Le graffiti : une culture récente à la confluence de plusieurs éléments urbains

Du graffiti au post-graffiti

Au départ, la pratique du graffiti consiste à travailler l’aspect artistique d’un ensemble de lettres formant un nom, un pseudonyme, celui-là même de l’auteur. Ce graffiti-signature, appelé le « tag », se rapproche d’un exercice calligraphique qui cherche avant tout l’innovation stylistique. L’apparence traditionnelle de l’alphabet est remodelée par les artistes. L’exercice se nomme le «writing», un concept simple mais qui renvoie à des résultats visuels très variés et parfois d’une grande complexité. On peut répartir en trois catégories principales le graffiti composé de lettres. À la suite du tag, apparaissent chronologiquement le « throw-up » puis la « pièce ». Chacun de ces aspects s’articule autour d’un nom et s’accompagne d’images ou d’ornementations plus ou moins denses. Le tag est la plus ancienne forme de graffiti. Il se caractérise par sa rapidité d’exécution et son petit format. Pendant longtemps, le style des lettres n’était pas une préoccupation majeure et le tag était parfaitement lisible. Rapidement, les tagueurs apportent un impact visuel à l’écriture des mots. Ils choisissent dorénavant leur surnom en prêtant attention à sa sonorité et à l’aspect esthétique qu’ils peuvent donner à sa retranscription. Parfois, les mots formés peuvent n’avoir aucun sens, mais le travail exécuté sur les lettres doit créer un rythme, du mouvement et une unité visuelle distincte. Des fioritures s’ajoutent, comme des flèches entrelacées, des étoiles, des guillemets… Le tout pour renforcer la sensation de mouvement. Peu à peu, le tag devient illisible et chaque style correspondant à un auteur.

Le graffiti new-yorkais à partir des années 1970

La forme moderne du graffiti apparaît à la fin des années 1960, à proximité de New York. C’est à Philadelphie que naissent les premiers messages peints à la bombe sur les murs. Des noms devenus légendaires ont été répertoriés, en particulier Cool Earl et Cornbread. Des anecdotes racontent qu’à l’origine, Cornbread, un adolescent de Philadelphie, taguait son nom dans les rues de la ville pour déclarer son amour à une jeune fille. Il répétait ainsi son opération dans chaque rue que pouvait arpenter l’adolescente. Le tag serait né comme un message d’amour, non sans rappeler le mythe de la naissance de la peinture où la fille de Dibutade, portier de la ville de Sycione de Grèce, traçait le profil de son amant sur un mur.
Au début de la décennie suivante, New York voit naître ses premiers tags. Le nom de Taki fleurit à Manhattan. Il s’agit en réalité d’un jeune coursier qui signale ses trajets avec ce surnom peint sur les angles de rues. Sa démarche en a inspiré d’autres et le phénomène a pris de l’ampleur. Au départ, le graffiti-signature ne représentait qu’un nom et le numéro de rue où résidait le graffeur, une écriture des plus simples et sans ajout d’éléments stylistiques.
Dans les années 1970, New York est une ville en crise. Le choc pétrolier, le scandale de la guerre du Viêt-Nam, la pauvreté, la ségrégation et les guerres de gangs sont autant d’éléments qui entourent le quotidien des habitants. Le graffiti se retrouve au centre des querelles de gangs. Il est utilisé pour affirmer une appartenance ou revendiquer un territoire. Petit à petit, des noms sont écrits sur des murs plutôt dans le but d’obtenir une certaine notoriété dans un quartier. La démarche consiste à affirmer une présence dans un lieu plutôt que de le revendiquer.

Le graffiti étendu à tous les continents

Le graffiti européen n’est plus placé sous hégémonie française. Même si Vitry-sur-Seine reste un centre important pour cette pratique, différents autres pôles se sont développés.
Londres fait partie des grands centres d’influence. Inévitablement, Banksy fait office de chef de file du graffiti britannique. Un tunnel porte même son nom : l’ancien passage situé à quelques pas derrière la gare de Waterloo est désormais un lieu incontournable du graffiti londonien. L’artiste se joue de l’autorité et se moque du contrôle excessif des citoyens au Royaume-Uni. Sans jamais être découvert, il met en scène les atteintes faites à la population à travers ses pochoirs. La réputation de Banksy n’est plus à faire et ses œuvres revendiquent toujours des messages forts et à la fois simples, inoffensifs et lisibles de tous comme ceux réalisés sur le mur de Jérusalem . Le graffiti est pour lui : « un contrepoids à la ségrégation et à la séparation des peuples ».
De l’autre côté de la mer du Nord, Hambourg abrite une multitude de graffiti. Depuis le début des années 2000, la ville diffuse un modèle allemand souvent caractérisé par les grandes dimensions des fresques : l’artiste MadC  en est l’exemple type. Elle incite aussi de plus en plus d’artistes graffeurs à s’expatrier à l’image de MTO , français d’origine, dorénavant installé à Hambourg. En Allemagne, la capitale Berlin garde néanmoins un lien privilégié avec le graffiti. La construction du mur en 1961 a fait naître un lien particulier entre la ville et cette pratique. C’est du côté de l’ancien Berlin-Ouest que des graffitis apparaissent dans les années quatre-vingt. Des dessins sans intentions esthétiques côtoient alors des peintures d’artistes déjà reconnus, comme Keith Haring.

Les filiations généalogiques du graffiti

La morphologie de la ville évolue énormément au cours du XXe siècle. Les nouveaux matériaux et les nouveaux espaces qu’apportent les mutations urbaines font de cet environnement un milieu adapté à la population. Le graffiti trouve une impulsion grâce à ces transformations urbaines : des surfaces plus grandes, plus lisses et mieux exposées. Il s’inspire des stratégies commerciales et politiques qui se sont affichées dans la rue avant lui. Néanmoins, certains artistes ont également investit cet espace dans un but différent.

L’influence de la culture visuelle publicitaire

La fin du XIXe siècle voit naître l’affiche publicitaire. Depuis 1870, les espaces destinés au commerce se développent dans la ville et sur ses murs. L’affiche publicitaire devient un mode de médiatisation et ce phénomène compte de nombreux adeptes au début du XXe siècle. En 1913, Guillaume Apollinaire écrit une ode à la modernité dans « Zone ». Il y parle de l’affiche publicitaire comme une représentation artistique : « Tu lis le prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut / voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux. » . Dans sa volonté de s’exposer au public, le graffiti s’inspire de l’implantation qu’a opérée la publicité au début du siècle dernier. Il s’impose au regard partout où il le peut. Depuis cent ans, la population semble bien plus se satisfaire de la présence de grandes entreprises commerciales plutôt que l’accès gratuit aux œuvres de nouveaux artistes.
Un art du graffiti qui s’inspire des méthodes d’expositions de la publicité n’est pas sans rappeler le rapprochement opéré par le peintre italien avant-gardiste Fortunato Depero. Il avait déjà associé, dès 1926, l’art et la publicité dans son tableau « Squisito al selz » présenté à la Biennale de Venise. Cette œuvre prend la forme d’un « tableau publicitaire » à l’effigie de la société Campari. F. Depero caractérise la publicité comme un « Art franchement coloré, forcément synthétique, un art fascinant qui s’installe avec une audace sur les murs, sur les façades des immeubles, dans les vitrines, dans les trains, sur le revêtement des routes, partout, art vivant, multiplié, et non pas isolé et enseveli dans les musées. ».

Un nouvel art urbain

Dès les années 1960, les rues de Paris deviennent les ateliers des artistes contemporains. En 1967, M. Daniel Buren colle des affiches dans les rues prétextant l’étroitesse de son atelier.
L’étendue de la ville, selon ses dires, lui permettait une plus grande exposition au public. Auparavant, en 1962, Christo avait barré la rue Visconti . Son « Rideau de fer » était une création in situ, constituée de barils de pétrole montés les uns sur les autres. Cette œuvre désignait la ville contemporaine comme un espace de désunion politique, de séparation spatiale et sociale.
Un autre artiste, M. Gérard Zlotykamien, revendiquait l’importance d’un support pour les œuvres en milieu urbain. Lors de la Biennale de Paris en 1963, il a exposé quatre portraits peu flatteurs de dictateurs européens dont deux sont encore au pouvoir à l’époque. Les œuvres ont été dissimulées par des organisateurs soucieux de ne pas vexer les adeptes de Franco et Salazar. Suite à cet événement, l’artiste a décidé de quitter le système institutionnalisé pour parcourir la ville et présenter librement l’engagement de ses œuvres. M. Ernest Pignon Ernest a également intégré la démarche de M. D. Buren et M. G. Zlotykamien. À partir de 1971, ils sont devenus les initiateurs de l’art urbain en France.

L’équité du graffiti en tant qu’art

La question fait toujours autant débat, à savoir s’il faut considérer le graffiti comme un art ou pas. Il n’y a malheureusement que peu d’éléments de réponses, tant le sentiment général à propos de cette interrogation est partagé. Pour beaucoup de personnes, cette pratique reste interdite par la loi et ne peut donc être tolérée par les institutions. Mais au-delà de l’aspect juridique, il est aussi difficile de parler d’art, pour une partie du public, lorsque la pose d’un graffiti entraîne une dégradation de biens privés. Enfin, selon d’autres, ces interventions urbaines traduisent un mouvement social et non pas artistique.
Bien que le graffiti parvienne à être progressivement accepté par la population, il y a encore des divergences d’opinions. En effet, l’apparence et le style d’un graffiti tiennent une place déterminante dans l’appréciation des passants. Nous entendons par là qu’une grande fresque détaillée et colorée a plutôt tendance à plaire au public, alors qu’un tag indéchiffrable et monochrome ne suscite pas beaucoup d’intérêt quand il ne provoque pas provoque le rejet. Pourtant, ces deux types de graffitis sont issus d’une même culture et sont parfois réalisés par le même graffeur. On peut conclure que si le public est hermétique au tag c’est, d’une part, parce que la démarche ne semble concerner que les personnes initiées et, d’autre part, parce que les préjugés persistent : le tag ne pourrait être fait que par des délinquants et seules les fresques témoigneraient de la compétence des artistes. Et pourtant, malgré ces avis contrastés, il est indéniable que le graffiti a fait son entrée sur le marché de l’art.

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Table des matières

Introduction
Partie 1. Le graffiti : une culture récente à la confluence de plusieurs éléments urbains
Chapitre 1 – Une approche de la culture graffiti
A. Une pratique : son évolution et ses acteurs
1. Du graffiti au post-graffiti
2. Les acteurs d’une « sous culture » urbaine
B. Des distinctions techniques et terminologiques
1. Une large typologie de procédés
2. Un art aux terminologies multiples et confuses
Chapitre 2 – L’émergence du graffiti
A. Une pratique occidentale
1 Le graffiti new-yorkais à partir des années 1970
2. Une scène parisienne dès les années 1980
B. Un phénomène devenu international
1. São Paulo, un nouveau centre
2. Le graffiti étendu à tous les continents
Chapitre 3 – Une esthétique à la croisée de plusieurs influences urbaines
A. Les filiations généalogiques du graffit
1. L’influence de la culture visuelle publicitaire
2. Un nouvel art urbain
B. Une analyse plastique à travers les exemples d’Azyle, Does et Nunca
1. Azyle
2. Does
3. Nunca
Partie 2. Un art confronté à la justice
Chapitre 1 – Une pratique artistique au cadre juridique complexe
A. Le graffiti : la reconnaissance d’une pratique illégale
1. L’équité du graffiti en tant qu’art
2. Une pratique sous permissions
B. Le statut de l’artiste
1. La difficile reconnaissance de l‘artiste graffeur
2. La complexe question des droits d’auteur
C. La place de l’œuvre
1. La question de la propriété de l’œuvre
2. Des œuvres ouvertement exposées aux risques
Chapitre 2 – Une pratique décriée par les pouvoirs publics qui trouve progressivement sa place dans la société
A. Une peinture condamnée par la loi
1. Le lien étroit du graffiti avec le vandalisme
2. Le processus de criminalisation du graffiti en France
B. Les chasses aux graffitis
1. La première lutte anti-graffiti aux États-Unis et ses effets
2. Le traitement particulier du graffiti à Paris
C. Un assouplissement possible du matraquage à l’encontre du graffiti
1. Des réglementations plus ou moins sévères selon les pays
2. Du graffiti légal
Partie 3. L’hypothétique conservation d’un art éphémère
Chapitre 1 – La temporalité des œuvres
A. L’impact de la ville
1. Un art soumis aux règles d’urbanisme
2. Le graffiti : éphémère par principe
B. Dans la lignée du land art 
1. Les similitudes avec le graffiti et leurs paradoxes communs
2. La nouvelle tendance « entre deux » du « green graffiti »
Chapitre 2 – Une pérennité inéluctable
A. Le graffiti dans les institutions
1. Les premières expositions
2. Les différents supports de présentation au public
B. Le graffiti : indissociable du numérique ?
1. Le recours à la photographie
2. Internet comme support des projets artistiques du graffiti
Chapitre 3 – Une volonté de conservation
A. Des œuvres atemporelles
1. La protection des pochoirs de Banksy et ses conséquences sur culture graffiti
2. Does et le choix de la longévité des œuvres
B. Une importante culture internationale
1. La conservation d’une pratique toujours en expansion
2. Des œuvres dorénavant conservées et accessibles depuis chez soi
Conclusion

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