Le débat public canadien et québécois sur l’arrivée massive des réfugiés indochinois

L’histoire de l’immigration

C’est à partir des années 1970 que les universitaires québécois et canadiens s’intéressent aux migrations et à l’immigration . Au Canada anglais, la politique de multiculturalisme adoptée par le gouvernement fédéral en 1971 donne son coup d’envoi aux recherches dans ce domaine.  Des chercheurs de toutes les sciences sociales et humaines ont participé à ce chantier. Au Québec toutefois, jusqu’à présent, peu d’historiens ont fait de l’immigration leur principal, ou même l’un de leurs principaux objets de recherche .
De fait, l’historiographie n’a pas suivi les mêmes orientations qu’on observe au Canada anglais, aux États-Unis, ou même dans d’autres pays où elle s’est développée. Ainsi, à l’exception de la communauté juive, de loin la plus étudiée, peu de travaux québécois traitent de groupes ethnoculturels particuliers. La plupart portent « non pas sur l’immigration elle-même et sur les immigrants, mais sur l’attitude que la société québécoise, et en particulier ses leaders d’opinion, ont entretenue à leur égard. » . Dans la mesure où nous-même nous nous intéressons au débat provoqué par l’arrivée d’un groupe de migrants, nous pourrons par moments nous y référer. De même, nous mettrons à profit les quelques travaux de sociologie et d’anthropologie qui portent sur l’établissement des Vietnamiens au Québec et au Canada. Mais nous ferons également appel à une littérature scientifique internationale, en particulier pour discuter d’une dimension fondamentale de ce débat: son inscription dans l’histoire des réfugiés. Cette littérature plus spécialisée est moins abondante bien sûr que celle qui porte sur l’immigration – Vanessa Voisin la qualifie de « parent pauvre de l’historiographie » – et elle est particulièrement rare au Québec.

Les politiques fédérales sur les réfugiés

Seul le gouvernement canadien peut déterminer qui a le droit d’entrer au pays. Il a pleins pouvoirs en ce qui concerne le nombre de réfugiés admis et leurs conditions d’admission. Au début du XXe siècle, les politiques canadiennes concernant les réfugiés n’étaient pas définies – un problème ou une situation provoquait la création d’un règlement spécifique – et peu inclusives. C’est surtout à partir des années 1970 que l’on établit des lignes directrices et que ces politiques deviennent plus inclusives. C’est un phénomène qu’il faut certainement lier à la plus grande attention portée aux droits humains par le Canada et par la communauté internationale.
Un réfugié est alors admis en principe sans égard à la couleur de sa peau ou à ses croyances religieuses. Cela dit, l’État canadien détermine, à l’aide de critères d’admissibilité plus clairement établis – principalement, dans la seconde moitié du XXe siècle, la connaissance des langues officielles, la scolarité et les besoins du marché du travail- , de même qu’en fonction de préférences moins officielles ou affichées, si un réfugié peut être accepté au Canada.
Les principales interventions des gouvernements fédéral et provincial au moment de la crise des réfugiés indochinois sont les programmes de parrainage qu’ils créent afin de faciliter leur entrée au pays. Le système du parrainage n’est pas nouveau. Déjà dans l’après-guerre, rappelle Gerald Dirks, plusieurs réfugiés sont ainsi parrainés au Canada . En ce qui concerne la relocalisation des réfugiés indochinois, un programme de parrainage est créé par le gouvernement fédéral en juillet 1979 qui a pour but, explique-t-on dans La Presse, de permettre une participation de la population à l’effort de relocalisation.

L’utilisation de journaux pour cerner le débat

L’ampleur de la couverture médiatique de l’arrivée des réfugiés indochinois au Canada et au Québec nous a incitée à nous concentrer presque exclusivement sur les journaux comme source primaire pour mener notre étude. Effectivement, des sources différentes, en particulier des documents gouvernementaux, pourraient apporter un autre éclairage à ce débat et révéler notamment les négociations auxquelles l’établissement de ces réfugiés a certainement donner lieu entre les gouvernements fédéral et québécois. Nous ne pourrons en rendre compte. En revanche, nous serons attentive à ce que les journaux publient de ces négociations et à la façon dont elles sont perçues par différents acteurs.
De façon générale, les ouvrages de référence et les articles scientifiques nous aideront à situer ce débat dans son contexte historique et à bien comprendre le sens des interventions gouvernementales. Mais nos principales sources sont les éditoriaux, une collaboration spéciale et les lettres des lecteurs parus dans les principaux journaux francophones et anglophones de Montréal, soit La Presse, le Devoir, le Montréal Star et la Gazette. Une étude similaire menée dans le Globe and Mail nous aidera à suivre ce débat à l’échelle canadienne et à suivre, au même niveau, ce qui est dit des rapports entre les gouvernements du Québec et du Canada.

Le moment discursif

Lorsque l’on étudie à partir de la presse canadienne et québécoise l’effet de l’arrivée massive des réfugiés indochinois, la notion de moment discursif définie par la spécialiste en science du langage Sophie Moirand prend tout son sens. Un moment discursif se signale par: la diversité des productions discursives qui surgissent, parfois brutalement, dans les médias, à propos d’un fait du monde réel qui devient par et dans les médias un «événement». Mais un fait ou un événement ne constitue un moment discursif que s’il donne lieu à une abondante production médiatique et qu’il en reste également quelques traces à plus ou moins long terme .
Cette notion est particulièrement pertinente dans le cas de l’arrivée des Boat people au Canada. Le moment discursif, dit Moirand, est caractérisé d’abord par un foisonnement d’articles qui paraissent dans une courte période de temps. Les quelque 285 articles parus au cours des sept mois sur lesquels porte notre analyse en sont un exemple frappant. Le moment discursif laisse également des traces à long terme: c’est de toute évidence le cas du débat sur les Boat people des années 1970, puisque cette expression sera reprise, des années plus tard, lors de départs massifs, par bateau, de réfugiés dans le monde.
Du dépouillement que nous avons effectué dans les journaux, nous avons également retenu des publicités et des caricatures.

Un débat modulé par les événements internationaux

Comme nous l’avons souligné déjà, la presse canadienne couvre inégalement la scène internationale malgré la nuance qu’apporte notre étude à ce sujet avec les éditorialistes qui attirent l’attention des lecteurs sur ces problématiques.  C’est à ce niveau que se joue, dans un premier temps, la crise des réfugiés indochinois, et un journal de la stature du Globe and Mail se doit de la commenter pour cette raison. De plus, bien sûr, elle interpelle le gouvernement canadien et les politiques fédérales d’immigration. Dans Le Devoir et La Presse, on ne commente pas de façon systématique l’actualité internationale mais on s’y réfère, par moments, ce qui est également le cas de la Gazette .
Tous les journaux étudiés traitent du sort des réfugiés et de leur situation dramatique. D’ailleurs, les éditoriaux du Montréal Star, sont principalement axés sur cet aspect de crise. La relocalisation des réfugiés, dont le Star parlait beaucoup au début de la période que nous étudions, est moins commentée après la fermeture du journal. Les politiques canadiennes sont discutées dans la grande majorité des éditoriaux, tous journaux confondus. Toutefois, les éditorialistes de la Gazette se distinguent et se montrent plus attentifs aux initiatives municipales que ceux des autres journaux. Les choix éditoriaux des journaux évoluent au fil des mois et s’adaptent à l’actualité.

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Table des matières

INTRODUCTION 
L’histoire de l’immigration
a. Le concept de réfugiés
b. L’espace public créé par les journaux et l’opinion publique
c. La presse et les nouvelles internationales
CHAPITRE 1 – L’ARTICULATION D’UN DÉBAT 
Les politiques fédérales sur les réfugiés
Les questions qui guident notre analyse
L’utilisation des journaux pour cerner le débat
Le «moment discursif»
L’analyse de contenu et de discours
CHAPITRE 2 – LES ÉDITORIALISTES FACE À LA CRISE
Le débat au fil des mois
Un débat modulé par les événements internationaux
CHAPITRE 3 – LES LETTRES DES LECTEURS: UNE PARTICIPATION EXCEPTIONNELLE 
I. Les lecteurs: des représentants de la société civile et des politiciens 
Les politiciens prennent (encore) la parole
Des organismes interpelés par le sort des réfugiés
Les leaders religieux: un soutien unanime
Les voix des immigrants: solidarité ou mise à distance
Une intervention syndicale
Les membres des professions libérales: une vision positive
II. Questions et préoccupations récurrentes du débat 
Réponses à la National Citizens’ Coalition
L’aide humanitaire
a. Le Canada comme leader
b. Un nouvel holocauste?
Une question politique
L’économie avant tout
La peur d’un contrecoup
Quelques questions moins dominantes
CONCLUSION 

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