Le film comme modèle d’utilisation de la langue en contexte

Apprendre à lire un film

L’analyse de film nécessite d’acquérir les outils qui permettent de déconstruire chacun de ses aspects. Pour analyser une peinture il faut connaître les couleurs, les formes, les courants.
Pour faire de l’analyse littéraire, il faut connaître la langue. Idem pour le film comme forme artistique, il faut connaître les techniques et les matériaux qu’il met en oeuvre. Comme en littérature, chaque film possède son style, ses symboles, et sa « grammaire », même si comme nous allons le voir, elle est beaucoup plus flexible que celle de la langue. Il faut donc familiariser les élèves avec les éléments constitutifs du film. Engelbert Thaler (2013) propose trois dimensions majeures qui doivent être développées lors de l’initiation à l’analyse de film :
1. Les connaissances
2. Les compétences
3. L’attitude
Nous avons décidé de garder cette structure tout à fait adéquate pour les élèves du niveau secondaire II. Nous allons donc présenter chaque partie tout en incluant nos propres exemples et nos réflexions.

Les connaissances

Le premier point concerne les connaissances liées à l’histoire du cinéma et aux techniques cinématographiques. Il est important, pour faire entrer les élèves dans le processus global d’analyse cinématographique, de s’attacher à examiner quelques uns des films marquants du 20ème siècle. Etudier par exemple les procédés filmiques du Magicien d’Oz (1939) est en soi une mise à distance tant l’objet leur paraîtra lointain. Bien entendu, en observant les thèmes du film on pourra souligner sont aspect atemporel. Cette mise à distance est importante pour développer un regard scientifique à l’égard du film. En outre, déchiffrer le cinéma classique permet d’appréhender le cinéma d’aujourd’hui avec plus de recul. Dans un film comme Alice in Wonderland (2010), on notera par exemple un rythme plus soutenu, des plans plus courts, un montage plus rapide, voire saccadé, une musique plus présente, ainsi que des effets spéciaux plus nombreux et sophistiqués. On remarquera également les différences de langage.
De même, exposer les thèmes importants qui ont jalonné l’histoire du cinéma permet de construire une vision globale et de développer une capacité à faire des liens. Sans entrer trop dans les détails, il est tout à fait envisageable d’effectuer une courte histoire du cinéma basée sur quelques uns des films majeurs (cf. Courte histoire du cinéma en annexe). Cela ferait l’objet d’un cours de langue basé sur le contenu (l’histoire du cinéma), ce qui est tout à fait adéquat comme nous l’avons vu.
Il faut également introduire les outils d’analyse filmique que sont les techniques et le langage cinématographique. L’enseignant doit connaître ces techniques pour pouvoir les transmettre aux élèves. Il existe plusieurs ressources sur internet qui les regroupent sous forme de glossaire en anglais. Nous en mettons donc un en annexe et nous retenons ici celui de Thaler qui nous paraît adapté au secondaire II par sa clarté et sa concision (Thaler, 38-39) :
Afin de faciliter leur intégration, ces termes doivent être introduits à l’aide d’exemples concrets. Ils seront particulièrement utiles non seulement pour décrire ce que l’on voit à l’image et pour se familiariser avec l’univers du cinéma et du film comme combinaison de techniques et de savoir-faire.

Les compétences

Ce point concerne les compétences d’analyse à développer. Thaler en distingue trois :
-­‐ Listening-viewing
-­‐ Analysing
-­‐ Creating
La compréhension orale est un point central de l’apprentissage d’une langue étrangère (une des 4 compétences de base qui vient d’ailleurs avant le « speaking »). Le film est un bon moyen de travailler cette compétence de manière combinée aux images. De fait, il s’agit de compréhension audiovisuelle ce qui est plus complexe puisqu’il y a deux signaux à interpréter. C’est pourquoi, dans un premier temps, il est important de s’assurer de la compréhension des élèves. Pour cela, l’enseignant donnera une consigne claire quant au niveau de compréhension attendu : général, sélectif ou détaillé selon qu’on sélectionne de manière plus ou moins large l’objet de l’attention. Chaque niveau devrait être couvert afin de montrer les différents degrés de sens présents dans le film en lien avec les techniques
cinématographiques. C’est justement la compétence d’analyse qui s’attache à développer ces aspects. Une fois que les élèves ont été familiarisés avec les différentes techniques, il est temps de voir comment elles sont mises en oeuvre par le réalisateur et quels sont les effets qu’elles produisent. En effet, ces technique sont les procédés visuels dont le réalisateur dispose pour convier le sens qu’il désir transmettre.
Les formes filmiques dans leur ensemble sont complexes et il ne s’agit pas de tout couvrir.
D’une part, car ce n’est pas un cours de cinéma, d’autre part, car comme pour les techniques de caméra, les élèves ne doivent pas avoir l’impression d’être submergés par les notions théoriques au risque de se décourager et de perdre leur motivation.
Selon Bordwell et Thompson, il y a deux dimensions : la dimension stylistique formée de quatre ensembles distincts, et la dimension formelle (narratif ou non-narratif).
Néanmoins, nous avons décidé de ne pas retenir leur schéma ici mais de le simplifier en adaptant leur classification à une formule en trois parties plus facile d’accès. On peut donc voir trois grandes catégories qui constituent un ensemble (réduit) des formes filmiques : la cinématographie, la mise en scène, et la dramaturgie.
La liste n’est pas exhaustive mais procure un point de départ solide en vue d’intégrer les aspects importants à prendre en compte lors de l’analyse. En effet, isoler les différents niveaux formels que sont le son, le mouvement de caméra ou la composition du cadre permet, par exemple, de casser la linéarité de la séquence et de déconstruire le tout pour voir en quoi chaque élément converge (ou diverge) pour contribuer au sens globale.
L’introduction à l’analyse demande de faire des exercices concrets avec les élèves, d’abord sous forme de modelage,10 en analysant avec eux plusieurs séquences. On peut ensuite les faire travailler par groupes en demandant à chaque groupe de se concentrer sur un aspect du film, puis de mettre en commun. Des exercices individuels pourront se faire sous forme de questions de compréhension, questions d’analyse, textes à trous, vrai/faux, ou encore en utilisant la terminologie de cinéma pour décrire des images fixes. (Thaler, 46) Pour comprendre l’association du son et l’image on pourra passer une scène sans le son, en y ajoutant tour à tour différentes bandes sonores et musicales.
Les observations des différentes techniques utilisées doivent être accompagnées d’une explication visant à montrer le sens et les effets de chaque procédé. Par exemple, un plan en contre-plongée donnera une position de puissance au personnage. À l’inverse, un plan en plongée sur un sujet n’aura pas le même sens. Dans M le Maudit (1931), le plan d’ouverture en plongée sur les enfants présente leur vulnérabilité et place ainsi l’enjeu émotionnel du film.
En comparaison, le gros plan accompagné du regard caméra de Collin Firth dans The King’s Speech (2010), suggère l’intériorité du personnage, son inquiétude devant le micro avant de s’adresser au peuple. Le regard caméra permet également de prendre le spectateur à parti, de l’inclure dans l’histoire et ainsi d’accroître sa sympathie envers le personnage.
Ce sont les types d’inférences qui pourront être effectués avec les élèves en vue d’entrer dans la langue par le film et dans le film par la langue. L’analyse sera entrainée de manière extensive afin que l’impact de ces techniques et leurs significations deviennent intelligibles.
Les élèves acquerront ainsi les compétences de lecture de l’image.
L’ultime compétence que Thaler met en avant suite à l’analyse est celle de la création. Celleci peut soit faire partie du cours (dans la phase post-viewing), soit faire l’objet d’un cours en soi. Elle permet de varier les activités autour du film et de donner la possibilité de développer la créativité des élèves. De plus, créer soi-même un scénario, un synopsis ou un storyboard, permet également à l’élève de mieux saisir la nature du film en tant que construction. La création regroupe l’ensemble des activités créatives qui peuvent être réalisées dans le cadre du film ; de la rédaction d’un dialogue à la réalisation d’un court-métrage. Cela n’engagera pas les élèves de la même manière. Tout dépendra de l’objectif visé, du temps et des moyens à disposition. En outre, prendre part à ce processus de création a un impact sur la motivation. Il faut simplement s’assurer qu’il y ait un résultat concret, comme le suggère l’approche TBLL.
Un même exercice peut d’ailleurs prendre différentes formes : on peut créer un dialogue de toute pièce ou pour une scène précise selon un modèle, ou encore pour transformer le sens d’une scène. Thaler soutient même que la créativité n’a pas besoin d’être restreinte à la forme écrite : « Creativity […] can include spoken, manual, scenic, acoustic, visual, and, of course, audio-visual forms. » (47) Cela pourra surprendre certains, mais c’est une façon de permettre aux élèves de s’exprimer en utilisant la langue de différentes manières sans être constamment sous la pression de devoir produire dans les même vieux schémas.

L’attitude

Le troisième élément à prendre en compte lorsqu’on utilise le film en classe, qui terminera d’initier les apprenants à l’approche filmique, est l’attitude à l’égard du film. La posture que l’on doit adopter est induite par les deux points précédents mais il revient à l’enseignant de rappeler à la fois explicitement et par l’exemple le processus de décentration par lequel les élèves doivent passer. Il doivent apprendre à se détacher de la conception du film comme divertissement et d’une approche compulsive de l’image qu’on « zappe ». C’est là le seul moyen de prendre conscience de ce qu’on regarde et d’entrer dans la posture scientifique nécessaire à l’expérience rationnelle du film et à la construction d’un regard critique.
Cependant, si apprendre à lire un film requiert une certaine méthode, c’est une expérience qui doit rester accessible et réalisable pour ne pas générer des frustrations. Thaler rappelle en effet qu’il y a un temps pour tout et que le film doit aussi être regardé avec plaisir, pour ce qu’il est.
Il est également important de se rappeler qu’il n’y a jamais une seule et unique interprétation possible. Comme en littérature, un film (ou extrait de film) peut être compris de différentes manières et il est important de laisser une marge de manoeuvre aux élèves et même de les encourager à construire un raisonnement pour dégager leur propre interprétation.
Enfin, le bénéfice collatéral de cette attitude réside dans l’adoption d’une nouvelle perspective par rapport aux médias. Thaler résume le cheminement de ce changement de point de vue : « Learners should be able to understand and look critically at the nature, techniques and impacts of film messages and productions. By discovering the suggestive power of media and reflecting it, they learn to stand back and avoid purely passive consumption. » (51) On saisit l’importance d’inférer et retranscrire ce que le film suggère et transmet indirectement. Thaler termine par évoquer trois aspects que les élèves auront intégré : les films sont des constructions ; ils sont des produits commerciaux ; ils sont faits pour être interprétés. (Thaler)
On peut encore ajouter que ces compétences développées en parallèles des compétences langagières sont interconnectées avec ces dernières. Dès lors qu’on apprend un sujet en langue étrangère on travaille la langue, que ce soit pour acquérir des outils méthodologiques ou débattre d’un thème, pour analyser une séquence ou rédiger un rapport, la langue est amenée à être utilisée de manière structurante dans chaque étape.

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Table des matières

Introduction
I. Les apports du film dans l’apprentissage de l’anglais:comment la théorie de la didactique de l’anglais justifie l’utilisation du film
1.1 Langue-­‐culture étrangère
1.2 L’approche communicative
1.3 Le film comme matériel authentique
II. Avantages de l’utilisation du film en classe
2.1 Le film comme modèle d’utilisation de la langue en contexte
2.2 Le film comme ressource linguistique
2.2.1 Vocabulaire
2.2.2 Variété des accents
2.2.3 Diction et prononciation
2.3 Le film et l’interculturalité
2.4 Le film suscite l’enthousiasme
2.4.1 L’industrie du cinéma
2.4.2 Quand les élèves deviennent « accros »
2.5 Le film et l’enseignant
III. L’analyse filmique
3.1 Construction d’un regard critique
3.2 Apprendre à lire un film
3.2.1 Les connaissances
3.2.2 Les compétences
3.2.3 L’attitude
3.3 Structurer une leçon basée sur un film
3.4 Exemple d’une leçon basée sur un film
3.4.1 Présentation de la leçon
3.4.2 Déroulement de la leçon
3.4.3 Fiche distribuée aux élèves
IV. Paramètres et difficultés à prendre en compte pour une utilisation adéquate du film en classe
4.1 Objectifs poursuivis
4.2 Niveau de langue
4.3 Technologie à disposition et formats de film
4.3.1 Technologie à disposition
4.3.2 Temps et formats de film
4.4 La question des sous-­‐titres
4.5 Critères de sélection
V. Cinéma et culture de masse : réflexion sur l’utilisation du film en classe
VI.Conclusion
VII. Bibliographie
VIII. Annexes
8.1 Exemples de films exploitables
8.2 Exemples de séries
8.3 Courte histoire du cinéma
8.4 Glossaire des techniques cinématographiques

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