Le constat des inegalites sociales et spatiales de sante en france

Le constat des inégalités sociales et spatiales de santé en France

La part des dépenses de santé en France dans le PIB n’a cessé de progresser passant de 9,5% en 2000 à 11% en 2014 . La France figure ainsi parmi les pays de l’OCDE où cette proportion est la plus élevée. Même si la santé est un enjeu crucial dans tous les pays développés, les dépenses de santé n’échappent pas à la nécessité de rationalisation des dépenses publiques accrue depuis la crise financière et économique de 2009. En France, l’objectif national des dépenses d’Assurance maladie (ONDAM), créé par les ordonnances Juppé de 1996, constitue le principal outil macroéconomique de régulation des dépenses de santé. Voté tous les ans par le Parlement lors des discussions sur la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS), il pose un cadre juridique d’évolution des dépenses d’Assurance maladie. Pour 2016, la LFSS prévoit une hausse des dépenses de santé de 1,75%, soit un montant de 185,2 milliards d’euros.

Cette augmentation constante des dépenses de santé pose, en particulier, le problème de leur efficacité. En effet, un montant de dépenses de santé élevé n’est pas nécessairement corrélé avec de meilleurs résultats en matière de santé (OCDE, 2010). Cependant, l’intérêt particulier porté à l’efficacité du système de santé ne doit pas l’éloigner de l’un de ses fondements : la justice sociale. Différentes théories de la justice sociale coexistent mais il est possible d’établir une typologie, en particulier pour la santé et l’accès aux soins (Gadreau and Schneider-Bunner, 1997). Le premier courant, égalitariste, implique une diminution des inégalités de santé (égalité de résultats) et d’accès aux soins (égalité de moyens)  . Il s’agit alors de limiter les obstacles à l’acquisition de soins mais aussi de permettre l’accès à un même traitement pour un même besoin. La seconde école de pensée, « libérale », voit au contraire la justice sociale comme inefficace. Pour ce courant, le bon fonctionnement de la société ne peut être atteint que via les mécanismes de marché. Ce dernier est le seul moyen de combiner de manière efficace les actions individuelles tout en respectant deux principes fondamentaux : la liberté individuelle et la propriété privée. Ainsi, l’accès aux soins s’organise également au sein d’un marché : l’efficacité repose alors sur l’élaboration d’un système d’assurances privées. Enfin, selon le courant rawlsien les institutions de santé doivent permettre d’obtenir un panier minimum de soins qui comprend « les services nécessaires pour maintenir, restaurer ou compenser la perte de fonctionnement normal ». Par ailleurs, les plus pauvres et les plus malades doivent avoir un accès favorisé au système de santé.

Le système de santé français se place principalement dans le courant égalitariste de justice sociale. En effet, la loi de santé publique de 2004 rappelle que « la politique de santé publique concerne : […] la réduction des inégalités de santé, par la promotion de la santé, par le développement de l’accès aux soins et aux diagnostics sur l’ensemble du territoire ». Le principe d’équité horizontale consiste à fournir aux personnes qui ont les mêmes besoins de soins un accès égal aux soins. A ce titre, l’égal accès aux soins fait également partie des droits fondamentaux inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne . La Commission des Déterminants sociaux de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en 2009, insiste sur l’importance de l’accès aux soins comme principal déterminant du bon état de santé des populations. Il semble donc qu’au regard des différents courants de la théorie de la justice sociale, le système de santé français ne pourrait être à la fois efficace et égalitaire. Cependant, des travaux ont montré que ces deux objectifs n’étaient pas nécessairement contradictoires. Tout d’abord, l’OCDE (2010) indique qu’une amélioration de l’efficacité des dépenses permettrait de réduire les inégalités sociales de santé, qui sont définies comme les différences d’état de santé selon les groupes sociaux. Par ailleurs, une étude récente montre que les inégalités sociales de santé engendrent 707 000 décès supplémentaires pour les pays de l’Union Européenne, ce qui représente 20% du montant des dépenses de santé de cette zone (Mackenbach et al., 2011). Ainsi, il apparaît que les deux critères ne sont pas incompatibles dans la mesure où une hausse de l’efficacité des dépenses tend à améliorer l’équité du système de santé mais également qu’une diminution des inégalités d’accès aux soins implique une réduction des dépenses de santé. Dans cette thèse, nous concentrerons l’analyse sur la compréhension des inégalités sociales de santé (ISS) et de recours aux soins et non sur la mesure de la performance du système de santé .

La question des inégalités d’accès aux soins renvoie à la question de la définition du besoin de santé exprimé par les individus. Arrow dans son article fondateur en 1963 a été le premier à mettre en avant le caractère particulier de la demande sur ce marché spécifique. Tout d’abord, la demande de soins est précédée par les besoins de santé. La demande de santé mesure l’écart entre un état de santé perçu et un état de santé désiré. Ce besoin, pour l’individu, est expliqué par une détérioration de l’état de santé perçu ; l’incertitude relative à cette dégradation est une caractéristique forte de la demande de soins. Ainsi, les besoins de santé au sein de la population sont très hétérogènes. Newhouse (1989) explique que les disparités de recours à des soins primaires peuvent être expliquées pour près de la moitié par les caractéristiques individuelles contre 8% en ce qui concerne les soins hospitaliers. Cette très forte hétérogénéité des besoins de soins au sein de la population peut rendre délicates les analyses en termes de déterminants des inégalités d’accès aux soins. Pour limiter ces difficultés, nous réduisons l’hétérogénéité supposée des besoins de santé et donc de la demande de soins des individus en nous focalisant sur des populations avec des pathologies similaires. De facto, nous faisons l’hypothèse d’une certaine homogénéité des besoins au sein de ces populations particulières. Par ailleurs, de nombreuses études montrent d’une part que la probabilité de recours et d’autre part que le nombre de visites chez le médecin ne sont pas distribués de manière uniforme entre les groupes sociaux (Doorslaer et al., 2004; Bago d’Uva and Jones 2009; Jusot 2013; Devaux, 2013). Malgré un système de santé qui a longtemps été considéré comme le meilleur au monde , la France se caractérise par de très fortes ISS. Chez les hommes, un ouvrier et un cadre ont des espérances de vie à 35 ans très différentes : 41 ans et 47 ans respectivement (Blanpain, 2011). On observe également des disparités de consommations de soins entre les groupes sociaux à état de santé donné. L’analyse d’Or et al. (2009) révèle clairement que les européens de plus de 50 ans possédant les plus hauts revenus consomment plus de soins (visites chez le généraliste et le spécialiste, vaccination contre la grippe, examens des yeux, coloscopie et mammographie), à état de santé donné.

Par ailleurs, une récente étude compare les inégalités de recours à certains soins (visite chez le généraliste, le spécialiste, le dentiste, le dépistage du cancer du sein et du cancer du col de l’utérus) entre 16 pays de l’OCDE en contrôlant des besoins de santé (Devaux, 2013). Pour la France, les données de l’ESPS (Enquête sur la Santé et la Protection Sociale) 2008 de l’Irdes (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé) sont utilisées et un indice de concentration est calculé pour mesurer le degré d’iniquité dans le recours aux médecins et aux dépistages. Les résultats indiquent une inégalité d’accès aux soins pour les médecins généralistes dans la moyenne des pays étudiés mais soulignent aussi clairement un gradient social dans le recours aux médecins spécialistes en faveur des plus riches. La France se place dans une position singulière avec le niveau d’iniquité le plus élevé. Ainsi, à besoin de santé identique, la France se caractérise par un accès privilégié aux médecins spécialistes pour les personnes ayant un statut socio-économique supérieur.

Les inégalités sociales de santé peuvent également se renforcer selon les territoires. On observe ainsi de très forts écarts départementaux de mortalité globale : le niveau le plus faible concerne le département de la Seine-Saint-Denis, avec un taux brut de mortalité de 5,5 pour 1000 habitants, contrairement à la Creuse caractérisée par un taux de 15,6 pour 1000 habitants en 2013. Par ailleurs, concernant l’espérance de vie à la naissance, il existe de nettes différences entre les départements français. Pour les hommes, elle était en 2013 de 75,3 ans dans le Pas-de-Calais contre 81,1 ans à Paris. Pour les femmes, les mêmes disparités apparaissent avec l’espérance de vie la plus faible à 82,6 ans et la plus élevée à 86,1 (respectivement pour les mêmes départements). Ensuite, des différences dans le recours aux soins existent selon le lieu de résidence des individus. Ces écarts d’accès au sein des territoires peuvent être, en partie  , expliqués par des différences de disponibilité de l’offre de soins entre les régions et les départements mais aussi à l’intérieur de ces territoires entre les zones urbaines et rurales (CESE, 2013). Par exemple, les densités de médecins généralistes vont de 66 pour 100 000 habitants en Seine-Saint-Denis à 126 dans les Pyrénées-Orientales, en 2013. Pour les spécialistes, le département caractérisé par la plus faible densité est la Haute-Saône (31 pour 100 000 habitants) contre 241 à Paris.

Du fait de ces très fortes disparités régionales et départementales, la mise en œuvre de la politique de santé a été progressivement transmise aux territoires et en particulier aux régions dans le cadre d’une politique de déconcentration. La territorialisation du système de santé commence en 1970 avec l’instauration de la carte sanitaire qui visait à réguler l’offre de soins des hôpitaux en instaurant des ratios d’équipements par région (Coldefy et Lucas-Gabrielli, 2012). Ensuite, les différentes générations de Schéma régional d’organisation des soins (SROS) visaient à planifier l’offre de soins sur les territoires afin de répondre au mieux aux besoins des populations. La loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) de 2009 renforce le processus de territorialisation du système de santé via la création des agences régionales de santé (ARS) dont le rôle est la gestion de la politique sanitaire et médico-sociale au niveau des régions. L’une des  compétences majeures de ces ARS est la création d’établissements et services de soins . Ces autorisations dépendent des besoins de la population sur les territoires concernés. Ainsi les ARS peuvent ajuster au mieux l’offre de soins à la demande de soins et donc lutter contre les inégalités d’accès aux soins. De plus, la loi HPST précise que les ARS doivent élaborer un projet régional de santé (PRS) d’une période de 5 ans. Ce PRS fixe les priorités de la politique régionale de santé. L’atteinte des objectifs présentés dans le PRS nécessite la mise en place de contrats entre les établissements et les ARS : les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom). Ces contrats permettent aux ARS de préciser auprès des établissements leur place dans l’offre de soins sur le territoire, et donc d’organiser cette offre en fonction des besoins, mais aussi de donner des objectifs de performances (qualité des soins, efficience économique) aux établissements (DGOS, 2012). En complément de cette politique de rationalisation a priori, la lutte contre les inégalités sociales et spatiales de santé se fait également a posteriori. Ainsi, depuis 2011, la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS), accompagnée de la HAS et de l’ATIH, suivent en routine les taux de recours à un certain nombre de prises en charge (césarienne, chirurgie de la cataracte, chirurgie bariatrique…) afin d’identifier les territoires aux plus grandes variabilités (Le Bail et Fouchard, 2015). Chaque institution a un rôle particulier. L’ATIH calcule les taux de recours aux différentes procédures et transmet ces données directement aux ARS. La HAS réalise les recommandations visant à améliorer les pratiques. Il y a ainsi 33 procédures qui sont des priorités nationales en termes de suivi des variations géographiques de pratiques en France. Ces procédures sont sélectionnées selon certains critères : un volume d’activité important, un volume en hausse durant les trois dernières années ou bien de fortes variations entre les régions. A partir des données transmises aux ARS, ces dernières peuvent engager des procédures de réductions des variations de pratiques en particulier grâce à de la contractualisation entre l’ARS, les établissements et la CNAMTS. Par exemple, dans les Pays de la Loire, l’ARS demande aux établissements d’atteindre un objectif de 50% de chirurgie ambulatoire alors que ce taux était précédemment de 39%. En Alsace a également été instauré un taux limite de césarienne de 20%.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1. LE CONSTAT DES INEGALITES SOCIALES ET SPATIALES DE SANTE EN FRANCE
2. LES FACTEURS EXPLICATIFS DES INEGALITES SOCIALES ET SPATIALES DE SANTE
2.1 L’effet des facteurs de demande / caractéristiques des agents
2.2 Effets de l’offre de soins
2.3 L’effet de la géographie
3. QUESTIONS DE RECHERCHE
4. PLAN DE LA THESE
CHAPITRE 1 LA PERTINENCE DES PRATIQUES D’HOSPITALISATION : UNE ANALYSE DES ECARTS DEPARTEMENTAUX DE PROSTATECTOMIES
1. INTRODUCTION
2. DONNEES ET METHODES
2.1 Les sources de données
2.2 L’approche de modélisation
2.3 La spécification des modèles
3. RESULTATS
3.1 Variables départementales
3.2 L’offre au niveau régional
4. DISCUSSION
5. CONCLUSION
Annexe 1
Annexe 2
CHAPITRE 2 PHYSICIAN VISITS FOR PATIENTS DIAGNOSED WITH CANCER AND HEART DISEASE: THE ROLE OF FINANCIAL AND INSURANCE FACTORS
1. INTRODUCTION
2. DATA
3. EMPIRICAL STRATEGY
4. RESULTS
4.1 Descriptive statistics
4.2 Regression results
5. ROBUSTNESS CHECKS
6. CONCLUSION
Appendix 1
Appendix 2
CHAPITRE 3 DETERMINANTS OF REGIONAL VARIATION IN NATIONAL ORGANIZED BREAST CANCER SCREENING PROGRAM IN FRANCE
1. INTRODUCTION
2. DATA AND VARIABLE DEFINITIONS
3. EMPIRICAL STRATEGY
4. RESULTS
4.1 Descriptive statistics
5. REGRESSION RESULTS
6. ROBUSTNESS CHECKS
7. DISCUSSION
Appendix 1
Appendix 2
CONCLUSION GENERALE

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