Le décalage entre la communication sociétale et les pratiques de l’entreprise

Les contours de la RSE

Définition selon l’ISO 26 000 La norme ISO 26 000 définit la RSE comme « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement se traduisant par un comportement éthique et transparent qui :
 Contribue au développement durable, y compris à la santé et au bien être de la société.
 Prend en compte les attentes des parties prenantes.
 Respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement.
 Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations». La norme ISO 26 000 présente les grands principes généraux de la RSE : la redevabilité (ou accountability), la transparence, le comportement éthique, la reconnaissance des intérêts des parties prenantes, le principe de respect de la loi, la prise en compte desnormes internationales de comportement, le respect des droits de l’Homme. Ces grands principes doivent guider les actions des entreprises, être intégrés dans la gouvernance, être inclus dans les valeurs véhiculées et impliquent pour cela le respect de deux pratiques :
1) La mesure des impacts des activités et des décisions prises en considérant la chaîne de valeurs et le cycle de vie des produits, de manière systématique et globale les sept questions centrales, la contribution au Développement Durable et les impacts indirects au sein d’un périmètre étendu de sa responsabilité (la sphère d’influence).
2) Les attentes des parties prenantes en les identifiant et en instaurant un dialogue bilatéral.
Définition selon le Livre Vert de la Commission Européenne La Commission Européenne a établi en 2001 un Livre Vert relatif à la RSE et la définit comme « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et environnementales des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec toutes leurs parties prenantes internes et externes ».
Les premières définitions académiques Archie Carroll, ainsi que de nombreux auteurs dont les recherches académiques se concentrent ou gravitent autour de la RSE, considèrent Howard Bowen comme le père fondateur de la notion de la RSE, bien qu’il n’en soit pas le pionnier, dans la mesure où il fut l’un des premiers à structurer les différentes théories et à contribuer à la définir [Acquier, 2005]. Dans son ouvrage fondateur « Social Responsabilities of the Businessman », aujourd’hui quasiment introuvable, notamment en Europe, Bowen définit la RSE comme « la sensibilisation des hommes d’affaires aux valeurs considérables de notre société, et la prise en compte des dimensions morale et éthique dans le processus de prises de décisions économiques et dans les pratiques des dirigeants » [Bowen in Acquier et Gond, 2007]. La RSE permet d’intégrer des préoccupations citoyennes dans les pratiques des entreprises de manière internaliser les problématiques humaines, sociales, économiques et environnementales. Cette définition reste toutefois très théorique. Elle s’en trouve renforcéepar l’intégration de trois nouvelles dimensions: les niveaux de la RSE, les engagements dans les solutions sociales et les valeurs qui animent le sens de la RSE [Carroll, 1979]. Cesdimensions vont dans le sens des orientations de la définition de la RSE donnée par la norme ISO 26 000, notamment dans le fait d’être « intégrée dans l’ensemble de l’organisation et mise en œuvre dans ses relations ». Ces dimensions impliquent également un changement organisationnel très large et une réflexion stratégique de l’entreprise déclinée en trois étapes : la prise de conscience du dirigeant quant à la nécessité de la RSE dans la politique de l’entreprise (policy statements), la compréhension et la caractérisation du problème (learning) et enfin la généralisation de la démarche à toute l’entreprise (organizational involvement and commitment). Gond et Mullenbach-Servayre [2003] soulignent la diversité des définitions en matière de RSE. Il est vrai que plus de 37 définitions différentes issues de 27 chercheurs ont été comptabilisées entre 1980 et 2003 [Logossah, 2013] justifiant l’intérêt du monde académique pour la RSE. Depuis, de nouvelles contributions théoriques ont vu le jour, qualifiant ainsi la RSE de concept caméléon [Gond et Moon, 2011]. La RSE est avant tout un concept multidimensionnel et transdisciplinaire qui intéresse plusieurs champs de la recherche. Il existe toutefois un consensus sur le fait que la RSE est sous l’influence de deux axes majeurs : l’éthique des affaires et la stratégie d’entreprise (Business Ethics) [Gendron, 2000]. La RSE est la reconnaissance et l’exercice de la responsabilité de l’entreprise dans ses relations avec la société. Comme le présentent Aggeri et al. [2005], les premières tentatives de définitions ont permis de distinguer deux approches de la RSE.
a. « La RSE dans la sphère extra-économique de l’entreprise et les principes moraux quisous-tendent l’action managériale. Cette approche, essentiellement qualitative, renvoie à des démarches volontaires », p.53.
b. « La RSE renvoie à un ensemble d’obligations des entreprises envers la société. Cette approche nous semble la plus répandue. Elle peut renvoyer à des démarches volontaires, mais l’ensemble des obligations des entreprises envers la société peut se matérialiser de manière plus contraignante, à travers les lois », p.54. Nous présentons dans le tableau suivant une synthèse des premières tentatives de définition et de formalisation de la RSE ayant contribué au développement de sa réflexion.
Les définitions stratégiques Depuis les premières tentatives de définitions, la RSE a évolué de la prise en considération des dimensions éthiques et sociales dans la conduite des affaires à l’intégration stratégique et managériale dans l’entreprise. La RSE résulte d’une réflexion stratégique dont l’objectif est d’atteindre un niveau de performance (sociétale/globale). D’autres définitions constitutives de cette dimension stratégique ont émergé depuis le début des années 1980 :
 « La RSE est relative à l’atteinte des objectifs organisationnels qui concernent des sujets spécifiques qui ont plus d’effets positifs que négatifs sur les parties prenantes pertinentes de l’entreprise » [Epstein in Mauduit, 2013, p.26] ;
 « Actions réalisées par l’entreprise destinées à l’atteinte d’objectifs sociaux autres que ceux qui sont dans l’intérêt direct de l’entreprise et qui vont au-delà de ce qui est requis par la loi » [McWilliams et Siegel, 2001, p.104] ;
 « Tout concept qui concerne la façon dont les managers devraient mener les politiques publiques et les questions sociales » [Windsor, 2006, p.93] ;
 « La RSE constitue les modalités de réponse de l’entreprise aux interpellations sociétales en produisant des stratégies, des dispositifs de management, de conduite du changement et des méthodes de pilotage, de contrôle, d’évaluation et de reddition incorporant de nouvelles conceptions de performance » [Capron et QuairelLanoizelée, 2007, p.16] ;
 « Stratégie basée sur la triple performance se traduisant par des engagements volontaires au-delà des exigences réglementaires afin de réconcilier les attentes des parties prenantes » [Mercier, 2011, p.18]. Plus largement, la RSE peut être définie comme l’ensemble des principes, des processus et des résultats dans une volonté similaire de synthèse et d’intégration théorique des enjeux économiques, sociaux et environnementaux [Wood, 1991a ; Swanson, 1995]. La RSE permet alors d’apprécier l’impact des activités de l’entreprise et de prendre en considération les relations entre l’entreprise et ses parties prenantes [Attarça et Jacquot, 2005]. Le trinôme économie-social-environnement, transposition de la RSE à la stratégie de l’entreprise, est appelé Triple Bottom Line (triple performance) ou stratégie des 3P : People, Planet, Profit [Elkington, 1994] dont les intérêts sont à concilier.
Définition selon l’ORSE L’intérêt croissant de la RSE comme courant de pensée dominant lié au DéveloppementDurable [Férone et al., 2001], notamment en Europe et en France, a contribué au développement d’un tissu associatif relatif à la RSE. L’ORSE (l’Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises), association française créée en 2000 à l’initiative d’entreprises, d’investisseurs, d’organismes professionnels/sociaux et d’ONG, a été mandaté par le gouvernement pour élaborer une réflexion relative à la RSE. Les différentes définitions semblent alors influencer la perception de la RSE par chaque entreprise et l’ORSE se propose d’aboutir à un consensus de manière à ce que les différentes interprétations ne diffèrent pas, ou peu. « L’idée du Triple Bottom Line conduit à évaluer la performance de l’entreprise sous trois angles [Commenne, 2006, p.37] :
 Environnemental : compatibilité entre l’activité de l’entreprise et le maintien des écosystèmes. Il comprend une analyse des impacts de l’entreprise et de ses produits en termes de consommations de ressources, production de déchets, émissions polluantes.
 Social : conséquences sociales de l’activité de l’entreprise pour l’ensemble de ses parties prenantes : employés (conditions de travail, niveaux de rémunération, non discrimination), fournisseurs, clients (sécurité et impacts psychologiques des produits), communautés locales (nuisances, respect des cultures) et la société en général.
 Economique : performance financière classique mais aussi capacité à contribuer au développement économique de la zone d’implantation de l’entreprise et à celui de ses parties prenantes, respect des principes de saine concurrence ».L’ORSE identifie sept approches de la RSE, auxquelles chaque entreprise peut s’identifier : éthique, environnementale, sociale, citoyenne, développement durable, « stakeholder », financière. La définition de la RSE générée par l’ORSE reprend les principales contributions théoriques. Elle est très proche de la définition initiale de Bowen en plaçant l’éthique comme fondement de la réflexion [Acquier et Aggeri, 2007].
Responsabilité sociale ou Responsabilité Sociétale ? De l’anglais CSR, Corporate Social Responsability, le terme littéralement traduit en français est « Responsabilité Sociale d’Entreprise » et repris comme tel dans nombre de définitions. Si en anglais le terme Social inclut toutes les dimensions de la responsabilité de l’entreprise, en français le terme fait surtout référence aux relations entre l’entreprise et ses parties prenantes internes, notamment les salariés, excluant de fait les dimensions économiques et environnementales. En français, le terme « Social » a progressivement laissé place au terme « Sociétal » qui inclut alors toutes les dimensions du Triple Bottom Line. « Sociétal est un néologisme de la langue française qui, au sens littéral, signifie « qui a trait à la société » ; dans le contexte de la RSE, le terme « Sociétal » est utilisé à la place du terme « Social » de manière à inclure la dimension sociale et environnementale dans la responsabilité de l’entreprise » [Commenne, 2006, p.13]. A ce titre en France, la RSE, sous la tutelle gouvernementale du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie et du Développement Durable, fait référence depuis 2010 à la Responsabilité Sociétale des Entreprises, terme en partie adopté et utilisé par la communauté scientifique [Capron et Cairel-Lanoizelée, 2006 ; Acquier et Gond, 2006 ; Berger-Douce, 2007 ; Mullenbach-Servayre, 2007 ; Igalens, 2009]. En anglais, la RSE peut revêtir d’autres appellations : Corporate Social Performance, Business and Society, Stakeholder Theory, ou encore Sustainable Development.

La RSE, une évidence pour l’entreprise ?

  Préoccupation actuelle des organisations, la RSE ne constitue pas un effet de mode contrairement à la pensée générale mais réellement une lame de fond. La RSE permet en effet à l’entreprise, comme le préconise Bowen dans ses fondements, d’intégrer la dimension sociale (sociétale) dans la conduite des affaires et de respecter des obligations autres que les obligations légales et contractuelles. Cependant, la RSE est largement subordonnée aux résultats financiers de l’entreprise. Une entreprise en bonne santé économique et disposant de ressources financières suffisantes pourra plus facilement s’inscrire dans une démarche RSE pertinente, stable et durable. Un parallèle est établi entre les besoins de l’entreprise et la pyramide des besoins des individus de Maslow [1943]. Carroll [1991] présente alors la pyramide de la RSE : un besoin de niveau supérieur ne peut être sollicité que si un besoin de niveau inférieur a été satisfait. Golli et Yahiaoui, RSE analyse du modèle de Carroll (1991) et application au cas tunisien, p.9, 2009 Les recherches les plus significatives en matière de contributions théoriques ont testé et validé empiriquement cette pyramide des responsabilités sociales [Aupperle, Carroll et Hatfield, 1985 ; Pinkston et Carroll, 1996]. Ainsi, l’engagement sociétal de l’entreprise sous-tend plusieurs niveaux de responsabilités (économiques, légales, éthiques et philanthropiques) variables en fonction du contexte économique, social, législatif et technologique. Dans cette perspective, les responsabilités économiques ont pour objectif de répondre aux attentes des différentes parties prenantes (clients, fournisseurs, actionnaires, salariés) permettant ainsi à l’entreprise de satisfaire son obligation économique et de pérenniser son activité. Les responsabilités légales permettent à l’entreprise d’agir dans le respect des règles légales et institutionnelles définies par la société [Golli et Yahiaoui, 2009]. Quant aux responsabilités éthiques et philanthropiques, elles sont attendues et désirées par la société, en attendant d’être exigées, et peuvent contribuer à l’évolution du cadre légal et institutionnel.

La réputation de l’entreprise

   La RSE permet également de couvrir le risque réputationnel de l’entreprise [Attarça et Jacquot, 2005 ; Acquier et Aggeri, 2007 ; Cardebat et Cassagnard, 2010], la gestion de l’image étant aujourd’hui un enjeu crucial pour l’entreprise [Preston et O’Bannon, 1997]. La réputation est en effet considérée comme un actif, intangible, de l’entreprise, source de création de valeur. La gestion de la réputation est l’un des principaux enjeux de l’entreprise. Selon une enquête Business Risk Report d’Ernt & Young publiée en 2006, une mauvaise réputation entraîne des conséquences négatives pour l’entreprise. Plus l’entreprise est grande et a des impacts forts sur la société, plus le risque réputationnel est important et l’actif intangible élevé. La RSE représente l’assurance, la couverture permettant d’éviter les fluctuations brutales d’activités liées à la baisse de la réputation de l’entreprise [Creyer et Ross, 1996]. L’entreprise est aujourd’hui d’autant plus exposée à ce risque avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, Internet, la viralité des réseaux sociaux où la e-reputation peut faire l’objet de bad buzzs. Même si l’entreprise ne peut effectivement pas gérer tous les paramètres liés à sa réputation, la RSE lui permet d’être proactive en la matière et de se prémunir du risque de passer pour « une mauvaise citoyenne ». Le fait de ne pas reconnaître sa responsabilité sociétale fait encourir un risque réputationnel à l’entreprise [Breka et Kpossa, 2013]. La réputation est le plus important moteur de création ou de destruction de valeur [CIRANO, 2012] et représente en moyenne 35% de la valeur financière de l’entreprise. L’engagement RSE démontre la volonté de se préoccuper des problématiques sociétales et permet à l’entreprise de bénéficier d’une bonne image sociale, levier de sa réputation [Benoît et Delaye in Frimousse et Peretti, 2015], qui joue un rôle important dans l’enjeu suivant.

La performance sociale

   La littérature a longtemps cherché un lien entre la RSE et la performance financière de l’entreprise, sans solidement le prouver ni le réfuter [Capron et Quairel- Lanoizelée, 2004]. Toutefois, certains méta-analyses identifient un très faible lien sans présumer de l’impact direct de la RSE sur la performance financière [Orlitzy et al., 2003 ; Allouche et Laroche, 2005]. A défaut de démontrer ce lien, la littérature a en revanche mis en exergue un lien positif entre la RSE et la performance sociale de l’entreprise dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, en termes de fidélisation du personnel et d’attractivité organisationnelle. Ainsi, les capacités de rétention et d’attraction du personnel ont un impact sur la performance sociale de l’entreprise [Turban et Keon, 1993 ; Judge et Cable, 1997 ; Luce et al., 2001]. La performance sociale de l’entreprise est définie comme « la résultante, positive ou négative, des interactions des salariés d’une organisation dans l’atteinte des objectifs de celle-ci » [Sutter in Baggio et Sutter, 2013, p.7]. La performance sociale est liée au facteur humain et plus précisément aux salariés de l’entreprise. Les indicateurs de performance sociale sont difficiles à identifier mais les plus représentatifs sont le bien-être au travail, la productivité individuelle et collective, l’implication et l’engagement des salariés, la fidélité organisationnelle, les attitudes positives au travail [Gollac et Bodier, 2011]. La fidélisation du personnel et l’attractivité organisationnelle sont des éléments de la performance sociale. L’étude la plus connue étant celle de Murray et Vogel en 1997 qui indique qu’une gestion socialement responsable de l’entreprise favorise la motivation et la rétention des salariés actuels d’une part, et renforce son attractivité pour les candidats potentiels d’autre part. L’attractivité organisationnelle est définie « comme étant la capacité à attirer une maind’œuvre qualifiée et en quantité suffisante pour combler efficacement les postes au sein de l’entreprise » [Levesque, 2008, p.18]. La RSE a un impact positif sur les salariés de l’entreprise qui l’identifient comme étant responsable vis-à-vis de la société civile : baisse des coûts cachés liés à l’absentéisme et au turn-over, engagement organisationnel affectif, attitude plus positive au travail, augmentation de la productivité individuelle et collective [Sims et Keon, 1997 ; Carley et al., 2001]. Les efforts déployés par l’entreprise pour améliorer son image, sa réputation et la prise en considération des intérêts des parties prenantes internes et externes influencent positivement les attitudes et comportements des salariés en termes de satisfaction et d’implication au travail [Riordan et al., 1997]. L’engagement RSE permet alors d’améliorer la compétitivité de l’entreprise, levier de performance globale [Michael, 2002]. La littérature démontre enfin que plus l’image de l’entreprise est positive,plus les salariés actuels lui sont fidèles et sont prêts à déployer des efforts supplémentaires à son égard [Smith et al., 2004]. Aussi, l’entreprise qui bénéficie d’une bonne image auprès de la société civile et d’une réputation d’entreprise citoyenne attire davantage une main-d’œuvre qualifiée, ce qui constitue un avantage concurrentiel et un facteur clef de succès par le fait de susciter l’intérêt des candidats potentiels [Rynes et Barber, 1990 ; Ehrhart et Ziegert, 2005]. Les nombreuses études qui ont cherché à démontrer la relation entre la RSE et l’attractivité organisationnelle d’une entreprise, facteur de performance sociale ont alors mis en évidence que :
 l’engagement RSE améliore l’image de l’entreprise et son attractivité [Davis, 1973 ; Fombrun et Shanley, 1990] ;
 la réputation constitue la médiatrice entre la RSE et l’attractivité organisationnelle de l’entreprise [Turban et Greening, 1997] ;
 l’engagement social (sociétal) est un enjeu majeur et stratégique pour la fidélisation et l’attractivité du personnel [Turban et Greening, 2000 ; Schmidt-Albinger et Freeman, 2000 ; Backhaus et al., 2002]. Cependant, les études conduites sur l’attractivité organisationnelle présentent des limites : l’attractivité organisationnelle est présentée dans les études comme un avantage concurrentiel présumé et non confirmé [Levesque, 2008] ; les études reposent principalement sur des simulations et non sur des études de cas concrètes [Ibid] ; le lien entre l’engagement RSE et l’attractivité organisationnelle de l’entreprise est prouvé mais seulement en situation de stabilité. En effet aucune étude ne traite d’un lien entre la RSE et l’attractivité organisationnelle en contexte de crise et d’instabilité [Capelli, Guillot-Soulez et Sabadie, 2015]. Il reste alors aux chercheurs bien des champs à explorer dans ce domaine.

Soft law ou Hard law ?

  Le champ d’application de la RSE, que North appelle enforcement [1990], implique, à travers la communication sociétale, la prise d’engagements volontaires et unilatéraux au-delà des données sociétales légales et réglementaires. « La commission européenne a adopté en mars2006, après une concertation de 18 mois avec un ensemble large de parties prenantes, une communication dans laquelle est précisé que les engagements en matière de RSE relèvent exclusivement de pratiques volontaires, sans obligations pour les entreprises de prouver leurs résultats » [Bodet et Lamarche, 2007, p.40]. Cela limite la portée de chaque engagement et disculpe les entreprises en cas de pratiques contradictoires puisque leur responsabilité ne peut être directement impliquée. Nous distinguons les notions d’hard law et de soft law. En ce qui concerne la notion d’hard law, outre l’obligation de reporting sociétal, l’entreprise est soumise par son engagement RSE à des obligations juridiques clairement identifiées.  Ses engagements doivent être conformes aux textes suivants : la Charte des Droits de l’Homme des Nations-Unies, la Déclaration Tripartite de l’Organisation Internationale du Travail relative aux principes et aux droits fondamentaux (1998), la Convention des Nations-Unies contre la corruption (1990), la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne du 12/12/2007, les textes internationaux qui impliquent une obligation de reporting, le Global Reporting Initiative et le Global Compact qui imposent l’adhésion à dix grands principes. La hard law constitue alors un corpus juridique contraignant par nature [Dubrion, 2008]. En revanche, les engagements déclaratifs pris sur une base volontaire sont intégrés dans ce qu’il est d’usage d’appeler la soft law. Leur caractère n’est a priori ni obligatoire, ni contraignant. L’entreprise informe les différentes parties prenantes de son engagement RSE par la prise d’engagements véhiculés par des outils de communication sociétale tels que le rapport RSE/Développement Durable, des chartes éthiques et des codes de bonne conduite. Les documents éthiques traduisent les intentions sociétales et affirment les valeurs de l’entreprise. A ce titre, la Commission Européenne précise que les documents éthiques ne doivent pas se substituer à la législation et aux dispositions contraignantes nationales, européennes ou internationales : les dispositions à caractère obligatoire garantissent des normes minimalesqui s’imposent à tous tandis que les codes de conduite et toutes les autres initiatives de nature volontaire ne peuvent que les compléter et promouvoir des règles plus strictes pour ceux qui y souscrivent. Ainsi, les engagements déclaratifs ont valeur d’usage de code de bonne conduite dont le caractère est facultatif. La soft law constitue un corpus para-juridique non contraignant sous forme de normes et de règles internes [Dubrion, 2008 ; Igalens et Peretti, 2008]. La RSE rassemble des corpus juridiques et para-juridiques regroupés dans la notion de Common Law constituée à la fois de règles formelles (lois, constitutions) et de règles informelles (chartes, codes, normes) impliquant le respect de ce champ d’application. Cependant, même si les engagements déclaratifs sont jugés crédibles par la société, aucun dispositif législatif ne contraint l’entreprise à les respecter, ce qui pose le problème de l’évaluation [Gaudu, 2009]. Le discours performatif lié à la RSE met en avant la communication sociétale pour survaloriser l’engagement de l’entreprise et priorise ainsi la soft law sur la loi contraignante [Bodet et Lamarche, op.cité]. Le décalage entre la communication sociétale et les pratiques de l’entreprise repose sur la base de cette soft law (engagements éthiques volontaires) difficilement mesurable. Afin de pallier ce problème, la réflexion progresse pour que les dispositifs relatifs à la RSE puissent être portés devant les tribunaux en cas de non respect des engagements déclaratifs.

Un engagement de façade

   Considérée comme un « Janus » à double face [Oiry et d’Iribarne, 2001], la RSE est censée constituer un engagement réel et concerté avec les parties prenantes soumis à des audits internes et externes selon le principe d’amélioration continue. De nombreux spécialistes remettent en cause cet engagement avec la création d’un double langage entre la communication sociétale et les pratiques réelles de l’entreprise. La communication sociétale proactive protège habituellement l’entreprise des pressions de la société civile et représente son degré d’engagement dans la reconnaissance de sa responsabilité selon le principe du public goodwill [Godfrey et al., 2009]. Le risque réside alors dans le fait que les actes de l’entreprise ne traduisent pas sa communication sociétale qui sera alors qualifiée de symbolique [Théret, 1999]. L’engagement RSE est remis en cause quand il est réduit à desactions de communication sociétale superficielles dans l’unique but de valoriser l’image de l’entreprise. Dans ce cadre, l’engagement RSE est avant tout un acte de communication à l’intention des parties prenantes externes pour construire une image positive de l’entreprise et améliorer son capital réputation [Laprise, 2010]. La défiance de la société civile est d’autant plus grande quand l’engagement RSE est démenti par des pratiques internes perçues comme contradictoires avec l’image construite grâce à la communication sociétale. La communication sociétale de l’entreprise, véhiculée par les sites Internet et les rapports RSE/Développement Durable, contribue à l’habillage vertueux de la RSE [Mercier, 2002, Coulon, 2006]. L’intense production d’actes de communication déclaratifs démontre l’engagement RSE de l’entreprise mais l’expose aussi à l’évaluation de ses indicateurs de performance sociétale. L’entreprise est alors très exposée aux critiques dans la mesure où la qualité et la crédibilité de son engagement repose sur la cohérence entre sa communication sociétale et ses pratiques réelles. Cependant, le renforcement du cadre législatif et des incitations à l’engagement RSE (pressions sociétales, concurrence) développent des comportements mimétiques et d’adhésion contraignante sans réelle réflexion stratégique préalable [Oliver, 1991]. Si l’engagement RSE n’est pas déployé dans l’entreprise, la communication sociétale est réputée de façade [Lordon, 2003], comme une productionsymbolique ou une mise en récit enchantée de la RSE pour justifier de la légitimé de l’entreprise et favoriser l’autorégulation de ses activités [Théret, 1999 ; D’Almeida, 2006]. Cela renforce l’idée d’un décalage, qui prévaut de plus en plus dans la littérature académique relative à la RSE [Acquier et Gond, 2006]. La communication sociétale est qualifiée de symbolique quand elle ne paraît que conforme aux attentes sociales sans que l’entreprise ne modifie son système de production [Ashforth et Gibbs, 1990]. Au-delà du questionnement sur le déploiement de la démarche RSE au sein de l’entreprise, la qualité de la communication sociétale est remise en question. Bien que le GRI propose une norme internationale de standardisation de présentation des rapports RSE/Développement Durable [Moneva et al., 2006], la littérature souligne le manque de crédibilité des informations sociétales. Les critiques émises sont les suivantes :
 les informations sociétales sont incomplètes voire trompeuses [Trébucq, 2011] ;
 les rapports RSE/Développement Durables ne sont pas crédibles en raison de la non concertation ex ante de l’entreprise avec ses parties prenantes et du manque d’audit externe ex post [Adams et Evans, 2004] ;
 les rapports sociétaux manquent d’exhaustivité et de pertinence [Quairel-Lanoizelée,2004].La communication sociétale seulement symbolique permet à l’entreprise de tirer les bénéfices des enjeux liés à la RSE sans supporter les coûts de déploiement de la démarche. Le décalage entre la communication sociétale et les pratiques réelles de l’entreprise n’est toutefois pas dépourvu de conséquences négatives.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 – LE DECALAGE ENTRE LA COMMUNIATION SOCIETALE ET LES PRATIQUES DE L’ENTREPRISE
Introduction de la partie 1
Chapitre I – Un risque manifeste pour l’entreprise
Introduction du chapitre I
Section I – Le décalage entre la communication sociétale et les pratiques 
1. Les contours de la RSE
1.1. Définition selon l’ISO 26 000
1.2. Définition selon le Livre Vert
1.3. Les premières définitions académiques
1.4. Les définitions stratégiques
1.5. Définition selon l’ORSE
1.6. Responsabilité Sociale ou Responsabilité Sociétale ?
2. Principes généraux de la RSE
2.1. RSE et stratégie
2.2. RSE et management
2.3. La RSE, une évidence pour l’entreprise ?
3. Les enjeux de la RSE
3.1. La légitimité de l’entreprise
3.2. La réputation de l’entreprise
3.3. La performance sociale
3.4. Synthèse des enjeux
4. La communication sociétale
4.1. L’enjeu de la communication sociétale
4.2. Initiative volontaire ou obligation
4.3. Soft law ou hard law ?
5. La RSE, un concept limité ?
5.1. Le principe de la RSE ne fait pas consensus
5.2. Un engagement de façade
5.3. Les conséquences pour l’entreprise
Section II – Cadre conceptuel et théorique
1. La théorie des parties prenantes comme une évidence
1.1. Des sources néo-institutionnelles
1.2. Pourquoi la théorie des parties prenantes
1.3. Principes généraux de la TPP
1.4. Typologies académiques des parties prenantes
1.5. Typologie des parties prenantes selon l’ISO 26 000
1.6. Le modèle StakeHolder (MSH)
2. Limites de la TPP
Conclusion du chapitre I
Chapitre II – La communication sociétale dans l’intérim
Introduction du chapitre II
Section I – La fidélisation et l’attractivité organisationnelle
1. Les intérêts des parties prenantes internes
1.1. Le développement de la fonction RH
1.2. Les attentes des parties prenantes internes
1.2.1. Les salariés
a) L’employabilité
b) L’équité
c) L’éthique
1.2.2. La Direction Générale
a) La compétitivité
b) La création de valeur
c) La sécurité
1.2.3. L’encadrement/les managers
a) Le partage de la vision globale et des savoirs
b) Le partage des pouvoirs
2. Vers une GRH socialement responsable
2.1. Le management stratégique des ressources humaines (MRH)
2.2. Une fonction socialement responsable
2.3. Pistes managériales
3. Les conséquences du décalage sur le couple fidélisation/attractivité
3.1. Favoriser une attitude positive des parties prenantes internes
3.2. Le couple fidélisation/attractivité dans la performance sociale
4. L’enjeu de la communication sociétale dans l’intérim
4.1. Un secteur d’activité fortement concurrentiel
4.2. Les externalités négatives de l’intérim
4.3. L’intérêt de l’engagement sociétal des ETT
4.4. Les difficultés d’opérationnalisation de l’engagement RSE
4.5. Les conséquences liées à ces obstacles
Section II – Présentation du terrain de recherche
1. Le secteur de l’intérim
1.1. Présentation générale du secteur
1.2. Un contrat de travail atypique
1.3. Un secteur réglementé
1.4. L’enjeu de l’engagement sociétal
2. Les entreprises de notre terrain de recherche
2.1. Les leaders de l’intérim
2.2. Adecco
2.3. Manpower
2.4. Randstad
Conclusion du chapitre II
Conclusion de la partie 1
PARTIE 2 – L’ENGAGEMENT RSE DES ENTREPRISES DE TRAVAIL TEMPORAIRE 
Introduction de la partie 2
Chapitre III – Cadre général e la recherche
Introduction du chapitre III
Section I – Cadre général de la recherche
1. L’objet de recherche
1.1. Positionnement épistémologique
1.2. La construction de l’objet de recherche
1.3. Des travaux de recherche à visée exploratoire
1.4. Le design de la recherche
Section II – Les caractéristiques de l’étude empirique
1. L’analyse de la communication sociétale des ETT
1.1. Le rapport RSE/Développement Durable
1.2. La grille d’analyse des rapports RSE/Développement Durable
2. L’étude quantitative
2.1. La collecte des données
2.2. La construction de l’échelle de mesure
2.3. La nature de l’échantillon étudié
2.4. La méthode d’échantillonnage
2.5. Le mode d’administration du questionnaire
2.6. Le traitement des résultats
3. L’étude qualitative
3.1. La collecte de données
3.3. La nature de la population étudiée
3.3. Fiabilité de l’étude qualitative
3.4. Validité interne de l’étude
3.5. Validité externe de l’étude
3.6. L’analyse des données
3.7. Le procédé d’abstraction
Conclusion du chapitre III
Chapitre IV – Les résultats de l’étude empirique
Introduction du Chapitre IV
Section I – La communication sociétale des ETT
1. Le rapport RSE/Développement Durable
1.1. La grille d’analyse de la communication sociétale
1.2. Les thématiques de l’engagement sociétal des ETT
2. Les piliers de l’engagement RSE dans la communication sociétale
2.1. L’insertion professionnelle et sociale
2.2. La lutte contre les discriminations
2.3. Le bien-être des intérimaires
2.4. La stabilité de l’emploi
3. Des engagements sociétaux conformes aux attentes des parties prenantes ?
3.1. L’insertion et la discrimination
3.2. Le bien-être des intérimaires
3.3. La stabilité de l’emploi
3.4. Analyse générale de la communication sociétale des ETT
Section II – Les résultats de l’étude quantitative
1. Le questionnaire
1.1. L’élaboration du questionnaire
1.2. La fiabilité du questionnaire
1.2.1. L’analyse factorielle
1.2.2. Le coefficient Alpha de Cronbach
2. L’analyse des données récoltées
2.1. Les données descriptives
2.2. L’échelle de mesure
2.3. Les relations entre les variables
3. Les pratiques réelles des ETT
3.1. Les thématiques identifiées
3.2. Les reproches formulés par les intérimaires
3.3. Analyse
Section II – Les résultats de l’étude qualitative
1. Les données descriptives
1.1. Les caractéristiques des personnes interrogées
1.2. Les items identifiés
2. L’analyse thématique
2.1. La polyvalence
2.2. L’autonomie
2.3. Le sentiment
2.4. L’évolution professionnelle
2.5. La formation
2.6. Les objectifs
2.7. L’environnement de travail
3. Les résultats
3.1. La synthèse de l’analyse de contenu thématique
3.2. La RSE peu présente dans le discours des salariés
3.3. La RSE subordonnée au choix du manager
Conclusion du chapitre IV
Conclusion de la partie 2
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
GLOSSAIRE

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