Soutenance mémoire
LE METIER DE LIBRAIRE
DIFFERENTS ASPECTS D’UNE PROFESSION TRES DIVERSIFIEE
Un libraire se trouve en présence de modalité multiples d’approvisionnement, selon les éditeurs. Il s’agit de l’office, en vertu duquel le libraire paye les nouveautés reçues mais peut, au terme d’un délai déterminé en règle générale 3 mois – renvoyer les invendus qui viennent créditer son compte. Plus un libraire est spécialisé, plus il connaît sa clientèle et donc diminue le nombre de retours. De plus, l’office représente un moyen sûr d’information pour les libraires, puisqu’il contient toutes les nouveautés parues chez les éditeurs. Il permet ainsi au libraire d’opérer des choix plus sûr que ceux effectués d’après catalogue ou auprès des représentants. Aujourd’hui, le marché du livre se partage entre les librairies traditionnelles (20.9% des ventes de livres en France), les grandes chaînes de diffusion (telles que FNAC – 12.5% – ou le Furet du Nord), les grandes surfaces (6%) et les clubs de vente par correspondance (22.1%).
Les Librairies spécialisées jeunesse
Le libraire spécialisé joue un rôle essentiel dans la diffusion du livre car, plus qu’aucun autre, il assure la pérennité des ouvrages de son fonds ainsi que la découverte des nouveaux auteurs ou illustrateurs.
Le plus souvent tenues par des «passionnés », les librairies spécialisées jeunesse se donnent toutes le même rôle : proposer un fonds important et sélectif, apporter des compétences de conseil et d’information et aménager un espace accueillant. A cela s’ajoute une volonté de «sortir de la librairie » pour participer à des fêtes du livre, organiser des animations et démarcher des collectivités. En effet, bibliothèques, crèches et écoles représentent entre 30 et 50% du chiffre d’affaire des librairies spécialisée jeunesse aujourd’hui.
LES FORMATIONS
Le métier de libraire unit deux facteurs essentiels : le goût de la lecture et l’aptitude à gérer un commerce. A cela s’ajoute aujourd’hui la nécessité de maîtriser l’outil informatique, désormais indispensable pour une gestion du stock et des relations avec les fournisseurs plus efficaces.
Un bon libraire se doit également d’allier à une curiosité et une ouverture sur le monde toutes particulières, une bonne culture générale. En effet, en tant que dernier maillon de la chaîne de diffusion du livre, il a pour mission à la fois d’informer le «client- lecteur » et de lui proposer une offre de livres pertinente afin de le satisfaire le mieux possible. Le métier de libraire est donc un métier exigeant, fait également, au-delà de la formation proprement dite, d’expérience.
Comment devient- on libraire ?
En France, aucun diplôme n’est exigé pour exercer la profession de libraire.
Néanmoins, en raison de la complexité du métier, de la compétence exigée et des spécificités liées à la fonction commerciale, économique, financière, culturelle et sociale, une formation se révèle nécessaire. Aujourd’hui, deux solutions sont proposées :
> Une personne désirant être libraire peut suivre des stages en tant que créateur d’entreprise, ou, si elle est déjà «active » en librairie, se former par alternance par l’intermédiaire de l’A.S.F.O.D.E.L.P. (Association Nationale pour la Formation et le Perfectionnement professionnels en Librairie et Papeterie.)
> La seconde voie est celle d’une formation universitaire initiale, pouvant mener aux métiers de la librairie.
NB
Depuis peu, une réflexion prospective commune s’est instaurée en France, où, contrairement à presque tous les autres pays Européens, la formation est «éclatée » entre associations professionnelles et universités. Cette réflexion vise à inclure la formation en matière de librairie en France au sein des structures associatives professionnelles.
Les formations universitaires
Les formations universitaires menant aux métiers de la librairie sont généralement dispensées sous forme de modules optionnels ou de filières, regroupés sous le nom de «métiers du Livre ». Le contenu de ces enseignements aborde les métiers du livre dans leur ensemble, sans distinction particulière, ni spécialisation. Ces formations sont toutes, à de rares exceptions près, sanctionnées par un DUT (Diplôme Universitaire de Technologie) Information Communication, option Métiers du Livre.
Il est important de préciser que la plupart de ces formations assurent le suivi des sortants mais pas forcément un placement professionnel.
IUT «a » – Université Nancy 2 – Nancy
Cette formation, existant depuis 1993, est financée en partie par le Ministère de l’Education Nationale. D’une durée de deux ans, elle concerne les bacheliers, mais propose également des années spéciales (un an) pour les étudiants ayant un niveau minimum de Bac+2. Le nombre d’étudiants en cours étant limité à 28 par an, une sélection s’opère à l’entrée.
Le programme proposé comporte, outre 10 semaines de stages en entreprises, des conférences données par des intervenants libraires, et a pour principaux objectifs la connaissance de l’environnement, la connaissance et la maîtrise des outils, ainsi que de former les étudiants à savoir communiquer et agir en situation.
La Faculté des Lettres – Université de Haute Alsace – Mulhouse
Cette formation, d’une durée d’un an, existe depuis 1982. Financée par les inscriptions universitaires et les fonds propres de l’Université, elle est réservée aux étudiants en licence de Lettres et Arts (Littérature, Langues, Histoire). Une trentaine d’étudiants de niveau Deug sont sélectionnés à l’entrée pour suivre des sessions de formation de l’Asfodel, soit 10 séminaires de deux jours (9 à Mulhouse et 1 à Paris) et un stage obligatoire en librairie d’au moins 4 semaines. Outre un enseignement spécifique relatif au fonctionnement de la librairie (dispensé par six enseignants de l’Asfodel), la formation comporte une initiation aux systèmes de gestion informatique.
Il s’agit de la seule formation à ce niveau et de ce type en France. Le diplôme qui la sanctionne est un Diplôme d’Université (D.U.) et Licence de lettre moderne option Librairie.
N.B. : A défaut du suivi des sortants, cette formation assure la collaboration du milieu professionnel et garantit des débouchés à la mesure de la motivation des étudiants et de leur mobilité géographique
LE LIBRAIRE : FILTRE OU MEDIATEUR ?
Que ce soit dans la façon dont il agence sa librairie, à travers la sélection de livres qu’il propose à la vente, ou bien encore dans sa manière de les présenter au client- lecteur, la personnalité du libraire, ses options personnelles, sa propre expérience de lecteur, sa subjectivité, transparaissent d’une manière ou d’une autre dans son métier. Il est donc important de trouver un équilibre entre sa propre expérience de lecteur et l’orientation du client- lecteur dans ses choix.
Comment concilier un devoir «d’universalité » et une sélection au service du lecteur sans tomber dans le piège de la subjectivité ou de la censure ? Dans son métier d’intermédiaire entre le livre et le lecteur, le libraire est-il filtre ou simple médiateur ?
LE BATEAU LIVRE, LIBRAIRIE SPECIALISEE JEUNESSE
Présentation générale de la librairie
Statut de l’entreprise
Créée en 1988 par Anne Delcroix, ancienne institutrice, la librairie spécialisée jeunesse «le Bateau Livre » est installée depuis l’été 92 au 39, rue de la Clef, dans le vieux Lille. Une implantation qui a nécessité une aide financière* de l’A.D.L.C. (Association pour le développement de la librairie de Création), ainsi qu’une subvention de la D.R.A.C. (Direction Régionale des Affaires Culturelles). Une aide du Ministère de la culture a également permis, il y a quelques années, l’informatisation de la librairie. C’est au salon du livre de jeunesse de Montreuil, peu de temps après la création du « Bateau livre », qu’Anne Delcroix a pris contact avec l’ALSJ, qui lui a permis d’effectuer un stage dans l’une des librairies de l’association.
L’ALSJ
Anne Delcroix est membre de lAssociation des Libraires spécialisés Jeunesse (ALSJ) depuis une dizaine d’années. Cette association, créée en 1981 par plusieurs libraires, vise une certaine reconnaissance des spécificités du métier de Libraire spécialisé Jeunesse par les éditeurs. Elle a également permis à de nombreux libraires de concrétiser leur projet de création d’une librairie spécialisée*. L’ALSJ conduit de nombreuses actions de promotion mais aussi des négociations avec les éditeurs (notamment au sujet des remises). De plus, elle permet une cohésion des libraires spécialisés jeunesse face à la concurrence des gros distributeurs. Chaque année, l’ALSJ propose à ses membres un catalogue de sélections, sorte de bilan des échanges d’appréciation sur les lectures lors des réunions organisées par l’association. De plus, les travaux bibliographiques réalisés par les différents libraires sont mis à la disposition de tous.
L’ASLJ édite une revue Citrouille, qui traite de la littérature de jeunesse et qui est destinée à un large public d’adultes et de professionnels. Citrouille est le fruit du travail de plusieurs libraires de l’association, coordonné par Denis Hooge (Librairie des Enfants, à Versailles). Thierry Lenain, auteur renommé de livres pour la jeunesse, en est le rédacteur en chef. Chaque membre de l’association peut écrire dans Citrouille, qui paraît deux à trois fois par an et dont chaque numéro est consacré à un thème particulier ou à un débat d’actualité. Citrouille présente également régulièrement les nouveautés à paraître ainsi que des bibliographies. L’ALSJ propose également chaque année les prix « Sorcières » (sigle de l’association), qui rassemblent et élisent les coups de cœur des libraires spécialisés jeunesse.
N.B.
Depuis 1986, l’ALSJ accueille, outre les librairies spécialisées jeunesse, des librairies faisant preuve d’un intérêt particulier pour la promotion du livre pour enfant.
Orientation ou accompagnement des lecteurs ?
Anne Delcroix s’efforce de lire tous les ouvrages qu’elle propose à la vente afin de pouvoir, le cas échéant, mieux les mettre en scène ou les conseiller.
L’accompagnement de ses client passe très souvent par un contact direct avec le livre, qu’elle raconte, fait vivre afin d’établir une relation entre l’histoire et le lecteur. L’absence de signalisation, au «Bateau Livre », favorise cette prise de contact des clients avec Anne Delcroix.
De plus, nombre de clients viennent chercher au Bateau livre non seulement des ouvrages qu’ils savent choisis pour leur qualité mais un accueil, une disponibilité et une compétence. En effet, pour informer – et parfois même former – le lecteur, le libraire doit savoir lui offrir une qualité d’écoute, de conseil et d’information qui motive et garantisse ses choix. En sa position de « médiateur » entre les ouvrages qu’il propose et les lecteurs, le libraire a le pouvoir de faire connaître ou reconnaître des titres qui, sans cela, resteraient écartés à cause de leur contenu plus « difficile », ou de leur originalité. Ce pouvoir ne doit cependant pas, à l’inverse, le pousser à « censurer » des titres qui ne lui conviennent pas. Par exemple, pour Anne Delcroix, la série fantastique Chair de Poule, très contestée chez la majorité des libraires spécialisés jeunesse, peut représenter une transition vers une littérature de qualité supérieure et amener les adolescents à fréquenter les librairies ou les bibliothèques. Familiarisés avec la lecture, guidés par les libraires, ils pourront ensuite se tourner vers d’autres choix, sans aller à rencontre de ses demandes.
Toute la difficulté de l’accompagnement du client réside dans la frontière entre « proposer » et « imposer ». Bien souvent, le « client- lecteur » entre dans la librairie avec une demande qu’il n’arrive pas nécessairement à formuler de façon claire et explicite. C’est alors au libraire de « décoder » cette demande, de la concrétiser en proposant une série de titres y correspondant. Cette forme d’accompagnement du lecteur dans sa recherche ne doit cependant pas l’influencer de manière trop subjective. Un certain équilibre entre l’attente du client et la propre expérience de lecteur du libraire doit être respecté (Il arrive, devant une hésitation, de conseiller les ouvrages que l’on a personnellement appréciés au détriment d’autres correspondant peut-être mieux à la demande.)
Il arrive également que le « client- lecteur » soit à la recherche d’un ouvrage « matériellement » inexistant. Il faut alors « réorienter », sans la trahir, sa demande. Une connaissance solide de son stock et surtout de sa clientèle permet d’éviter un guidage trop subjectif de la part du libraire.
Le guidage se fait aussi dans l’information, c’est pourquoi Anne Delcroix met toujours à la disposition de ses clients les catalogues des éditeurs ainsi que les derniers numéros de Citrouille parus.
L’association « LIS AVEC MOI »
Depuis 1989, ce projet fait intervenir des lectrices- conteuses dans toute la région Nord-Pas-de-Calais, auprès d’un public essentiellement composé de jeunes enfants (de 0 à 4 ans). L’action de l’association se fixe pour objectif d’étendre la lecture à toutes les structures sociales intéressées (consultations PMI, crèches, services de pédiatrie…) afin de transmettre à la fois aux parents, professionnels ou bénévoles travaillant en contact avec la petite enfance, le goût de la lecture à voix haute. Ces animations s’accompagnent de comités de lecture (réunissant bon nombre de professionnels (bibliothécaires, lectrices, libraires…) et de groupes de recherche autour d’une réflexion sur les ouvrages proposés aux moins de 4 ans. De plus, l’association propose à tous ceux qui souhaitent participer au projet des formations sous forme de discussions et d’initiation à la littérature de jeunesse.
L’action de « LIS AVEC MOI » est directement liée à l’A.D.N.S.E.A. (Association Départementale du Nord pour la Sauvegarde de l’Enfance, de l’Adolescence et des jeunes adultes), qui lutte contre les inégalités culturelles.
Cette action se traduit par le choix de livres diversifiés qui, de par leur esthétisme et/ou leur qualité littéraire, permettent à l’enfant de se situer dans le monde qui l’entoure et de construire sa propre histoire. Une « politique de sélection» qui rejoint celle pratiquée par Anne Delcroix au sein de sa librairie.
Les « Mercredis du conte » au Bateau Livre
Un mercredi par mois, les parents qui le souhaitent sont conviés à inscrire leur(s) enfant(s) à l’une des deux séances de conte (10h00 ou 11 hOO) proposées au « Bateau livre ». Tous les enfants sont accueillis, sans limite d’âge. On tâche cependant de les répartir en groupes homogènes, et en fonction de la place disponible, l’espace étant relativement restreint (cette animation prend place dans la verrière). Les enfants et la lectrice- conteuse sont installés sur des coussins, le plus souvent en rond, afin de créer un espace idéal et familier où faire vivre les livres.
Les livres sont choisis par la lectrice dans la librairie, avec les conseils d’Anne Delcroix. Une sélection d’une dizaine de titres regroupant des « classiques » (par exemple, La toute petite dame de Barton) et des nouveautés – est ainsi proposée aux enfants. Les critères de cette sélection sont en règle générale fonction de l’âge des enfants, de leur attention et aussi l’actualité.
Les parents sont conviés à rester lors de la lecture. Cela permet de leur faire découvrir, le cas échéant, l’intérêt de la lecture à voix haute.
Ces animations ont, pour Anne Delcroix, des intérêts multiples. En effet, si elles favorisent la prise de contact entre l’enfant, ses parents, le livre et la lecture, elles font également connaître l’action de l’association. De plus, les « Mercredis du conte » représentent un moyen très sûr de fidéliser une clientèle. La librairie devient un lieu de rencontre, de passage et d’échanges. Le client établit peu à peu avec les livres une relation régulière. La lecture à voix haute, au sein de la librairie crée un lien, une familiarité. Et nombre de parents achètent les livres lus par la conteuse afin de recréer avec leur(s) enfant(s) cette relation au livre et à la lecture. Les « Mercredis du conte » sont donc un bon moyen pour Anne Delcroix d’assumer sa double fonction de « chef d’entreprise » et de médiatrice du livre.
Le métier de libraire est donc pourvu de multiples aspects qui, tenant à la fois de la gestion d’entreprise et de la promotion de la culture pour tous, en font une profession complexe et indispensable à la diffusion du livre.
En sa position de médiateur du livre, donc de la culture, le libraire n’en est pas moins filtre inconscient ou engagé. A travers les livres qu’il propose à la vente, en cultivant les spécificités de sa librairie, il détient le pouvoir de faire « vivre ou mourir» un livre qu’il a aimé ou détesté. Une réelle compétence (fruit d’expérience et d’une formation adéquate) peut éviter les risques de censure dûs à un assortiment trop sélectif ou trop personnel, n’allant pas à la rencontre des attentes des lecteurs. A l’inverse, cette spécificité peut pallier au danger d’une standardisation trop importante des assortiments, de plus en plus courante, et qui fait du livre un produit commercial comme un autre.
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Table des matières
Introduction
I . Le métier de libraire
1.1 . Différents aspects d’une profession très diversifiée
Quelques parcours
1.2 . Les formations
l.2.a . Les formations universitaires
I.2.b . Les organismes professionnels
II . Le libraire, filtre ou médiateur ?
11.1 . Le Bateau livre, librairie spécialisée jeunesse
II.1.a . Présentation générale de la librairie
11.1.b . La gestion des espaces
11.2 . La librairie, lieu de sélection, lieu de médiation
11.2.a . La sélection des ouvrages
ll.2.b . Orientation ou accompagnement des lecteurs ?
II.2.C . Le libraire, médiateur du livre, promoteur de la lecture
Les « Mercredis du conte », au « Bateau livre », avec
L’association « LIS AVEC MOI »
Conclusion
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