Le développement de l’enfant et les troubles du comportement 

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Rémi

Rémi est un petit garçon de 6 ans et 3 mois, il est scolarisé au CP. Rémi vit avec ses deux parents et sa petite soeur de 4 ans. La grossesse et l’accouchement se sont bien déroulés. Rémi a fait très peu de quatre pattes et a commencé très vite à marcher. Il parlait peu et n’était pas très actif corporellement avant d’entrer à l’école. C’est un enfant qui présentait des signes autistiques légers avec un gros retard de langage. À ses 4 ans, il jargonnait principalement, tournait sur lui-même, avait des intérêts restreints, ne jouait pas, ne cherchait pas l’interaction et montrait une forme de rigidité psychique. Il a acquis la propreté diurne et nocturne après ses trois ans. Il mangeait bien et dormait bien.
A la maison, Rémi montre un intérêt pour les voitures. Il peut être intolérant à la frustration et peut faire des crises. A l’école, Rémi est en difficulté. Il est à l’écart des autres enfants et paraît immature. Il ne comprend pas certaines consignes et est en retard dans les apprentissages.
Il est venu consulter au CMP sur les conseils de la psychologue de la PMI où il était suivi auparavant. Il avait un suivi en orthophonie mais il s’est arrêté au bout d’un mois à la demande des parents. Il est actuellement suivi par l’orthophoniste du CMP. Le diagnostic posé pour Rémi est un retard global de développement. Il fait partie du groupe de jeux psychomoteurs depuis Septembre 2018.
Un bilan psychomoteur a été fait en Mars 2017. Rémi présente un retard de développement hétérogène. Il a le regard fuyant et peut se couper de la relation en s’enfermant dans des activités répétitives. Il a des difficultés de compréhension et d’expression orale. Rémi est un enfant assez anxieux et immature sur le plan émotionnel, il pouvait pleurer facilement et ne supportait pas la frustration. Les moments de séparation sont difficiles. Sur le plan moteur, il présente des difficultés praxiques et de coordinations. Il présente quelques particularités sensorielles : une hypersensibilité auditive et une auto-stimulation vestibulaire importante. Il présente aussi des difficultés dans la régulation tonico-émotionnelle. Le schéma corporel et l’image du corps restent immature pour son âge.

Matthis

Matthis est un garçon de 6 ans et demi. il est scolarisé en grande section de maternelle. Une demande d’AVS a été faite. Il vit avec ses parents et son petit frère de 3 ans. La grossesse s’est bien passée, il est né un mois avant terme. Marcel et son petit frère peuvent jouer ensemble mais se disputent souvent. Les parents ont remarqué que c’était plutôt son petit frère qui allait vers Matthis et non l’inverse. En général, il ne va pas beaucoup vers les autres enfants.
Il vient consulter au CMP initialement pour un problème de communication et un retard de langage, avec une suspicion de troubles autistiques. A l’école, il est en retard au niveau des acquisitions attendues pour son âge, il a du mal à suivre les consignes et à répondre aux demandes de l’adulte. À la maison, il s’intéresse aux véhicules en tout genre et aime manger certaines textures. Il peut montrer une certaine ambivalence dans son comportement. Avant son entrée à l’école, il a été gardé par sa grand-mère paternelle et a été très exposé aux écrans. Maintenant ses parents limitent la télévision à 20/40 minutes par jour.
Le diagnostic posé pour Matthis par la psychiatre référente est un trouble mixte des conduites et des émotions. Il a rejoint le groupe de jeux psychomoteurs au cours de cette année scolaire, en Décembre 2019.
Un bilan psychomoteur a été réalisé en Novembre 2018. Dans ce dernier, Matthis montre une recherche d’exploration et de stimulation sensori-motrice. Il cherche aussi une contenance et s’appuie beaucoup sur le regard de l’adulte. Il rencontre des difficultés au niveau des coordinations globales et des praxies. Il présente un retard de développement psychomoteur et un suivi en psychomotricité lui est indiqué. Il sera pris en charge individuellement et hebdomadairement auprès d’une autre psychomotricienne avant de rejoindre en plus le groupe en décembre 2019. Il est donc pris en charge par deux psychomotriciennes.
Il est important de noter que récemment l’école souhaite l’orienter dans une classe ULIS (Unité localisée d’inclusion Scolaire), ce qui a fortement bouleversé la famille et qui s’est répercuté sur le comportement et l’anxiété de Matthis.
Les enfants ont tous un suivi en consultation parents-enfants avec la psychologue ou la pédopsychiatre référente. J’y reviendrai un peu plus tard ; ce suivi est très important pour la construction et le développement des enfants mais aussi pour accompagner les parents qui peuvent avoir des difficultés dans la relation avec leurs enfants. C’est donc avec ces premières connaissances des enfants que j’ai commencé à participer aux séances du groupe de jeux psychomoteurs.

Séance et interrogation

La séance

Je commence ici par la seconde séance car c’est celle où j’ai pu prendre contact avec l’ensemble des enfants du groupe, sauf Matthis qui a intégré le groupe au cours de l’année. La semaine d’avant, seulement un enfant est venu au groupe : si la prise de contact fut intéressante avec Rémi, elle ne m’a cependant pas permis d’observer les interactions entre les différents enfants ni le jouer ensemble. C’est pourquoi je décide de commencer par cette seconde séance. Cette séance m’a énormément marquée car je me suis retrouvée face à une sidération à laquelle je ne m’attendais pas.
Les enfants sont tout d’abord entrés dans la salle, je sentais qu’ils étaient perturbés par ma présence. J’étais moi-même assez impressionnée, n’ayant jamais fait de groupe avant et ne connaissant aucun des enfants. Ils avaient l’air très agités et semblaient avoir envie de foncer vers les modules. Après que nous nous soyons présentés, la psychomotricienne leur a demandé de construire un jeu à faire tous ensemble avec une seule règle simple : jouer ensemble. Un jeu de loup garou est alors mis en place par les enfants. Le principe était simple : un enfant joue le rôle du loup et les autres enfants doivent lui échapper. C’est Romain qui a choisi d’être Loup-Garou. S’en suit alors un jeu de course poursuite entre Romain et les deux autres enfants, un jeu où les souris se cachent et le loup doit les attraper. Le jeu tourne davantage en décharge motrice qui semble sans fin, qu’en un jeu structuré avec un début et une fin. Lorsque les souris sont attrapées, elles ne font que repartir. Cette boucle se répète continuellement si l’adulte n’intervient pas pour amener de nouvelles choses. Les interactions entre les enfants étaient très pauvres, c’était quelque chose de difficile pour eux.
Un peu plus tard, nous avons imposé un rôle de boulanger à Romain, qui devait nous vendre des viennoiseries. Romain, qui ne savait que jouer le monstre, semblait décontenancé par ce rôle. Il ne faisait que dire « tiens » en donnant du pain aux autres qui faisaient la queue. Je sentais que l’imaginaire était inaccessible pour Romain, qu’il ne pouvait pas incarner ce personnage. Pourtant les enfants de son âge ont généralement un imaginaire débordant, ou du moins une envie d’incarner des personnages et de le jouer. Pour finir, nous avons entonné la chanson d’au-revoir et ramené les enfants dans la salle d’attente où leurs parents les attendaient.

Mes questionnements

A la fin de cette première séance, beaucoup de questions se bousculaient dans ma tête, j’étais incapable de faire le tri. Quel est ma place dans ce groupe ? Pourquoi cette incapacité à accéder à l’imaginaire ? Pourquoi ne peuvent-ils pas jouer ensemble ? Quel est l’objectif de cette constante mise en mouvement ? Pourquoi le groupe ? Comment prendre en charge ces enfants en psychomotricité ?
C’est dans l’objectif de répondre à toutes ces questions, de mieux comprendre ces enfants et comment les aider, que j’ai décidé de rédiger mon mémoire autour de ce groupe. Tout au long de l’année, j’ai réfléchi à ces questions pour tenter d’y répondre. Je pense que mes premières réflexions ont tournés autour de ma place de stagiaire dans le groupe car je ne pouvais pas m’investir pleinement sans comprendre comment je devais me placer lors de la séance. Rejoindre un groupe ce n’est pas évident, surtout lorsqu’il a déjà commencé depuis plus d’un an. Je trouve donc important d’expliquer ce qui a été difficile pour moi et ce qui m’a permis de prendre mes marques et ainsi de suivre les enfants au cours des différentes séances.

Ma place de stagiaire

J’ai eu du mal à trouver ma place dans le groupe. J’avais tout d’abord l’impression d’être une étrangère, d’être dans un groupe qui n’était pas le mien. La majorité de mes stages se sont effectué en libéral, avec des enfants au profil très différent, relevant souvent des troubles des apprentissages. Je ne connaissais pas la prise en charge groupale dans une structure telle que le CMP. Créer un lien thérapeutique avec un enfant n’est pas simple ; alors en créer un avec plusieurs enfants qui avaient déjà commencé le groupe depuis plus d’un an c’était assez difficile, surtout qu’ils semblaient très perturbés par ma présence.
Je me suis beaucoup mise sur le côté lors des premières séances, pour observer mais aussi pour me familiariser avec cette nouvelle manière de travailler. Je ne savais pas comment aborder les enfants, et je voyais la psychomotricienne qui s’adaptait et parvenait à gérer le groupe malgré le comportement parfois très opposant de certains enfants. J’ai eu du mal à prendre confiance en moi et à me dire que je pouvais aussi avoir un rôle dans le groupe. Nous avons discuté de ces difficultés avec la psychomotricienne qui m’a alors dit qu’il était important que j’essaye de participer aux séances, que mon inquiétude était normale et qu’elle était là aussi pour me guider et me soutenir, ce qui m’a rassurée. C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à m’impliquer plus facilement dans la séance, que j’ai proposé des choses et que j’ai trouvé une place dans ce groupe.
Plus tard, la psychomotricienne m’a demandé d’écrire à propos de l’utilité de certains exercices et de ce qu’ils permettaient de travailler. Cet écrit m’a permis de comprendre plus en profondeur l’intérêt de certains jeux, de structurer ma pensée et aussi de mieux m’adapter au groupe. J’ai vraiment eu l’impression de travailler de concert avec elle lors des dernières séances que nous avons élaborées ensemble, ce qui m’a vraiment permis d’avoir confiance en mes réflexions et dans mes choix.
En parallèle de cette réflexion, j’ai réfléchi aussi sur cette absence d’imaginaire dans le groupe. L’imagination prend une part importante dans le développement de l’enfant et je trouvais étonnant qu’il soit si peu développé chez les enfants du groupe.

L’absence d’imaginaire

Un chose marquante chez ces enfants, c’est cet imaginaire très pauvre. Je ne comprenais pas pourquoi ils avaient autant de mal à y accéder. Même en les poussant, il était très difficile pour eux de créer une histoire ou même d’incarner un rôle.
A. Gatecel (2016) définit l’imaginaire ainsi : « l’imagination est la faculté que possède l’esprit de se représenter des images : connaissance, expérience sensible » (p.11). L’imaginaire permet aussi d’explorer et d’appréhender son environnement de manière sécurisante. Il permet d’accéder à la subjectivité, de faire des expériences internes afin de mieux appréhender le monde extérieur. C’est un passage nécessaire dans le processus de subjectivité. L’imaginaire est aussi le théâtre des émotions et permet de les apprivoiser pour pouvoir entrer ensuite dans la relation avec l’autre. Pour G. Durand (1993), philosophe français, l’imaginaire c’est : « l’incontournable re-présentation, la faculté de symbolisation d’où toutes les peurs, toutes les espérances et leurs fruits culturels jaillissent continûment depuis les quelques un million et demi d’années qu’homo erectus s’est dressé sur la Terre » (p.77). Dans cette définition, G. Durand nous expose lui aussi l’imaginaire comme omniprésent et aussi comme une forme d’exutoire qui permet d’appréhender son environnement et ses émotions. Sans lui, la maîtrise des émotions et fragile. Cette absence peut créer une agitation chez l’enfant qui n’aura pas su canaliser de lui même ses éprouvés. Dans le groupe, on voit bien que l’accès à l’imaginaire est compliqué cette année. On peut supposer que leurs capacités, leur créativité, sont peut-être étouffées par un débordement moteur constant qui bloquent leur imaginaire. Mais d’où vient cette agitation motrice ? A quels critères correspondent le diagnostic de ces enfants et pourquoi ont-ils besoin de cette prise en charge groupale en psychomotricité .
A partir de ce moment, je me suis donc penchée un peu plus sur les troubles des enfants, sur la raison pour laquelle ils sont venus dans le CMP mais aussi sur leur environnement familial. On connaît l’importance des interactions précoces du bébé avec ses parents et son entourage humain proche. Je vais donc développer un peu plus en détail le développement psychoaffectif et moteur de l’enfant ainsi que l’importances des interactions précoces avant d’aboutir aux troubles des enfants.

Le développement de l’enfant et les troubles du comportement

Ici je vais tout d’abord évoquer le développement classique de l’enfant avant de parler plus particulièrement des troubles du comportement. Cet apport théorique me semble important pour mieux saisir ce qui peut poser des difficultés à ces enfants mais aussi pour démontrer l’importance d’une prise en charge.

Le développement psycho-affectif de l’enfant

Les facteurs du développement psychique chez l’enfants sont multiples : génétique, social, environnemental et psychologique. Je vais d’abord faire un point sur le développement cognitif de l’enfant selon Piaget pour ensuite aborder l’importance de l’émotion avec l’apport de Wallon.

L’apport de Piaget

J. Piaget (2012) divise le développement cognitif en quatre stades. Il décrit un développement psychique parfaitement continu avec des stades aux limites nettes. Les manifestations affectives et émotionnelles sont absentes.
– Le stade de l’intelligence sensori-motrice (0 – 2 ans) : Même si l’enfant n’a pas encore accès au langage ni à la fonction symbolique, il élabore à cet âge des substructures qui lui permettront de développer en grandissant des constructions perceptives et intellectuelles ainsi que des réactions affectives adaptées. Au début de ce stade, aux alentours de un mois, l’enfant répète des exercices réflexes qu’il va peu à peu consolider et assimiler. Il passe alors d’une motricité réflexe à des schèmes moteurs (organisations sensori-motrices qui se répètent et se généralisent à des situations analogues). Jusqu’à 5-6 mois, les premières habitudes apparaissent. Elles reposent sur un schème sensori-moteur qui permet d’obtenir un but sans pour autant connaître les moyens pour y parvenir. Vers 6 mois on parle d’adaptation sensori-motrice intentionnelle. Vers 12 mois l’enfant est capable de trouver des moyens nouveaux par expérimentations actives et par combinaison mentales intériorisées. Tout cela aboutit à une compréhension soudaine ou ce que Piaget nomme “insight”.
– La période pré-opératoire de 2 à 6-7 ans : Cette période est marquée par l’apparition de la pensée pré-logique. L’enfant raisonne par essais/erreurs. Il a accès au réalisme, à l’animisme, à l’artificialisme et au finalisme. A ce stade, l’enfant accède également à une intelligence symbolique.
– La période des opérations concrètes (7 à 12 ans) : Durant cette période, l’enfant accède à une pensée logique, cette dernière devient objective ce qui lui permet d’utiliser des supports concrets pour raisonner. Les notions de classification et conservation des quantités sont ainsi acquises. Grâce au langage et à la fonction symbolique, l’enfant acquiert la décentration, la réversibilité ainsi que la capacité de coopération par la socialisation.
L’enfant au cours de son développement cognitif obtient une intelligence représentative du monde dans lequel il devient de plus en plus acteur. De plus, sa motricité réflexe va tendre progressivement vers un jeu spontané et construit. Néanmoins, il est important de prendre en compte le développement affectif du sujet qui est étroitement en lien avec le développement cognitif.

L’apport de Wallon

H. Wallon (1984) a développé les différents stades de développement de l’enfant dans leurs dimensions motrices, psychiques et émotionnelles. Il s’est appuyé sur des observations cliniques pour rendre compte de sa théorie. Il raisonne par étapes de développement qu’il a appelées étapes de la personnalité chez l’enfant. Chaque stade est caractérisé par une activité prépondérante qui sera remplacée par une autre au stade suivant mais plusieurs formes d’activités peuvent coexister avec une qui prédomine sur les autres. Pour Wallon, le développement est discontinu, marqué par des conflits et des crises. On retrouve des chevauchements et des intrications dans les différents stades. Contrairement à Jean Piaget, Wallon met l’accent sur la dimension émotionnelle dans le développement de l’enfant.
Le stade d’impulsivité motrice (entre 0 et 3 à 6 mois) : C’est le stade initial de « l’activité préconsciente ou impulsive ». L’enfant a des activités réflexes autonomes (respiration, succion…), mais la satisfaction de tous ses autres besoins continue à dépendre complètement de son entourage (alimentation, hygiène…). La satisfaction de ses besoins n’est plus automatique d’où la souffrance de l’attente qui se traduit par des spasmes, des cris ou des crispations. C’est de l’impulsivité motrice pure (décharges musculaires, pas de but externe, pas de motivation). Les agitations impulsives de l’enfant deviennent des signes pour l’entourage. Il s’établit alors un circuit d’échanges mutuels qui conditionnent et modèlent réciproquement leurs réactions. Grâce à la maturation des systèmes de sensibilités intéro, proprio et extéroceptives ainsi qu’à l’action de l’entourage humain,le bébé pourra évoluer vers le psychisme et ainsi à la conscience.
Le stade émotionnel (entre 3 et 9 mois). On retrouvre une prépondérance des expressions émotionnelles, des fonctions tonico-émotionnelles qui constituent le mode principal des relations de l’enfant avec son entourage. Les gestes deviennent utiles, expriment les besoins. « c’est une vraie symbiose affective après la symbiose organique de la période foetale » (Wallon, 1956). L’expression de l’émotion émerge (joie, tristesse). Le facteur humain a un rôle essentiel dans le passage au stade émotionnel, celui d’une médiation entre le physiologique et le psychique. L’affectivité a un rôle majeur sur l’évolution de l’enfant. Les origines du caractère viennent de ce stade.
Le stade sensorimoteur et projectif (entre 1 et 3 ans) : Il y a une meilleure association entre mouvements et perceptions, et une conscience plus précise des objets. C’est la naissance de la capacité symbolique, de la représentation de l’objet. Il y a passage de l’action à la pensée. Le mouvement accompagne les représentations mentales. La pensée est projetée à l’extérieur par le geste. L’enfant mime sa pensée, et elle est stimulée par l’action. Le langage permet de renforcer l’identification et la localisation de l’objet, c’est un facteur décisif dans le développement psychique de l’enfant et devient l’expression de la représentation. L’imitation sous-entend une intégration, une représentation mentale (image, modèle), elle est donc nécessairement intelligente.
Le stade du personnalisme (entre 3 et 6 ans) : l’appropriation de son être corporel ainsi que l’appropriation de son être psychologique va permettre l’apparition de la conscience de soi. Il se compose de 3 périodes successives qui ont pour objet l’indépendance et l’enrichissement du moi.
● On retrouve la période d’opposition et d’inhibition avec une attitude de refus, une conscience de lui-même et une revendication.
● Puis la période de grâce, c’est l’âge du narcissisme où l’enfant cherche à se faire valoir et se veut séduisant aux yeux d’autrui et pour sa propre satisfaction

Les interactions précoces

« Un bébé seul ça n’existe pas » (Winnicott, 1943). En effet, le bébé ne peut s’épanouir que grâce à son entourage et aux interactions avec, notamment, la figure maternelle. Je vais essayer dans cette partie de développer plus particulièrement l’importance de ces interactions pour aboutir à l’environnement familial des enfants.

L’apport de Winnicott

D. Winnicott, pédiatre psychanalytique pédiatrique, a effectué de nombreuses recherches au sujet du développement de l’enfant et plus particulièrement dans les interactions entre la figure maternelle et le bébé. Je vais ici développer certaines théories démontrant l’importance des interactions précoces.
Selon Winnicott (2014), pour que le bébé puisse grandir de manière adaptée, structurer son moi et avoir un sentiment continu d’exister, l’environnement doit être suffisamment bon, d’un point de vue humain et personnel. Il insiste donc sur le couple mère/bébé et sur l’importance de la préoccupation maternelle primaire : c’est l’état de la mère pendant la grossesse et quelques semaines après la naissance. Elle réalise une identification projective sur son bébé afin de répondre à ses besoins, quitte à renoncer à ses propres intérêts. C’est une sorte d’hyper sensibilité quasi pathologique. Une femme en bonne santé mentale et physique peut à la fois atteindre cet état et l’abandonner quelques semaines après la naissance de l’enfant. La préoccupation maternelle primaire fournit à l’enfant les conditions nécessaires à son développement. Il y a une sorte d’adéquation totale entre la mère et son bébé, ce dernier pourra alors s’épanouir dans un milieu sécure.
Winnicott met aussi en évidence le rôle de la mère suffisamment bonne qui est capable de suivre les possibilités de son enfant à faire face à la frustration. Elle n’est ni trop longtemps absente, ni trop possessive ou envahissante. Selon Winnicott, une mère trop bonne est une mère qui interfère avec la possibilité de séparation et de développement du vrai self de son enfant. Cette expérience de l’illusion, qui a comme condition la possibilité de l’adaptation active de la mère, est le préalable à l’expérience des phénomènes transitionnels, d’où s’origine la créativité.
Le concept de self (Hartmann, 1950) désigne la représentation de la personne entière incluant le corps et l’organisation mentale. Du self découle le sentiment d’une existence individuelle autonome, la perception que les désirs proviennent de soi et non pas de l’environnement, la différenciation moi/non-moi. Une mère pas suffisamment bonne, trop distante, provoque de l’anxiété chez son enfant, susceptible de perturber son développement et l’établissement de relations sécurisantes. La situation, maintes fois répétée, participe au développement d’un faux self , ce qui rend la distinction soi – non soi fragile voire impossible.
Chez ces enfants, on peut aussi s’interroger sur la qualité du maternage qui pourrait ainsi induire cette difficulté de créativité et donc d’imaginaire. J’y reviendrai un peu plus loin mais ces enfants ont grandi dans un contexte familial particulièrement tendu et difficile, on peut supposer que cela a eu un impact important sur leur développement.

L’apport de Bion

Bion, lui aussi, montre que l’expérience première est fondée sur un vécu corporel en lien avec un environnement suffisamment bon. Ce vécu est le support de l’expérience mentale et son intégration est nécessaire pour le bon développement psychique de l’enfant. Il développe la relation contenant/contenu entre la figure maternelle et le bébé.
Au départ, le bébé est soumis à des sensations brutes (faim, soif, ou tout besoin primaire) qu’il va exprimer sous forme de manifestations toniques ou de cris (ce que Bion appelle les éléments béta). La mère va alors avoir un rôle contenant important pour son bébé, en accueillant ces impressions brutes, pour leur donner du sens et les restituer sous forme de paroles apaisantes (ce que Bion nomme éléments alpha). De cette façon elle détoxifie l’enfant en purifiant les éléments béta impensables en les remplaçant par des éléments alphas, permettant la pensée. C’est un échange organisateur du psychisme pour l’enfant. Sinon le bébé reste en état de surexcitation.
Ces apports théoriques nous montre l’importance de l’environnement familial pour le bon développement du bébé et plus tard de l’enfant. Mais qu’en est-il de cet environnement pour ces enfants ? Peut-on mettre en lien ces éléments théoriques avec leur histoire familiale ?

L’environnement familial des enfants

Toutes ces étapes, ces expériences du bébé que nous venons de voir, sont les prémices de la construction de l’individu. Revenons un peu à l’histoire de ces enfants, peut-on relier ces éléments théorique avec leur passé familial ? J’ai pu discuter avec les différentes référentes des enfants afin de mieux connaître leur environnement familial et j’ai pu constaté qu’ils avaient tous eu une enfance difficile.
Matthis est issu d’une union arrangée. Il y a beaucoup de désaccord entre les parents mais aussi entre le père et la grand-mère qui peut créer un climat de tension chez lui. Il a été mis devant les écrans très jeune, chez sa grand-mère paternelle. Il peut encore faire des crises maintenant si on lui dit “non” pour la télévision. Il n’a pas eu beaucoup d’expérience de jeu lorsqu’il était petit. Aymeric de son côté a vu ses parents se séparer pour violence conjugale lorsqu’il avait un an, puis il a été exposé à la drogue et aux films pornographique chez son père. Romain a lui aussi été confronté à la violence quand il était petit, ses parents se sont séparés pour cause de violence conjugale. Rémi, quant à lui, a été souvent malade durant son enfance ce qui peut aussi expliquer son retard de développement. Ses parents étaient très inquiets pour lui ce qui a créer un lien très fort entre eux et Rémi, en particulier une relation mère-enfant très fusionnelle.
Rappelons ce que théorisent Wallon et Winnicott, si l’environnement humain de l’enfant est insécurisant, il aura des difficultés à se construire psychiquement. Le contexte familial est à mettre en lien avec l’apparition des troubles du comportement chez l’enfant. En effet selon le DSM-V : « Ce trouble est plus fréquent dans les familles où la continuité de l’éducation a été interrompue à cause de la succession de personnes différentes, ou dans lesquelles les pratiques éducatives ont été dures, incohérentes ou négligentes. Il est plus fréquent dans les familles où existe un conflit conjugal grave et semble plus fréquent dans les familles où au moins l’un des parents a des antécédents de trouble de l’humeur, de trouble oppositionnel avec provocation, de trouble des conduites, de déficit de l’attention/hyperactivité, de personnalité antisociale ou de trouble lié à une substance ».

La classification des troubles du comportement selon le DSM-V

On retrouve trois types de comportements selon le DSM-V : Le Trouble Déficitaire de l’Attention Avec Hyperactivité : Il allie donc possiblement un trouble attentionnel, une hyperactivité et une impulsivité. Il touche majoritairement les garçons. Plusieurs facteurs environnementaux sont susceptibles d’intervenir dans l’apparition d’un TDAH : le faible niveau économique des parents, la prématurité, l’alcoolisme et le tabac pendant la grossesse, des violences subis pendant l’enfance, un excès d’écran… Le TDAH pendant l’enfance combiné à des facteurs sociaux et à une hyperactivité/impulsivité peut entraîner untrouble d’opposition avec provocation.
Le trouble oppositionnel avec provocation : Ensemble de comportements négativistes, hostiles ou provocateurs, persistant pendant au moins 6 mois durant lesquels sont présentes quatre des manifestations suivantes (ou plus) :
1. se met souvent en colère.
2. conteste souvent ce que disent les adultes.
3. s’oppose souvent activement ou refuse de se plier aux demandes ou règles des adultes.
4. embête souvent les autres délibérément.
5. fait souvent porter sur autrui la responsabilité de ses erreurs ou de sa mauvaise conduite.
6. est souvent susceptible ou facilement agacé par les autres.
7. est souvent fâché et plein de ressentiment.
8. se montre souvent méchant ou vindicatif.
On ne considère qu’un critère est rempli que si le comportement survient plus fréquemment qu’on ne l’observe habituellement chez des sujets d’âge et de niveau de développement comparables. La perturbation des conduites entraîne une altération cliniquement significative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel. Les comportements décrits ne surviennent pas exclusivement au cours d’un trouble psychotique ou d’un trouble de l’humeur. Le trouble ne répond pas aux critères du troubles des conduites ni, si le sujet est âgé de 18 ans ou plus, à ceux de la personnalité antisociale.
Le nombre de symptômes tend à augmenter avec l’âge. Le plus souvent, les symptômes se manifestent d’abord à la maison et s’étendent, avec le temps, à d’autres environnements. Le trouble apparaît habituellement avant l’âge de 8 ans. Il est plus fréquent chez les garçons que chez les filles. À l’âge scolaire, on peut observer une mauvaise estime de soi, une labilité de l’humeur, une faible tolérance à la frustration, un langage grossier. L’enfant est souvent en conflit avec ses parents, ses professeurs ou ses camarades.
Le Trouble des Conduites : Ensemble de conduites répétitives et persistantes dans lesquelles sont bafoués les droits fondamentaux d’autrui ou les normes et règles sociales correspondant à l’âge du sujet, supérieures à 6 mois. C’est une rupture par rapport au groupe social dans une dimension de transgression ou d’opposition, à la croisée des champs judiciaire, social ou éducatif et psychiatrique. Il faut qu’au moins 3 de ces critères soient présents :
– Agressions envers des personnes ou des animaux.
– Destructions de biens matériels.
– Fraude ou vol.
– Violation grave de règles établies.
C’est un trouble qui touche une majorité de garçon. Son début peut apparaître dès l’âge de 5 ou 6 ans mais, en général, il survient vers la fin de l’enfance ou au début de l’adolescence. Dans la majorité des cas, il disparaît à l’âge adulte, surtout lorsque le trouble est apparu à l’adolescence (plutôt qu’à l’enfance) et que les symptômes ont été peu sévères et peu nombreux, plusieurs parviennent à une bonne adaptation sociale et professionnelle. Une apparition précoce du trouble augmente le risque d’évolution vers un trouble de la personnalité antisociale ou un trouble lié à une substance. Il est donc très important de prendre en charge ces troubles de l’agir dès l’enfance afin d’abaisser au mieux le risque de basculement vers une pathologie plus grave et peut-être irréversible.

Un point sur les troubles autistiques

Pour la CIM 10 (Classification internationale des troubles mentaux et du comportement), les TED sont définis comme un « Groupe de troubles caractérisés par des altérations qualitatives des interactions sociales réciproques et des modalités de communication, ainsi que par un répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif. Ces anomalies qualitatives constituent une caractéristique envahissante du fonctionnement du sujet, en toutes situations. »
Les patient ayant un TED ont en en commun une association de symptômes :
● des troubles de la communication verbale et non-verbale.
● des troubles des relations sociales.
● des centres d’intérêts restreints et/ou des conduites répétitives.
Récemment, le DSM V a ajouté les particularités sensorielles de l’autisme qui est une notion très importante car le système sensoriel est un facteur à prendre en compte dans le développement de l’enfant. L’intégration sensorielle permet à l’enfant d’expérimenter son environnement, de le découvrir et permet à l’enfant de se développer.
Il est important de noter que les enfants du groupe ne sont pas autistes mais deux d’entres eux ont montré des signes autistiques lors de leur arrivée au CMP, comme des stéréotypies ou certaines particularités sensorielles qu’il est important de prendre en compte dans notre clinique.

Le diagnostic des enfants

Ces classifications ne définissent pas l’individu, chaque enfant va être différent et il est important de regarder leur personnalité avant tout. Néanmoins, je trouve que développer les critères du DSM-V de ces troubles permet aussi d’avoir l’esprit plus clair pour comprendre certaines de leurs difficultés mais aussi de leur gravité et de leur retentissement sur leur vie quotidienne. Ce sont des enfants qui auront du mal à s’insérer en société, qui présentent un risque pour eux-même mais aussi pour leur entourage.
Si on revient aux diagnostic de ces enfants, Romain et Aymeric présentent tous les deux des troubles du comportement, avec de la violence notamment envers les enfants de leur âge. Matthis et Rémi ont présenté tous les deux des signes autistiques assez inquiétants, qui se sont améliorés depuis leur prise en charge. Matthis montre lui aussi des troubles du comportement. On a pu voir que le contexte familial de ces enfants étaient particulièrement difficile, parfois ponctué de violence entre certains parents qui ne parviennent pas à s’accorder et qui ne permet pas à l’enfant de s’épanouir dans un environnement sécurisant. Leur construction psychique est fragile, cette fragilité ne se manifeste pas forcément de la même manière mais on trouve quelque chose de commun chez ces enfants : l’incapacité à jouer ensemble et la difficulté pour interagir avec leurs pairs. Parfois, ils ne semblent même pas avoir conscience que l’autre existe. C’est dans les interactions que l’enfant peut construire son identité, c’est pourquoi je souhaite développer l’importance d’une prise en charge groupale pour ces enfants.

Le groupe et le jeu

« Le groupe est en fait particulièrement indiqué chaque fois qu’on aura l’impression qu’il permet d’apporter un cadre contenant soit à des enfants trop sur la défensive, soit à des enfants envahis par leurs affects. Il propose alors un espace médiateur qui permet justement une meilleure élaboration–régulation de l’espace affect–pensée. Le côté expressif non réprimés du groupe autorise la mise en acte de l’affect, mais la multiplicité des expressions avec l’aide des interventions du thérapeute ouvre la voie aux représentations » (Privat, Quélin-Souligoux, 2007, p.12). Si la problématique du comportement se pose, il est important de recréer un espace avec des interactions entre les enfants pour qu’ils puissent trouver d’eux-même les comportements à adopter, grâce à l’étayage de l’adulte. Je vais donc développer l’importance du groupe mais aussi du jeu pour ces enfants.

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Table des matières

I – Présentation du stage 
1 – L’institution
1.1 – L’équipe pluridisciplinaire
1.2 – La salle de psychomotricité
1.3 – Le déroulement de la séance
1.4 – Le cadre des séances
2 – La présentation des enfants
2.1 – Romain
2.2 – Aymeric
2.3 – Rémi
2.4 – Matthis
II – Séance et interrogation 
1 – La séance
2 – Mes questionnements
3 – Ma place de stagiaire
4 – L’absence d’imaginaire
III – Le développement de l’enfant et les troubles du comportement 
1 – Le développement psycho-affectif de l’enfant
1.1 – L’apport de Piaget
1.2 – L’apport de Wallon
2 – Les interactions précoces
2.1 – L’apport de Winnicott
2.2 – L’apport de Bion
2.3 – L’environnement familial des enfants
3 – Les troubles du comportement
3.1 – Définition
3.2 – La classification des troubles du comportement selon le DSM-V
4 – Un point sur les troubles autistiques
5 – Le diagnostic des enfants
IV – Le groupe et le jeu 
1 – Pourquoi le groupe ?
2 – La dynamique de groupe : l’arrivée de Matthis
3 – Le jeu
3.1 – Le jeu spontané
3.2 – Les jeux de décharges
3.2.1 – La course contre le tapis :
3.2.2 – Le cri
4 – Mettre en mot
V – Le débordement tonico-émotionnel 
1 – Le tonus
1.1 – Les différents niveaux toniques
1.2 – Le tonus des enfants
2 – Les émotions
3 – Le dialogue tonico-émotionnel
3.1 – L’apport de Julian de Ajuriaguerra
4 – La manifestation de l’angoisse.
4.1 – Le gentil et le méchant
4.2 – Le monstre
4.3 – Les manifestations toniques
5 – Apport théorique de l’angoisse
6 – La décharge tonico-émotionnelle comme barrière
VI – L’image du corps 
1 – Le dessin du bonhomme
2 – L’image inconsciente du corps : l’apport de Dolto
3 – L’histoire
4 – Les limites
VII – L’intégration sensorielle 
1 – La régulation des flu
2 – Le développement sensori-moteur
3 – Le manque d’intégration sensorielle et le débordement
4 – L’exploration sensorielle : de la sensation à la perception
4.1 – Les haricots et le transvasement
4.2 – Le chaud et le froid
5 – La progression des enfants
5.1 – Romain
5.2 – Aymeric
5.3 – Rémi
5.4 – Matthis
CONCLUSION 
Bibliographie 

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