Le handicap au sein des fratries, un enjeu pour la parentalité

Lorsque j’ai débuté mon stage long de troisième année en Centre d’Action MédicoSociale Précoce (CAMSP), j’ai rencontré de nombreuses familles, des enfants accompagnés de leurs parents, mais également de leurs grands frères pour deux d’entre eux. Nous les appellerons Mehdi et Nolan. J’ai alors remarqué que lorsque l’on évoquait en général un jeune patient, le sujet des parents était obligatoirement abordé mais celui des fratries beaucoup plus rarement. Or les frères et sœurs font partie de l’environnement très proche de nos patients. Ces séances particulières ont provoqué en moi de nombreux questionnements sur la présence de ces frères en séance, mais également sur l’impact que le handicap pouvait avoir sur la fratrie. Agir sur ces problématiques pouvait-il faire partie du domaine de compétence du psychomotricien ? En parallèle, j’ai également constaté l’importante place occupée par la fonction d’accompagnement parental exercée par la psychomotricienne dans ces deux prises en charge.

Ainsi, tout le long de ce mémoire nous tenterons de déterminer pourquoi et comment le psychomotricien, dans sa fonction d’étayage à la parentalité, va-t-il pouvoir agir sur les différentes problématiques engendrées par le handicap sur les fratries. Dans un premier temps nous nous intéresserons à ce qu’englobe la notion de famille, ses différentes composantes, leurs rôles et les liens qui les unissent. Puis nous verrons ce que la naissance d’un enfant porteur de handicap pourra modifier au sein de cette famille et plus spécialement de la fratrie déjà présente. Enfin, nous étudierons le rôle du psychomotricien en petite enfance et plus précisément l’accompagnement parental qu’il pourra être amené à réaliser.

Dans un second temps nous partirons à la rencontre de Mehdi H., jeune enfant pris en charge au CAMSP dans le cadre de son syndrome polymalformatif, ainsi que de son frère Sélim et de leur maman. Puis nous rencontrerons la famille B. composée de Nolan, porteur de trisomie 21, de son frère Alexandre et de leur maman. Nous distinguerons chez ces familles deux type de problématiques différentes, en lien avec les conséquences du handicap sur la fratrie et ainsi deux aspects différents de l’accompagnement à la parentalité. Pour finir, nous prendrons un moment pour discuter de l’incidence que peut avoir la présence du frère ou de la sœur d’un jeune patient en séance de psychomotricité.

La famille

Définition et concept

La famille peut être communément définie comme un « ensemble formé par le père, la mère (ou l’un des deux) et les enfants. » (Larousse en ligne, s. d.). J. LACAN, lui, propose une définition dans laquelle il distingue deux éléments de la famille : sa composition et son environnement. « La famille paraît d’abord comme un groupe naturel d’individus unis par une double relation biologique : la génération, qui donne les composants du groupe ; les conditions de milieu que postule le développement des jeunes et qui maintiennent le groupe pour autant que les adultes générateurs en assurent la fonction. » (Lacan, 2001, p.23). Bien sûr il existe actuellement une grande diversité de types de familles :
– La famille conjugale ou nucléaire qui désigne les parents et leurs enfants formant un foyer familial.
– La famille étendue qui se réfère davantage à la généalogie incluant les aïeux, les oncles et tantes, les cousins etc.
– La famille monoparentale qui est composée d’un seul parent et de ses enfants.
– La famille recomposée au sein de laquelle les enfants sont issus d’une union antérieure des conjoints.
– La famille adoptive qui désigne un foyer au sein duquel les parents ne sont pas les parents biologiques de leurs enfants.
– La famille homoparentale dans laquelle la fonction parentale est assurée par deux conjoints du même sexe.

Aussi différentes soient elles, nous pouvons noter chez toutes ces familles deux points communs : la notion de groupe et la notion de foyer.

Le groupe

Parmi toutes les définitions du terme groupe proposées par le dictionnaire, nous pouvons lire : « Ensemble de choses, d’animaux ou de personnes, formant un tout et définis par une caractéristique commune ». (Larousse en ligne, s.d.) Au cours de notre existence nous appartenons à une multitude de groupes : biologiques, ethniques, sociaux, scolaires, professionnels, associatifs etc. Mais si nous nous référons au commencement de notre existence, en venant au monde, l’un des premiers groupes auquel chacun de nous a appartenu en tant qu’individu n’est-il pas celui même de la famille ?

En effet la naissance d’un bébé va lui faire intégrer le groupe qu’est sa famille. Parfois, dans le cas d’un enfant premier né, c’est lui-même qui va fonder par son arrivée, un nouveau groupe. Le nourrisson va conférer à cet homme et cette femme qui jusque-là se définissaient ensemble comme un couple, un nouveau statut, celui de parents. C’est la naissance de l’enfant qui va permettre, pour reprendre le titre de l’œuvre de T. BERRY BRAZELTON, « la naissance d’une famille » (2009). Ainsi, nous pouvons considérer que la notion de famille comprend une dimension quantitative : il faut au moins trois individus pour la composer. Intéressons-nous maintenant à ce qui constitue la dimension qualitative de ce groupe famille.

Les parents 

Précédemment, nous avons vu que l’enfant en venant au monde accorde à un couple une toute nouvelle fonction, celle de parents. Mais cela suffit-il ? De nombreux exemples comme le cas des familles adoptives ou des familles homoparentales tendent à nous montrer que ceux que l’enfant désignera comme père et mère ne sont pas forcément ceux qui l’ont mis au monde. Dans ces cas-là, on distingue alors très nettement les géniteurs, des parents. Convaincu de cette distinction, A. BOUREGBA, estime que c’est par la création du lien enfant-parents que les géniteurs deviennent parents. Ce lien s’élaborerait selon deux modalités : «une pression appropriative et narcissique d’une part, une pression antinomique de désappropriation et symbolique d’autre part. ». (Bouregba, 2011, p.25) Le premier mouvement désigne le fait que les parents tendent à s’approprier cet enfant qu’ils ont conçu. Il deviendra, à travers les multiples projections narcissiques dont il fera l’objet, comme un prolongement du moi de chacun de ses parents. Le tout-petit sera pour sa mère et son père comme une partie d’eux-mêmes. Aussi, pour que cette fusion ne devienne pas pathologique et que l’enfant puisse se distinguer en tant qu’individu, différent de ses parents, le second mouvement de désappropriation est essentiel. Le parent va alors devoir céder symboliquement cet enfant qui était jusque-là totalement sien, d’abord à un tiers incarné par l’autre parent, puis à la société auquel il appartient lui-même. Dans le cas de notre société contemporaine, comme dans un échange réciproque, cette dernière va, en retour, inoculer aux parents leur fonction parentale. Nous la retrouverons dans le Code civil sous le terme d’autorité parentale:

Art. 371-1. : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. « Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. […] » .

Art. 371-2. : « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. […] » .

Nous distinguons donc plusieurs aspects de la fonction parentale : un rôle de protection, un rôle de soins et un rôle d’éducation. Nous voyons également que lorsqu’un parent prend une décision pour son enfant, c’est l’intérêt de ce dernier qui doit primer. Les parents vont être garants de la primauté de l’intérêt de leur progéniture en lui offrant un cadre sécure, aussi bien matériel que psychique, propice à son bon développement.

« La parenté comme la culture se révèlent être une organisation fondatrice de l’être humain que chaque individu et chaque groupe social va aménager selon son contexte et sa généalogie. » (Solis-Ponton, 2002, p.25).

Chaque parent va donc construire l’éducation de son enfant avec le matériel dont il dispose ; matériel physique, psychique, intellectuel et culturel qu’il aura lui-même acquis de sa propre éducation, de ses propres représentations, de sa propre identité. Nous pouvons parfois même observer ce que L. SOLIS-PONTON (2002) désigne sous le terme de « narcissisme de lignée » : des caractéristiques communes (compétences, traits de caractère, spécificités physique etc.) d’une famille étendue que le parent s’attachera à transmettre, à projeter sur son enfant.

Dans la mesure où l’identité du parent va influer sur sa façon d’être avec son enfant, nous pouvons nous demander dans quelle mesure l’identité de genre du parent, mère ou père peut faire varier le rôle qu’il aura envers son enfant.

La mère

Le Larousse en ligne définit communément la maternité comme le « fait de mettre un enfant au monde ». (Larousse en ligne, s.d.). En effet, d’un point de vue purement scientifique et biologique, on peut admettre que la maternité s’engendre par le phénomène de la naissance. Ce phénomène est le siège de l’humanité, c’est par lui que l’espèce s’est formée et par lui qu’elle perdure. C’est donc un concept fondamental, qui a donné lieu à de nombreux écrits et recherches, de tous temps.

Mais, nous l’avons vu précédemment, être géniteurs peut s’avérer fondamentalement différent d’être parents. Nous pouvons d’ailleurs constater que même dans la langue française cette distinction est faite puisqu’elle qualifie de mère une « Femme qui a mis au monde ou qui a adopté un ou plusieurs enfants » (Larousse en ligne, s.d.). Le concept de mère adoptive étant inclus dans la définition de mère, nous pouvons alors aisément voir qu’une maman n’est pas forcément la femme qui a mis au monde l’enfant. Nous pouvons donc nous demander ce qui fait d’une femme, une mère, et quelles fonctions sont attribuées à cette mère.

S. LEBOVICI, développe l’idée que dès le début de la grossesse, l’enfant existerait dans l’esprit de la future mère sous la forme « d’enfant imaginaire » (Lebovici, 2009, p. 79). Cet enfant fera l’objet de spéculations de la part de celle-ci concernant son identité, son sexe, son apparence physique, son caractère et même son projet de vie. Ces nombreuses rêveries permettront à la femme enceinte de progressivement construire, un premier niveau de son identité de mère. Bien sûr, à la naissance de l’enfant « l’enfant réel » sera tout autre que l’enfant fantasmé pendant neuf mois.

Cependant, c’est à ce même moment qu’a lieu ce que décrit D.W. WINNICOTT : « la préoccupation maternelle primaire » (Winnicott, 2006, p.33). Cette préoccupation maternelle primaire désigne en fait un état de la jeune mère, qui a débuté dans les dernières semaines de la grossesse et se poursuit quelques semaines après la naissance, où celle-ci est capable de répondre de façon parfaitement adaptée aux besoins exprimés par l’enfant. Elle semble être capable de les décrypter tout naturellement. Puis, il est nécessaire que cette mère entièrement dévouée à son petit, laisse place à une « mère suffisamment bonne » (Winnicott, 2006, p.51) : une mère attentive aux besoins de son enfant, faisant preuve de réponses adaptées, tout en le laissant par moment éprouver la frustration de son absence. Cela constitue une étape nécessaire à la construction psychique et à l’individuation de cet enfant.

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Table des matières

Introduction
PARTIE THEORIQUE
I. La famille
1. Définition et concept
2. Le groupe
2.1. Les parents
2.1.1. La mère
2.1.2. Le père
2.2. La fratrie
3. Le foyer : de l’espace et du temps
3.1. L’espace
3.1.1. Les espaces fonctionnels
3.1.2. Les espaces communs
3.1.3. Les espaces individuels
3.2. Le temps
3.2.1. La temporalité individuelle
3.2.2. Les temps fonctionnels
II. Le jeune enfant en situation de handicap, sa fratrie et ses parents
1. Le handicap du jeune enfant
2. L’annonce du handicap à la famille
2.1. L’annonce aux parents
2.2. L’annonce à la fratrie
3. L’impact du handicap auprès de la fratrie
3.1. Un environnement modifié
3.1.1. Des parents moins disponibles
3.1.2. Un quotidien réorganisé
3.2. Une relation fraternelle différente
3.2.1. Les difficultés à la création de la relation fraternelle
3.2.2. La modification de la nature de la relation
3.3. Une construction identitaire sous l’influence du handicap
3.3.1. La souffrance de la différence
3.3.2. La culpabilité et la réparation
III. La psychomotricienne en petite enfance
1. Généralités sur la psychomotricité
2. Agir précocement
3. Le soutien à la parentalité
PARTIE CLINIQUE
I. Présentation du terrain clinique
1. Le CAMSP
2. Le cadre des séances
II. A la rencontre de Mehdi, sa maman et son frère Sélim
1. Anamnèse
1.1. Contexte familial et social
1.2. Histoire de la grossesse, de la naissance et éléments médicaux.
2. Mehdi et le CAMSP
2.1. Premiers rendez-vous.
2.2. Ma rencontre avec Mehdi
2.3. Le suivi en psychomotricité de Mehdi
III. A la rencontre de Nolan, sa maman et son frère Alexandre
1. Anamnèse
1.1. Contexte familial et social
1.2. Histoire de la grossesse, éléments anténataux et naissance
2. Nolan et le CAMSP
2.1. Premiers rendez-vous
2.2. Temps d’accompagnement parental
3. Les séances de psychomotricité
3.1. Ma rencontre avec Nolan
3.2. Prise en charge de Nolan
DISCUSSION THEORICO-CLINIQUE
I. Les apports de la présence d’un grand frère en séance
1. Faciliter l’alliance thérapeutique
2. Le frère, un sujet d’imitation
3. Renfort des relations familiales
II. Les limites imposées par cette présence fraternelle
1. Dénaturation du cadre thérapeutique
2. La place du frère
Conclusion

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