Enseignement du fait religieux et impératifs de laïcité aujourd’hui

L’anticléricalisme, ciment du parti républicain

Influencés par la franc-maçonnerie ou encore par la Ligue de l’Enseignement (crée par Jean Macé en 1866), les Républicains ont foi dans le progrès, dont la laïcité est pour eux un aspect, dans la liberté et la raison. Plus qu’un régime, la République est pour eux une culture, un ensemble de valeurs et d’idéaux qu’ils désirent faire partager et accepter à l’ensemble des citoyens français devenus républicains. Ils veulent une République qui, par l’instruction et le bulletin de vote, assurera le maintien des libertés et l’émancipation des citoyens, considérant l’Eglise comme une force rétrograde, obscurantiste, fondée sur l’ignorance et les superstitions dogmatiques. Mais, si le camp républicain prend ses racines dans le même terreau, les partis qui le composent sont loin d’être unanimes sur les solutions politiques proposées. Un seul point unit alors socialistes, radicaux et modérés : la politique religieuse. Le cléricalisme est alors reconnu comme « un mal nouveau et dangereux qui tout à la fois affaiblit l’Etat, désagrège la société, menace l’unité nationale ». Derrière Léon Gambetta, qui lance à Peyrat le 4 mai 1877 leur nouveau cri de guerre, « Le cléricalisme, voilà l’ennemi », les républicains arrivés au pouvoir pratiquent l’anticléricalisme comme « un article de doctrine » . Le discours républicain frise alors en quelques occasion l’anti religiosité, à l’image du discours de Paul Bert, rapporteur d’une commission à la Chambre et futur ministre de l’instruction publique et des cultes (14 novembre 1881-30 janvier 1882), prononcé dans l’Yonne en 1879 lors d’un banquet républicain: « Il est deux fléaux, le phylloxéra qui se cache sous la vigne et l’autre […], le phylloxéra que l’on cache avec des feuilles de vignes! Pour le premier, nous avons le su lfure de carbone; pour le second l’article »
Dans les conditions qu’a choisit l’Eglise de s’exprimer sur la scène politique, ils affirment envers elle une hostilité irréconciliable et tentent de l’exclure totalement de la vie politique comme de la société en lui retirant les fonctions qui assurent sa puissance : l’assistance publique et l’éducation morale et intellectuelle de la jeunesse.

L’Ecole : terrain d’affrontement stratégique

Comme le montre Mona Ozouf , la victoire allemande de 1870 pose notamment la question de la formation et de l’éducation pour les responsables de la défaite, soldats et décideurs politiques et militaires, et pour ceux de l’insurrection communarde ; question relayée et entretenue par toute la presse française pendant les premières an nées de la République. « Sedan est la victoire du maître d’école allemand », les deux systèmes éducatifs sont comparés et l’école allemande, avec son réseau dense, ses moyens matériels confortables, une situation des instituteurs enviable, apparaît comme un modèle. La défaite est alors expliquée différemment dans les deux camps. Pour les conservateurs, c’est le manque de foi probant de la France, la décadence des mœurs, les publications athées « plus terribles que l’armée prussienne » et cette « funeste philosophie » selon les termesd’Adolphe Thiers, propagée à l’école primaire par « l’introduction de 37000 socialistes et communistes, véritables anti curés, dans les communes. ». Dieu a puni la France, elle doit expier ses pêchés et retrouver le chemin de la foi. Pour les républicains, c’est l’instruction obligatoire, la pratique de la discipline et de la géographie dans leurs écoles qui ont fait le triomphe allemand, face à l’ignorance française. Ils dénoncent, en France, des programmes scolaires mal conçus et inappropriés à la société moderne et surtout les manques à gagner d’un enseignement de l’histoire de France, destiner à insuffler à la jeunesse, nationalisme, patriotisme et héroïsme. Au lendemain de la défaite, ces interprétations variées et les querelles qu’elles provoquent amènent l’idée d’un choix à opérer entre l’Ecole et l’Eglise.
Pour certains, il est nécessaire d’accroître sur elle, l’autorité religieuse, pour d’autres, le divorce est consumé.
La position républicaine sur la défaite rejoint la campagne qu’ils mènent, parallèlement, pour l’instruction des masses, proposée par Gambetta dès le célèbre programme de Belleville de 1869, et menée conjointement par la Ligue de l’Enseignement.
Cercles de discussions locaux, pétitions, conférences et plaidoyers provinciaux, soutien des loges maçonniques, cette campagne contre l’ignorance fait grand bruit. Relayée et entretenue par la presse républicaine, elle est accueillie avec enthousiasme par l’opinion publique. Mais, face au dynamisme des congrégations, à la multiplication des organisations de clercs, et surtout à la campagne ultramontaine menée par les catholiques, le spectre de la restauration monarchique effraye, les républicains sont inquiets. Ils refusent que l’Eglise vienne compromettre leur triomphe et irigent alors leurs assauts contre elle. Leur campagne contre l’ignorance devient celle contre l’instruction cléricale, qu’ils considèrent comme de la « demi-ignorance » : « Passionnée, violente, qui croit à ce qu’elle dit, qui le répète avec véhémence, qui colporte toute calomnie, qui se nourrit des légendes défigurant la tradition républicaine, qui a horreur de la vérité parce qu’elle est impropre à la recueillir, et parce que la passion, le parti-pris, tout s’y oppose ».
Une évolution s’opère alors du thème de l’ignorance à celui de la laïcité. Alors que les responsables religieux disparaissent du Conseil supérieur de l’enseignement public, que les décideurs politiques prennent des décrets contre l’enseignement congréganiste (congrégations non autorisées), dissolvent la Compagnie de Jésus et expulsent ses membres de leurs locaux, la perspective d’une école publique qui deviendrait non confessionnelle se fait sentir. En effet, l’école de la république ne peut être au fond que laïque. La laïcité est indissociable de la cause républicaine : assurer une République pérenne. Elle la fonde et la défend. Avec l’école publique et l’instruction primaire en particulier, les républicains comptent bien lui donner les moyens de son existence. L’Eglise veut, quant à elle, maintenir sa position ancestrale sur le terrain scolaire. Les conservateurs luttent pour la restauration monarchique, contre la République et son Ecole. Le temps les presse : avec l’école laïque, les possibilités d’envisager un retour à la monarchie risquent de s’amoindrir rapidement et de séduire de moins en moins d’électeurs.
La détention de l’institution scolaire est un enjeu fort pour chacune des deux parties. Ce terrain devient un lieu d’affrontement stratégique, l’éducation étant toujours à la confluence d’enjeux idéologiques fondamentaux. Le discours que l’on y tient porte autant de valeurs identitaires dans les deux camps (interprétation de la Révolution et du passé politique de la France), particulièrement dans les domaines de la science et de la morale.
Sur le plan idéologique, ils font ni plus ni moins que la promotion de deux réalités différentes, deux systèmes de pensée opposés. L’Eglise et la République se lancent alors dans une bataille scolaire qui amène Claude Langlois à poser la question suivante : « sur quel terrain idéologique ou pratique se place réellement le conflit : contrôle des esprits ou lutte pour le pouvoir ?»

Former un corps laïque d’enseignants

Il s’agit plus que jamais de former des maîtres républicains afin de libérer les enseignants du contrôle de l’Eglise et de toute entrave locale pour les placer sous la protection de la République et sous la police de l’Etat. « La formation des maîtres apparaît donc comme le lieu matriciel de l’outil scolaire pour faire progresser l’idée de nation républicaine jusque dans les tréfonds de l’âme française » souligne notamment Marcel Grandière . Ainsi s’impose le cadre normalien à partir de 1879, et la formation d’institutrices publiques, entre autres, représente alors un réel enjeu politique. Après 1879, la victoire définitive des républicains amorce un changement d’univers idéologique et de nombreuses voies s’élèvent, dans l’élite politique, pour demander la création d’écoles normales féminines qui ne soient plus confiées à des religieuses mais à des enseignantes laïques, alors que le besoin en institutrices se fait plus grand. Ce projet a notamment pour but de récupérer à l’Eglise ses plus ferventes ouailles : les femmes. Former des institutrices laïques c’est reprendre à la religion son rôle séculaire dans l’instruction des filles afin de leur insuffler l’amour de la république et de la patrie. Jules Ferry se fait alors le porte parole de cette entreprise dans un discours prononcé au Sénat le 1 er août 1879, soit bien avant la loi de laïcisation des personnels.

Laïcisation des personnels et guerre scolaire

Dans les écoles de garçons, le remplacement des instituteurs, plus nombreux en effectifs, se met en place dès les années 1860-1870. La loi est donc immédiatement opérationnelle. Il en est autrement pour les écoles de filles qui connaissent une pénurie d’institutrices laïques. Dans leur cas, le changement est progressif, au fur et à mesure des décès et départs des congréganistes. Le remplacement du personnel congréganiste dans les écoles publiques désormais laïques cristallise la guerre scolaire : l’école du maître contre l’école du curé. Dans les communes, cet affrontement est lisible dans le paysage, le bloc maison commune-école fait souvent face à l’ensemble église-presbytère. Il faut évidemment nuancer cette image restée vive de la mise en place de l’école laïque. Cela touche avant tout les régions de chrétienté où beaucoup refusent néanmoins le conflit lui préférant le compromis. Dans le milieu laïc non plus, l’idée laïque n’est pas une cause unanimement défendue donnant à la laïcisation une géographie complexe comme en témoigne cet extrait de septembre 1886 du Bulletin de la Société générale d’Education et d’Enseignement, publication catholique: « Il est à remarquer que la loi de laïcisation s’applique beaucoup plus suivant son esprit que suivant sa lettre. L’athéisation brutale et sans phases contenue dans la loi, est, dans l’application, une athéisation cauteleuse, savante et progressive. Dans les parties de la France encore très catholiques, là où les écoles libres sont nombreuses, les préfets et les inspecteurs s’entendent pour la laisser, en grande partie, lettre morte : les crucifix sont en place, la prière se fait, et, si le catéchisme s’enseigne trop ouvertement, on ferme les yeux.
Dans ces cantons, un instituteur, qui voudrait être aussi laïque que la loi, serait dénoncé par l’inspecteur et déplacé par le préfet. Par contre, un instituteur de l’Est ou du Midi qui voudrait se comporter comme un de ses confères de Vendée serait impitoyablement révoqué comme clérical. En un mot, on ne donne aux populations que la dose d’athéisme qu’elles sont capables de porter ; (…) ».

Une résistance plus large que les seuls milieux catholiques

Comme le montre notamment Bernard Ménager , le choix communal est fondamental dans la réception de ces lois. Les résistances des communautés d’habitants sont parfois fortes : non respect de l’autorité centrale, passe-droits et camouflages dans les budgets et les effectifs scolaires pour justifier l’impossibilité de créer une école publique, etc. Ces tracasseries administratives rendent difficile la mise en place effective de la politique scolaire. Les moyens de résistance sont polymorphes : pétitions, manifestations des parents d’élèves, des associations de pères de familles rappellent la montée en puissance de l’opinion publique. L’insertion de l’Ecole dans l’espace communal est une donnée fondamentale que les législateurs ne peuvent ignorer. Les autorités municipales jouent un rôle de premier plan dans les questions scolaires (difficultés pour l’enseignant laïque de trouver un logement, on mène la vie dure à l’instituteur laïque…). Face à ces résistances, des groupements corporatistes naissent, qui défendent le personnel laïc de l’enseignement public, à l’exemple des amicales d’instituteurs et d’institutrices, ou de la Ligue de l’enseignement.

La nouvelle école de la République : quelle est elle vraiment ?

L’historiographie républicaine et catholique, les débats houleux qui ont entouré la mise en place de l’école de la République, les attaques que les deux camps se sont réciproquement lancées et leur regard partisan sur les réformes scolaires peuvent fausser la vision de ce que fut vraiment l’école laïque à ses débuts. L’analyse des programmes, des textes normatifs, des manuels et des cahiers d’élèves des écoles primaires et des écoles normales (réalisée surtout pour le département du Nord), sur la première période (1882-1914), fonde plus véritablement celle de la culture de cette nouvelle école.
 Une école déconfessionnalisée.
 Laïcisation de l’univers idéologique de référence.
La laïcité scolaire a, en premier lieu, laïcisé « l’univers idéologique de référence » selon l’expression de Claude Langlois. Les livres de lectures religieux traditionnels qu’étaient notamment La Bible de Royaumont ou encore l’ouvrage de Jean-Baptiste de la Salle, les fameuses Instructions chrétiennes ou les Devoirs d’un Chrétien envers Dieu et les moyens de s’en bien acquitter sont remplacés par des lectures profanes. Le livre de lecture courante Francin et connaît un grand succès dans les milieux scolaires, ainsi que Simon de Nantua de Jussieu, paru dès 1820 et surtout, celui qui est devenu un « lieu de mémoire » selon l’expression consacrée de Pierre Nora, Le Tour de la France par deux enfants, de G. Bruno, best-seller vendu à 7,5 millions d’exemplaires entre 1877 et 1914.
Patrick Cabanel a particulièrement bien exposé les contenus, l’usage et la portée de ces « livres de lecture courante » : « véritables romans scolaires destinés à instruire tout en divertissant (…) qui proposaient aux écoliers de faire le tour de leur nation, au sens le pl us encyclopédique et le plus identitaire du mot : une circulation géographique, en suivant des héros de leur âge sur les routes du pays et de la vie ; une visite du Panthéon des héros et martyrs de la nation ; une réflexion sur son histoire, ses victoires et aussi ses défaites, ses paysages, sa langue, ses valeurs, ses diversités et son unité, son rapport au reste du monde. (…) Leur lecture a d’abord été, le plus souvent, collective, effectuée à haute voix au sein des classes ; ils ont fourni le prétexte à d’innombrables exercices, devoirs et examens ; ils n’en ont pas moins fait rêver les enfants, comme des livres de contes.»

L’instruction civique et morale en tête des matières à enseigner

Pendant longtemps, l’école a affirmé nombre de valeurs très claires : celles du christianisme qui visaient la formation du bon chrétien, et les valeurs d’obéissance au chef.
L’idée : former des sujets soumis et obéissants et non des citoyens. 1882 marque alors une rupture majeure avec la laïcisation de l’école et la réaffirmation, après 1789, de la nécessité de former le citoyen. C’est l’école qui est alors chargée de cette mission, former de bons républicains. La loi du 28 mars 1882 qui laïcise les contenus d’enseignement place alors au premier rang des disciplines scolaires (article 1), un nouvel enseignement, l’instruction civique et morale. Il est intéressant de remarquer que les missions élémentaires assignées à l’école jusqu’alors, apprendre à lire, écrire et compter, viennent seulement après dans les nouvelles prescriptions. Ce nouvel enseignement a plusieurs dimensions, une instructive et une éducative, qui connaîtront des alternances dans l’école primaire. Il s’agit d’abord d’instruire ce qui consiste prioritairement à transmettre un certain nombre de savoirs sur la France (le pays) nécessaires pour que le citoyen comprenne comment fonctionne le système. Cet enseignement, qui relève dans les programmes de l’éducation intellectuelle de la jeunesse, vise à transmettre des valeurs non contestables, qui ne donnent pas lieu à débat. Au cours élémentaire, on se contente d’entretenir les enfants sur« des mots pouvant éveiller une idée nationale tels que : citoyen, soldat, armée, patrie ; commune, canton, département, nation ; loi, justice, force publique ». Au cours moyen, l’enfant reçoit des « notions très sommaires sur l’organisation de la France » : « le citoyen, ses obligations et ses droits ; la commune ; le département ; l’État, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, la justice ». Au cours supérieur, sont surtout abordées des « notions plus approfondies sur l’organisation politique, administrative et judiciaire de la France » : « la constitution, le Président de la République, le Sénat, la Chambre des députés, la loi ; l’administration centrale, départementale et communale, les diverses autorités ; la justice civile et pénale ; l’enseignement, ses divers degrés ; la force publique, l’armée » . L’autre dimension de cette discipline procède de l’éducation morale, détachée dans les programmes de 1882 du reste des enseignements, qui a donc une visée plus large : former un jeune citoyen par l’exercice de la raison et de l’esprit critique grâce à l’apprentissage d’une morale détachée de la religion, ce qui fait davantage débat.
Dès les années 1880-1881, un an avant la loi, des manuels d’instruction civique et morale sont publiés qui proposent des pistes pour cet enseignement primaire. Leurs contenus, très théoriques, avaient pour but principal d’aider le maître. Certains d’entre eux ont connu une grande diffusion. Un des plus connus est le manuel de Gabriel Compayré, Eléments d’Education civique et morale, paru en 1880 puis tous les ans. Son plan respectera l’esprit des programmes de 1882 : famille et école, société et patrie, nature humaine et morale, la société politique. Un autre manuel connaît également un grand succès, diffusé en millions d’exemplaires, c’est celui de Paul Bert, L’instruction civique à l’école (première édition en 1881), « par l’école, pour la patrie ». On ressent déjà davantage le souci d’intéresser les enfants, des vignettes colorées et la tournure narrative des récits ont le mérite d’accrocher un peu plus l’attention du lecteur m ais les histoires racontées sont très artificielles. On peut surtout remarquer le traitement inégal des sujets, deux sont particulièrement développés compte-tenu des savoirs transmis : « le service militaire et la patrie » en onze leçons, premier chapitre de l’ouvrage, et celui sur la Révolution, au chapitre VII, développé en quinze leçons. Ce manuel est très vite mis à l’Index par l’Eglise car il est très pro-républicain, pro-laïque et patriote. Ces deux manuels illustrent la tendance majeure de cet enseignement qui prévaut jusque dans les années 1890. En effet, on peut dégager plusieurs tendances dans les contenus et la manière de faire de l’éducation civique sous la III e République : de 1882 à 1891-1895, l’enseignement de l’instruction civique est très militant et patriotique, il milite pour la Revanche. Entre 1891-1895 et  1914, le message s’adoucit, il est moins guerrier, plus modéré à l’égard de la Revanche mais toujours très pro-républicain. On a peu de traces de cet enseignement dans l’entre-deux-guerres, beaucoup d’enseignants l’ayant abandonné . Néanmoins, dans les années 1930, les manuels semblent plus attractifs et leurs contenus plus diversifiés (maximes, images, textes, rédaction, témoignages, etc.). L’importance de la mission française est réaffirmée, les valeurs républicaines toujours défendues mais le discours est moins guerrier voire même pacifiste après l’horreur de 1914-1918.
Un autre point reste à aborder, représentatif de l’esprit d’instruction civique au début de la République : l’épisode des bataillons scolaires . Leur mise en place témoigne de la volonté des républicains d’intégrer dans l’école un début d’instruction militaire pour préparer la Revanche selon l’idée que très jeune, il faut apprendre aux garçons à se discipliner, à marcher au pas et les initier à des exercices de tir. Cette pratique est effective à l’époque dans plusieurs pays d’Europe. Elle est liée à la volonté de faire la promotion de l’activité physique à l’école. Ainsi, le décret du 6 juillet 1882 crée-t-il ces bataillons scolaires en France: toute école qui compte plus de 200 élèves pourra créer des bataillons scolaires dans le but de développer les exercices gymnastiques et militaires. C’est donc un phénomène urbain, et ils seront instaurés dans beaucoup de villes. Les garçons y sont regroupés, le jeudi après-midi ou le dimanche, pour apprendre à marcher au pas en chantant, pour s’exercer au maniement du fusil et au tir sur cible. La pratique de ces exercices est très réglementée et souvent encadrée par des instructeurs militaires, poussant jusqu’au bout cette logique de formation du soldat. En 1886, environ 45 000 élèves sont inscrits dans les bataillons scolaires. Trente-huit départements, tout l’ouest de la France et une bonne partie du centre, n’en comptent cependant pas . L’esprit revanchard est-il plus vif à l’est ? Très vite pourtant, instituteurs et familles s’interrogent et de fortes critiques émergent : est-ce le rôle de l’école de préparer à la guerre ? De plus, beaucoup de communes refusent ou rechignent sur les coûts engendrés par l’achat des fusils, le paiement de l’instructeur, les frais de costume pour la célébration du 14 juillet… Au niveau local, des conflits très forts naissent entre l ’instituteur et l’instructeur militaire en matière de responsabilité et d’autorité sur les élèves. En outre, la période 1880-1890 est une période tendue entre les républicains et l’armée au niveau politique avec l’agitation boulangiste qui a bien failli fragiliser le régime et la révision du procès Dreyfus qui déchaine les passions et la presse. On constate donc un déclin de ces bataillons scolaires dès 1891-1892, beaucoup disparaissent. Cet épisode fut vite clos puisque l’instruction militaire n’apparait plus aux programmes de 1895.
La dispense de tous ces savoirs au sein de l’école primaire est évidemment fondée sur sa laïcisation. Laïque, elle s’ouvre désormais à toutes les connaissances par amour de la vérité et foi dans l’acte d’éducation. Les nouveaux enseignements et l’esprit dans lequel ils sont développés, veulent favoriser l’unité nationale par la transmission de la même langue, d’une culture commune, à tous ceux qui fréquentent les bans de l’école publique. Ils aboutissent à la reconnaissance partagée de valeurs (liberté, égalité, fraternité, travail, patrie, famille) et de symboles (drapeau national, hymne, Marianne, le 14 juillet) républicains. L’Ecole gratuite, obligatoire et laïque est l’Ecole de la République. Est-elle pour autant ennemie de l’Eglise ? Une « école sans Dieu » comme l’ont tant clamé les catholiques ?

La parenthèse vichyssoise

La parenthèse vichyssoise vient cependant renverser ce qui semblait désormais établi : l’école laïque. A son arrivée au pouvoir en juillet 1940, le gouvernement de Vichy est hostile à l’œuvre scolaire laïque et la « Révolution nationale » inclue une série de mesures contre les défenseurs de l’école publique. Le 3 septembre 1870, la loi interdisant aux congréganistes d’enseigner est abrogée ; le 18 septembre, le gouvernement supprime les écoles normales d’instituteurs, trop républicaines, et exige des instituteurs qu’ils obtiennent le baccalauréat ; le 15 octobre, les syndicats enseignants sont supprimés. Le 6 décembre 1940, les devoirs envers Dieu sont explicitement rétablis dans les programmes primaires.
La guerre scolaire est déclenchée est les deux lois du 6 janvier 1941 vont davantage envenimer la situation par l’introduction de l’enseignement religieux dans les horaires normaux de l’école publique (en option), l’autorisation faite aux prêtres de le dispenser à l’école, et la mesure autorisant les communes à subventionner les écoles libres. Le 2 novembre 1941, à la demande de l’épiscopat français, une subvention de quatre cent millions de francs au profit des écoles privées est inscrite au budget du ministère de l’Intérieur et mandatée par les préfets aux évêques . Cette politique scolaire qui vise à réintroduire Dieu à l’école est menée dans sa majeure partie par Jacques Chevalier, secrétaire d’Etat à l’Instruction publique jusqu’en février 1941. Une partie de l’opinion publique est hostile à ces mesures qui mettent en péril la laïcité, l’Eglise quant à elle les accueille favorablement percevant la possibilité d’un ultime retour au cléricalisme. La gauche catholique est néanmoins réticente à ses mesures rétrogrades. Le gouvernement de Pétain veut faire revenir la société française aux valeurs du christianisme, en réaction aux principes républicains, aux valeurs de progrès portées par la révolution industrielle et aux idées socialistes qu’elle a contribué à développer. Cet abandon des principes libéraux et démocrates, il entend le soutenir par un encadrement étroit de la population par l’Etat dont le corps enseignant, par la mission qui lui est conféré, est un agent. Epuré des Juifs, des Francs-maçons et des démocrates, le corps des instituteurs républicains doit alors former les élèves aux principes du nouveau régime, définis par sa devise : « Travail, patrie, famille » dans cette optique de régénération du peuple qui marque l’état d’esprit de la Révolution nationale. Cette perspective est néanmoins rapidement abandonnée, avec le retour de Laval au pouvoir en avril 1942. Le 17 avril 1945, une ordonnance du Général de Gaulle abroge la législation scolaire de Vichy, sans contrepartie pour l’épiscopat français qui espérer obtenir un statut légal pour l’enseignement privé.

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Table des matières

Introduction
Première partie: Le fait religieux et son enseignement à l’école primaire : naissance d’une guerre scolaire avec l’école gratuite, obligatoire et laïque.(1870-1880)
1.L’anticléricalisme bannière de la laïcité militante
2.Les lois scolaires de Jules Ferry: motivations et enjeux
3.Les lois scolaires: mise en place, réception, répercussions
4.La nouvelle école de la République: qu’est-elle vraiment?
5.Des paris aux bilans: la question religieuse à l’école d’hier à aujourd’hui
Deuxième partie: Enseignement du fait religieux et impératifs de laïcité aujourd’hui
1.Pourquoi enseigner le fait religieux?
2.La place du fait religieux àl’école primaire aujourd’hui
3.Laïcité scolaire et fait religieux: deux concepts antinomiques?
4.Les nouveaux défis de la laïcité
5.Quelle place à la morale aujourd’hui?
Conclusion générale
Bibliographie

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