Le marbre de Carrare et ses mécanismes d’altération

Le marbre, une pierre naturelle 

Historiquement, le terme « marbre » est une appellation traditionnelle dérivée du grec marmaros puis du latin marmor qui signifie « pierre brillante ». Il décrivait n’importe quelle pierre « lustrable », c’est-à-dire dont la surface pouvait être lustrée au moyen de polissage. Dans ce sens, ce terme n’a pas de définition géologique précise et ne se réfère qu’à la capacité d’une roche à être polie et à refléter la lumière. Il a par conséquent été utilisé pour définir toute pierre polie, ce qui a donné lieu à des problèmes d’identification. (Zúñiga 1994) et (Soler-Huertas 2005) ont abordé ce problème d’identification, en faisant des analyses petrophysiques sur des statues considérées comme faites de marbre dont les résultats ont prouvé l’utilisation de roches calcaires ou assimilées.

Scientifiquement parlant, le marbre est une roche métamorphique dérivant d’un calcaire ou d’une dolomie sédimentaire ayant été transformée généralement par métamorphisme régional ou plus rarement par métamorphisme de contact. Plus précisément, le métamorphisme désigne l’ensemble des transformations subies par une roche demeurant à l’état solide sous l’effet de modifications des conditions de température, de pression ou de fluide. Ces transformations, qui peuvent être chimiques, minéralogiques, texturales ou encore structurales, conduisent à une réorganisation des éléments dans la roche et à une cristallisation/recristallisation de minéraux (Gohau et al. 1997). Dans ce processus de transformation de la roche originelle, les structures sédimentaires sont souvent en grande partie effacées. Dans les roches carbonatées, la calcite et/ou la dolomite recristallise en un amas de cristaux engrenés de dimensions millimétriques à centimétriques. Les intercalations argileuses, les minéraux détritiques ou les oxydes minéraux présents dans le carbonate originel donnent alors au marbre diverses colorations (Négroni 2009). Dans cette étude, nous nous focaliserons sur le marbre de Carrare, puisque c’est la roche la plus utilisée dans la statuaire du parc du château de Versailles. Le marbre de Carrare de qualité statuaire est un marbre blanc très pur, extrait des carrières des Alpes Apuanes sur le territoire de Carrare en Italie . Cette roche est l’un des marbres les plus prisés au monde pour sa blancheur et son veinage peu abondant (il existe plusieurs qualités de marbre de Carrare plus ou moins blanches et plus ou moins veinées) .

Pétrologiquement, la qualité « statuaire » du marbre de Carrare correspond à une roche hololeucocrate constituée à 99% de calcite, on trouve aussi de la dolomie, de la muscovite, de l’albite, du quartz et de la pyrite. L’analyse chimique, montre que le marbre se compose de plusieurs oxydes dont majoritairement la CaO et le CO2 .

L’altération du marbre 

Hormis les actes de vandalisme volontaire, l’altération subie par les roches est l’ensemble des processus qui résultent de la réaction de la pierre avec son environnement : l’atmosphère, l’hydrosphère et la biosphère. Selby (1993) a donné une définition plus précise : « Le processus d’altération et de dégradation du sol et des pierres est dû à des processus physiques, chimiques et biologiques.». Quand les roches sont utilisées dans des constructions ou des sculptures (figure I-2), Le risque d’endommagement augmente à cause de l’intervention d’autres facteurs (Siegesmund et al. 2000). Ces nouveaux facteurs peuvent inclure le type d’utilisation, la localisation de la pierre dans la construction, l’interaction avec d’autres matériaux et le microclimat. Il convient de signaler que plusieurs processus d’altération interfèrent parfois en même temps, ce qui accélère l’endommagement des pierres (Ruedrich et al. 2002). Par exemple, les variations d’humidité (alternance de cycles humiditéséchage) jouent un rôle essentiel dans les processus d’altération (Acheson 1963; Schlunder 1963; Amoroso & Fassina 1983, Fahey et al. 1984 ;Jerwood et al. 1990). Sans eau, il n’y a ni réaction chimique (pas d’altération chimique), ni transition de phases de sels et du gel (limite l’altération physique), ni de vie biologique (pas d’altération biologique).

Sur le site du Château de Versailles, le marbre de Carrare qui constitue la statuaire du Parc présente plusieurs pathologies. Parmi lesquelles on trouve la désagrégation granulaire qui se manifeste par une perte de cohésion granulaire due à la perte de matière à l’échelle granulaire (Weiss et al. 2002),c’est à dire entre les grains de la calcite (Figure I-3 et I-4). L’Annexe A décrit en détails la façon avec laquelle les minéraux se maintiennent entre eux pour donner plus de cohésion à la roche.

Dégradation physique 

Lorsqu’on parle de dégradation physique, les pathologies les plus représentatives de ce que les restaurateurs trouvent sur le terrain sont : la désagrégation granulaire superficielle ou profonde, la fracturation/fissuration et la desquamation sans changer la composition chimique et minéralogique de la roche. Parmi les facteurs qui endommagent physiquement et mécaniquement le marbre, des travaux antérieurs ont déjà montré que l’on on trouve spécialement les chocs thermiques, les sels, les agents climatiques tels que l’humidité et les cycles de gel-dégel (Kessler 1919; Powers & Helmuth 1953; Camuffo 1995 ; Winkler 1997 ; Gimm 1999; Siegesmund et al. 2000).

Altération par chocs thermiques:
Depuis une vingtaine d’années, plusieurs études ont prouvé que le facteur majeur dans le mécanisme de la dégradation et la durabilité du marbre est lié aux variations de la température, ainsi qu’aux caractéristiques thermiques de ses composants minéralogiques (Siegesmund et al. 2000 ; Shushakova et al. 2013).

Les variations de température entrainent des contraintes d’origines thermiques qui peuvent causer la fatigue du matériau et l’apparition de fissures si les contraintes sont supérieures à la résistante de la pierre elle-même. La fatigue thermique provoque une décohésion granulaire structurelle du marbre et une perte de matière (Kessler 1919; Leiss & Weiss 2000; Ruedrich et al. 2002 ), des microfissures inter et intra granulaires(Figure I-5). A ce titre, Siegesmund et al. (2000) ont réalisé des cycles de chauffage-refroidissement sur des marbres et ont montré que les échantillons étudiés présentent des changements irréversibles (en longueur en particulier) dès le premier cycle de chauffage. Il est à noter que la dilatation thermique est plus intense lorsqu’elle est associée à des changements simultanés de la température et l’humidité, ce qui engendre un endommagement plus important (Koch & Siegesmund 2004).

Le coefficient de dilatation thermique 

La dilatation thermique est liée à la composition minéralogique de la roche. Les minéraux ont des coefficients de dilatation thermique différents, ce qui cause des comportements différentiels (en dilatation ou en contraction) entre les différents minéraux constitutifs d’une même pierre. Ceci engendre des contraintes mécaniques qui peuvent générer un endommagement si elles dépassent la résistance mécanique de la pierre. Le coefficient de dilatation thermique des minéraux est un facteur qui joue un rôle majeur dans le processus d’altération des roches et est probablement le plus important en ce qui concerne le marbre. Les minéraux ont des coefficients de dilatation thermique différents impliquant des différences de comportements thermiques de contraction et de dilatation. En effet, le coefficient de dilatation thermique est lié à l’anisotropie des cristaux, c’est-à-dire qu’il diffère d’un axe cristallographique à l’autre (Kleber 1959 ; Kleber et al., 1998 ; Lewin 1990 ; Siegesmund et al. 1993;SIEGESMUND 1996) (Figure I-6). Quand un cristal de calcite est soumis à une augmentation de température, il se dilate parallèlement à son axe cristallographique c et en même temps se contracte perpendiculairement. Au cours du refroidissement, le cristal va subir des déformations inverses, i.e. des contractions suivant l’axe c et des dilatations suivant les deux autres axes (Kleber 1959 ; Ruedrich et al. 2002).

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : Le marbre de Carrare et ses mécanismes d’altération
I.1 LE MARBRE, UNE PIERRE NATURELLE
I.2 L’ALTERATION DU MARBRE
I.2.1 Dégradation physique
I.2.1.1 Altération par chocs thermiques
I.2.1.2 Altération par des sels
I.2.1.3 L’humidité
I.2.1.4 Le gel – dégel
I.2.2 Dégradation chimique
I.2.2.1 La dissolution
I.2.2.2 L’hydrolyse
I.2.2.3 L’hydratation
I.2.3 La dégradation biologique
I.3 LES PARAMETRES ET FACTEURS D’ALTERATION DU MARBRE
I.3.1 Les propriétés intrinsèques du marbre
I.3.1.1 La texture
I.3.1.2 La composition minéralogique
I.3.1.3 La porosité
I.3.1.4 La conductivité hydraulique
I.3.1.5 Les propriétés thermiques
I.3.2 Les paramètres environnementaux (facteurs extrinsèques)
I.3.2.1 La température
I.3.2.2 L’humidité
I.3.2.3 Le vent
I.4 CONCLUSION
Chapitre II : Matériel et méthodes
II.1 MATERIEL
II.1.1 Marbre vieilli ‘naturellement’
II.1.2 Marbre vieilli ‘artificiellement’
II.1.2.1 Vieillissement par cristallisation de sels
II.1.2.2 Vieillissement par chocs thermiques
II.2 CARACTERISATION DE L’ALTERATION
II.2.1 Comportement capillaire
II.2.1.1 Capillarité par la méthode de la goutte d’eau
II.2.1.2 Capillarité par le test de l’éponge
II.2.2 Rugosité
II.2.3 Résistance au percement
II.2.4 L’acoustique et la pierre
II.3 CONCLUSION
Conclusion

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