle culture, marque un renouveau dans les débats sur l’éducation. De nouvelles revendications su r l’éducation féminine émergent dans les discours militants à la faveur du mouvement, notamment pour une éducation commune entre hommes et femmes. Au-delà du contexte général qui est à l’effervescence intellectuelle, et de la revitalisation des débats auto ur de la « question de la femme », les évolutions sur la question de l’éducation s’expliquent aussi par le fait que les jeunes intellectuelles qui prennent la parole sont souvent elles -mêmes les étudiantes des écoles de filles ayant essaimé dans le sillage des premières actions pour l’émancipation féminine. Elles ont grandi dans une société où l’éducation féminine primaire devenait de plus en plus acceptée. En 1908 le nombre de Chinoises scolarisées dans le premier niveau d’éducation est de 20.557, en 1919 ce chiffre passe à 215,226 . Elles ont aussi eu pour modèle des femmes ayant lutté pour l’émancipation féminine au tournant du siècle . Les principales revendications concernant l’éducation féminine qui émerge à la faveur du Quatre Mai concernent principalement l’éducation supérieure et l’égalité dans l’éducation entre hommes et femmes, notamment via la promotion d’établissement mixte. En octobre 1919, la Fédération nationale des associations pour l’éducation ( 全国教育会联合会 quanguo jiaoyuhui lianhehui) rend un avis favorable concernant l’éducation supérieure des femmes et la mixité dans certains établissements . Néanmoins, les directives officielles insistent toujours sur la nécessité d’enseigner aux jeunes filles, et uniquement aux jeunes filles, l’importance des « affaires domestiques (家事 jiashi) » ainsi que sur la nécessité de continuer la séparation entre les sexes dans les écoles professionnelles . Quant à l’enseignement supérieur pour les femmes, ce n’est qu’après mai 1919 qu’est établi le premier établissement officiel d’éducation supérieure pour les femmes : l’Ecole normale supérieure pour les femmes de Pékin . En août 1919, une jeune femme du nom de Deng Chunlan (1898 -1982) publie une lettre ouverte dans deux journaux renommés pour demander l’autorisation d’entrer à l’université de Pékin. Cai Yuanpei répond en janvier 1920 qu’il est tout à fait disposé à laisser entrer des femmes à Beida . Le mois d’après trois femmes sont admises en auditeurs, puis rapidement, six autres femmes suivent. Elles ont entre dix-neuf et vingt-huit ans, six d’entre elles étudient la philosophie, deux l’anglais et une le chinois . Février 1920 marque aussi l’embauche de la première femme professeur à Beida, Chen Hengzhe (1890-1976), en tant qu’enseignante d’histoire occidentale. Cette dernière, aussi connue sous le nom de Sophia Zen, a effectué une partie de sa scolarité aux Etats-Unis grâce à une bourse gouvernementale, d’abord au Vassar College de 1915 à 1919, où sous l’influence de ses professeurs elle se passionne pour l’histoire comparée et décide alors de compléter son cursus par un M.A à l’université de Chicago validé en 1920 . Outre son poste de professeur obtenu immédiatement après son retour en Chine, Chen Hengzhe est aussi une contributrice régulière de presse et notamment au sein de la revue Xin Qingnian . Progressivement les mœurs évoluent sur la scolarisation, et outre la progression de la scolarisation des fillettes, les changements se font de plus en plus rapidement, dès 1921, on compte 651 Chinoises scolarisées dans trente et une universités chinoises.

La sphère publique

Le travail

Si notre première partie sur la révolution de l’intime s’ouvrait sur l’éducation, il est logique que celle sur la conquête de l’espace public s’ouvre sur le travail.
Dans son essai de 1897, intitulé « Sur l’éducation des femmes », que nous avons déjà évoqué en analysant la thématique de l’éducation, Liang Qichao avance que l’arriération de la Chine prend racine dans le manque d’éducation des femmes et du fait qu’elles ont fini par devenir des « parasites » de la société. « Aujourd’hui tout le monde s’inquiète de la pauvreté en Chine. La pauvreté résulte du fait qu’une personne est obligée de faire vivre plusieurs autres. Quoiqu’il y ait eu plusieurs facteurs expliquant la dépendance de plusieurs personnes vis-à-vis d’une seule, j’avancerais que le non-travail des femmes est le facteur originel. »
Si le lien entre développement de la nation et émancipation féminine se retrouve une nouvelle fois mis en exergue, ce n’est pas tant sur cette dynamique qu’il convient de revenir mais plutôt sur l’idée de non-travail des femmes. De la même manière, il pourrait sembler inutile de s’appesantir sur les propos de Liang Qichao si cette vision ne semblait pas être très largement partagée dans les articles de la première décennie du XXe siècle. Or, de tous les sujets abordés c’est celui où le statut socio-économique des autrices et des auteurs se fait le plus ressentir. Car si les femmes jouissants d’un statut social élevé, aux pieds bandés, recluses dans leur gynécée peuvent difficilement être considérées comme des membres producteurs d’une société capitaliste au tournant du XXe siècle, ce n’est d’une part pas le cas des femmes les plus pauvres, et d’autre part cela occulte les causes de cet éloignement du marché du travail.
Comme pour l’éducation, dans le sujet du travail plusieurs problématiques affleurent dans les textes chinois qui traitent de cette thématique. La première problématique qui semble intéressante à analyser : est peut-on réellement parler d’un groupe homogène lorsqu’on parle des « deux cent millions de femmes chinoises » ? Cette catégorisation qui englobe l’ensemble de la population féminine chinoise se retrouve énormément dans les premiers textes sur l’émancipation des femmes. Les autrices dressent-elles en réalité le portrait de leurs consœurs appartenant à la même classe sociale, ou bien certains points soulevés sont généralisables à l’ensemble des femmes ? Un autre sujet primordial à soulever est le type de travail préconisé, faut-il s’insérer dans le schéma des professions traditionnelles ayant cours en Chine, ou au contraire saisir les nouvelles opportunités de travail lié à l’industrialisation et la globalisation croissante de la société ? Mais avant de tenter de répondre à ces interrogations, il semble pertinent de tenter de comprendre les spécificités du marché du travail chinois tel qu’il étai t à l’orée du siècle et de la place des femmes dans celui-ci.

L’exclusion progressive des femmes du secteur productif

Comme nous l’avons développé précédemment la société chinoise est une société basée sur la division selon le genre et cela s’illustre particulièrement dans le domaine du travail.
Formulée au Ve siècle avant notre ère, cette maxime populaire « les hommes labourent et les femmes tissent 男耕女织 nan geng nü zhi » en est la parfaite illustration. Si l’on prend cette citation de manière littérale, il est intéressant de constater que si les travaux agricoles sont toujours globalement associés aux hommes à la fin de l’Empire, le travail du textile, lui, n’est plus reelement considéré comme une prérogative féminine.
Pendant plus de 2000 ans, le textile, au même titre que l’agriculture, joue un rôle fondamental dans le fonctionnement de l’Etat chinois. Dans l’Antiquité, les tissus servent de moyen échange et de monnaie de référence, et ce même après le développement de la monnaie métallique. Dès Zhou jusqu’aux réformes de la fin des Ming, tous les foyers sont autant redevables d’un impôt en tissus et en fils que d’un impôt en grains. Ce sont les réfo rmes fiscales des années 1570-1580 connues sous le nom de yitiao bianfa (一条鞭法) «méthode du coup de fouet unique», qui introduisent la possibilité pour les foyers de paysans et d’artisans les plus aisés de substituer l’impôt par de la monnaie, celui-ci intégrait donc auparavant le grain produit par les hommes et les textiles produits par les femmes, et cela de manière égale.
Les foyers non paysans sont imposés de la même façon. Ainsi même chez les propriétaires fonciers, les femmes doivent elles aussi assurer une production en textiles. Avant les réformes, les foyers urbains qui n’étaient pas eux-mêmes producteurs de tissus étaient obligés d’en acheter pour s’acquitter de leur impôt. Ceci dit, même après que les réformes du « coup de fouet unique » eurent permis de substituer l’impôt en nature par des paiements en argent, les prélèvements en tissus ont néanmoins continué. Le système fiscal impose donc une division sexuelle générale du travail dans laquelle la totalité des femmes des foyers paysans sont tisserandes tandis que leurs maris sont obligés de rester dans les champs pour produire des céréales ou des fibres végétales. En d’autres termes, les exigences de ce système économique, maintiennent l’existence d’un secteur productif féminin et permettent d’exacerber l’importance de la contribution féminine à l’économie domestique. Pratiquement tous les foyers possèdent l’équipement pour faire du fil de bonne qualité, même si en général ceux de qualité supérieure sont réservés en priorité aux impôts. Le filage et le tissage ne sont en rien des activités annexes ou de loisir pour les foyers paysans et peuvent même contribuer à en augmenter les revenus, comme l’illustrent ces quelques données : « Le tissage de la soie prenait beaucoup de temps, une ou deux semaines peut-être pour un rouleau, au lieu de deux jours seulement dans le cas des fibres végétales mais la rapidité du travail variait selon que le métier était ou non à pédale et en fonction de l’expérience de l’opératrice. Le traité mathématique Jiuzhang suanshu (Les neuf chapitres sur les procédures mathématiques) qui date du premier siècle avant notre ère propose un exemple dans lequel une femme « habile à tisser » travaille à un rythme de 2,5 à 5 pieds par jour, selon qu’elle est en bonne forme ou fatiguée. A quarante pieds par rouleau, cela signifierait qu’il fallait entre 8 et 16 jours à une bonne tisserande pour produire un rouleau, probablement de taffetas. Il n’est pas facile de trouver des chiffres permettant de calculer la valeur ajoutée par le tissage aux différentes périodes. Sous les Han Antérieurs le Jiuzhang suanshu met le prix de la soie grège entre 240 et 345 sapèques par livre (jin) ; le prix d’un rouleau de taffetas (pesant une livre s’il est aux normes de l’administration fiscale) est de 512 sapèques soit un peu plus du double de la qualité inférieure de soie grège. Le tissu de chanvre ne valait que 125 sapèques le rouleau. »
En outre, dans les familles de l’élite, possédant un capital important, une épouse qu’elle soit principale ou secondaire, qualifiée dans ce domaine, peut représenter une véritable plus value économique pour la famille. Par exemple, dans l’histoire des Han, on nous apprend que l’épouse du richissime général Zhang Anshi participait elle -même à la production textile et était à la tête d’une équipe de 700 personnes, les bénéfices engendrés étaient considérables pour sa famille.
À l’époque des Song, on peut déjà distinguer quatre types d’établissements producteurs de tissus: Les deux premières catégories sont les familles paysannes et les familles dites manoriales, autrement dit, les grandes familles de l’élite rurale ou urbaine. Dans ces deux catégories, le travail y est essentiellement assuré par une main-d’œuvre féminine. Ensuite vienne les manufactures d’Etat, les sources sont trop succinctes pour connaître précisément la division sexuelle du travail, mais il semble qu’à cette époque, contrairement aux époques Ming et Qing où les femmes seront cantonnées aux opérations de dévidage et de doublage, le tissage peut indifféremment être confié à des ouvriers masculins ( 工匠 , gongjiang, littéralement artisan de sexe masculin) que féminin (女工, nügong, ouvrière). Mais, une large proportion de la main-d’œuvre est de sexe masculin. Puis pour finir les ateliers urbains, de différent type, qui fonctionnent globalement sur le même modèle que les manufactures d’Etat.
La main-d’œuvre est soit recrutée dans le cercle familial, soit directement recrutée dans la rue, les artisans en quête de travail se rassemblant dans un lieu public attendant en groupe sous l’égide d’un chef de guilde que l’on vienne les embaucher . Ce système excluant de facto les femmes Malgré la multiplication des moyens de production textile, la majorité du textile produit en Chine jusqu’à la fin des Song l’est par des familles paysannes ou bien manoriales en milieu rural. Et non seulement la main-d’œuvre y est presque exclusivement féminine mais, en outre les femmes disposent d’un savoir-faire technique unique et se trouvent aussi en charge du contrôle et de la gestion de la production. De plus, bien que la plus grande partie des textiles produits dans ce cadre fût des tissus ordinaires, ceux-ci ne sont pas limités à l’autoconsommation et ont une véritable une valeur marchande.

Les débuts de l’analyse de la problématique du travail féminin

Dès 1898, la problématique du travail des femmes apparaît entre les pages du Nüxuebao première génération, dans le neuvième numéro , «The Profusion of Women Workers, (nügong zhisheng) », on apprend également dans ce numéro, que Shanghai compte ainsi, un nombre de travailleuses estimé entre 60.000 et 70.000, elles sont employées principalement dans les usines de textiles et dans les manufactures de thés.  Certes, comparativement à la population de Shanghai, estimée à environ un million en 1900 , 70.000 peut sembler faible. Mais cela illustre le fait qu’on trouve déjà des femmes insérées dans le monde du travail avant même la généralisation des discours sur le travail féminin. Le fait que les manufactures de textiles soient l’un des secteurs qui embauche le plus les femmes est également intéressant par rapport aux données que nous avons précédemment développées.

Les débuts de la République, entre acquis et régression

Avec l’établissement de la République, énormément de femmes qui s’étaient impliquées dans le processus révolutionnaire concentrent leurs efforts sur les problématiques de l’émancipation féminine. Leur premier combat concerne l’équité politique et l’obtention du droit de vote pour les femmes mais la seconde Constitution de mars 1912 anéantit tous leurs espoirs . La plupart font  alors le choix d’orienter leurs actions vers le développement du travail des femmes et investissent leur richesse, leur talent et leur énergie dans le développement des industries et de l’artisanat féminin. Leur objectif étant de créer plus d’emplois pour les femmes . Mais ces femmes ont également pour objectif de participer à l’économie nationale en créant des entreprises industrielles et commerciales promouvant des produits locaux pour renforcer l’économie du pays . Certaines militantes se tournent aussi vers le monde des affaires, mais il est indéniable que les combats politiques continuent de les animer. Par exemple, en février 1913, une certaine Lin Zongxue et sa sœur Zhang Fuzhen fondent le grand magasin Zhiquan, proclamant que « Heaven bestows men and women equal rights; people’s livelihood precedes other principles the Republic » , Le 10 octobre 1913, les sœurs affichent un couplet patriotique qui tourne en ridicule le despotisme de Yuan Shikai et célèbre l’anniversaire de la République . Un acte clairement osé au vu du contexte. Quelques articles sur le travail des femmes dans l’industrie paraissent dans le Funü Shibao comme par exemple en février 1913 l’article « Les femmes et l’industrie (妇女与实业 Funü yu shiye) d’une certaine He Zhang Yazhen (何張亞振) . De manière générale, le Funü Shibao est un journal qui promeut le travail des femmes mais il ne semble pas mettre en avant l’aspect purement émancipatoire que peut avoir le travail des femmes. Durant les premières années de la République,le travail est avant toutes choses un moyen de participer à l’effort national pour redresser la nation. Au final, il faut attendre le Quatre Mai et les années vingt pour voir émerger une réflexion structurelle sur le travail et celui des femmes en particulier. Réflexion qui n’est pas étrangère à la montée du marxisme au sein des élites intellectuelles, ou au contexte international influencée par la fin de la Grande Guerre.

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Table des matières
Remerciements 
Avertissement 
Introduction 
I. Les femmes et l’essor de la presse
II. La sphère du privé 
1) L’éducation
L’émergence des actions en faveur de l’éducation féminine
Les premiers discours sur l’éducation
La question de l’éducation dans la presse féminine des débuts
L’éducation féminine et les débuts de la République
2) Le rapport au corps
Les pieds bandés, entre préjugé et réalité
La promotion d’un corps fortifié par l’exercice physique
Le contrôle des naissances
3) Mariage, divorce et sexualité
Le mariage et ses composantes dans la Chine traditionnelle
La fin de l’Empire, entre critique du mariage traditionnel et ébauche de redéfinition
Le début de la période Républicaine, entre acquis et recherche
La nouvelle culture, quelles modalités, pour quelles relations ?
III. La sphère publique 
1) Le travail
L’exclusion progressive des femmes du secteur productif
Les débuts de l’analyse de la problématique du travail féminin
Les débuts de la République, entre acquis et régression
Femmes, travail et prolétariat après la Première Guerre mondiale
2) Les droits politiques
Nation et Révolutions, remettre en cause le pouvoir
La première vague de militantisme pour le suffrage
Femmes et reconnaissance politique, une relation compliquée
Conclusion 
Bibliographie
Sources antérieures à 1927 ou reprenant des textes antérieurs à 1927
Sources postérieures à 1927 

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