Le contentieux de l’ordre de service

Un marché public de travaux est un contrat entre un acheteur public et des opérateurs économiques qui a pour objet la réalisation ou la rénovation d’ouvrages. Il s’agit donc avant tout d’un marché de travaux, aussi courant que n’importe quel contrat de construction. Que ce soit dans le domaine privé ou public, on y retrouve les mêmes acteurs à savoir un maître d’ouvrage, un maître d’œuvre, un entrepreneur, des sous-traitants… Construire un ouvrage reste de la construction qu’importe pour qui on le construit. Pour cette raison, les constructeurs sont soumis aux mêmes obligations de conseil que ce soit pour le compte d’un maître d’ouvrage privé ou public. Les constructeurs sont également redevables des mêmes garanties post-contractuelles peu importe la qualité du maître d’ouvrage.

Cependant, la qualité du maître d’ouvrage a un impact important sur le contrat. Le fait qu’il soit une personne publique ou dotée de certaines prérogatives change en réalité l’équilibre global du contrat. On ne se retrouve plus dans une configuration classique entre un client et un professionnel. Le professionnel ne doit pas tout faire dans un marché public de travaux : le maître d’ouvrage public remplit une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre . Le maître d’ouvrage est en effet investi d’une mission d’intérêt général et donc il doit pouvoir être en mesure d’avoir la main sur ses activités. Il est donc soumis à certaines obligations dont celle de définir précisément son besoin . Il est ensuite soumis à de lourdes contraintes quant à la passation du contrat et se doit de respecter les grands principes de la commande publique que sont l’accès à la commande publique, l’égalité de traitement et la transparence des procédures. La passation doit être effectuée dans le respect du droit de la concurrence.

NATURE ET FONCTIONS DE L’ORDRE DE SERVICE

NATURE

L’ordre de service est un acte unilatéral, écrit, daté, numéroté et signé par le maître d’œuvre. Ils sont toujours adressés au titulaire principal. En cas de groupement, ils sont notifiés au mandataire. C’est pareil pour les ordres de servies relatifs à des prestations sous-traitées, ils sont adressés au titulaire. Cette précision sur la notification est importante parce qu’elle conditionne l’émission des réserves : seul le destinataire des ordres de service est compétent pour les émettre. Le titulaire reçoit l’ordre de service en deux exemplaires : il doit en renvoyer un avec sa signature et la date de sa réception.

Les ordres de services sont généralement émis par le maître d’œuvre mais le maître d’ouvrage peut également en émettre. En effet, il reste la personne pour qui l’ouvrage est construit et possède le pouvoir de direction et de contrôle. Même s’il délègue ce pouvoir au maître d’œuvre, il reste compétent pour émettre un ordre de service . La même solution est retenue concernant le maître d’ouvrage délégué pur l’émission d’un ordre de service à la place du maître d’oeuvre . Il est important de préciser contractuellement les missions respectives de chacun. Ainsi, un arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Paris du 13 février 2007 (SNC Dumez Ile-de-France, n°04PA01640) a déclaré irrégulier un ordre de service du maître d’ouvrage délégué parce que l’accord du maître d’ouvrage était requis. De manière identique, l’ordre de service émis par l’architecte est sans effet lorsque seul le maître de l’ouvrage était compétent . Dans le cadre de marché de partenariat ou globaux, la question ne se pose même pas, le titulaire dispose d’un quasi-monopole sur l’exécution des travaux. La plupart du temps, dans les autres marchés publics de travaux, le maître d’œuvre, en raison de sa compétence technique, délivre l’immense majorité des ordres de service.

La forme de l’ordre de service est définie par le CCAG Travaux mais en pratique, «tout document signé ou ordre quelconque par lequel l’administration ou le maître d’œuvre donne des instructions à l’entreprise doit être qualifié d’ordre de services » . La jurisprudence a eu l’occasion de déterminer la validité certaines formes. Dans l’arrêt « OPHLM de Seine-et-Oise du 5 juin 1953, le Conseil d’Etat a assimilé un ordre verbal non contesté à un ordre de service écrit ». Pour les formes écrites, les juges ont validé plein de moyen comme :

– Un arrêté (CE 31 Octobre 1962 « Société les Constructions de l’Ouest », Lebon page 583.)
– Une lettre (CE 01 Mai 2008 « Société CSM Bessac » n° 288622, Lebon page 814 et 817.
– Une transmission de plans par le maître d’œuvre (CE 26 Juillet 2006 « Commune de Châteauponsac » n° 269052, inédit au Lebon.
– Un accord sur devis (CAA Lyon 03 Février 2011 « SA Thérond Construction vs Hôpital de Langeac » n° 05LY01803)
– Les notes sur les PV de réunions de chantier
– Une télécopie, l’arrêt « Société Lenôtre » de la Cour d’Appel Administrative de Paris en date du 27 mars 2007 (n°04PA03029) admet que les intérêts moratoires commencent à courir dès la transmission d’une facture par télécopie.

L’article 3.1 du CCAG Travaux prévoit également la possibilité de les notifier par voie dématérialisée. La lettre électronique est également valable conformément à l’article 1369-8 du Code Civil. La signature électronique est indispensable dans ce cas-là .

La preuve de la réception incombe à la personne publique .

L’article 3.8 du CCAG Travaux dispose « que le titulaire doit se conformer aux ordres de services, que ceux-ci aient fait l’objet ou non de réserve de réserves de sa part, à l’exception des seuls cas que prévoient les articles 15.2.2 et 46.2.1 du CCAG Travaux ». Il s’agit donc d’un acte exécutoire. A l’image des marchés privés de travaux, l’entrepreneur se retrouve soumis, techniquement et hiérarchiquement au maître d’œuvre. Le titulaire a 15 jours pour formuler des réserves qui ne sont pas suspensives.

C’est donc principalement au maître d’œuvre d’organiser et de diriger le chantier. L’article 9 du décret 93-1268 du 29 décembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrages publics à des prestataires de droit privé liste énonce notamment que le maître d’œuvre délivre les ordres de service et organise et dirige les réunions de chantier. L’ordre de service lui permet donc de remplir plusieurs fonctions au cours de l’exécution du marché public. Ainsi, il peut être utilisé afin de communiquer aux entreprises, de diriger le chantier ou encore de modifier le marché.

FONCTIONS

COMMUNICATION

L’ordre de service peut être utilisé afin de communiquer. Le CCAG Travaux prévoit l’obligation de notifier certaines informations à l’entrepreneur. La forme de l’ordre de service est utile à cette fin. En effet, le titulaire est réputé avoir accepté les prescriptions de l’ordre de service s’il n’émet pas de réserve dans le délai imparti. Dans le CCAG, seul le maître d’œuvre est habilité à émettre des ordres de service mais en réalité, le maître d’ouvrage l’est aussi. Un arrêt de la Cour d’Appel Administrative de Nantes rappelle que même si le maître d’œuvre est en principe compétent pour adresser un ordre de service, rien ne fait obstacle à ce que le maître d’ouvrage prenne un ordre de service en lieu et place du maître d’œuvre parce que les dispositions du CCAG (article 2.51 de l’ancien CCAG dans l’arrêt) n’ont pas pour objet de priver le maître d’ouvrage du pouvoir de contrôle et de direction. Il est judicieux de soit prévoir contractuellement qui a le pouvoir de faire quoi soit de faire en sorte que le maître d’ouvrage se concerte avec le maître d’œuvre s’il veut faire parvenir à l’entrepreneur des informations. A cet égard, l’ordre de service est aussi un moyen de preuve.

DIRECTION DU CHANTIER

L’ordre de service est bien sûr utilisé afin de diriger le chantier, c’est d’ailleurs la matérialisation du pouvoir de direction et de contrôle. Il sert dans toutes les situations pour lesquelles l’Administration dispose d’un pouvoir unilatéral . Pour commencer, l’article 28 du CCAG prévoit que la préparation globale du chantier est organisée par le maître d’œuvre. C’est par l’intermédiaire d’un ordre de service que débute la période de préparation, qui ne peut excéder 2 mois. Seul un ordre de service peut prolonger cette période. Cette phase préliminaire détermine l’organisation du chantier sur le plan du calendrier d’exécution, des installations de chantier, les mesures d’hygiène/sécurité/protection de la santé des travailleurs… Elle permet une mise en relations de tous les intervenants lors de la phase d’exécution. Le calendrier des travaux allotis est également élaboré et notifié à ce moment-là. Ensuite, la date de démarrage des travaux est également notifiée par ordre de service. Durant les travaux à proprement parler, le maître d’œuvre appliquera les obligations contractuelles. Le marché sera pour ainsi dire exécuté normalement.

Le maître d’œuvre peut informer l’entrepreneur de tout problème ou difficultés qui pourraient se présenter. Mais il peut aussi, suivant l’article 39 du CCAG, prescrire toute mesure visant à déceler un vice de construction via un ordre de service et ce, jusqu’à expiration du délai de garantie.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : Ce que l’ordre de service permet
1°) Nature et fonctions de l’ordre de service
1§Nature
2§ Fonctions
A) Communication
B) Direction du Chantier
2°) La question des modifications du contrat
1§ Encadrement général des modifications unilatérales
2§ Articulation entre modifications unilatérales et avenant
3§ Les Travaux supplémentaires
A) Travaux ordonnés, non prévus et hors contrat
B) Travaux non prévus, ordonnés, dans le champ contractuel
C) Travaux non ordonnés
Chapitre II : Ce qu’engage l’ordre de service
1)° L’étendue des droits et obligations des parties au contrat
1§ L’entrepreneur
2§ La Maîtrise d’œuvre
3§ La Maîtrise d’ouvrage
2°) La contestation d’un ordre de service
1§ Le mémoire en réclamation
2§ Recevabilité et Nature du recours
3§ Le principe : l’impossible annulation d’un ordre de service
4§ Les possibilités ouvertes aux parties
Conclusion
Bibliographie

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