Le jeu des acteurs dans l’élaboration et la mise en œuvre du programme d‘aménagement de déversoirs

Le détail des évènements a fait apparaître deux groupes d’acteurs :

• les acteurs appartenant et entretenant la logique développée au niveau de l’administration d’Etat: leur compréhension du problème est globale, ils envisagent les projets en cohérence entre eux et défendent des intérêts d’ampleur nationale. On peut identifier parmi eux : l’Empereur Napoléon III, les Ministres successifs des Travaux Publics, le Corps des Ponts et Chaussées, les Préfets de département.

• les acteurs de la sphère locale. Ce sont les «intéressés », des acteurs pour lesquels les projets ont un impact direct sur leur quotidien. Ce sont les maires, élus locaux, propriétaires riverains et habitants.

Une monographie sera donc ici présentée successivement pour chacun d’entre eux. Le choix a été fait de se limiter pour chaque catégorie aux acteurs principaux. Les Conseils Généraux n’ont ainsi pas été retenus, car même s’ils ont été souvent sollicités dans le cadre de ce programme, leurs moyens d’action restent encore â l’époque très réduits et leur pouvoir de décision nul. L’accent a donc été mis sur le râle des Maires et des conseils municipaux, dont le poids se révèle souvent déterminant dans l’approbation ou non des projets. On peut en outre souligner que les conseillers généraux ont plus souvent usé de leur statut de grand propriétaire pour influer sur les choix que sur celui d’élu local.

L’accent a également été mis beaucoup plus sur le Second Empire et son organisation politique et administrative que sur la 3ême République. De fait, le «programme Comoy» est un produit de l’Empire. La crue de 1846 précède de deux ans l’arrivée de Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir; la crue de 1856 voit l’Empereur engager les études qui mèneront plus tard au programme des déversoirs; la crue de 1866 pousse l’Empereur à opter définitivement pour cette solution et à engager les démarches pour sa mise en oeuvre.

Si le <programme Comoy» se poursuit après 1870, on peut estimer que 1874 marque la fin du processus d’élaboration. A partir de cette date, débute la phase de réalisation des différents ouvrages retenus. Or, les premières années de la 3emt République n’entraînent pas de changements politiques et institutionnels profonds. Au contraire, le nouveau régime est organisé de manière à pouvoir aboutir à une nouvelle restauration. Le personnel politique et ministériel reste relativement stable. Les principaux éléments à retenir sont alors plutôt d’ordre conjoncturel la 3eme République naît avec la défaite contre la Prusse et les difficultés financières du pays sont alors nombreuses. Ce sont ces éléments qui peuvent avoir eu un impact direct sur la mise en oeuvre du « programme Comoy » .

Enfin, au sein des archives consultées, on note une vraie certaine continuité, malgré les changements politiques. Ainsi, Franqueville est déjà Directeur Général des Ponts et Chaussées à la fin de l’Empire 87et signe la plupart des courriers du Ministère à destination des préfectures. En mars 1 874, lorsque le Ministère décide de ne conserver que quelques ouvrages, il est encore à la tête du Conseil Général des Ponts et Chaussées et c’est lui qui de nouveau informe les Préfets .Le personnel politique est donc renouvelé progressivement, mais l’administration poursuit son action dans les cadres établis précédemment. Peu de détails transparaissent en termes de changement de régime ou de procédures dans leurs courriers et rapports.

Sa vision du problème

L’Empereur croit en la mission de l’Etat dans la sauvegarde des intérêts aussi bien publics que privés présents sur son territoire. Pour lui, les crues du milieu du 19éme siècle révèlent l’insuffisance du système de protection en place ; il est du rôle de l’administration centrale de proposer des solutions alternatives prenant en compte au mieux les intérêts présents dans les vals.

Ainsi, Napoléon III est évidemment sensible aux dégâts causés sur les ouvrages et les biens nationaux .Mais l’Empereur est également très marqué par les pertes importantes qui ont touché les villages et les populations des bords de Loire. Après sa visite aux sinistrés en 1856, il aLloue au plus vite des crédits pour les réparations. Les doléances des riverains se multiplient, car on sait que l’Empereur est soucieux des intérêts locaux. Le courrier envoyé par les Sancerrois en 1866 à l’Empereur révèle à ce titre l’espoir qu’ils portent en lui. Ainsi, ils expliquent que « Au moment où Votre Majesté, mue par une sollicitude qui s ‘étend à toits, a ordonné une vaste enquête sur les intérêts agricoles, nous venons Ici supplier de protéger les nôtres. […] D4/à Votre Majesté a fait jouir de ce bienfait les populations de plusieurs grandes villes, nous savons d’avance qu ‘Elle serait heureuse de l ‘étendre à celles de la campagne. L ‘industrie agricole, la seule de nos contrées, en recueillerait tous les fruits et recevrait ainsi un juste et précieux encouragement ».

Les enjeux qui lui sont propres

Dans la gestion de ces crises successives qui touchent Je val de Loire, Napoléon III doit en fait jouer sur plusieurs tableaux. C’est en effet le soutien des campagnes qu’il risque de perdre, s’il privilégie des options telles que celle des déversoirs. Or, le soutien du monde rural reste très important à ses yeux. Ainsi, en 1858, lorsque l’on décide de la protection des principaux centres urbains, Napoléon III souligne dans son discours qu’il ne s’agit que d’une première étape et qu’un système de protection complet doit être mis en oeuvre.

Mais dans une stratégie plus globale de développement économique du pays, ce sont les centres urbains, qu’ils soient de nature industrielle ou commerciale, qu’il est important de protéger, car les capitaux s’y concentrent progressivement. C’est également le patrimoine de l’Etat qui est en jeu. A chaque nouvelle crue, les infrastructures et grands équipements sont mis à mal par les flots. A l’époque, les réseaux ferrés en particulier sont en pleine expansion partout en Europe et la France ne doit pas se laisser distancer face à ses concurrents. Les crues répétées de la Loire entraînent à chaque fois des dégâts importants et le ralentissement des projets. A ce titre, la technique des déversoirs semble être plus à même de protéger les équipements implantés dans les vals. Ces ouvrages permettent une invasion douce des flots dans les vals et la diminution notable des dommages.

Ses objectifs

Napoléon III doit donc concilier plusieurs ambitions. Il a confiance en la technique et souhaite aboutir à un projet global de protection des vals. Il lui faut arriver à un résultat protégeant autant les intérêts de la Nation, les grands équipements et infrastructures, que les centres urbains et les intérêts des populations riveraines dans les vals ruraux. La priorité donnée au départ à la technique des réservoirs plutôt qu’à celle des déversoirs peut en partie s’expliquer ainsi. Elle assurerait en effet à ses yeux la protection définitive de tous les intérêts présents dans les différents vals.

Les ressources mobilisées

Dans la poursuite de cette politique, Napoléon III bénéficie d’un très fort soutien populaire. Si la propagande de l’époque décrit les déplacements de l’Empereur sur le val de Loire en 1856 comme des moments de liesse populaire, il est très probable que parmi les riverains on apprécie cette volonté exprimée par l’Empereur d’aboutir enfin à un projet viable et global sur le val de Loire. Son crédit est donc particulièrement important lorsqu’ iL engage les premières études en 1856.

Pour imposer ses décisions, il joue ensuite de l’organisation même du régime. L’Empereur à l’initiative des lois, le gouvernement est constitué de Ministres cantonnés dans leurs missions et les candidats du régime restent largement majoritaires au sein du Corps législatif pendant tout l’Empire .Il n’a donc aucune difficulté à imposer ses choix et ses décisions une fois prises.

Pour mieux comprendre.. .Présentation

Le Ministère des Travaux Publics est secondé sur tous les aspects techniques par le des Ponts et Chaussées. Depuis 1791, il fait autorité sur les questions relatives à l’aménagement et la gestion des ouvrages sur la Loire. En conformité avec les missions premières de ce corps d’ingénieurs, l’amélioration de la navigabilité du fleuve apparaît comme le principal objectif de la première moitié du 19éme siècle .

Dans le cadre du programme de 1867, on identifie les hommes des Ponts et Chaussées à deux niveaux:

• au niveau national, où le Conseil Général des Ponts et Chaussées a pour mission de rassembler la connaissance, de proposer des aménagements selon les objectifs définis au niveau global et de conseiller le Ministère des Travaux Publics dans sa prise de décision,

• au niveau départemental, où les ingénieurs en chef, ingénieurs ordinaires et conducteurs sont sous l’autorité directe du Préfet.

Mais le corps des Ponts et Chaussées est beaucoup plus hiérarchisé. Depuis, le décret du 7 fructidor an XII (25 août 1804), il se divise en cinq classes :

• les inspecteurs généraux : ils sont cinq, résident à Paris et constituent la clé de voûte Conseiller du Conseil Général des Ponts et Chaussées. Ce dernier est cependant présidé par un d’Etat, extérieur au Corps des Ponts et Chaussées.
• les inspecteurs divisionnaires : ils sont quinze et se partagent le territoire français. Conseil Chacun est responsable d’un groupe de départements. Cinq d’entre eux siègent au Général des Ponts et Chaussées avec les inspecteurs généraux.
• les ingénieurs en chef: il y a un ingénieur en chef par département, qui gère le service départemental des Ponts et Chaussées. Il est placé sous l’autorité directe du Chaussées Préfet de département, sous l’autorité supérieure du Directeur Général des Ponts et et sous la surveillance de l’Inspecteur divisionnaire en charge de son département. Il établit les projets, les marchés, les décomptes des entreprises et adresse l’ensemble de ses rapports au Préfet.
• les ingénieurs ordinaires et aspirants : les ingénieurs ordinaires sont sous les ordres des ingénieurs en chef. Ils sont plusieurs par département. Les archives consultées semblent indiquer qu’il y avait un ingénieur ordinaire par arrondissement à la fin des années 1860. Sous leurs ordres, on trouve les aspirants et conducteurs, chargés de la surveillance et du suivi des travaux. Chaque ingénieur a au moins un conducteur sous ses ordres. Ils sont nommés par le Directeur Général et doivent savoir « lire, écrire, toiser, lever des plans élémentaires et les dessiner au trait ».
• les élèves.

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Table des matières

Introduction
Partie introductive: méthodologie
1. La recherche historique
2. L’étude du jeu d’acteurs
3. L’étude de cas
Première partie: chronologie
1. Introduction
2. 1846-1866 : le val de Loire frappé par trois crues exceptionnelles en vingt ans
3. 1867: Le lancement d’un programme d’aménagement à l’échelle de la Loire Moyenne
4. 1874-1890 : La nouvelle phase d’enquête et la réalisation des ouvrages projetés
Seconde partie : Le jeu des acteurs dans l’élaboration et la mise en œuvre du programme d‘aménagement de déversoirs sur la Loire
1. L’administration d’Etat, la défense d’un programme conçu dans une logique globale
2. Les intérêts locaux, face à des projets aux lourdes conséquences pour leur quotidien
3. Les interactions entre acteurs
Troisième partie: étude de cas, le projet de déversoir sur la digue de Saint-Eloi à Nevers
1. Chronologie des évènements
2. Le déversoir de la digue de Saint-Eloi : un projet tué dans l’oeuf
Quatrième partie : les principaux enseignements
1. Des municipalités eu porte à faux avec les ambitions de l’Etat
2. Un Etat ambitieux et plein d’assurance
3. Des populations souhaitant « défendre » leurs intérêts
conclusion
Bibliographie

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