Le destin de la parole dans les pièces de Montherlant

Le destin de la parole dans les pièces de Montherlant

La parole est l’acte individuel par lequel s’exerce la fonction du langage, c’est-à-dire l’individualisation de la fonction générale de communication en tant que faculté d’exprimer verbalement sa pensée, comme un pouvoir d’expression verbale. L’action se situe dans le champ pratique, elle est une prise de conscience directe du monde dans sa réalité. Elle est mise en mouvement : déplacement, changement, modification perceptible du monde. Cependant, au sens du faire, de l’agir, en d’autres termes, l’action extérieure semble faire défaut dans les pièces de Montherlant: c’est parce qu’elle est supplantée par la parole.

Dès lors, il semble qu’il y ait chez Montherlant une relation entre la parole et l’action; la question est donc de savoir dans quelle mesure la parole a la capacité d’être action, le pouvoir de la parole se développe alors en tant qu’action sur autrui et sur soi, comme le dit Koltès : « L’important, c’est ce qui se passe dans ce que disent les gens. », telle sera la ligne directrice de cette partie.

Le pouvoir de la parole 

La question liée à l’ambiguïté du texte théâtral a été soulevée par Gaétan Picon. Se demandant si le théâtre appartient à la littérature, il a développé l’idée de ses prédécesseurs qui soutient l’appartenance du théâtre au domaine de la parole et de la parole en action. La représentation théâtrale montre des personnages se livrant à l’action de parler, c’est d’ailleurs la seule activité des protagonistes selon l’avis de Pruner . C’est dans le même sens que, plus tard, Ryngaert affirmera : « Qu’il est admis au théâtre, par une convention tacite, que tout discours des personnages est « action parlée» ou en d’autres termes « que parler, c’est faire. ».

De nombreux dramaturges et théoriciens ont également abordé cette question intéressante de l’action dans la parole puisqu’elle relève d’un fait théâtral ; parmi lesquels Anne Ubersfeld qui soutient l’idée que : « Le théâtre est un art paradoxal. […] A la fois production littéraire et représentation concrète. ». Pierre Larthomas remarque aussi le compromis résultant du langage théâtral. Compromis qui se résout, selon Anne Ubersfeld, dans la représentation. Pour les résumer, l’efficacité de la parole se manifeste au théâtre. Le langage y assume donc un rôle de premier plan et se distingue par une spécificité qu’il faut chercher à cerner de plus près. C’est pour confirmer cette thèse que Patrice Pavis ajoute : « Au théâtre, l’action n’est pas une simple affaire de mouvement ou d’agitation scénique perceptible. Elle se situe aussi, et pour la tragédie classique surtout, à l’intérieur du personnage, dans son évolution, ses décisions, donc dans ses discours. D’où le terme d’action parlée ». Parmi tant d’autres, P. Guiraud s’exprime dans le même sens : « Au théâtre le discours n’a pas pour simple fonction d’informer et la parole dramatique est un acte.».

Même si le théâtre moderne, à l’instar de celui des années 1950 avec Artaud, Beckett s’évertue à déprécier la parole, il n’est pas superflu de rappeler l’importance du langage dans la plupart des grandes activités humaines. Le théâtre est l’un de ces domaines où peut être comprise la relation de la parole au geste et à l’action. Chez Montherlant, l’action extérieure, à savoir le mouvement physique des personnages, le faire, est supplantée par la parole agissante.

À travers l’analyse de l’œuvre, il sera question de chercher à faire apparaître la production d’action qui réside à l’intérieur de la parole du personnage : comment le personnage agit. Austin organise sa pensée et la centre sur le langage envisagé comme moyen d’agir. Pour lui, toute phrase énoncée sérieusement correspond au moins à l’exécution d’un acte locutionnaire, illocutionnaire et parfois perlocutionnaire.

Ainsi perçue, la parole, acte de volonté et d’intelligence sera analysée ici comme celle qui produit des effets. Au cours de cette étude le terme parole sera utilisé pour désigner les textes attribués aux personnages par le dramaturge (dialogue, monologue, tirade.). Les dialogues sont des paroles que prononcent les personnages, et celles-ci ont pour effet d’agir sur les interlocuteurs; alors que les didascalies renvoient à toutes les indications scéniques que propose l’auteur pour mieux jouer et se représenter la scène.

Les approches pragmatique de John L. Austin et alii et communicationnelle de Roman Jakobson vont conduire ces analyses du phénomène de la parole en action au théâtre de Montherlant. Ce chapitre traitera successivement de la rhétorique du pouvoir (dans quelle mesure le locuteur, détenteur de l’autorité veut imposer sa volonté), du message dans le discours (traditionnellement les fonctions du langage), les formes du langage. Parce que la parole est action au théâtre, elle ne sera explicitée que dans un cadre communicationnel, en d’autres termes, le sens du discours est précisé par la situation de parole, c’est ce qu’illustrent les propos de Anne Ubersfeld lorsqu’elle souligne qu’ : « Il n’ y a pas de signifiance de la parole hors des conditions de l’énonciation » , quand on parle, il existe des sentiments qui sont communiqués autour du langage.

Pierre Larthomas assimile la situation à l’ensemble d’éléments qui actualisent la parole c’est-à-dire, les circonstances dans lesquelles se trouve l’émetteur, le but qu’il veut atteindre, ses dispositions d’esprit, la qualité de son interlocuteur. Paul Ricœur parle du contenu noématique du projet, c’est-à-dire le pragma. Pour lui, l’action fonctionne avec l’imagination. Ainsi, la parole de ces maîtres des lieux est étroitement liée à l’action qu’elle enclenche à savoir la satisfaction de leur volonté. Ils sont détenteurs de l’autorité nécessaire pour que leurs interlocuteurs soient tenus d’adopter et de suivre la conduite attendue. Autrement dit, action et intention du locuteur sont étroitement liées. Le sens pragmatique de l’énoncé est fondamentalement lié à une situation duale locuteur/ auditeur : la reconnaissance de l’intention par l’auditeur.

Un acte de langage est une unité de parole définie dans sa capacité d’influencer ou d’orienter l’agir. L’énoncé est locutoire en ce qu’il est une prise de parole, production d’une séquence verbale sonore et organisée; illocutoire quand il établit ses conditions de réception et influence les relations entre participants; perlocutoire quand il indique l’effet recherché. On peut le qualifier, dans l’un ou l’autre cas, comme : représentatif ou constatif (soit expositif, soit verdictif); impératif ou directif; promissif; expressif; décisif ou déclaratif . La théorie des actes de langage élaborée par John Austin il y a près d’un demi siècle, ainsi que la pragmatique linguistique sont fondées sur l’hypothèse que dire une chose c’est la faire.

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Table des matières

Introduction générale
Première partie : Action dramatique et philosophie de l’action humaine chez Montherlant
Chapitre I- L’action en déconstruction
I – Les drames du pouvoir et de la grandeur : pouvoir d’action et toute-puissance
II- L’ambiguïté des actes et l’inconstance
III- Une action chaotique
Chapitre II Les ressorts de l’action dramatique de Montherlant
I- La ligne d’action dramatique
II- L’organisation des pièces
Deuxième partie : L’action extérieure et la parole dramatique
Chapitre I Le destin de la parole dans les pièces de Montherlant
I-Le pouvoir de la parole
II- La dialectique du langage
Chapitre II- Fonction dramatique des personnages
I- Les fonctions actantielles et la loi d’alternance
II-Visualisation des schémas actantiels des pièces
Troisième partie : Temps et espace comme éléments constitutifs de l’action
Chapitre I- La spatialisation de l’action dramatique
I- La dualité de l’espace
II- Montherlant et l’unité spatiale
Chapitre II- Le cadre temporel de l’action
I- Le temps en instance
II- L’accélération du temps et la durée de l’action
Conclusion générale
Bibliographie

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