Le lire-écrire dans les programmes de l’éducation nationale 

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Le lire-écrire dans les programmes de l’éducation nationale

Les lois Ferry qui rendent l’instruction obligatoire en 1881, ne sont pas sans lien avec la volonté nationale à l’époque d’instruire et d’alphabétiser le peuple. Un objectif rapidement atteint puisque le XXème siècle sera marqué par le phénomène de massification scolaire.1 Ce bref retour sur l’histoire nous montre que l’Ecole est une institution fondamentale dans notre système, puisqu’elle permet à chaque citoyen de se former, de s’éduquer et de s’instruire. Nous allons maintenant nous intéresser à ce que disent les programmes à propos de notre problématique.
Bien que les instructions parues le 25 novembre 2015, insistent sur le fait que la lecture et l’écriture « sont deux activités intimement liées dont une pratique bien articulée consolide l’efficacité. »2, il faut savoir que ce lien n’a pas toujours été recommandé par les instructions officielles. Nous allons voir à travers un petit historique des programmes de l’école élémentaire que la lecture a souvent été privilégiée au détriment de l’écriture. Durant des décennies, l’apprentissage de la lecture a été cloisonné au « simple » apprentissage du code laissant de côté à la fois la compréhension et la production d’écrit. Les instructions officielles parues le 20 juin 1923 et restées en vigueur jusqu’en 1972, proposaient une progression laissant peu ou pas de place à l’écrit tout comme à la compréhension. Le CP était consacré à l’apprentissage du déchiffrage tandis que la production écrite était inexistante, il était essentiel « d’apprendre à lire avant d’accéder à la culture écrite ». C’est « Le plan de rénovation du français », d’où sont issues les instructions de 1972, qui vient englober la lecture, la compréhension et la production écrite dans un domaine d’apprentissage plus général qui est celui de la découverte de la culture écrite. Nous pouvons constater que les pédagogues du XXème siècle ont rapidement pris conscience que l’écriture avait toute sa place dans les programmes et ce même chez des élèves non lecteurs. Ainsi, les programmes actuellement en vigueur s’inscrivent dans cette dynamique puisque l’apprentissage de la lecture et de l’écriture sont au service l’un de l’autre. Autrement dit, l’apprentissage de la lecture ne peut en aucun être envisagé sans celui de l’écriture, l’enseignant doit prendre en compte cette réciprocité dans son enseignement, et ce dès le cours préparatoire (CP). Comme il est dit dans les programmes, le cycle 2 constitue une période déterminante dans l’apprentissage de la lecture, en particulier le CP qui a de tout temps été considéré comme la classe charnière dans l’apprentissage du décodage. Même si de nombreuses activités en lien avec le code ont été effectuées en grande section (GS), ce n’est qu’en cycle 2 que les élèves feront leur première expérience de l’écrit, il est donc important de les accompagner en donnant du sens à la lecture mais aussi à l’écriture. Les études tendent à montrer que l’écriture est l’un des moyens d’apprendre à lire, en encodant les mots l’élève parviendra plus facilement à les décoder.3Si l’on regarde de plus près les attendus de fin de cycle, il est dit que les élèves de CE2 doivent être capables d’identifier des mots rapidement mais aussi d’écrire une portion de texte d’environ 5 à 10 lignes.
Dans la mesure où une part importante des savoirs et de la culture se transmet via l’écrit et que de très nombreux gestes professionnels impliquent à la fois la lecture et l’écriture, leur maitrise constitue également un enjeu citoyen. La maitrise de la langue française a toujours été une priorité comme en témoigne le nouveau socle commun de compétences, de connaissance et de culture, paru le 23 avril 2015. Le domaine 1 qui s’intitule « Les langages pour penser et communiquer » inscrit dans ses objectifs, une maitrise orale et écrite de la langue à la fin de la scolarité obligatoire. Le cycle 2 participe grandement à l’acquisition de ce domaine, puisque « l’apprentissage de la langue française s’exerce à l’oral, en lecture et en écriture »4. Le cours préparatoire (CP) est la classe la plus emblématique dans l’apprentissage de la lecture, puisqu’elle est directement en charge de cet acquisition fondamentale. Mais, il est essentiel de préciser que l’apprentissage de la lecture ne se joue pas uniquement au CP. Depuis la maternelle où sont construites les premières fondations du lire-écrire à la capacité de lire différents types de textes et de produire des textes de façon autonome au CM2, l’école permet de guider progressivement les élèves vers la maitrise de l’écrit. Les recherches sont unanimes sur le fait que la maitrise de l’écrit conditionne fortement la réussite scolaire5. Et pourtant, de grandes inégalités persistent dans les classes en matière de lecture. Le sens que les élèves donnent à l’acte de lire est influencé par leur milieu familial or les études ont montré que le sens que le lecteur donne à l’acte de lire impacte grandement ses capacités. Les évaluations à l’entrée en sixième montrent qu’une proportion non négligeable (environ 20%) d’élèves sortent du CM2 avec de grandes difficultés en lecture.6 De nombreux chercheurs se sont alors interrogés sur l’origine de ces difficultés, parmi eux André Ouzoulias qui n’envisage aucunement l’apprentissage de la lecture sans celui de l’écriture.

Qu’est-ce que lire ?

• Pourquoi je lis ?.
Lire, c’est reconnaître les signes graphiques d’une langue, former mentalement ou à voix haute les sons que les signes ou leurs combinaisons représentent.7 Lire c’est aussi « prendre conscience du contenu d’un texte ». En effet, lire est une activité très riche à la fois culturelle et langagière. Nous lisons toujours pour satisfaire un besoin dont nous sommes plus ou moins conscient. Nous lisons, pour nous informer, nous divertir, apprendre, répondre à une question ou satisfaire sa curiosité. La lecture est une activité multifonctionnelle qui se pratique à travers différents supports tels que les livres, les affiches, les notices d’utilisation ou encore les journaux pour ne citer qu’eux. L’acte de lire n’a de sens que dans la mesure où le lecteur a un projet défini. La mission de l’école n’est pas seulement de transmettre les moyens de décoder l’écrit, il faut aussi enrichir la culture de l’élève pour qu’il puisse construire un projet de lecteur, essentiel à son apprentissage. En tant qu’enseignant, nous devons être conscients de cet aspect culturel, il ne doit en aucun cas être mis de côté. Bien souvent, les représentations erronées qu’ont certains élèves à propos de la lecture sont à l’origine ou du moins n’arrangent pas leurs difficultés. C’est pour cela qu’une des premières étapes dans l’apprentissage de la lecture se situe dans la construction du sens de l’acte de lire. Dans ce cadre, la maternelle a un grand rôle à jouer puisqu’elle permet à l’élève de rencontrer une multiplicité d’oeuvres. Cette acculturation permettra peu à peu à l’élève de construire son propre projet de lecteur. Ainsi, la lecture ne se limitera plus à une activité scolaire obligatoire, elle aura un sens pragmatique. Pour G. Chauveau8, l’acte de lire nécessite la mise en place de 3 actes, le premier étant « avoir un mobile » c’est-à-dire que le lecteur doit savoir pourquoi il lit. Ces compétences culturelles sont importantes d’une part parce qu’elles permettent à l’élève de construire son projet de lecteur mais aussi parce qu’elles contribuent à la construction du sens. La lecture qui est souvent considérée comme une activité simplement langagière doit aussi être envisagée en tant qu’objet culturel. Nous avons étudié les fonctions de la lecture, nous allons maintenant tenter de comprendre comment nous accédons à celle-ci d’un point de vue cognitif et langagier.
• Comment je lis ?
L’apprentissage de la lecture est l’un des plus complexes, c’est d’ailleurs pour cela que la logique spiralaire des programmes, laisse tout un cycle à l’élève pour avoir acquis cette compétence. Si nous nous intéressons à l’aspect didactique de la lecture deux types de compétences interagissent, des compétences cognitives et linguistiques. Même s’il est évident que ces compétences s’imbriquent l’une dans l’autre, nous allons d’abord développer notre propos sur les aspects cognitifs puis nous en viendrons aux aspects linguistiques.

Une interaction plus qu’une articulation

L’articulation entre la lecture et l’écriture ne fait plus aucun doute aujourd’hui. Cependant de nombreux chercheurs tels qu’André Ouzoulias ou encore E. Barjolle défendent l’idée selon laquelle il y aurait un phénomène d’interaction entre la lecture et l’écriture, bien plus qu’une simple articulation. A. Ouzoulias a d’ailleurs écrit à ce propos, un manifeste dans lequel il évoque les dix bonnes raisons qui montrent que les enseignants ne peuvent pas faire abstraction de l’interaction vive qu’il existe entre la lecture et l’écriture.13Les idées fortes défendues par ce texte sont en lien direct avec notre problématique. Comme nous l’avons évoqué dans les parties précédentes, la lecture est un acte complexe qui doit être considéré dans toutes ses dimensions. A. Ouzoulias montre que le fait de produire des textes sans même savoir lire permet à l’élève de donner du sens au principe alphabétique par l’expérience de son propre écrit mais aussi de prendre en compte toutes les dimensions de la culture écrite, écrire pour se faire comprendre, pour être lu ou encore pour communiquer. Tous ces éléments ne font que renforcer l’aspect pragmatique et culturel de la lecture dans notre société.
Ainsi, comme l’évoque, Pascal Quignard 14 « On ne peut imaginer un écrivain qui n’aurait jamais lu. Ecrire c’est traduire sous forme de livre tout ce qui a été écrit du moins tout ce qu’on a lu. […] Qui a écrit a lu. ». L’acquisition de la culture écrite résulte donc d’une forte interaction entre le savoir lire et le savoir écrire. En partant de cette constatation, nous pouvons supposer que la relation réciproque qu’il existe entre le vocabulaire et la lecture est également valable pour l’écriture. Autrement dit, plus nous écrivons mieux nous lisons et plus nous lisons mieux nous écrivons.

Problématique et hypothèses

La problématique

Mes recherches révèlent l’interaction aujourd’hui défendue entre le savoir-lire et le savoir-écrire qui sont des objectifs fondamentaux de l’école. Cela m’a donc amenée à la problématique suivante : dans quelle mesure la production d’écrit permet-elle d’améliorer les performances en lecture des élèves de CE1 ?
Pour répondre à cette problématique, nous allons tester les hypothèses suivantes :

Hypothèses

Hypothèse générale :
Le fait de produire de l’écrit va améliorer les performances en lecture des élèves en difficulté.
Hypothèses opératoires :
– La situation d’écriture motive l’élève qui est plus actif dans ses apprentissages.
– Le fait d’encoder des sons permettra ensuite à l’élève de mieux les décoder.
– Le choix de l’album de jeunesse comme lanceur d’écriture permet une alternance entre la position de scripteur et celle de lecteur.
– La production d’écrit donnera davantage de sens à la lecture ce qui permettra à l’élève de créer un projet de lecteur efficient.
– Les situations d’écriture si elles sont bien construites changeront les représentations initiales des élèves à propos de l’acte de lire.

Méthodologie envisagée

Le cadre de l’étude

Pour tester mes différentes hypothèses j’ai décidé de travailler avec les quatre élèves de ma classe qui présentent de grandes difficultés en lecture. Comme évoqué dans l’introduction, ces élèves ont une conscience graphophonologique faible et ne peuvent pas lire un texte aussi court soit-il, en autonomie. Pour bien comprendre l’enjeu du dispositif pédagogique envisagé il convient de décrire le profil de ces élèves.
Y… est un élève nouvellement arrivé dans l’école. Il a de nombreuses capacités mais manque de confiance en lui. Ce manque de confiance et les difficultés qu’il rencontre ne lui permettent pas d’entrer dans les différentes tâches proposées.
Malgré les aides mises en place depuis le début de l’année, en lecture, Y… ne parvient pas à décoder des sons complexes (CCV), par exemple.
A… a fait deux CP au cours de sa scolarité mais n’a toujours pas acquis la lecture ni même le principe alphabétique. C’est un élève qui rencontre des difficultés dans tous les domaines, qui manque de confiance en lui et qui a beaucoup de mal à maintenir son attention. Une orientation en ULIS a d’ailleurs été évoquée lors des différentes rencontres des équipes éducatives. Tout comme Y…, il ne parvient pas à décoder des sons complexes.
M… est un élève qui rencontre également des difficultés en lecture. Cependant, il est important de relever que la logique alphabétique est en partie acquise chez cet élève qui est capable de décoder de manière relativement fluide des sons complexes (CCV). Un manque de motivation dans les tâches de lecture et d’écriture est tout de même à relever.
L… a récemment été diagnostiqué dyslexique et dysorthographique ce qui explique ses grandes difficultés en français. Il présente comme M… une acquisition du principe alphabétique et parvient à décoder des sons complexes. Nous pouvons relever chez cet élève un manque de motivation et d’inspiration dans les tâches d’écriture.
Ces élèves ont des profils différents d’un point de vue scolaire, mais nous pouvons relever des difficultés semblables face à l’acte de lire. Nous pouvons remarquer que ce sont des élèves qui n’ont pas tout à fait trouvé de sens à la lecture ce qui complique son apprentissage. De plus, ils n’ont pas encore réellement conscience de la forte interaction qu’il existe entre la lecture et l’écriture. Nous pouvons espérer que le dispositif pédagogique mis en place leur permettra d’établir ce lien et de modifier leur rapport à la culture écrite.

Evaluation des besoins

Pour évaluer et mieux cibler les profils de lecteur de ces élèves, nous nous sommes inspirés du Moniteur pour l’Evaluation des Difficultés de l’Apprenti Lecteur (MEDIAL).15 Cet outil pédagogique conçu par A. Ouzoulias s’inscrit dans une logique d’interaction entre la lecture et l’écriture. Ainsi différentes compétences indispensables à l’acquisition de la lecture ont pu être évaluées :
– Ecrire des syllabes ou des mots en respectant les correspondances graphophonologiques.
– Segmenter des mots en syllabes ;
– Segmenter des phrases en mots à l’oral et à l’écrit ;
– Repérage d’un son donné (conscience phonique) ;
– Décoder des mots usuels de manière aisée.
Un autre outil pédagogique a également été utilisé pour évaluer le nombre de mots outils que les élèves étaient capables d’identifier par la voie directe. Pour finaliser cette évaluation cognitive et langagière de la lecture, un questionnaire encore une fois issu du MEDIAL a été soumis aux élèves pour recenser leurs représentations de la lecture. (Cf. Annexe 1)
Les différentes évaluations proposées ont montré que les quatre élèves dont il est question, présentent de nombreuses difficultés. Nous pouvons relever d’importantes faiblesses pour établir des correspondances graphophologiques ou encore pour segmenter des phrases en mots, et ce en particulier à l’écrit. Nous pouvons remarquer que les difficultés qu’éprouvent ces élèves sont particulièrement liées au passage à l’écrit. Il est encore compliqué pour eux d’associer la phonie (ce qu’ils entendent) et la graphie (ce qu’ils écrivent). Nous pouvons supposer que les situations de production d’écrit leur permettraient notamment d’établir des analogies comme l’évoque A. Ouzoulias.16 En effet, la production d’écrit va permettre un traitement analytique du mot puisque les élèves doivent s’interroger sur la manière dont est formé le mot, ils le segmentent puis tentent d’écrire les syllabes trouvées en faisant correspondre phonie et graphie.
D’un point de vue didactique, l’enseignant doit alors s’interroger afin de mettre en oeuvre des situations d’écriture qui permettront d’accéder à ces premières analogies.
Ainsi, il convient de présenter les situations d’écriture considérées comme efficientes par les chercheurs ainsi que le dispositif pédagogique envisagé.

La production d’écrits : les situations génératives

La production écrite est un apprentissage qui a longtemps été limité à la simple application des normes orthographiques, syntaxiques et grammaticales acquises au long de la scolarité.17 Or, les recherches actuelles menées par D. Bucheton ou encore J-M Besse montrent que la production écrite est bien plus que cela. En effet, la production d’écrits confronte l’élève à des problèmes de langue qu’il aurait peut-être évités sans cela. Ainsi, la production d’écrits est un apprentissage fondamental au service de toutes les dimensions de la langue écrite. Cependant, il est indispensable de mettre en oeuvre des situations dites génératives qui respectent quelques principes pédagogiques. J-M Besse évoque quatre principes pédagogiques nécessaires pour donner davantage de sens à l’activité d’écriture.
1) Il est important de contextualiser les activités d’écriture, le rôle de l’enseignant est de présenter ce qui est attendu à l’aide d’exemples ou de supports variés tels que des albums.
2) L’élève doit être en situation de confiance cela nécessite qu’il puisse faire des erreurs. Lorsque l’enseignant donne la consigne, il doit également préciser que ce ne sont pas les normes orthographiques qui sont évaluées mais la production en elle-même.
3) L’enseignant doit choisir tout au long de l’année plusieurs activités de langue écrite. Il est essentiel de varier les supports et les situations proposées pour permettre à l’élève d’enrichir ses connaissances sur la langue écrite.
4) Enfin, l’enseignant doit créer du lien entre les connaissances en construction sur l’écrit avec celles déjà acquises à l’oral. Lors des situations d’écriture, il est important que l’élève ait un temps pour oraliser son futur écrit, cela permet une première mise en mémoire et une analyse de sa future production.
A ces quatre principes nous pouvons ajouter la nécessité d’avoir un enjeu pragmatique fort dans toutes les situations d’écriture. Autrement dit, l’élève doit savoir pourquoi et pour qui il écrit. Le rôle de l’enseignant dans ce contexte est de guider l’élève tout au long de ce travail, pour cela il dispose d’un outil indispensable qui est la consigne. La consigne qui habituellement est considérée comme une contrainte devient un élément inducteur en production d’écrits à condition qu’elle soit claire et qu’elle pose un cadre d’écriture. Si tous ces principes pédagogiques sont respectés, l’écriture devrait permettre à l’élève de s’approprier la culture écrite dans sa globalité.
Dans le cadre de ce mémoire, il convient d’appliquer au mieux ces principes dans les situations d’écriture choisies pour établir une articulation effective entre la lecture et l’écriture.

Le Dispositif pédagogique

Mise en oeuvre des situations d’écriture au sein de la classe

En considérant les objectifs visés par cette étude, deux situations génératives d’écriture ont été privilégiées. Y. Reuter propose différents jeux d’écriture pour travailler l’articulation entre la lecture et l’écriture. Parmi eux, la création des mots valises, proposée oralement dans un premier temps, permet de pratiquer la fusion de syllabes de mots déjà connus, ce qui nécessite une reconnaissance des syllabes en amont. J’ai donc choisi de mettre en oeuvre cette situation d’écriture d’une part pour son aspect ludique et d’autre part car elle semble accessible à des élèves non lecteurs car il s’agit de produire des textes courts en respectant une contrainte clairement établie par l’enseignant. La seconde situation d’écriture choisie se base sur un album à structure répétitive. Un album à structure répétitive est un album dans lequel la structure de phrase reprend toujours les mêmes éléments. Nous pouvons supposer que ce type de support présente un double intérêt. Le premier est que l’utilisation d’un album de jeunesse permet à l’élève d’alterner entre la posture de lecteur est celle de scripteur. Le second intérêt tient à la structure répétitive, celle-ci permet à l’élève de construire un cadre d’écriture explicite et lui offre une structure syntaxique repère. Selon B. Devanne la structure répétitive présente « un caractère ludique et contribue à créer un rapport positif des enfants, même en difficulté, à la pratique de l’écriture. »19
Nous allons maintenant présenter plus en détail les objectifs de ces situations ainsi que les séances menées en classe.
Les mots valises.
Les différents objectifs poursuivis par cette situation sont les suivants :
– Localiser et identifier les syllabes initiales et finales des mots connus.
– Fusionner les syllabes localisées en respectant les contraintes du genre.
– Rédiger une ou plusieurs phrases dans une forme correcte en respectant les contraintes du genre.
Pour atteindre les objectifs suivants la séquence a été menée sur 4 séances. Lors de la première séance, l’enseignant a montré aux élèves différents exemples de mots valises accompagnés de leur définition. L’intérêt de ce premier travail était de permettre aux élèves d’observer la construction de ce qui va leur être demandé mais aussi de se construire une représentation de la production attendue en fin de séquence. A l’issue de cette séance, une affiche a été créée pour servir de référence, cette affiche repère permettra aux élèves de confronter leurs productions au modèle attendu et ce à chaque séance (Cf. Annexe 2). Les deux séances suivantes ont été consacrées à la production, dans un premier temps les élèves ont construit leurs mots valises en respectant la consigne énoncée. Ce travail en apparence simple demandait aux élèves de mobiliser des compétences liées au principe alphabétique. En effet, ils devaient sélectionner un panel d’animaux dont les noms contenaient au moins deux syllabes puis ils devaient chacun sélectionner deux animaux pour fabriquer leur mot valise. Une fois leurs deux animaux choisis, ils leur fallaient repérer la première syllabe du premier animal ainsi que la dernière syllabe du deuxième animal, et c’est en fusionnant ces deux syllabes qu’ils construisaient leurs mots valises. La seconde partie du travail consistait à décrire les animaux imaginaires créés, pour cela il fallait construire une phrase correcte. A cette même période nous découvrions en grammaire la notion d’adjectif : pour créer du lien entre la grammaire et la production d’écrits, il a été demandé aux élèves d’utiliser au moins deux adjectifs dans leurs définitions. Lorsque les élèves ont terminé leurs premiers jets ils ont pu lire leurs productions au groupe classe. Comme nous l’avons évoqué précédemment, cette confrontation aux pairs a un double intérêt : elle donne du sens à leur écrit et permet de l’améliorer. Il est également important que les élèves aient en tête les critères de réussite liés à la tâche, c’est pour cela que la quatrième séance a démarré par la création d’une grille de critères de réussite. L’objectif était que les élèves puissent améliorer leurs productions par le retour des pairs mais aussi en les confrontant à cette grille d’auto-évaluation. Après discussion trois critères de réussite ont été retenus :
– J’ai utilisé deux noms d’animaux pour créer mon mot valise.
– J’ai utilisé les bonnes syllabes pour chacun des animaux choisis.
– J’ai écrit ma définition en utilisant au moins deux adjectifs.
Les élèves ont donc tenté d’améliorer leurs productions au cours de cette dernière séance pour pouvoir les soumettre à l’évaluation de l’enseignant.

Retour sur hypothèses et analyse réflexive

Au début de ce mémoire professionnel, je faisais l’hypothèse que le fait de produire de l’écrit pouvait améliorer les performances en lecture des élèves en difficulté. En effet, à la lecture de différents auteurs tels qu’André Ouzoulias, il m’a semblé qu’une pratique réfléchie de la production d’écrit pourrait permettre aux élèves d’améliorer leurs connaissances sur les correspondances graphophonologiques et le principe alphabétique, ainsi ils seront à même de développer des stratégies de lecture plus efficientes. L’analyse des résultats réalisée ainsi que l’analyse des dispositifs pédagogiques vont me permettre de valider ou d’infirmer les hypothèses émises au début de ma réflexion sur l’interaction entre la lecture et l’écriture.
▪ Hypothèse 1 : La situation d’écriture motive l’élève qui est plus actif dans ses apprentissages.
Avant de valider ou d’infirmer cette hypothèse il convient de définir brièvement ce qu’est la motivation dans le contexte scolaire. Elle est définie par R. Viau comme « un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre son but. »21. Les études montrent que pour qu’un élève soit motivé par la tâche proposée il est nécessaire qu’il perçoive : l’intérêt de la tâche demandée, sa capacité à réaliser la tâche, et comment atteindre le but fixé.
Les deux séquences qui ont été réalisées ont été construites de manière à respecter au mieux ces facteurs de motivation. Il est évident que la motivation des élèves est difficilement mesurable de manière objective, en revanche, différents indices montrent qu’un élève est motivé. Nous pouvons retenir deux indicateurs observables qui sont :
– Produire une ou plusieurs phrases dans le cadre du travail demandé ;
– Confronter son texte aux critères de réussite de manière à le réviser.
Les quatre élèves concernés par le travail mené, sont des élèves qui ont habituellement du mal à s’impliquer dans les différentes tâches proposées, notamment face aux activités d’écriture. Ce sont des élèves qui ont des difficultés scolaires mais qui manquent également de confiance en eux. Au début, ils étaient en retrait car ne se sentaient pas capables d’accomplir les tâches demandées. Puis au fur et à mesure des séances, les outils et les valorisations de leurs productions ont permis leur implication dans la tâche, ils ont même montré du plaisir à produire de l’écrit. En tant qu’enseignante, j’ai pu mesurer cette progression en observant leurs comportements, ce sont des élèves qui habituellement mettent un certain temps pour réaliser les tâches proposées, se dispersent à la moindre occasion, et sollicitent énormément l’enseignante à la moindre difficulté. Or, lors de ces travaux en petit groupe, j’ai pu constater un grand investissement et un réel intérêt pour la tâche proposée. Ainsi, nous pouvons en conclure que les tâches d’écriture sont un moyen de rendre les élèves plus actifs et donc de les impliquer et les motiver davantage, il semble que l’hypothèse soit confirmée.
▪ Hypothèse 2 : Le fait d’encoder des sons permettra ensuite à l’élève de mieux les décoder. Comme nous l’avons vu précédemment, pour lire correctement un élève doit faire interagir différentes compétences dont celle de la maitrise du principe alphabétique, une compétence particulièrement déterminante. En effet, pour pouvoir lire et écrire correctement, un élève doit notamment comprendre que pour un son donné il existe une ou plusieurs graphies et que pour une graphie donnée il y a un son correspondant. Dans le cadre de mon mémoire mais également dans ma pratique de tous les jours j’invite tout particulièrement ces quatre élèves à saisir cette régularité. Lors des séances de mise à l’écrit, je les ai encouragés à s’interroger davantage sur le son qu’ils voulaient retranscrire et la graphie qui pouvait y être associée. Ce travail mené tout au long des séquences leur a permis de rédiger leurs productions de manière autonome. Le travail en petit groupe m’a permis de les aider à développer des connaissances métacognitives. En effet, la confrontation aux stratégies de leurs pairs leur fait comprendre que leur stratégie n’est pas forcément la bonne ou encore qu’il existe d’autres stratégies. Cette réflexion inspirée du socioconstructivisme leur a permis de sélectionner avec l’aide de l’enseignante et du groupe, les stratégies les plus efficientes pour coder de l’oral. Pour ce qui est du décodage, ces quatre élèves délaissent peu à peu la technique de lecture qui consistait à deviner le mot à partir de son début, pour mieux s’approprier la stratégie graphophonétique. Ainsi, leurs performances en lecture se sont significativement améliorées, (Cf. Tableau 5). De plus, le travail mené a permis à ces élèves de reprendre confiance en leurs capacités. Ces élèves qui habituellement ne sont jamais volontaires pour lire une consigne, par exemple, sont parvenus à lire leur production face à la classe.
A la lecture des résultats obtenus nous pouvons dire que le fait d’encoder des mots régulièrement, de produire de l’écrit et d’alterner entre les microstructures et la macrostructure a permis à ces élèves de mémoriser des graphèmes et des mots, mais pas seulement. Ce travail a également permis de donner du sens à l’écrit et par conséquence à la lecture. Cependant, il convient de rester prudent quant à la validation de l’hypothèse. Certes le fait d’encoder des mots a permis aux élèves de mieux les décoder mais nous ne pouvons nier le fait que les ateliers de lecture menés tout au long de l’année ont surement participé à l’amélioration de leurs performances. Nous pouvons donc valider l’hypothèse selon laquelle l’encodage participe au décodage tout en considérant que d’autres facteurs peuvent améliorer ces mêmes compétences.
▪ Hypothèse 3 : Le choix de l’album de jeunesse comme lanceur d’écriture permet une alternance entre la position de scripteur et celle de lecteur.
Le choix de l’album de jeunesse n’est pas innocent car c’est un support particulièrement apprécié par les enseignants et ce dans différents domaines d’apprentissage. L’album de jeunesse est un moyen de développer chez les élèves le plaisir et le désir de lire. D’ailleurs, de nombreuses méthodes de lecture font aujourd’hui le choix d’entrer dans la lecture au CP par des albums de jeunesse.
Dans le cadre de ce mémoire, l’utilisation de l’album avait un double objectif ; celui de donner à l’élève l’envie de lire mais aussi celui d’enrichir son imaginaire lui donnant ainsi le moyen d’écrire. L’utilisation du « Livre des peut-être » leur donnait l’occasion d’écrire « à la manière de », ainsi ils disposaient d’un cadre rassurant pour produire de l’écrit. Ils ont pu saisir de manière plus pragmatique à quoi cela servait d’écrire et à qui l’écriture était destinée. L’utilisation de cet album leur a permis de donner du sens à l’écriture et à la lecture puisqu’ils ont alterné entre la posture d’auteur lors des séances de production et celle de lecteur lorsqu’ils ont lu leurs travaux à la classe. Les élèves ont pris du plaisir à lire, ce qui a fait avancer leur projet de lecteur. Avant cela l’acte de lire était considéré comme un acte purement scolaire n’ayant pas forcément de sens dans la vie de tous les jours. L’aspect communicationnel introduit dans ces ateliers d’écriture a davantage mis en valeur les aspects culturel et pragmatique propres à l’acte de lire.
Par définition l’utilisation de l’album de jeunesse comme lanceur d’écriture permet d’alterner entre la posture de lecteur et celle de scripteur. Pour écrire à partir d’un album, il est nécessaire de le lire et d’y revenir pour réviser son écrit. Cependant, nous pouvions nous interroger sur cette capacité chez des élèves non lecteurs. La séquence menée a montré que les élèves ont bel et bien alterné entre lecture et écriture et ce tout au long de la séquence. Comme l’évoque A. Ouzoulias, le fait d’être au départ de la boucle de communication permet à un élève même non lecteur de comprendre en quoi consiste l’acte de lire.22
Ainsi, nous pouvons valider l’hypothèse selon laquelle l’album de jeunesse est un outil privilégié pour faire interagir lecture et écriture.
▪ Hypothèse 4 : La production d’écrit donnera davantage de sens à la lecture ce qui permettra à l’élève de créer un projet de lecteur efficient.
L’hypothèse 3 fournit des éléments de réponse à cette hypothèse. Comme nous l’avons vu, l’utilisation de l’album de jeunesse contribue au projet de lecteur de l’élève. Cependant nous ne pouvons pas affirmer que le travail conduit ces trois derniers mois a permis de forger un projet de lecteur efficient chez ces quatre élèves. Le projet de lecteur est conditionné par deux questions auxquelles l’élève doit trouver une réponse : – Lire pour quoi faire ?
– Lire comment faire ?
Nous pouvons considérer que les ateliers d’écriture ont commencé à répondre à ces questions, mais c’est un travail qui doit se faire sur le long terme. Les hypothèses validées précédemment montrent que le fait de produire de l’écrit donne accès aux fonctions de la lecture et permet de développer des stratégies pour mieux lire. Cette hypothèse est en partie validée puisqu’effectivement le fait de produire de l’écrit donne du sens à la lecture.
▪ Hypothèse 5 : Les situations d’écriture si elles sont bien construites changeront les représentations initiales des élèves à propos de l’acte de lire.
Le questionnaire a montré que ces élèves avaient très peu accès à la littérature en dehors de l’école. De ce fait, ils ont développé des représentations assez étroites de l’acte de lire, pour ces quatre élèves lire représente avant tout un enjeu scolaire. Or, comme nous l’avons vu dans la partie théorique, il est nécessaire que la lecture revête un aspect culturel et communicationnel.
Les situations d’écriture proposées ont sans doute fait évoluer leurs représentations de l’acte de lire. Toutefois, les situations d’écriture n’ont pas permis à ce jour de faire évoluer leurs conceptions de la lecture de manière significative. Nous pouvons supposer que sur le long terme ces types de travaux peuvent faire évoluer leurs représentations initiales au vu des résultats obtenus. L’hypothèse est donc infirmée à ce jour, en revanche, nous pouvons envisager que les situations d’écriture constituent une voie d’évolution potentielle.
En conclusion de cette analyse, les résultats obtenus ainsi que la validation d’une grande partie des hypothèses opératoires, nous permettent de valider l’hypothèse générale selon laquelle la production d’écrit améliore les performances en lecture des élèves en difficulté. Il convient tout de même d’émettre une réserve, pour que ces résultats soient définitivement validés il est nécessaire que cette démarche soit poursuivie tout au long de leur scolarité.

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Table des matières

Introduction
I. Le cadre théorique
1. Le lire-écrire dans les programmes de l’éducation nationale
2. Qu’est-ce que lire ?
3. Qu’est-ce qu’écrire ?
4. Une interaction plus qu’une articulation
II. Problématique et hypothèses
1. La problématique
2. Les hypothèses
III. Méthodologie envisagée
1. Le cadre de l’étude
2. Evaluation des besoins
3. La production d’écrits : les situations génératives
IV. Le dispositif pédagogique
1.Mise en oeuvre des situations d’écriture au sein de la classe
2. Recueil et analyse des données
3. Retour sur hypothèses et analyse réflexive
Conclusion 
Bibliographie

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