Le comportement de prospection pour la nourriture

Le comportement de prospection pour la nourriture

1. Contexte de la thèse Cette thèse s’inscrit dans un contexte sociétal où les questions environnementales sont de plus en plus présentes. Les questions environnementales associées à l’agriculture sont nombreuses : usage de pesticides, perte de biodiversité, destruction des sols, pollution des eaux, déforestation ou déclin des pollinisateurs. L’agriculture conventionnelle, en particulier, est souvent pointée du doigt, à la fois par des médias, des politiques, des chercheurs, mais également par de nombreuses associations issues de la société civile (LPO1, WWF2, Greenpeace3, etc.). De plus en plus, les politiques agricoles affichent l’intention de changer les pratiques actuelles vers des pratiques dites agro-écologiques (FAO, 2017), c’est-à-dire, au sens large, des pratiques mobilisant plus intensément les processus écologiques. Parmi ces pratiques, la réintroduction d’une plus grande diversité de plantes dans les agrosystèmes est probablement l’approche agro-écologique qui a reçu le plus d’attention des chercheurs ces dernières années (Altieri, 1999; Malézieux et al., 2009; Ratnadass et al., 2011; Gaba et al., 2014). Ces recherches s’inscrivent dans une longue histoire de recherche et de débats en écologie sur le rôle de la diversité biologique au sens large dans les processus écologiques. Depuis les travaux pionniers en écologie sur la diversité biologique (Odum, 1953; MacArthur, 1955; Elton, 1958), de nombreux champs de recherche ont émergé cherchant un lien entre la diversité biologique et les services qu’elle peut rendre ou le fonctionnement des écosystèmes (Loreau et al., 2001; Diaz et al., 2007; Cardinale et al., 2012). Plusieurs années de recherche ont permis de mettre en évidence un effet positif de la diversité en espèces végétales sur certains processus clefs des écosystèmes comme la production de biomasse et le recyclage des nutriments (Cardinale et al., 2007; Cardinale et al., 2011). Pour d’autres processus écologiques important en agriculture comme le contrôle des ravageurs ou des maladies, l’effet de la diversité en espèces végétales est plus incertain (Ratnadass et al., 2011). Ces mécanismes de régulation impliquent, en effet, de nombreux niveaux trophiques. Incluant généralement les végétaux, les herbivores et les prédateurs d’herbivores, leurs interactions complexes limitent notre capacité à les prédire et les mobiliser. 000000000000000000 Etudier les effets de la diversité biologique, comme la diversité végétale, pose deux questions majeures. La première est de déterminer quelle est la diversité végétale qui agit sur le processus que l’on observe. Désignant idéalement la diversité du vivant dans son ensemble, il existe en conséquence un grand nombre de définitions de la diversité biologique, ou biodiversité (Swingland, 2001; Mason et al., 2005; Mayer, 2006), parmi lesquelles les chercheurs doivent trancher (cf. Encadré 1). La deuxième question est de savoir quels sont les mécanismes qui expliquent les effets de la diversité biologique. Par la suite, la variation en espèce végétale a été considérée (diversité spécifique) (cf. section 2.3), mais également le rôle de la diversité en tant qu’habitats pour les espèces impliqués, comme les ennemis naturels des ravageurs (cf. section 2.4.1). En effet, la diversité végétale dans les agrosystèmes peut fournir des habitats favorables à ces ennemis naturels, c’est-à-dire leur fournir des ressources trophiques et des conditions nécessaires à leur survie, leur reproduction et leur action sur les ravageurs. L’importance de ces effets dépend des habitats – et des traits qui y sont associés – ainsi que de leur agencement dans le temps et dans l’espace. 00000000000000000 2.1. Ravageurs « forever » Depuis que les hommes font de l’agriculture, ils doivent composer avec de multiples organismes herbivores qui endommagent leurs cultures et qui prélèvent une partie de leurs récoltes. Or, il est rarement possible d’éradiquer ces espèces ravageuses (Myers et al., 1998; Myers et al., 2000) et de nouvelles espèces problématiques apparaissent régulièrement (Tabashnik, 1983; Hokkanen, 2000). Lutter contre les ravageurs a souvent été, et sera probablement encore longtemps, un enjeu majeur pour les agriculteurs. De la rotation des espèces cultivées à l’usage de jachères visant à perturber le cycle de développement du ravageur, en passant par l’usage d’espèces auxiliaires (introduction de prédateurs exotiques par exemple), à l’action directe sur la mortalité des ravageurs (pesticides), les stratégies employées pour le contrôle des ravageurs dans l’histoire sont nombreuses et diversifiées. Suite à l’essor de l’industrie chimique après la 2nde guerre mondiale, l’usage des pesticides, très efficaces à court terme sur le contrôle des ravageurs, s’est répandu rapidement auprès des agriculteurs, jusqu’à devenir aujourd’hui la stratégie la plus communément utilisée (Bourguet et Guillemaud, 2016). Cependant, la mise en pratique de cette stratégie a eu plusieurs effets non désirés, sur la santé humaine (Bourguet et Guillemaud, 2016), mais également sur l’abondance des communautés d’arthropodes prédateurs bénéfiques à l’agriculture (Longley et al., 1997; Thomas et Jepson, 1997; Benton et al., 2002). L’émergence de limites à cette méthode, telle que la fréquence croissante d’apparition de résistances aux pesticides chez certains ravageurs (Barrès et al., 2016), questionne également sa pertinence sur le long terme. L’ensemble de ces effets négatifs a entraîné un regain d’intérêt pour des stratégies de contrôle moins nocives, utilisant plus intensivement les processus écologiques. En particulier, le contrôle biologique par conservation a reçu une attention croissante depuis 40 ans (Altieri et Letourneau, 1982; Jonsson et al., 2008; Begg et al., 2017). 0000000000000000 La principale approche employée pour cette stratégie de contrôle des ravageurs consiste à ajouter – ou maintenir – dans les agrosystèmes des habitats distincts des cultures cibles. Les habitats considérés sont principalement des espèces végétales, disponibles spontanément dans la parcelle ou planifiés par l’agriculteur, qui auront la capacité de favoriser les ennemis naturels en leurs procurant des abris ou des ressources alimentaires (Ratnadass et al., 2011). La manipulation des habitats dans le but d’augmenter les ennemis naturels dans les parcelles n’est pas une idée nouvelle. Dès 324 av. notre ère, on retrouve de telles pratiques dans des citronneraies en Chine, où les déplacements de fourmis Oecophylla smaragdina ont été favorisées par l’ajout de bambous entre les ramures des arbres dans le but de faciliter le contrôle biologique de chenilles et de coléoptères (Hajek, 2004). On peut tracer le début de l’intérêt des scientifiques occidentaux pour cette approche bien avant l’avènement des pesticides avec les écrits de Elton (1927, 1958) et de Root (1973). L’approche prend cependant de l’ampleur dans les années 1990-2000 (Andow, 1991; DeBach et Rosen, 1991; Pickett, 1998; Gurr et al., 2000; Hajek, 2004). Depuis, de nombreuses stratégies ont été explorées et certaines ont permis localement de mettre au point des systèmes de contrôle des ravageurs par conservation économiquement viables (Settle et al., 1996; Landis et al., 2008; Maas et al., 2013; Pywell et al., 2015). L’intérêt pour cette approche est toujours d’actualité, cependant son efficacité pour le contrôle des ravageurs est toujours fortement et fréquemment discutée (Chaplin-Kramer et al., 2011; Letourneau et al., 2011; Tscharntke et al., 2016; Begg et al., 2017; Karp et al., 2018) (section 2.3 & 2.4.2) et reste une approche minoritaire auprès des agriculteurs (Hajek, 2004; Begg et al., 2017). 000000000000000000000 2.4.1. Caractéristiques des habitats favorables aux ennemis naturels Les habitats sont définis classiquement comme étant les ressources ou les conditions présentes dans un espace qui provoquent l’occupation par un organisme donné, permettant sa survie et sa reproduction (Hall et al., 1997). Bien que le terme « favorable » puisse être considéré comme redondant avec cette définition, nous l’utilisons ici pour cibler les habitats qui sont favorables aux ennemis naturels impliqués par une stratégie de contrôle biologique. Les espèces végétales peuvent avoir différentes fonctions pour les ennemis naturels. Elles peuvent leur procurer des ressources trophiques ou non-trophiques (Ratnadass et al., 2011) (Fig. I- 2). Ces fonctions impliquent chacune des traits spécifiques chez les plantes (Gardarin et al., 2018). Les ressources trophiques mobilisables par les ennemis naturels, par exemple, impliqueront des traits différents chez les plantes selon si elles sont fournies directement, c’est-à-dire issues de leurs organes (nectar, pollen, graines ou feuilles), ou bien indirectement, c’est-à-dire issues d’organismes qu’elles abritent (proies ou miellat). Les ressources trophiques peuvent être, selon les plantes, plus ou moins attractives ou accessibles. Elles peuvent être fournies en qualité ou quantité variables et pendant des périodes plus ou moins longues et fréquentes. Les autres fonctions non-trophiques des habitats sont classiquement associées à un rôle d’abri contre les prédateurs, les conditions climatiques et les pressions anthropiques. Certains organes des plantes (pilosité, domaties, tiges creuses), ou leur architecture procurent des microclimats ou des abris qui peuvent avoir une fonction de refuge pour certains ennemis naturels. En définitive, les habitats favorables combinent généralement des fonctions d’abri et de ressources trophiques. Les résidus des plantes sont moins souvent évoqués comme habitats favorables potentiels pour les ennemis naturels (Ratnadass et al., 2011). Pourtant, tout autant que les végétaux, ces derniers peuvent être le support de proies détritivores et également servir d’abris (Eitzinger et Traugott, 2011; Xu et al., 2015). 2.4.2. Mécanismes d’action des habitats favorables sur le contrôle biologique par conservation Les habitats favorables peuvent avoir des impacts variés sur les ennemis naturels : ils peuvent améliorer leur survie, leur reproduction, promouvoir leur immigration dans les parcelles agricoles, mais également modifier leur comportement de manière à influencer leur efficacité pour le contrôle biologique par conservation (Fig. I- 2).

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Table des matières

Table des matières
Résumé
Summary
Chapitre 1 : Introduction générale
1.Contexte de la thèse
2.Contrôle biologique par conservation
2.1. Ravageurs « forever »
2.2. Définition
2.3. Améliorer l’impact des ennemis naturels par la diversification végétale
2.4. Améliorer l’impact des ennemis naturels par la manipulation des habitats
2.5. Manipuler l’organisation spatiale des habitats favorables
2.6. Ajustement des stratégies de contrôle biologique aux spécificités des agrosystèmes
2.7. Cas de la thèse
3.Les apports de l’écologie du paysage pour l’étude de l’organisation spatiale
3.1. Les patrons spatiaux et l’échelle du paysage.
3.2. Les outils de l’écologie du paysage
4.Le comportement de prospection pour la nourriture
4.1. Cadre conceptuel sur les mouvements animaux
4.2. Effet des habitats sur le comportement de prospection
5.Une approche de modélisation pour l’étude de l’effet de l’organisation spatiale sur les déplacements de prospection pour la nourriture
5.1. La simulation et la modélisation en renfort de l’expérimentation
5.2. Modèle mécaniste spatialement explicite et individu centré
5.3. Modélisation des déplacements de prospection
6.Démarche et objectifs de la thèse
Chapitre 2 – Le cas des dermaptères du genre Euborellia dans les bananeraies de la Martinique
1.Caractéristiques de l’agrosystème des bananeraies de la Martinique
1.1. Les bananeraies de la Martinique, des monocultures semi-pérennes en voie de diversification?
1.2. Le charançon du bananier Cosmopolites sordidus : un ravageur majeur du bananier
1.3. Le dermaptère Euborellia caraibea et ses habitats favorables.
2.Effet de l’organisation spatiale des habitats dans les bananeraies diversifiées de la Martinique sur les dermaptères du genre Euborellia
2.1. Introduction
2.2. Matériels et méthodes
2.3. Résultats
2.4. Discussion
Annexes TABLE DES MATIERES
Chapitre 3 : Effet de l’organisation spatiale des habitats dans les parcelles agricoles sur le contrôle biologique par conservation : une étude de modélisation individu-centrée
Avant-propos
Abstract
1.Introduction
2.Materials and Methods
2.1. Plots simulation
2.2. Model processes
2.3. Model parameters
2.4. Model outputs
2.5. Model analysis
2.6. Qualitative analysis of parameter value choices
3.Results
3.1. Banana plant level
3.2. Plot level
4.Discussion
4.1. Dilution effect at the plot level
4.2. Edge length at the banana plant level
4.3. Which organisations of alternative favourable habitats are best for CBC at the plot level?
4.4. Conclusions
Appendix: Supplementary materials
Chapitre 4 : Effet des habitats sur le comportement de prospection du dermaptère Euborellia caraibea.
Avant-propos
1.Les résidus de bananiers modifient le comportement de prospection d’un arthropode prédateur généraliste des bananeraies de la Martinique: analyse des déplacements nocturnes du dermaptère Euborellia caraibea en mésocosme expérimental.
1.1. Introduction
1.2. Matériels et méthodes
1.3. Résultats
1.4. Discussion
2.Mise en perspective des résultats au moyen du modèle Foragescape
Annexes
Chapitre 5 : Discussion générale
1.Effet de l’organisation spatiale des habitats dans la parcelle agricole sur le contrôle biologique par conservation
1.1. Apports conceptuels
1.2. Cas d’E. caraibea et du charançon dans les bananeraies de la Martinique
1.3. Généralisation aux agrosystèmes pérennes et aux arthropodes prédateurs terrestres et généralistes TABLE DES MATIERES
2.Retour sur la méthodologie
2.1. Démarche générale de la thèse
2.2. Habitat favorable et habitat défavorable
2.3. Notion de parcelle agricole
2.4. Transfert des outils et des métriques de l’écologie du paysage dans la parcelle agricole
2.5. Représentation du mouvement par une marche aléatoire corrélée.
2.6. Modification des déplacements sur les résidus
3.Répercussions pratiques des connaissances
3.1. Pour une meilleure prise en compte de l’effet de dilution
3.2. L’organisation spatiale, un levier pour les agriculteurs sur le contrôle biologique par conservation ?
3.3. Dispositif de suivi des insectes nocturnes en mésocosmes expérimentaux
3.4. Connaissances sur les dermaptères de la Martinique4.Perspectives
4.1. Valorisation des données non analysées
4.2. Suite de la démarche de « pattern-oriented modelling »
4.3. Relier l’effet per capita des prédateurs aux autres composantes du CBC
Conclusions générales
Références bibliographiques

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